L'homélie du dimanche (prochain)

12 juin 2010

Chassez les mauvaises odeurs !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Chassez les mauvaises odeurs !

 

Homélie du 11° Dimanche du temps ordinaire / Année C

13/06/2010.

 

Quand mettons-nous du parfum sur notre corps ?

Dans l’Antiquité, lorsque l’hygiène était moins accessible et régulière, l’utilité première du parfum était de cacher des odeurs corporelles pour le moins gênantes… Cette utilité physiologique est toujours à la base du réflexe du déodorant du matin : le spray sous les aisselles, le stick large sur le torse doivent assurer une « protection » rapprochée – comme disent les publicités ! – pour toute la journée de travail. Afin de ne pas sentir mauvais, tout simplement.

 

Très vite, le parfum a été utilisé en même temps pour séduire. Sans connaître encore la puissance des phéromones, hommes et femmes ont su que la communication entre eux passe également par le nez : les odeurs expriment l’appartenance à un groupe (pêcheurs ou carnivores, forêts ou savanes…), la subtilité d’un arôme a pour effet d’attirer ou de repousser… Le roman de Patrick Süskind : « le parfum » a immortalisé l’extraordinaire importance sociale du lien olfactif. Pas de sentiment amoureux, pas de collaboration de groupe (pensez aux effluves dans le vestiaire d’une équipe sportive !), pas d’amitié ou de travail sans une communication olfactive, d’autant plus efficace qu’elle souvent inconsciente.

 

Cela peut-il éclairer le geste étonnant de cette femme (souvent confondue d’ailleurs  avec la Marie-Madeleine de Lc 8,2) dans notre page d’évangile ?

 

Elle répand du parfum, non pas sur son propre corps, mais sur le corps d’un autre. Comme c’est une « pécheresse » (une prostituée ? Pas sûr, ce n’est pas dit), ce geste est doublement scandaleux : elle est impure et ose toucher un juif, quitte à le rendre impur lui aussi. Et elle fait un geste terriblement ambigu et lourd de sens inconscient, à tel point que Simon le pharisien est paralysé et n’ose rien dire, alors qu’il n’en pense pas moins.

 

En fait, c’est à un véritable lavement des pieds au cours d’un repas auquel cette femme procède. On ne peut s’empêcher de voir en elle la figure de Jésus, lui-même identifié au péché (« il a été fait péché pour nous » 2 Co 5,21), lavant les pieds de l’autre Simon, le disciple, qui en est scandalisé (Jn 13).

Le parallélisme entre les deux scènes est trop fort pour ne pas voir en cette femme l’accomplissement de la figure du Christ lavant les pieds de ses disciples : « vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13,14).

La première à mettre en oeuvre cette attitude du lavement des pieds, c’est cette femme, pécheresse.

Avec ses larmes et ses cheveux, elle lave et essuie les pieds de Jésus. Avec sa bouche, elle les embrasse (on comprend que cette affection débordante ait  troublé Simon !), alors que c’est par un autre baiser que Judas a trahi le fils de l’homme. Et ensuite, elle répand du parfum sur ses pieds.

 

Les autres évangélistes raconteront la scène avec chacun sa propre interprétation. Matthieu y voit l’annonce des rites funéraires d’embaumement que les femmes feront sur le corps de Jésus : cette femme est ainsi prophète de la mort et de la résurrection du Christ (Mt 26,6-13).

Marc reprend cette lecture, en insistant sur le scandale économique du gaspillage d’un parfum très cher (Mc 14,3-18).

Jean oppose plus nettement encore le geste de cette femme (identifié par lui à Marie, soeur de Lazare) à celui de Judas. Il insiste également sur la diffusion de cette essence rare : « la maison fut remplie de ce parfum » (Jn 12,3).

 

Luc visiblement ne durcit pas l’opposition avec Judas. Et s’il mentionne l’argent, ce n’est pas pour dénoncer le gaspillage, mais pour louer la remise de dettes, grâce à la  petite parabole des deux débiteurs qui devaient beaucoup d’argent et peu d’argent.

Luc insiste sur le lien entre le parfum et la miséricorde : « si ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c’est parce qu’elle a montré beaucoup d’amour ».

 

Il flotte donc comme un parfum de miséricorde dans ce geste odoriférant.

Comme le parfum cache et chasse des mauvaises odeurs corporelles qui gênent la relation avec autrui, le pardon recouvre « ce qui sent mauvais » dans nos vies, mieux que le désodorisant du matin sous les aisselles…

Comme le parfum rend un corps séduisant, désirable, attirant, la miséricorde renouvelle le désir d’être uni au Christ.

L’onction d’huile parfumée faite au baptême ou à la confirmation sur le corps du catéchumène (la chrismation) rappelle ce geste de la femme pécheresse : le corps du Christ, auquel le baptisé-confirmé est uni, irradie d’une fragrance qui le rend  désirable ; et « la maison tout entière est remplie de son parfum », c’est-à-dire que « la bonne odeur du Christ » (2 Co 2,15 ; Ph 4,18) se répand dans l’univers entier à travers le témoignage des baptisés.

 

La miséricorde est le moment où le flacon de parfum est ouvert pour être répandu.

 

Quelle odeur émane de nos comportements (on dit bien que la sainteté en a une) ?

Flotte-t-il dans nos journées comme un parfum de miséricorde ?

Ai-je le nez assez fin pour détecter les parfums d’Évangile que les rencontres d’aujourd’hui vont diffuser à mon égard ?

Comment éduquer mon « odorat intérieur » pour me laisser attirer par le parfum de la miséricorde, plus sûrement que par N°5 de Chanel ou « l’Instant » de Guerlain ?

Deuxième livre de Samuel 12,7-10.13. 
Alors Nathan dit à David : « Cet homme, c’est toi ! Ainsi parle le Seigneur Dieu d’Israël : Je t’ai sacré roi d’Israël, je t’ai sauvé de la main de Saül, 
puis je t’ai donné la maison de ton maître, je t’ai donné les épouses du roi ; je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda et, si ce n’est pas encore assez, j’y ajouterai tout ce que tu voudras. 
Pourquoi donc as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? Tu as frappé par l’épée Ourias le Hittite ; sa femme, tu l’as prise pour femme ; lui, tu l’as fait périr par l’épée des fils d’Ammon. 
Désormais, l’épée ne cessera plus de frapper ta maison, pour te punir, parce que tu m’as méprisé et que tu as pris la femme d’Ourias le Hittite pour qu’elle devienne ta femme. 
David dit à Nathan : « J’ai péché contre le Seigneur ! » Nathan lui répondit : « Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas. 

Psaume 32(31),1-2.5.7.11. 
Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis ! 
Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, dont l’esprit est sans fraude ! 
Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts. J’ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. » Et toi, tu as enlevé l’offense de ma faute. 
Tu es un refuge pour moi, mon abri dans la détresse ; de chants de délivrance, tu m’as entouré. 
Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez, hommes justes ! Hommes droits, chantez votre allégresse ! 

Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 2,16.19-21. 
Frères, nous le savons bien, ce n’est pas en observant la loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c’est pourquoi nous avons cru en Jésus Christ pour devenir des justes par la foi au Christ, mais non par la pratique de la loi de Moïse,car personne ne devient juste en pratiquant la Loi. 
Grâce à la Loi (qui a fait mourir le Christ) j’ai cessé de vivre pour la Loi afin de vivre pour Dieu. Avec le Christ, je suis fixé à la croix : 
je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi. 
Il n’est pas question pour moi de rejeter la grâce de Dieu. En effet, si c’était par la Loi qu’on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien. 

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 7,36-50.8,1-3. 
Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. 
Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum. 
Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum. 
En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. » 
Jésus prit la parole : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. – Parle, Maître. » 
Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d’argent, l’autre cinquante. 
Comme ni l’un ni l’autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l’aimera davantage ? » 
Simon répondit : « C’est celui à qui il a remis davantage, il me semble. – Tu as raison », lui dit Jésus. 
Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. 
Tu ne m’as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n’a pas cessé d’embrasser mes pieds. 
Tu ne m’as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m’a versé un parfum précieux sur les pieds. 
Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » 
Puis il s’adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » 
Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » 
Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! » 
Ensuite Jésus passait à travers villes et villages, proclamant la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l’accompagnaient, 
ainsi que des femmes qu’il avait délivrées d’esprits mauvais et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine (qui avait été libérée de sept démons), 
Jeanne, femme de Kouza, l’intendant d’Hérode, Suzanne, et beaucoup d’autres, qui les aidaient de leurs ressources.
Patrick BRAUD

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5 juin 2010

L’eucharistie selon Melchisédek

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L’eucharistie selon Melchisédek

 

Homélie pour la Fête du Corps et du Sang du Christ

06/06/2010

 

Curieux personnage que ce Melchisédek dont la première lecture nous donne l’unique citation le concernant dans la Bible en cette « Fête Dieu » (Gn 14,18-20).

On ne sait pas d’où il vient, quelle est sa lignée. On ne connaît pas son rôle exact dans l’ancien Orient d’Abraham. Cette unique mention de Melchisédek dans la Bible nous laisse juste penser que c’était un prêtre-roi très important, puisque même Abraham lui paye la dîme, et reçoit sa bénédiction avec reconnaissance

 

·      Visiblement, Melchisédek n’est pas juif. Pourtant il est roi, et même « roi de justice » (Melki = roi /  Tsedek = justice), et « roi de paix » et (Salem =  paix). Sa mission de roi est donc de faire régner la justice et la paix. En plus, il est « prêtre du Dieu très haut », d’un sacerdoce qui est antérieur à celui qui naîtra  d’Abraham dans le peuple juif (les Cohen). Cette figure mystérieuse semble donc indiquer qu’avant le grand prêtre juif, il a existé un prêtre-roi dont le sacerdoce n’est pas d’offrir des sacrifices d’animaux, mais du pain et du vin… On comprend alors pourquoi la lettre aux Hébreux (He 7) et toute la tradition chrétienne a reconnu en Melchisédek l’annonce de l’unique grand prêtre qu’est le Christ : à travers le pain et le vin, Jésus s’offre lui-même. Dans l’eucharistie Jésus s’offre à son Père dans la communion d’amour de l’Esprit. Il nous incorpore à lui, nous associe à l’offrande qu’il fait de toute sa personne à son Père, afin que nous devenions « une vivante offrande à la louange de la gloire du Père » (prière eucharistique n°4) par l’Esprit Saint, en Jésus-Christ, (prière eucharistique n°3).

La prière eucharistique n°1 mentionne explicitement Melchisédek comme une clé prophétique pour comprendre l’eucharistie :

« Et comme il t’a plu d’accueillir les présents d’Abel le Juste, le sacrifice de notre père Abraham, et celui que t’offrit Melkisédek, ton grand prêtre, en signe du sacrifice parfait, regarde cette offrande avec amour et, dans ta bienveillance, accepte-la. »

Et saint Jérôme résumait ainsi la relecture chrétienne de Melchisédek :

Melkisédek est une figure du Christ : n’étant pas juif de race mais cananéen, il anticipa, par son sacerdoce, celui du Fils de Dieu, comme le dit le psaume CIX : « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du roi Melkisédeck ». 

Cet ordre de Melkisédek a été interprété de façons très diverses : d’abord, seul, Melkisédek fut à la fois roi et prêtre.

Puis, c’est avant l’établissement de la circoncision qu’il exerça son ministère : il montrait par là que ce n’est pas des Juifs que les païens ont reçu le sacerdoce, mais bien les Juifs des païens (…) 

Melkisédek enfin n’a pas immolé des victimes de chair et de sang, ni reçu dans ses mains des entrailles d’animaux privés de raison, mais il a inauguré le sacrement du Christ par un sacrifice simple et pur, l’offrande du pain et du vin.

En outre, l’Épître aux Hébreux expose longuement d’autres ressemblances entre Melkisédek et le Christ. Melkisédek, dont le nom signifie « roi juste », était roi de Salem, c’est-à-dire « roi de paix ». Il était sans père, sans mère, sans généalogie (…) Par ces mots, l’Apôtre souligne que Melkisédek apparaît subitement dans la Genèse, allant à la rencontre d’Abraham qui s’en revenait après le massacre de ses ennemis. Ni avant ni après, le nom de Melkisédek ne se retrouve dans le livre saint. Son sacerdoce est donc une figure du sacerdoce du Christ et de son Église, sacerdoce éternel, sans limites dans le passé comme dans l’avenir, tandis que le sacerdoce d’Aaron, chez les Juifs, eut un commencement et une fin.

Tout ce passage de l’Épître aux Hébreux (…) montre bien qu’avant Lévi et Aaron, Melkisédek, un païen, fut véritablement prêtre. Bien mieux, un si grand prêtre, qu’il lui fut donné de bénir, en la personne d’Abraham, les futurs prêtres des Juifs qui descendraient du patriarche.

Tout ce qui est dit ici à la louange de Melkisédek concerne le Christ dont il est la figure. Et le déploiement du sacerdoce du Christ, ce sont les sacrements de Église (saint Jérôme : épître LXXIII, 2-3).

 

·      L’eucharistie selon Melchisédek présente des caractéristiques pleinement accomplies en Jésus-Christ :

- Melchisédek n’est pas juif, mais il bénit le peuple juif.

L’eucharistie n’est pas enfermée dans ses sources juives, et pourtant elle demeure une bénédiction offerte à tous les descendants d’Abraham. Pas le moindre antisémitisme dans cette théologie, au contraire ! L’ouverture à tous les peuples de la table eucharistique ne se joue pas contre le peuple juif, mais également en sa faveur

 

- Melchisédek ne sacrifie pas des animaux, comme dans le Temple de Jérusalem (ou dans les religions traditionnelles), où le sang devait couler pour apaiser et se concilier la divinité. Non : Melchisédek offre du pain et du vin, « sacrifice non sanglant » (Concile de Trente) qui met fin à la violence sacrée et aux victimes émissaires (cf. René Girard). L’unique sacrifice du Christ sur la croix a fait cesser « une fois pour toutes » (lettre aux Hébreux) les exigences sanglantes d’une justice trop humaine.

 

- la paix et la justice apportées dans l’eucharistie ne le sont pas à la manière des hommes, mais à la manière du Ressuscité, à l’image de Melchisédek roi de justice et de paix. Une justice qui sauve et non pas qui condamne. Une paix qui est donnée, non pas négociée, à partir de la victoire sur toutes les forces de mort qu’est la Pâque du Christ.

 

·      Universalité, offrande de soi, justice et paix : ce ne sont là que quelques aspects de « l’eucharistie selon Melchisédek », mais que le Christ porte à une telle plénitude qu’on reste encore tout étonné de relire dans la Tora quelques petites lignes uniques sur ce personnage qui éclaire notre eucharistie chrétienne avec tant de force !

 

Première lecture : Melkisédek      Genèse 14,18-20

Comme Abraham revenait d’une expédition victorieuse contre quatre rois, Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin; il était prêtre du Dieu très-haut. Il prononça cette bénédiction: « Béni soit Abraham par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Et Abraham lui fit hommage du dixième de tout ce qu’il avait pris.

 

Deuxième lecture : 1 Corinthiens 11,23-26

Frères et s?urs, moi, Paul, je vous ai transmis ce que j’ai reçu de la tradition qui vient du Seigneur: la nuit même où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit: « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. »

Après le repas, il fit de même avec la coupe en disant: « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. »

Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

 

Évangile : Luc 9,11b-17

Jésus parlait du règne de Dieu à la foule, et il guérissait ceux qui en avaient besoin. Le jour commençait à baisser. Les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent: « Renvoie cette foule, ils pourront aller dans les villages et les fermes des environs pour y loger et trouver de quoi manger: ici nous sommes dans un endroit désert. » Mais il leur dit: « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent: « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons … à moins d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce monde. » Il y avait bien cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples: « Faites-les asseoir par groupes de cinquante. » Ils obéirent et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il les bénit, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à tout le monde. Tous mangèrent à leur faim, et l’on ramassa les morceaux qui restaient: cela remplit douze paniers.
 Patrick Braud

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29 mai 2010

La Trinité et nous

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La Trinité et nous

 

Homélie de la fête de la Trinité

30/05/2010

 

L’enjeu cette fête de la Trinité est finalement très simple, mais avec des répercussions immenses !

 

·      L’enjeu, outre Dieu en lui-même, est notre identité humaine.

Si notre identité d’homme, c’est d’être à son image, alors cela change tout de dire que Dieu est seul (monothéisme juif ou musulman), ou Trine (monothéisme chrétien), ou qu’il est plusieurs (paganisme) etc?

 La Trinité et nous dans Communauté spirituelle

« Dis-moi quel est ton Dieu, je te dirai quel est ton homme » : la représentation que nous avons de Dieu reflue sur notre conception de l’être humain. En ce sens, il est inexact de dire : « on a tous le même Dieu », comme si la Trinité était une réalité insignifiante.

 

Notre Dieu n’est pas solitaire : en lui-même il est amour, et pas seulement à notre égard. En lui-même il est constitué d’une communauté de relations où le Père et le Fils sont unis l’un à l’autre dans le lien vivant qu’est l’Esprit (ces trois noms restent analogiques ; seules des images peuvent approcher l’indicible). Si nous sommes à l’image de ce Dieu Trinité, et pas d’un Dieu seul en lui-même, alors la même pluralité nous habite. Concrètement, chacun de nous peut faire l’expérience d’un dialogue intime avec soi-même, avec la création à la fois extérieure et intérieure à chacun, avec Dieu en soi et soi en Dieu, avec la trace des relations aux autres qui nous ont marquées?

Tout en établissant un contact avec d’autres, c’est avec soi que la communion peut commencer (ce qui évitera d’ailleurs de trop demander aux autres).

 

·      Un peu comme la Sagesse  de notre 1° lecture : elle est aux côtés du Créateur avant la création ; elle l’assiste comme un maître d’oeuvre. C’est pourquoi elle peut jouer devant lui avec les fils des hommes, trouvant ses délices dans cette dimension ludique et gratuite de la relation?

 

La tradition chrétienne a vu dans la Sagesse une annonce du Christ, le Verbe de Dieu par qui tout a été fait (cf. le prologue de Jean : Jn 1). Le Christ, « Sagesse de Dieu » (1Co 1,30), est celui par qui et pour qui tout a été fait (Col 1,15-20). C’est « en le regardant » en quelque sorte que le Père nous a façonné à son image.

 

On peut également voir dans la Sagesse de l’Ancien Testament la figure de l’Esprit. Féminin en hébreu (ruah), l’Esprit traduit la proximité quasi-maternelle du Dieu transcendant. Il reste le Tout-Autre, et pourtant par la Sagesse il agit dans l’histoire (cf. l’admirable relecture historique de Sg 10), comme l’Esprit-Saint conduit l’Église aujourd’hui encore… La subtilité de la réflexion juive avait déjà imaginé que l’incroyable proximité du Dieu transcendant révélait en lui plusieurs manières d’agir, et peut-être plusieurs manières d’être Dieu?

 

·      Le premier enjeu de cette fête de la Trinité est donc anthropologique : qui donc est l’homme s’il est à l’image d’un Dieu trinitaire ?

 

Les conséquences de cette révélation sont immenses ; difficile de les aborder toutes.

Je voudrais juste signaler deux domaines où l’on ne s’attend pas à ce que le concept de Trinité vienne bousculer la donne : la politique, l’économie.

 

·      En politique, si l’on croit en un Dieu à la fois Trine et Un, on ne devrait pas bâtir de pouvoir politique unique qui n’accepte pas de contre-pouvoirs. L’absolutisme politique renvoie à un Dieu monarque, seul à exercer la puissance. Un Dieu trinitaire oblige à faire de la place à la différence, à l’altérité, à la pluralité des pouvoirs. L’Orient chrétien en a tiré la théorie politique de la symphonie des pouvoirs, symbolisée par l’aigle à deux têtes représentant le pouvoir royal à Byzance. Les églises orthodoxes ont toujours cherché cette symphonie avec les pouvoirs politiques quels qu’ils soient, en Russie ou dans les pays de l’Est.

armorie dans Communauté spirituelleL’Occident chrétien a développé la théorie politique des deux glaives, le spirituel et le temporel, renvoyant à la distinction entre Dieu et César. Même si ces deux glaives se sont combattus ou ont recherché chacun à dominer l’autre, ils étaient obligés de reconnaître qu’ils n’était pas seuls.

Aujourd’hui, le pluralisme, valeur fondamentale de nos démocraties modernes, a peut-être sa source dans la pluralité des personnes divines et leur unité étonnante. En théorisant la séparation des pouvoirs, Montesquieu n’avait sans doute pas conscience d’offrir une version profane de la Trinité, et pourtant…

Un et Trine : ni l’absolutisme ni l’anarchie, ni la charia ni le relativisme absolu, ni la théocratie ni le sécularisme ne peuvent être compatibles avec cette représentation divine? Une société à l’image d’un Dieu trinitaire aura à coeur de conjuguer unité et pluralisme, transcendance et immanence, dans des liens fraternels. D’ailleurs, la devise républicaine française est ternaire, justement parce qu’elle obéit sans le savoir à une structure constitutive qui vient finalement de la Trinité ! La liberté marque la dimension verticale du sujet ; l’égalité marque la dimension horizontale entre les sujets ; la fraternité est le lien indispensable entre les deux.

 

·      En économie, croire en un Dieu trinitaire produit aussi des effets étonnants !

Ce qui motive l’homo  oeconomicus, ce n’est alors plus le seul intérêt individuel (à maximiser sur les marchés), mais la soif de relations qui lui permettent d’exister comme homme « trinitaire », le désir de vivre une communion (qui a sa source en Dieu) plus forte que la seule jouissance matérielle ou financière. Les acteurs économiques, s’ils peuvent accueillir cette « révélation » de leur être le plus profond (qui est relationnel et non pas matériel ou individuel), vont alors poursuivre d’autres objectifs et mettre en place d’autres systèmes économiques que ceux basés sur une conception païenne, polythéiste, ou au contraire totalitaire.

La place manque pour développer, mais vous sentez bien que le travail humain, le rôle de l’argent, de l’État, dépendent finalement beaucoup de la conception de l’être humain qu’ont les acteurs de nos économies modernes.

 

·      « Dis-moi quelle est ton Dieu, je te dirai quel est ton homme »

Et vous, comment pouvez-vous méditer sur cette image et cette ressemblance que nous avons avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint ?

Qu’est-ce que le fait d’être « trinitaire » peut / doit changer dans votre manière d’exister ?…

 

Première lecture : La Sagesse aux côtés du Créteur        Proverbes 8,22-31

Écoutez ce que déclare la Sagesse: « Le Seigneur m’a faite pour lui au commencement de son action, avant ses ?uvres les plus anciennes. Avant les siècles j’ai été fondée, dès le commencement, avant l’apparition de la terre.

Quand les abîmes n’existaient pas encore, qu’il n’y avait pas encore les sources jaillissantes, je fus enfantée. Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée. Alors que Dieu n’avait fait ni la terre, ni les champs, ni l’argile primitive du monde, lorsqu’il affermissait les cieux, j’étais là. Lorsqu’il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, chargeait de puissance les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme; lorsqu’il imposait à la mer ses limites, pour que les eaux n’en franchissent pas les rivages, lorsqu’il établissait les fondements de la terre, j’étais à ses côtés comme un maître d’?uvre. J’y trouvais mes délices jour après jour, jouant devant lui à tout instant, jouant sur toute la terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. »

 

Deuxième lecture : Romains 5,1-5

Frères et s?urs, Dieu a fait de nous des justes par la foi; nous sommes ainsi en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a donné, par la foi, l’accès au monde de la grâce dans lequel nous sommes établis; et notre orgueil à nous, c’est d’espérer avoir part à la gloire de Dieu. Mais ce n’est pas tout: la détresse elle-même fait notre orgueil, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance; la persévérance produit la valeur éprouvée; la valeur éprouvée produit l’espérance; et l’espérance ne trompe pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos c?urs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

 

Évangile : Jean 16,12-15

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples: « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même: il redira tout ce qu’il aura entendu, et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce qui appartient au Père est à moi; voilà pourquoi je vous ai dit: il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

 Patrick Braud 

22 mai 2010

Parler la langue de l’autre

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Parler la langue de l’autre

 

Homélie de la fête de Pentecôte

23/05/2010

 

La fête de Pentecôte ressemble un peu à l’exposition universelle de Shanghai de cette année 2010. Presque tous les peuples y sont représentés, chacun y est honoré à travers son génie : l’architecture originale de son pavillon, son art culinaire avec les restaurants à l’intérieur, ses oeuvres d’art (peintures, jardins)… Et tout cela dans un brouhaha de langues insoupçonnable !

 

À Jérusalem, le vrai miracle de Pentecôte, ce n’est pas la foule, ni l’universalisme de cette foule, c’est bien le fait que « tous, nous entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu ».

 

16 ethnies sont mentionnées dans la liste des Actes des Apôtres. 16 langues différentes.

Faut-il y voir un chiffre symbolique ? 8 est le chiffre de la Résurrection, de la nouvelle création ; 2 est le chiffre de l’humanité (à cause du couple homme / femme). Le chiffre 16 évoquerait alors l’impact de la Résurrection se propageant à toute l’humanité grâce au feu de l’Esprit Saint…

Chaque ethnie entend dans sa culture résonner l’annonce de la merveille qu’est la résurrection du Crucifié.

 

Depuis la Pentecôte, l’Esprit Saint ne cesse de pousser l’Église à parler toutes les langues de la terre, de l’arabe au chinois, c’est-à-dire à traduire le coeur de la foi chrétienne dans l’histoire et le génie propre de chaque peuple.

 

- Déjà l’Esprit était à l’oeuvre dans la traduction de la Torah juive : passer de l’hébreu au grec n’a pas été évident à admettre pour les ultra orthodoxes ! Il a fallu la belle légende des 70 vieillards (d’où le nom de « Septante » pour désigner cette version grecque de la Torah) étudiant chacun de leur côté le texte, et arrivant à la même traduction exactement (vers 270 avant JC), pour faire admettre aux juifs trop attachés à l’hébreu que le grec pouvait également être une inspiration divine.

 

- Puis le passage du grec au latin a été également un sacré combat dans l’Église d’Occident des premiers siècles. Le clergé savant de Rome trouvait le latin trop vulgaire (vulgus = ce qui est commun, en latin) pour s’abaisser à l’utiliser dans la liturgie. Seul le grec, pensait-on, convient à la célébration des merveilles de Dieu ! Heureusement, le besoin de nourrir le peuple dans sa langue a prévalu, et le latin remplaça le grec…

 

- Au moment d’évangéliser les pays slavons, les deux frères Cyrille et Méthode (IX° siècle), envoyés par Rome, sont restés fidèles à l’Esprit de Pentecôte en inventant un alphabet spécial pour rendre compte de la beauté de la langue de ces peuples de l’Est, pour l’écrire, traduire la Bible et célébrer la messe dans leur langue. L’alphabet « cyrillique » n’aurait pas existé sans la fête de Pentecôte !

 

- À l’inverse, au XVII° siècle, la querelle des rites chinois montre que l’Église résiste souvent à cette inspiration « pentecostale » : le pape Clément XI, mal conseillé par les dominicains adversaires des jésuites, mit fin en 1704 à l’expérience chinoise inspirée par Mattéo Ricci (jésuite) où l’eucharistie était célébrée avec les mots et les rites de la culture chinoise. Hélas, les conséquences s’en font sentir aujourd’hui encore? 

 

- Plus près de nous, Charles de Foucauld en Algérie s’est passionné pour la langue touarègue, et a le premier compilé un dictionnaire et une grammaire français / touarègue.

Les Pères blancs, missionnaires du cardinal Lavigerie, en arrivant en Afrique Noire, avaient comme premier réflexe de transcrire les langues locales en inventant une manière d’écrire leurs accents toniques si particuliers, puis de traduire la Bible, tout en sauvegardant ainsi des trésors de ces cultures orales qui auraient disparu autrement aujourd’hui (recueil de proverbes, contes, généalogies, histoires?).

 

 

Bref : célébrer Pentecôte oblige l’Église à parler la langue de l’autre !

Sans aller en Algérie ou en Russie, quelles sont tout près de nous les « langues » qui attendent d’être « parlées » par l’Église ?

Quels sont les modes de pensée apparemment lointains qui attendent que des chrétiens y expriment leur espérance en des termes familiers et bouleversants ?

 

·      Parler la langue de l’autre, c’est par exemple se passionner pour les musiques, les codes vestimentaires ou alimentaires des jeunes dont on a la charge par ailleurs.

·      Parler la langue de l’autre, c’est pour les cadres d’une entreprise prendre le temps d’écouter, de comprendre, de sentir ce qui fait le quotidien de leurs collaborateurs et des salariés dont ils sont responsables.

·      Parler la langue de l’autre, c’est pour une communauté paroissiale investir dans l’histoire de son quartier, de ses communes, dans le dialogue avec d’autres familles de pensée qui marquent ce territoire etc….

·      Parler la langue de l’autre, pour notre Église, c’est plonger dans les autres manières de voir le monde qui marquent notre époque : les nouvelles technologies, l’hyper-communication, la concentration urbaine… pour y annoncer « les merveilles de Dieu » de manière proche, compréhensible, fraternelle, bouleversante, comme à Pentecôte.

 

Oui vraiment, prions pour que notre Église ? et donc chacun de nous – se laisse bousculer par l’Esprit Saint, jusqu’à « parler la langue de l’autre »…

 

 

1ère lecture : L’Esprit Saint fait  parler  les disciples toutes les langues de la terre (Ac 2, 1-11)

Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble.
Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie.
Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux.
Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d’eux les entendait parler sa propre langue.
Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ?
Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?
Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d’Asie,
de la Phrygie, de la Pamphylie, de l’Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici,
Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »
Patrick BRAUD

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