Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?
Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?
Homélie du 14° Dimanche du temps ordinaire / Année C
04/07/2010
La joie coule à flots dans les textes de ce dimanche. « Réjouissez-vous avec Jérusalem », « exultez, soyez pleins d’allégresse », « votre coeur se réjouira », clame la première lecture.
« De là cette joie qu’il nous donne », chante le psaume.
« Les 72 disciples revinrent tout joyeux » de leur mission, raconte l’Évangile.
Si vous êtes dans une période heureuse de votre vie, vous aurez tendance à confondre peut-être cette joie avec la vôtre, sans entendre ce qu’elle a d’original.
Si au contraire vous êtes dans une période douloureuse, vous risquez d’envoyer promener ces pages en disant : ?à d’autres ! Ce n’est pas pour moi. Pas en ce moment hélas.’
Dans les deux cas, nous risquons de passer à côté de la joie promise, si différente de nos émotions, si originale par rapport à nos attentes.
Mais qu’est-ce qui peut nous réjouir en vérité ?
« Jérusalem », répond Isaïe.
Se réjouir d’une ville, cela vous est peut-être déjà arrivé ! Mais c’est rare… Pourtant, se réjouir de Jérusalem, c’est anticiper le moment où la promesse de Dieu se réalisera. Oui, la paix se dirigera vers elle comme un fleuve. Oui, la gloire des nations l’irriguera mieux qu’un torrent qui déborde.
Si vous pensez au mur en béton qui sépare actuellement Jérusalem-Est, palestinienne, de Jérusalem-Ouest, juive, il y a de quoi désespérer : on n’en est pas encore à ce que promet Isaïe ! Si vous songez à la réprobation mondiale unanime qui accable le gouvernement israélien suite au blocus de Gaza et ses conséquences tragiques, l’heure n’est pas vraiment à la joie.
Mais le prophète voit plus loin que les impasses actuelles. Il sait que cette ville, Jérusalem, a une vocation unique au sein de notre humanité, et il croit assez en la fidélité de Dieu à sa promesse pour s’en réjouir à l’avance.
Louer Dieu pour ce qu’il va faire et s’en réjouir par avance : voilà une première attitude, paradoxale, où la joie réalise ce qu’elle annonce…
La deuxième attitude, celle du psaume, est plus facile à comprendre.
Il s’agit de s’appuyer sur ce que Dieu a déjà accompli dans mon histoire personnelle / dans notre histoire collective.
Autrement dit : la joie ne manquera pas à celui qui sait faire mémoire des « hauts faits de Dieu » par le passé. C’est toujours la fidélité de Dieu à lui-même qui sera la source de la joie : ce qu’il a fait, il le fera à nouveau, de manière nouvelle, car il est fidèle. De cela nous pouvons être si sûrs que la joie gagnera sur le doute.
Se réjouir de ce que Dieu va faire, de ce qu’il a déjà accompli : l’Évangile unit ces deux attitudes en une formule lapidaire : « ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux. »
La vraie joie n’est pas l’ivresse de la puissance, même si cette puissance permet de vaincre le mal et les ennemis (« je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair »).
L’ivresse de la puissance est trop liée à la domination, à la soumission de l’autre.
La joie du Christ vient de l’avenir : « réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux ». Un avenir qui reflue déjà sur le présent, et lui donne la forme d’une confiance généreuse : « Paix à cette maison ».
Avoir son nom « inscrit dans les cieux », c’est tout simplement la joie de se savoir aimé, quoiqu’il arrive. Non pas se réjouir du mal, même de sa défaite, mais laisser l’allégresse du coeur venir de cette certitude qui change tout : quelqu’un a gravé mon nom / nos noms sur la paume de ses mains. Cette écriture « dans les cieux » est indélébile.
Des parents sont des témoins de cette inscription-là lorsqu’ils offrent à leurs enfants assez de sécurité affective pour leur donner confiance en eux, capables de se projeter dans l’avenir.
Des éducateurs sont signes de cette inscription-là lorsqu’ils accompagnent des jeunes, ou des personnes en détresse, à travers leurs épreuves : ?il y a quelqu’un qui croit en toi. N’abandonne pas’.
Des amis sont des révélateurs de cette joie lorsqu’ils expriment leur attachement indéfectible, leur affection gratuite : ‘ton nom est inscrit dans mon histoire, à jamais, quoi qu’il arrive’.
Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?
Cette semaine, prenons le temps de regarder : d’où nous vient notre joie ? de qui ? Pouvons-nous apprendre à nous réjouir à la manière du Christ : « ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux » ?
1ère lecture : La joie de l’ère messianique (Is 66, 10-14)
Lecture du livre d’Isaïe
Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d’elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle soyez pleins d’allégresse, vous tous qui portiez son deuil !
Ainsi vous serez nourris et rassasiés du lait de ses consolations, et vous puiserez avec délices à l’abondance de sa gloire.
Voici ce que dit le Seigneur : Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent qui déborde. Vous serez comme des nourrissons que l’on porte sur son bras, que l’on caresse sur ses genoux.
De même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai, dans Jérusalem vous serez consolés.
Vous le verrez, et votre coeur se réjouira ; vos membres, comme l’herbe nouvelle, seront rajeunis. Et le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs.
Psaume : Ps 65, 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20
R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur
Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.
Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »
Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom.
Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.
Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu’il nous donne.
Il règne à jamais par sa puissance.
Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme.
Béni soit Dieu, qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !
2ème lecture : La croix du Christ, orgueil du chrétien (Ga 6, 14-18)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates
Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil. Par elle, le monde est à jamais crucifié pour moi, et moi pour le monde.
Ce qui compte, ce n’est pas d’avoir ou de ne pas avoir la circoncision, c’est la création nouvelle.
Pour tous ceux qui suivent cette règle de vie et pour le véritable Israël de Dieu, paix et miséricorde.
Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter. Car moi, je porte dans mon corps la marque des souffrances de Jésus.
Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit. Amen.
Evangile : Les soixante-douze en mission annoncent la joie du règne de Dieu (brève : 1-9) (Lc 10, 1-12.17-20)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur toute la terre est proclamé la Parole, et la Bonne Nouvelle aux limites du monde. Alléluia. (cf. Ps 18, 5)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Parmi ses disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller.
Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route.
Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’
S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.
Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous servira ; car le travailleur mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qu’on vous offrira.
Là, guérissez les malades, et dites aux habitants : ‘Le règne de Dieu est tout proche de vous.’
Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, sortez sur les places et dites :
‘Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous la secouons pour vous la laisser. Pourtant sachez-le : le règne de Dieu est tout proche.’
Je vous le déclare : au jour du Jugement, Sodome sera traitée moins sévèrement que cette ville. »
Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux. Ils racontaient : « Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. »
Jésus leur dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair.
Vous, je vous ai donné pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et pouvoir sur toute la puissance de l’Ennemi ; et rien ne pourra vous faire du mal.
Cependant, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux. »
Patrick BRAUD