L'homélie du dimanche (prochain)

15 juin 2025

Une étoile à la mer

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Une étoile à la mer

Homélie pour la fête du Saint Sacrement Corps et Sang du Christ / Année C
22/06/25

Cf. également :
Le réel voilé sous le pain et le vin
Comme une ancre jetée dans les cieux
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie
L’Alliance dans le sang
Bénir en tout temps en tout lieu
Communier, est-ce bien moral ?
Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome
Comme une ancre jetée dans les cieux
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange

Écoutez cette histoire, comme une parabole.
Bassin d’Arcachon : un tapis d’étoiles de mer au pied de la dune du PilatUn jour, je marchais sur une plage déserte, au coucher du soleil. Peu à peu, je commence à distinguer la silhouette d’un autre homme dans le lointain. Quand il fut plus près, je remarquais que l’homme ne cessait de se pencher pour ramasser quelque chose qu’il rejetait aussitôt à l’eau. Maintes et maintes fois, inlassablement, il lançait des choses à tour de bras dans l’océan. En m’approchant encore d’avantage, je me rendis compte que l’homme ramassait en fait des étoiles de mer, que la marée avait rejetées sur la plage, et une par une il les relançait dans l’eau. Intrigué, j’aborde l’homme et je lui dis :
– « Bonsoir mon ami. Je me demandais ce que vous étiez en train de faire ».
– « Je rejette les étoiles de mer dans l’océan. C’est marée basse, voyez-vous, et toutes ces étoiles de mer ont échoué sur la plage. Si je ne le rejette pas à la mer, elles vont mourir du manque d’oxygène ».
– « Je comprends, mais il doit y avoir des milliers d’étoiles de mer sur cette plage ! Vous ne pourrez pas toutes les sauver. Il y en a tout simplement trop. Et vous ne vous rendez pas compte que le même phénomène se produit probablement à l’instant même sur des centaines de plages tout au long de la côte. Vous ne voyez pas que vous ne pouvez rien y changer ? »
L’homme sourit, se pencha et ramassa une autre étoile de mer. En la rejetant à la mer, il répondit :
– « Pour celle-là, ça change tout ».

En ce dimanche de la Fête-Dieu, de la fête du Corps et du Sang du Christ, des milliers d’enfants dans nos paroisses font leur première communion Cette histoire d’étoile de mer peut s’entendre à plusieurs niveaux.

Une étoile à la mer dans Communauté spirituelle catechisme-1024x1024-1-1024x1024Pour les éducateurs que nous sommes – personnel ou enseignants en école catholique, catéchistes en paroisse – c’est une grande espérance. Même si vous avez parfois l’impression que votre travail d’éducation est une goutte d’eau dans la mer, il suffit d’un seul enfant que vous aurez aidé à se construire, humainement ou spirituellement, pour qu’une vie entière de labeur éducatif soit justifiée. Beaucoup d’enfants resteront peut-être échoués sur la plage, mais ceux que vous aurez mis à l’eau témoigneront pour vous.

Pour vous, les parents, cette histoire vous invite à semer sans compter. Les étoiles de mer, ce sont peut-être tous ces gestes que vous avez faits et refaits par amour inlassablement sur vos enfants en vous demandant parfois si cela sert à quelque chose. Eh bien, il suffit d’une parole qui fasse son chemin dans le cœur de votre fils, il suffit d’un geste d’affection, de pardon ou de confiance qui s’imprime dans la mémoire de votre fille et ils en seront changés pour toute leur vie !

Pour nous tous en Église, cette parabole d’étoiles de mer nous appelle à ne pas laisser ces enfants s’asphyxier. À leur donner le souffle de l’Esprit comme une réserve d’oxygène pour s’aventurer dans l’océan et aller au large, au lieu de vivoter et de se dessécher à marée basse. La mer pour l’étoile, c’est son milieu nutritif. C’est là où elle se nourrit, où elle puise de quoi grandir, de quoi rejoindre le large. L’eucharistie est la nourriture qui va permettre à ces enfants de première communion de nager loin, loin dans les eaux de leur baptême.

Communier aujourd’hui, communier demain, communier dans les jours de détresse comme dans les jours d’allégresse : cette première communion leur ouvre un chemin où ils pourront toujours ouvrir la main pour recevoir de quoi continuer leur route. Une étoile de mer sans la mer se dessèche et meurt. Un baptisé sans l’eucharistie vécue en Église se dessèche et sa vie intérieure meurt peu à peu. « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement », dit Jésus, en parlant de lui-même. Il est la vraie nourriture, il est la vraie boisson comme le dit saint Jean.
Tant il est vrai que se nourrir d’amour vaut mieux que toutes les autres nourritures.

Mais au fait, de quoi nourrissez-vous votre enfant ?
trop-decrans-pour-vos-enfants communion dans Communauté spirituelleOn fait de plus en plus attention – et on a raison – à ce qu’il y a dans l’assiette familiale. Pas trop sucré pour éviter l’obésité, un peu bio pour respecter la planète, un peu de qualité pour éduquer le goût, en circuit court pour manger local.
Faites-vous autant attention à ce dont vos enfants vont se nourrir, par la lecture, la vision, leur imaginaire, etc. ?
Dans quelle mer plongez-vous vos petites étoiles pour ne pas les laisser sur le sable ?
Toutes les enquêtes montent que les enfants en France, en moyenne, passent plus de temps devant la télé qu’en classe à l’école. Si vous ajoutez tous les écrans qui nourrissent l’imaginaire d’un enfant aujourd’hui, il y a de quoi réveiller votre vigilance de parents : Internet, jeux vidéo, téléphones portables, etc. Une étude publiée en 2023 avait mesuré les temps d’écran chez les enfants français. On y apprend que les enfants de 1 à 6 ans passent en moyenne 2h par jour devant un écran, 3h30 de 7 à 12 ans, et 5h10 de 13 à 19 ans !!!

Infographie: Combien de temps les jeunes passent-ils devant les écrans ? | Statista

Un ancien fait divers sordide, montre hélas que la nourriture virtuelle des enfants peut avoir une profonde influence sur eux. En 2008, un pré-adolescent –  comme on dit – de 11 ans invite chez lui son ami de 12 ans, qui vient accompagné de sa petite sœur de 10 ans. Les parents étant absents, ils regardent un film pornographique sur un DVD. Une fois la séance terminée, les jeunes entreprennent de reproduire toutes les scènes du film avec la petite sœur. La petite fille était complètement sous l’emprise psychologique des deux garçons et n’a rien pu faire pour leur échapper. Les deux collégiens se filment avec leurs smartphones et diffusent de leurs ébats durant une semaine dans leur classe de sixième au collège. Rapidement, l’histoire et la vidéo font le tour de l’établissement de plusieurs centaines d’élèves issus de ce coin huppé des Yvelines. L’enquête sur l’environnement familial révélera que ce ne sont pas des enfants livrés à eux-mêmes. Ils évoluent comme tous les enfants de ce collège dans des milliers sociaux plutôt favorisés, ajoutent un gendarme. Les parents sont effondrés.

Vous voyez l’urgence de proposer à vos enfants d’autres nourritures que celles qu’ils vont trouver à marée basse, au risque de s’asphyxier. Nourriture artistique, littéraire, spirituelle et éducative, nous n’en manquons pas en fait ! Mais parfois, nous n’osons pas transmettre. Nous nous réfugions derrière de faux alibis : « Il choisira plus tard ». « Je ne veux rien lui imposer ». « Tout se vaut après tout… ». Ce pain-là conduit à la mort spirituelle. Alors que celui qui mange du paix eucharistique vivra, et il vivra éternellement nous promet le Christ. Et une promesse du Christ, c’est quelque chose ! C’est plus fort même que la cover-r4x3w1200-654b52abd6c85-043-dpa-pa-221215-99-913175-dpai étoilepromesse scoute, et même que la promesse du mariage ! Lui tient sa promesse. Il nous fait vivre, en se donnant en nourriture, dans sa Parole, dans son Corps qui est l’Église, dans son corps et son sang qui est l’eucharistie.

Petites étoiles de mer, vous les enfants de la première communion, même s’il vous arrive  dans votre vie de suffoquer à marée basse, de vous asphyxier sur du mauvais sable, revenez à l’eucharistie. Souvenez-vous plus tard de votre première communion. La messe dans l’assemblée du dimanche, tout simplement, peut devenir votre océan et vous ouvrir une belle, une profonde, une indicible course au large.
Bonne navigation ! Et n’oubliez pas : se nourrir d’amour vaut mieux que toutes les autres nourritures…

 

Lectures de la messe

Première lecture
Melkisédek offre le pain et le vin (Gn 14, 18-20)

Lecture du livre de la Genèse
En ces jours-là, Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu très-haut. Il bénit Abram en disant : « Béni soit Abram par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Et Abram lui donna le dixième de tout ce qu’il avait pris.

Psaume
(Ps 109 (110), 1, 2, 3, 4)
R/ Tu es prêtre à jamais, selon l’ordre de Melkisédek.
(cf. Ps 109, 4)

Oracle du Seigneur à mon seigneur :
« Siège à ma droite,
et je ferai de tes ennemis
le marchepied de ton trône. »

De Sion, le Seigneur te présente
le sceptre de ta force :
« Domine jusqu’au cœur de l’ennemi. »

Le jour où paraît ta puissance,
tu es prince, éblouissant de sainteté :
« Comme la rosée qui naît de l’aurore,
je t’ai engendré. »

Le Seigneur l’a juré
dans un serment irrévocable :
« Tu es prêtre à jamais
selon l’ordre du roi Melkisédek. »

Deuxième lecture
« Chaque fois que vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur » (1 Co 11, 23-26)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Séquence
Cette séquence (ad libitum) peut être dite intégralement ou sous une forme abrégée à partir de : « Le voici, le pain des anges ».
Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer.
Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges.
Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères.
Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs !
C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne.
L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit.
Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui.
Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut.
C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.
Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature.
L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.
Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.
On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.
Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.
Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort.
Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent !
Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout.
Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué.

* Le voici, le pain des anges, il est le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens.
D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

Évangile
« Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés » (Lc 9, 11b-17)
Alléluia. Alléluia.
Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu, et guérissait ceux qui en avaient besoin. Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. » Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. » Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. » Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.

Patrick BRAUD

 

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8 juin 2025

La Trinité, mon fidèle garagiste

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La Trinité, mon fidèle garagiste

 

Homélie pour la fête de la Sainte Trinité / Année C
15/06/25

 

Cf. également :
Trinité : le triangle amoureux
Trinité : quelle sera votre porte d’entrée ?
La structure trinitaire de l’eucharistie
La Trinité est notre programme social
Trinité économique, Trinité immanente
Les trois vertus trinitaires
Vivre de la Trinité en nous
La Trinité, icône de notre humanité
L’Esprit, vérité graduelle
Trinité : Distinguer pour mieux unir
Trinité : ne faire qu’un à plusieurs
Les bonheurs de Sophie
Trinité : au commencement est la relation
La Trinité en actes : le geste de paix
La Trinité et nous

 

Dieu n’est pas solitaire

La Trinité, mon fidèle garagiste dans Communauté spirituelleSaint Patrick ramassait un trèfle dans un champ et partait de ces trois pétales unis en une seule plante pour parler de la Trinité aux Irlandais.

Saint Augustin partait lui de l’amour humain : un homme, une femme, une vivante relation d’amour entre eux deux, unis et différents ; il tentait ainsi de déchiffrer l’image trinitaire en chacun de nous.

Des Pères de l’Église prenaient d’autres images, comme le soleil (sa lumière, ses rayons, sa chaleur)….

Des peintres de génie ont su trouver une approche symbolique visuelle (la célèbre icône de la Trinité de Roublev…).

Ne serions-nous pas devenus trop silencieux sur la dimension trinitaire de notre foi ?


À trop parler de Jésus uniquement, on risque d’oublier qu’il conduit vers le Père.

À trop se passionner de « spirituel », on perd de vue que l’Esprit est relation avec un Autre.

À trop parler du « Dieu tout-puissant », on le réduit à être solitaire…

Or la plénitude de la Révélation chrétienne, c’est Dieu comme communion d’amour.

Dieu-n-est-pas-solitaire-Ned Elisabeth dans Communauté spirituelleSans la Trinité, comment Dieu pourrait-il être amour en lui-même ? Il ne serait qu’un monstre de solitude et d’égoïsme…

Parce que Dieu est Trinité, l’Église est le « sacrement de la communion » trinitaire (Catéchisme de l’Église catholique n° 747).

Parce que Dieu est Trinité, l’homme – créé à l’image des trois personnes divines – est appelé à vivre des relations personnalisantes.

Parce que Dieu est Trinité, l’humanité tout entière découvre qu’elle est faite, non pour l’individualisme solitaire, mais pour des relations mariant l’unité et la différence.


Les conséquences sociales, politiques, économiques même de cette Révélation trinitaire sont incalculables… !

Les débats actuels sur la mondialisation, l’immigration ou les modèles de développement pourraient trouver en amont, dans cette image trinitaire de l’homme, une source d’inspiration fort utile…

Dieu n’est pas solitaire [1] : il est communion, dans l’amour.

Annonçons-le, pour en vivre dès maintenant…


Dieu, mon fidèle garagiste

Comment se fait-il que le mystère de la sainte Trinité que nous fêtons aujourd’hui apparaisse quelquefois si absent et même si insignifiant pour tant de chrétiens ?

Nous sommes devenus comme le fils aîné de la parabole de l’enfant prodigue.

Lorsque notre relation à Dieu est intéressée, nous passons à côté de ce mystère.

Nous nous intéressons à Dieu non pas pour ce qu’il est en lui-même, mais pour ce qu’il fait pour nous, en nous mettant au centre.


mechanic-5384089_1280 TrinitéCette relation à Dieu me fait penser à celle que nous avons avec notre garagiste.

Ce qu’on demande à un garagiste, c’est d’être un bon mécanicien.

Si ce n’est pas lui qui a construit la voiture au moins il la connaît, il sait comment la réparer et il faut que ça marche.

Nous allons trouver volontiers quand il y a des pannes.

Nous sommes tout prêts à reconnaître du reste qu’il y a de notre faute quand ça ne marche pas. J’ai oublié de mettre de l’huile ; j’ai mis du diesel au lieu du sans plomb ; j’ai fait telle  ou telle bêtise de conduite.

Nous avons confiance : le garagiste saura bien remettre en route et réparer notre voiture.


Eh bien, nous faisons fonctionner hélas Dieu trop souvent comme cela.

Nous l’utilisons pour ce qu’il peut nous apporter au lieu de nous intéresser à ce qu’il est en lui-même. Nous lui demandons la santé, le succès, le courage, le bonheur etc. sans prendre le temps de le connaître. Nous attendons de lui un service en mode Deliveroo : seul le produit nous importe, pas le livreur…

Imaginez qu’un jour votre garagiste vous dise : « Rentre chez moi. Viens voir ma maison, viens te promener dans mon jardin, viens admirer mon intérieur, je vais te parler de ma vie ». Alors avec cette extrême politesse dans nous sommes capables, nous dirons, pour nous défausser : « Je ne veux pas vous embêter, je ne veux pas rentrer dans votre vie privée, vous savez, tout ce qui m’intéresse, moi, c’est que vous soyez un Dieu qui répare ce qui ne marche pas et qui fasse bien fonctionner ma vie . Mais je ne voudrais pas empiéter sur votre intimité »…


Or justement, c’est à cela que Dieu nous appelle : partager son intimité.

C’est cela que Dieu nous propose : partager ce qu’il est en lui-même, une relation d’amour qui unit le Père au Fils dans l’Esprit.

C’est cette révélation-là qui est la révélation du mystère de la Trinité.

Dieu nous invite à rentrer chez lui, à sortir de nous-même pour nous intéresser à ce qu’il est en lui-même, à entrer dans son intimité.

À ceux qui veulent bien entrer dans sa maison, à ceux qui veulent bien l’écouter, il montre  la richesse, le trésor de cet amour.

Et ceux qui en font l’expérience ne l’oublieront jamais, car à leur vie en est transformée, leur vie devient trinitaire à l’image des relations qui unissent le Père et le Fils dans l’Esprit.

Voilà ce à quoi nous sommes appelés.


Le mystère de la Trinité ne se découvre que si on prend le temps de la contempler, si on prend le temps de l’intériorité, comme on est capable de contempler un beau tableau, comme on est capable d’écouter une musique profonde et de la laisser travailler en nous.

prier-avec-taize-strasbourgDe même c’est la prière qui nous révèle l’incroyable profondeur du mystère de la Trinité.

Je connais beaucoup d’hommes et de femmes admirables dans leur travail, qui restent à leur bureau tard le soir, qui se dépensent son compter même le week-end pour leur famille, pour des malades, pour des gens qui autour d’eux ont besoin d’eux. Mais je connais beaucoup moins d’hommes et de femmes qui prennent du temps pour entrer dans l’intimité de Dieu, pour se laisser introduire en Dieu, et qui prennent ainsi le temps de s’arrêter pour le regarder, lui, le contempler, lui.

Sortez de vous-même et allez à l’intérieur de Dieu : il nous arrachera à notre égoïsme, il va colorer notre vie de couleurs nouvelles.

Laissez-vous donc conduire par la prière à la richesse du mystère trinitaire.

C’est simple la prière, ce n’est pas réservé aux religieux ou aux rêveurs.

C’est le pain vivant de tous ceux qui ont le désir de laisser Dieu les inviter chez lui.

La prière, c’est vraiment entrer dans l’intimité du Dieu Trinité.

Alors soyez souple pour trouver ce temps de la contemplation.

Soyez souple aussi pour trouver votre manière à vous de prier, chacun à la sienne.

Mais si vous n’y consacrez pas un temps régulier, vous resterez extérieurs au mystère de Dieu. Et vous le ferez « fonctionner » pour vous, comme votre garagiste qui connaît bien son métier pour réparer les pannes, mais que vous ne connaissez absolument pas en lui-même.

Et vous n’aurez pas découvert le trésor de sa vie, le trésor du Père et du Fils unique dans la communion d’amour qu’est l’Esprit Saint.

Fêtons cette immense révélation du mystère de la Trinité, du Dieu communion d’amour, qui nous appelle à partager cette intimité d’amour en lui, par lui, avec lui.

Pour nous aider à entrer dans cette prière trinitaire, voici celle d’Élisabeth de la Trinité (1880-1906), qui peut nourrir notre médiation cette semaine :


Ô MON DIEU, TRINITÉ QUE J’ADORE,

 

250px-Portrait_d%27Elisabeth_de_la_Trinit%C3%A9_%C3%A0_l%27age_de_20_ansÔ mon Dieu Trinité que j’adore,

Aide-moi à m’oublier entièrement

pour m’établir en toi, immobile et paisible

comme si déjà mon âme était dans l’éternité.

Que rien ne puisse troubler ma paix,

ni me faire sortir de toi, ô mon immuable,

mais que chaque minute m’emporte plus loin

dans la profondeur de ton mystère.

Pacifie mon âme, fais-en ton ciel, ta demeure aimée et le lieu de ton repos.

Que je ne t’y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière, 

tout éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à ton action créatrice.

 

Ô mon Christ Aimé, crucifié par amour,

je voudrais être une épouse pour ton cœur,

je voudrais te couvrir de gloire, je voudrais t’aimer, jusqu’à en mourir !

Mais je sens mon impuissance

et je te demande de me « revêtir de toi-même »,

d’identifier mon âme à tous les mouvements de ton âme,

de me submerger, de m’envahir, de te substituer à moi,

afin que ma vie ne soit qu’un rayonnement de ta vie.

Viens en moi comme adorateur, comme réparateur et comme sauveur.

Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à t’écouter,

je veux me faire tout enseignable afin d’apprendre tout de toi.

Puis, à travers toutes les nuits, tous les vides, toutes les impuissances,

je veux te fixer toujours et demeurer sous ta grande lumière ;

ô mon astre aimé, fascine-moi pour que je ne puisse plus sortir de ton rayonnement.

 

Ô Feu consumant, Esprit d’amour, surviens, en moi, 

afin qu’il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe :

que je lui sois une humanité de surcroît en laquelle il renouvelle tout son mystère.

 

Et toi, ô Père, penche-toi vers ta pauvre petite créature,

« couvre-la de ton ombre », ne vois en elle que le « Bien-aimé en lequel tu as mis tout ton amour ».

 

Ô mes Trois, mon Tout, ma Béatitude,

Solitude infinie, immensité où je me perds,

je me livre à toi comme une proie.

Ensevelis-toi en moi pour que je m’ensevelisse en toi,

en attendant d’aller contempler en ta lumière 

l’abîme de tes grandeurs

 ____________________________________________________

[1]. Cf. le livre de J.N. Bezançon : Dieu n’est pas solitaire, DDB, 1999.


LECTURES DE LA MESS
PREMIÈRE LECTURE

La Sagesse a été conçue avant l’apparition de la terre (Pr 8, 22-31)

Lecture du livre des Proverbes

Écoutez ce que déclare la Sagesse de Dieu : « Le Seigneur m’a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours. Avant les siècles j’ai été formée, dès le commencement, avant l’apparition de la terre. Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes. Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n’ait fait la terre et l’espace, les éléments primitifs du monde. Quand il établissait les cieux, j’étais là, quand il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, qu’il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre. Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » 

 

Psaume

(Ps 8, 4-5, 6-7, 8-9)

R/ Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand, ton nom, par toute la terre ! (Ps 8, 2)

 

À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,
le fils d’un homme, que tu en prennes souci ?

 

Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et d’honneur ;
tu l’établis sur les œuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds.

 

Les troupeaux de bœufs et de brebis,
et même les bêtes sauvages,
les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
tout ce qui va son chemin dans les eaux.

 

DEUXIÈME LECTURE

Vers Dieu par le Christ dans l’amour répandu par l’Esprit (Rm 5, 1-5)

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

 

ÉVANGILE

« Tout ce que possède le Père est à moi ; l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » (Jn 16, 12-15)

Alléluia. Alléluia. 

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (Ap 1, 8)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
Patrick Braud

 

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1 juin 2025

Pentecôte béguine sur l’Europe !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Pentecôte béguine sur l’Europe !


Homélie du Dimanche de Pentecôte / Année C
08/06/25


Cf. également :

Pentecôte, où la nécessité d’une parole publique
Le délai entre Pâques et Pentecôte
La séquence de Pentecôte
Pentecôte : un universel si particulier !
Le déconfinement de Pentecôte
Les langues de Pentecôte
Pentecôte, ou l’accomplissement de Babel
La sobre ivresse de l’Esprit
Les trois dimensions de Pentecôte
Le scat de Pentecôte
Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie
Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons
Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?
La paix soit avec vous
Parler la langue de l’autre
Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent

Parresia : le courage pascal 

 

1. Accorder Pentecôte au pluriel
Les salariés parlent avec délice du pont (voire du viaduc !) de Pentecôte. Les chrétiens fêtent Pentecôte comme le point d’orgue du temps pascal. On pourrait se méprendre et croire que Pentecôte est un peu comme l’armistice de Mai 1945 : un événement unique dont il importe de célébrer l’anniversaire. Or il n’y a pas une mais des Pentecôtes dans le livre des Actes des Apôtres. À tel point que des exégètes préfèrent appeler ce livre : les Actes de l’Esprit, tant le vrai sujet du récit est l’Esprit, avant les Douze.

Jugez plutôt : après notre épicentre pentecostal d’aujourd’hui (Ac 2,1–4) nous avons peu de temps après une dizaine de répliques tout aussi déterminantes !

Pentecôte béguine sur l’Europe ! dans Communauté spirituelle 21e7489_1715689453752-pns-971659Ac 4,31 : l’Esprit renouvelle l’assurance (en grec : la parresia) des croyants pour continuer à annoncer le Ressuscité malgré l’arrestation de Pierre et Jean et les menaces de coups de fouet s’ils parlent.

Ac 8,16-17 : l’Esprit descend sur les Samaritains par l’imposition des mains de Pierre et Jean.

Ac 9,17–18 : Paul se convertit, retrouve la vue et il est rempli de l’Esprit comme les Douze.

Ac 19,44–48 : l’Esprit descend sur le centurion romain Corneille (sans imposition des mains) et sa famille tandis que Pierre leur annonce le Ressuscité.

Ac 11,15–17 : Pierre est obligé de se répéter, et de raconter à nouveau la petite Pentecôte qu’il a vécue avec Corneille.

Ac 13,2–4 : l’Esprit intervient directement pour envoyer Paul et Barnabé vers les païens.

Ac 15 : c’est sans doute la deuxième plus grande Pentecôte de l’Église. L’Esprit inspire à l’assemblée des décisions neuves et courageuses pour l’accueil des païens, au sujet de la circoncision, de la cacherout, des prescriptions mosaïques.

Ac 19,1–7 : à Éphèse, environ 12 disciples reçoivent l’Esprit par l’imposition des mains de Paul, et se mettent à parler en langues et à prophétiser, comme à Jérusalem.

La liste n’est pas exhaustive.

Bref : les Pentecôtes se succèdent à un train d’enfer ! L’Esprit ne descend pas une fois sur l’Église, mais sans cesse, à chaque tournant décisif notamment. Il n’y a pas moins de 69 occurrences du terme grec πνεῦμα = pneuma (Esprit) dans les Actes : c’est vraiment lui le héros de ces pages !

Toute ces Pentecôtes ne s’arrêtent pas avec l’écriture du Nouveau Testament : l’histoire de l’Église continue d’être l’histoire de l’Esprit conduisant l’Église à travers les siècles. Que l’on songe aux conciles œcuméniques des six premiers siècles, de Nicée à Constantinople ! Ce sont des répliques du tremblement de terre de la Pentecôte initiale à Jérusalem (Ac 2 ; 15).

 

Pour nous persuader que l’histoire est désormais un déferlement de Pentecôtes successives, évoquons le phénomène incroyable – et mal connu en France – qui submergea l’Europe du Nord à partir du XII° siècle : les béguines !

 

2. Essor et apogée des béguinages

Si vous voyagez au nord de Lille, vous visiterez Gand, Bruges, Ypres, Oudenarde, Anvers, Louvain, Malines, Amsterdam etc. Vous tomberez à genoux devant la beauté de ces villes flamandes : la Grand-Place bordée de façades à pignons des XVII°-XVIII° siècles, le beffroi dominateur, les ruelles médiévales, les canaux, les moulins à vent, les églises, les voiliers aux larges gouvernails latéraux etc. Et puis vos pas vous conduiront, par hasard ou délibérément, à l’entrée du béguinage de la ville : un oasis de paix, de verdure, constitué de quelques rangées de maisons modestes – mais si mignonnes ! – autour d’un jardin et d’une chapelle.

Grand béguinage de Louvain

Grand béguinage de Louvain

On les appelait béguines. Pourquoi ? Peut-être parce que leurs vêtements étaient beiges. Peut-être parce qu’en néerlandais beggen signifiait « réciter des prières » (beggelen en flamand = ‘bavarder à haute voix’, cf. beten en allemand = « prier »), et que ces femmes murmuraient tout le temps leurs prières, seules où ensemble. Peut-être parce qu’on attribue (à tort) au prêtre liégeois Lambert le Bègue (+ 1177) la fondation du premier béguinage à Liège. Peut-être parce qu’elles étaient bienveillantes, ce qui en latin se dit benigna. Marie d’Oignies, souvent considérée comme la première béguine, est ainsi décrite comme « une benigna du Christ » et cette appellation qui devient synonyme de béguine se répand d’ailleurs largement en Europe au XIII° siècle.

On ne sait plus trop. Mais on sait que ce mode de vie connut un essor extraordinaire du XII° au XVI° siècle. À tel point qu’on comptait environ 1000 béguines à Gand au XIII°  siècle, et 200 000 en pays flamand à l’apogée du mouvement ! Comment ne pas y voir une Pentecôte féminine, qui a irrigué les Églises du Nord d’un sang neuf, et a répandu un parfum d’Évangile sur toutes ces contrées bien plus que les révolutions franciscaine ou dominicaine.

Avec cette expansion incroyable, l’Esprit a donné à l’Église des figures de sainteté extraordinairement inspirantes pour nous encore aujourd’hui. Il suffit de citer par exemple Hadewich (Edwige) d’Anvers (1220–1166) dont les visions, poèmes, lettres et mystique nous paraissent si modernes. On peut y ajouter sainte Marie d’Oignies (1176–1213), Mechthild de Magdebourg (1207–1283), qui écrivit : « La lumière fulgurante de la divinité » ; Ste Christine von Stommeln (1242–1312) ; Sybille de Gages (fin XII°-1250), latiniste renommée ; la poétesse Ida de Léau (+ 1260) ; Marguerite Porete (1250–1310) dont le livre : « Le miroir des âmes simples » lui valut le bûcher etc.

 

À partir du XVI° siècle, l’institution ecclésiale hiérarchique reprit en main les béguinages (hélas !) et les transforma en couvents religieux plus classiques. Les béguines en effet étaient mal vues par l’Église hiérarchique, car non soumises à l’autorité directe des ordres religieux. Plusieurs d’entre elles sont soupçonnées d’hérésie, comme Marguerite Porete, brûlée en 1310. Le Concile de Vienne (1311-1312) condamna certaines formes de béguinisme, mais le mouvement continua, sous une forme plus encadrée. Peu à peu, il  s’essouffla, et s’éteignit progressivement, jusqu’au XX° siècle (la dernière béguine meurt à Courtrai en Belgique en 2013) [1].

 

Les fruits de cette Pentecôte géante s’étalent sur plusieurs siècles ; ils sont considérables. Passons en revue quelques avancées spectaculaires que l’Esprit de Pentecôte a suscitées à  travers ces femmes libres.

 

3. Les fruits spirituels des béguinages

Dispersées dans d’humbles maisons de bois à travers la ville, ou rassemblées dans un havre de maisonnettes alignées avec soin dans le béguinage, les béguines ont légué à l’Église un patrimoine spirituel inestimable.

  • Le primat de l’expérience sur le dogme

Wisdom-of-Beguines-cover béguine dans Communauté spirituelleLes béguines parlent de leur vie comme des femmes parlent de leur rendez-vous amoureux. Elles n’écrivent pas en latin comme les savants, mais en langue locale (néerlandais, français, allemand de l’époque) pour être accessibles au plus grand nombre. Leurs récits décrivent  avant tout des expériences mystiques d’union à Dieu, avec un langage affectif (voire  sensuel), féminin, poétique, symbolique (exemple : la métaphore du miroir de l’âme). Les théologiens les interrogeaient sur leurs croyances et systèmes de pensée. Elles répondaient en racontant leur expérience : « voilà ce que je vis ». Cette mise en avant du sujet – femme, aimante et dévote – était révolutionnaire au XII° siècle ! Bien avant la dévotion moderna qui permettra de dire Je dans la parole de foi, les béguines proclament simplement qu’être chrétien c’est d’abord rencontrer le Christ vivant (dans l’Écriture, la prière, l’extase, la vie fraternelle etc.). Non pas des vérités à croire, mais quelqu’un à aimer : l’approche béguine de la foi nous émerveille aujourd’hui encore par les profondeurs de son adhésion au Christ.

Et c’est une expérience d’amour :

« Alors l’Amour vint à moi,

vêtue de noblesse, brillante de clarté.

Elle me dit :

“Je suis l’Amour,

et je suis celle qui doit t’enseigner.”

Et elle me donna un baiser,

tel que nul ne pourrait le comprendre

s’il n’a jamais été ivre d’Amour.”

Hadewich d’Anvers, Vision 7

 

  • Des femmes libres
sb-b-begijnhof-2 Hadewich

Plan du béguinage de Courtrai (1644)

Elles pouvaient entrer et sortir librement de la communauté. Cela choquait à l’époque où le cloître était vu comme la seule voie religieuse pour les femmes.

Quand elles se regroupaient en béguinage, elles élisaient une « Grande Dame », élue pour quelques années, qui n’était pas leur supérieure, mais la garante du respect de chacune et de l’esprit commun du béguinage. C’est une forme d’autogestion féminine inédite. De même, chaque béguinage édicte ses propres règles, toujours modifiables. Rien n’est imposé : ni l’habillement, ni l’habitat. La plupart des béguines vivent seules dans une maisonnette où elles prennent leur repas.

On verrait aujourd’hui dans cette égalité entre béguines l’amorce de la Réforme, ou de Vatican II, reconnaissant l’égale dignité de tous les baptisés.

 

  • Des femmes qui pratiquent l’enseignement et la direction spirituelle

ob_fa6089_marie-d-oignies PentecôteL’accès à la Bible, à l’écriture, à l’homélie, à l’enseignement était réservé aux hommes, aux clercs religieux. Qu’à cela ne tienne ! Les béguines vont commenter la Bible en racontant leur expérience spirituelle. Leurs écrits seront largement diffusés et toucheront une audience considérable. Ce seront la plupart du temps le Cantique des cantiques, les psaumes et autres passages « amoureux » qui seront l’objet de leurs interprétations enflammées. Ainsi, à côté de l’enseignement hiérarchique officiel, elles popularisent une lecture des Écritures à la fois simple et profonde, accessible à tous.

 

Outre leur engagement spirituel, de nombreuses Béguines étaient également impliquées dans des activités éducatives et sociales. Elles enseignaient dans des écoles ou dans des institutions de charité, comme les hôpitaux, où elles prenaient en charge les malades, les pauvres et les démunis. Les Béguines ont joué un rôle clé dans l’éducation des jeunes enfants, particulièrement des filles. Elles leur enseignaient non seulement des matières religieuses (lecture des Écritures, prières) mais aussi des compétences pratiques comme le tricot, la couture, et d’autres métiers artisanaux. Cela leur permettait d’avoir une certaine autonomie économique tout en restant ancrées dans une vie religieuse. Les Béguines prêchaient également à travers leurs actions sociales, en apportant une assistance spirituelle et matérielle à ceux qui en avaient besoin. Leur engagement dans les œuvres de charité et leur travail auprès des malades, des pauvres et des marginaux étaient considérés comme une forme de prédication vivante reconnue de tous.

 

En recevant d’autres béguines pour s’entretenir avec elles, en leur écrivant régulièrement, elles pratiqueront un accompagnement spirituel authentique, non sacramentel. On redécouvre aujourd’hui que l’accompagnement spirituel est un charisme non lié à l’ordination. Des mouvements comme CVX (Communautés de Vie chrétienne) ou les Foccolaris et même des diocèses développent cet accompagnement spirituel par des laïcs, en formant et supervisant ceux et celles qui ont reçu de l’Esprit Saint cette capacité, ce charisme.

 

  • Vacuité et détachement

Détachées, les béguines l’étaient d’abord matériellement : en menant une vie simple, consacrée aux pauvres et à la prière. Elles l’étaient aussi spirituellement, développant une mystique de l’abandon qui passe par la radicale désappropriation de soi. Le pur amour qu’elles désiraient est gratuit, désintéressé, « pour rien ». Ainsi Marguerite Porete, dans Le miroir des âmes simples (chapitre 118) :

Couverture du livre Le Miroir des âmes simples et anéanties« Cette âme est si unie à Dieu qu’elle ne peut plus agir que par Lui.

Elle ne cherche plus son salut, car elle est au-delà de la crainte et du désir.

Elle ne prie plus, car elle ne veut plus rien ;

elle ne jeûne plus, car elle n’a plus de volonté propre ;

elle ne fait plus d’œuvres bonnes, car c’est Dieu seul qui agit en elle.

Elle est devenue un miroir, clair et pur,

dans lequel Dieu contemple son Image.

Cette âme est devenue si libre qu’elle ne veut rien,

car elle n’a rien,

et elle n’a rien, car elle ne veut rien ;

et elle ne veut rien, car elle est toute en Dieu,

et Dieu est tout en elle.

Elle vit sans pourquoi. »

 

Ce détachement (que Maître Eckhart appellera plus tard abgelassenheit) va jusqu’à l’union à Dieu, la divinisation, dès maintenant :

« L’Amour est si puissant qu’il rend semblables ceux qui l’aiment.

En l’Amour, je suis devenue Dieu, et Dieu est devenu moi,

car l’Amour unit sans séparation,

et fait perdre toute distinction.

Là, l’âme est plus qu’âme : elle est Dieu par participation. »

Hadewijch d’Anvers, Lettre 29

 

Amour est tout - poèmes strophiques - 1« Ce que l’Amour a de plus doux, ce sont ses violences ; 

son abîme insondable est sa forme la plus belle ; 

se perdre en lui, c’est atteindre le but ; 

être affamé de lui c’est se nourrir et se délecter ; 

l’inquiétude d’amour est un état sûr ; 

sa blessure la plus grave est un baume souverain ; 

languir de lui est notre vigueur ; 

c’est en s’éclipsant qu’il se fait découvrir ; 

s’il fait souffrir, il donne pure santé ; s’il se cache, il nous dévoile ses secrets ; 

c’est en se refusant qu’il se livre ; 

il est sans rime ni raison et c’est sa poésie ; 

en nous captivant il nous libère ; 

ses coups les plus durs sont ses plus douces consolations ; 

s’il nous prend tout, quel bénéfice ! 

C’est lorsqu’il s’en va qu’il nous est le plus proche ; 

son silence le plus profond est son chant le plus haut ; 

sa pire colère est sa plus gracieuse récompense ; 

sa menace nous rassure et sa tristesse console de tous les chagrins : 

ne rien avoir, c’est sa richesse inépuisable. »

Hadewijch d’Anvers, Poèmes spirituels.

 

Hadewijch exprime ici une mystique de l’union totale avec Dieu, dans un langage d’amour extrême, presque nuptial. Elle annonce ce que dira plus tard Jean de la Croix, mais dans une voix féminine, passionnée, audacieuse. L’âme, dans son abandon total, devient « Dieu par participation » — une affirmation très forte à l’époque !

En se « vidant » de toute volonté propre, l’âme béguine laisse Dieu s’unir à elle. Le pèlerin chérubinique (1657) d’Angelus Silesius se reprendra ce thème de la gratuité absolue : « La rose est sans pourquoi »

 

  • Un christianisme de gloire

Hadewijch d'AnversLoin de tout dolorisme et de l’obsession du péché qui prévalaient à l’époque, la spiritualité des béguines est tout entière orientée vers la divinisation, la participation à la gloire de Dieu. Avec la grande peste qui a décimé un tiers de la population européenne, les églises résonnaient au XIV° siècle de danses macabres, requiems, funérailles et autres imprécations sur le péché et l’enfer et le jugement dernier. Rien de tout cela chez les béguines : tout à leur union amoureuse avec Dieu, elles exaltaient la beauté, la profondeur, l’infini de l’amour divin. Leur Dieu était un Christ de gloire plus qu’un Jésus crucifié. Leur espérance était d’anticiper la divinisation promise plutôt que d’échapper à l’enfer, après la mort. Pour elles, le but (devenir Dieu en Dieu) importait plus que les dangers (le péché). « Être sauvée » pour elles signifiait : être tendues en avant, sans se retourner.

Jacques de Vitry décrit ainsi Marie d’Oignies :

« Elle portait en son âme, comme dans un sanctuaire secret, la présence du Très-Haut.

Là, dans le silence profond de son cœur, la lumière divine l’embrasait. 

Marie était souvent ravie en contemplation, et ses yeux se remplissaient de larmes, non de tristesse, mais d’un amour si ardent qu’elle sentait Dieu vivant en elle. 

Elle disait parfois, en soupirant doucement : « Mon âme est le trône du Bien-Aimé ; Il y repose, et moi je L’adore » » [2].

 

Les théologiens se focalisaient sur les entraves au salut (être sauvé du péché) alors que les béguines cherchaient le fruit du salut (être unie à Dieu).

On retrouve un écho de cette tension dans la controverse qui opposa Jean Duns Scot et Thomas d’Aquin au XIII° siècle sur les raisons de l’Incarnation : Thomas soutenait que le Verbe s’est fait homme pour nous libérer du péché. Duns Scot affirmait que c’était d’abord pour nous diviniser, et que le péché n’était qu’un obstacle au cours de route, secondaire. C’est Thomas d’Aquin qui est passé à la postérité… Il faudra attendre Vatican II pour réhabiliter la vision positive et « optimiste » de Duns Scot.

« Quand l’âme est anéantie…, quand elle est engloutie et réduite à rien.., elle devient avec Dieu totalement cela même qu’il est » (Hadewijch d’Anvers)

L’Orient – lui – n’a jamais perdu cette veine enthousiasmante mettant la gloire et la divinisation au cœur du salut, plus que le péché. Si on avait écouté les béguines en Occident, on n’aurait pas perdu cette approche positive de l’espérance chrétienne…

 

  • La postérité spirituelle des béguines

Contemporaines à leurs débuts de François d’Assise, les béguines ont popularisé au Nord de l’Europe des inspirations semblables à celle du Poverello : une vie simple et fraternelle, un retour à l’Évangile, une communauté entre égaux, une pauvreté extérieure et intérieure, un élan missionnaire…

 

Maitre Eckhart et les beguinesEnsuite, la mystique rhénane (Eckhart, Tauler, Suso) du XIV° siècle sera grandement influencée par l’expérience béguine. Détachement, abandon, vacuité, désintéressement, naissance de Dieu en l’âme… : tous ces thèmes développés par Eckhart avec un fort appareil philosophique et théologique furent d’abord des récits qu’il a entendus de la bouche des béguines qu’il connaissait, visitait, écoutait.

 

Ensuite encore, la Réforme issue de Luther au XVI° siècle remettra en avant des intuitions béguines : égalité de tous les baptisés, prédication et sacerdoce universel, cure d’âme, gratuité absolue du salut etc. Si l’Église d’Occident n’avait pas perdu l’héritage des béguines, elle aurait pu s’épargner bien des déchirures d’une Réforme qui était en germe dans l’expérience mystique de ces femmes humbles et ardentes.

 

Angelus Silesius reprendra le fil de la mystique du désintéressement au XVI° siècle. Mais la Contre-Réforme dominante étouffera sa voix.

 

Au XX° siècle, dans l’élan de Vatican II, des formes de vie nouvelle mêlant laïcs et clercs  ont remis à l’honneur des modes communautaires proches de celui des béguines. Et même la société civile s’intéresse à ce mode de vie pour pratiquer la solidarité intergénérationnelle  (habitat partagé), avec des bâtiments et lieux de vie s’inspirant des béguinages.

 

Que la Pentecôte béguine, qui a illuminé l’Europe du Nord de tant de figures de sainteté et semé tant de béguinages dans les villes flamandes, soit pour nous encore aujourd’hui une source d’inspiration et de renouveau !


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[1]. Voici la liste des 13 béguinages flamands classés au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998 :
Grand Béguinage de Bruges / Grand Béguinage de Louvain / Petit Béguinage de Louvain / Béguinage de Gand / Ancien Béguinage Sainte-Elisabeth à Courtrai / Béguinage de Lierre / Béguinage de Malines / Petit Béguinage de Malines / Béguinage de Diest / Béguinage de Tongres / Béguinage de Turnhout / Béguinage de Dendermonde / Béguinage de Sint-Truiden.

[2]. Vita Mariae Oigniacensis, trad. libre d’après Jacques de Vitry

 

MESSE DU JOUR


Première lecture
« Tous furent remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2, 1-11)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »


Psaume
(Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34)

R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
ou : Alléluia ! (cf. Ps 103, 30)


Bénis le Seigneur, ô mon âme ;

Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur !
la terre s’emplit de tes biens.


Tu reprends leur souffle, ils expirent

et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.


Gloire au Seigneur à tout jamais !

Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.


Deuxième lecture
« Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rm 8, 8-17)


Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains
Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez. En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.


Séquence
Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen


Évangile
« L’Esprit Saint vous enseignera tout » (Jn 14, 15-16.23b-26)
Alléluia. Alléluia.
Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia.


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Patrick BRAUD

 

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29 mai 2025

Que tous soient un

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que tous soient un

 

Homélie du 7° Dimanche de Pâques / Année C
01/06/25

 

Cf. également :
Étienne, protomartyr, maître es-témoignage
Sans séparation ni confusion …
Lapidation : le retour !
Poupées russes et ruban de Möbius…
Le dialogue intérieur
Sois un être de désir !
Trinité : ne faire qu’un à plusieurs
La différence entre martyr et kamikaze ou djihadiste

 

1. Polyphonie

Que tous soient un dans Communauté spirituelle 02430234f3ecad7a06fcc07a274393f1J’ai ce grand bonheur – comme environ 3,5 millions de Français ! – de chanter chaque semaine avec une chorale amateure. Notre répertoire est plutôt Gospel. Les sopranes ont  souvent la voix la plus mélodieuse, celle qu’on retient facilement pour chanter sous la douche après avoir écouté le titre une fois. Les basses jouent un rôle de feutre surligneur : elles stabilotent la mélodie en l’accompagnant d’harmoniques profondes et en la rythmant  façon percussion. Mon registre ténor est contrasté : parfois brillant et s’élevant au-dessus des autres, souvent tout en nuances pour donner de la profondeur aux sopranes. Les alti  ont le rôle le plus ingrat : voix discrètes, à la fois féminines et graves, rarement mises en avant, mais indispensables à l’équilibre global.

Sur certaines partitions, ces quatre voix se conjuguent à merveille. Par exemple, les chorals de Bach les font dialoguer pour s’élever d’un seul cœur en une prière bâtie comme une cathédrale. Sur d’autres partitions, les voix « frottent » les unes contre les autres, et ces dissonances produisent un effet de feu d’artifice éblouissant ou au contraire de conversation croisée intime.

Le bonheur de ces chorales amateures, c’est de tisser ces quatre fils vocaux en une solide trame chatoyante. Elles s’en donnent « à chœur joie », pourrait-on dire, car le plaisir est justement de chanter d’un seul cœur en chœur !

 

Cette unité polyphonique exaltant les différences qui se conjuguent en un chant unique pourraient bien servir de référence à l’unité que Jésus demande à son Père pour ses disciples dans sa fameuse prière sacerdotale de ce dimanche (Jn 17,20–26) :

« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé ».

 

Comment pouvons-nous recevoir la grâce de cette unité pour laquelle le Christ a prié, pour laquelle il est mort ?

Essentiellement à travers les deux « sacrements de l’unité » que le Christ nous a laissés afin de nourrir notre difficile conversion à cette manière de vivre qui est celle de Dieu en lui-même, communion d’amour.

 

2. L’Église, sacrement de l’unité du genre humain

051c communion dans Communauté spirituelleC’est l’enseignement le plus important de Vatican II : « L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1).

 

Le Catéchisme de l’Église Catholique recueille cet apport essentiel du concile en qualifiant sans cesse l’Église de « sacrement de l’unité » :

“ Être le sacrement de l’union intime des hommes avec Dieu : c’est là le premier but de l’Église. […] Parce que la communion entre les hommes s’enracine dans l’union avec Dieu, l’Église est aussi le sacrement de l’unité du genre humain » (n° 775). 

« Pour l’homme, cette consommation sera la réalisation ultime de l’unité du genre humain, voulue par Dieu dès la création et dont l’Église pérégrinante était ‘comme le sacrement’ (LG 1) » (n° 1045). 

“Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église, qui est ‘le sacrement de l’unité’, c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des Évêques » (n° 1126). 

1525  Le Christ a réconcilié les hommes avec Dieu et fait de son Église le sacrement de l’unité du genre humain et de son union avec Dieu (n° 2305).

 

Voilà la vocation de l’Église : être le sacrement de l’unité du genre humain. Un sacrement, soit un signe et un moyen.

Signe de l’unité trinitaire, l’Église l’est lorsqu’elle rappelle la vocation des peuples, des nations, des communautés diverses à s’entendre pour bâtir la paix, la concorde, l’échange. Elle oriente nos actions vers le Royaume, plus grand que nos réalisations humaines qui y contribuent pourtant.

Moyen de l’unité du genre humain, l’Église l’est lorsqu’elle propose dans ses paroisses, mouvements, communautés et groupes divers une expérience d’amitié, de communion, de solidarité qui permet à chacun et tous de progresser vers l’unité divine. Elle veut offrir à tous les hommes de bonne volonté un lieu de vie où il est possible d’expérimenter la communion fraternelle à la manière trinitaire, dans le respect et la conjugaison des différences donc. Une communion polyphonique.

C’est le grand défi de toutes nos assemblées : ne pas devenir un club fermé entre gens bien, mais unir toutes les sensibilités, classes sociales, origines ethniques etc. en un seul corps. Il y a un islam marocain, un bouddhisme laotien, mais il ne peut y avoir de christianisme national. Par essence, par vocation, nous sommes catholiques, c’est-à-dire selon l’étymologie grecque (καθ – ὅλος , kath-olon) : orientés vers le tout. Aucun groupe se disant chrétien ne peut s’enfermer dans une seule particularité (sociologique, spirituelle, politique, liturgique…).

 

Dès les premiers siècles, les schismes et les petites chapelles à part sont ressenties comme des déchirures de l’unique tunique sans couture du Christ.

« Pourquoi des disputes, des colères, les divisions, décision est la guerre parmi vous ? N’avons-nous pas un seul Dieu, un seul Christ, un seul Esprit de grâce répandu sur nous, et une seule vocation dans le Christ ? Pourquoi écarteler et déchirer les membres du Christ, pourquoi nous révolter contre notre propre corps, et en arriver à une telle démence : oublier que nous sommes membres les uns des autres ? […]

Vos scissions en ont détourné beaucoup, elles en ont jeté beaucoup dans le découragement, beaucoup dans le doute, et nous tous dans le chagrin. Et votre désaccord se prolonge ! » (Clément de Rome, Lettre aux Corinthiens). 

 

Il s’agit de ne pas faire mentir la mort du Christ, dont le seul but est de « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52).

Le mouvement œcuménique essaie – laborieusement – de réparer les coups de poignards qui ont lacéré l’unité ecclésiale depuis 2000 ans. Mais il nous faut commencer au plus près : dans nos paroisses, nos équipes liturgiques, nos groupes bibliques, nos pèlerinages etc.

Et peut-être également commencer par nous-mêmes : suis-je vraiment Un ? unifié autour de ce qui est essentiel pour moi ? Rappelons-nous que le diable (διάβολος , dia-bolos = disperser, éparpiller) est le diviseur là où le Christ est le symbole (σύμβολον, syn-bolon = mettre ensemble).

 

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3. L’eucharistie, autre sacrement de l’unité

« Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1Co 10,17).
32228506-bread-and-wheat-ears EgliseAugustin commente à l’infini cette parole de Paul sur le pain unique qui engendre un seul corps. Face aux schismes qui déchirent l’Église d’Afrique, il répète inlassablement l’exigence d’unité que comporte la communion eucharistique, mouvement d’unité qui s’étend à l’humanité toute entière, destinée à être rassemblée en l’unique Corps du Christ. « Les aliments qui vous tombent sous les yeux sont le sacrement de notre unité. (…) La coupe comme le pain recèlent le mystère de notre unité » (Serm. Jour de Pâques). « Ce pain nous apprend combien nous devons aimer notre unité! (…) C’est là comme un symbole de notre unité » (Serm. 227). Les citations seraient innombrables et vont toutes dans ce sens: le Christ est venu rassembler dans l’unité trinitaire l’humanité entière; il a donné sa vie pour cela. Le mémorial de son sacrifice nous donne d’avoir part dès maintenant, dans et par l’Église, à ce mouvement d’unification de la famille humaine, afin de tendre vers l’unité universelle, eschatologique et cosmique de la Cité de Dieu.

 

Au premier siècle, l’unité ecclésiale était forte et évidente, car il y avait chaque dimanche une seule eucharistie dans une ville, présidée par l’évêque entouré de son presbyterium. Très vite, les communautés chrétiennes se sont multipliées, en campagne notamment, et ne pouvaient plus se joindre à l’eucharistie centrale. D’où la multiplicité des célébrations dominicales. On garde cependant en tête le modèle, l’archétype de la célébration unique, signifiant l’unité de l’Église et du genre humain. Car cette multiplicité d’assemblées était ressentie comme un écart par rapport à un idéal, car la fonction sacramentelle de l’Église réalisant l’unité eschatologique de l’humanité est beaucoup moins bien signifiée dans ce morcellement d’assemblées.

Pour bien garder cette signification, et pour rappeler que l’assemblée eucharistique unique est la norme dans un diocèse, l’Église de Rome avait inventé la pratique du fermentum, attestée par Irénée à la fin du II° siècle: une parcelle (fermentum) du pain consacré par l’évêque de Rome lors de l’eucharistie présidée par lui à la cathédrale était envoyée aux Églises de la ville de Rome qui ne pouvaient se regrouper autour de cette eucharistie unique. Les diacres apportaient cette parcelle consacrée, ce ferment d’unité, qui était mise dans le calice avant la communion, en signe de la communion de cette assemblée avec celle présidée par le pape.

Le sens symbolique était clair: il s’agissait de compenser l’impossibilité de l’assemblée unique, qui est pourtant la norme, par un signe de la communion ecclésiale réalisée par la communion à la même eucharistie.

 eucharistieLe Pape Innocent I écrivait en 416 à l’évêque de Gubbio : « Quant au fermentum que nous envoyons, le dimanche, dans les divers titres, il est superflu pour toi de nous consulter à ce sujet. Chez nous, en effet, les Églises sont toutes bâties à l’intérieur des murs de la cité. Leurs prêtres qui, ce jour-là, à cause du peuple qui leur est confié, ne peuvent pas célébrer avec nous, reçoivent donc par des acolytes le fermentum confectionné par nous, afin qu’ils ne se sentent pas, surtout ce jour-là, séparés de notre communion. Mais cela, je ne pense pas qu’il faille le faire dans les parties rurales des diocèses, parce que les sacrements ne doivent pas être portés au loin… »

L’usage du fermentum ne fut certes pas universel ; peut-être est-il propre à Rome, et il disparaît progressivement vers le VII° siècle. L’immixtion, c’est-à-dire le mélange d’une parcelle d’hostie au calice avant la communion, demeure pour nous aujourd’hui une lointaine trace du fermentum. Mais sa signification ecclésiale s’est perdue, et a été remplacée par une signification de type ontologique. Dans le climat de polémique contre les protestants au sujet de la communion sous les deux espèces, ce geste en est venu à signifier l’intégralité de la présence du Christ sous chaque espèce (non-séparation du corps et du sang du Christ, l’un dans le pain et l’autre dans le vin), et donc la légitimité de la communion au pain seulement. Triste exemple de la « césure meurtrière » (Congar) entre l’Église et l’eucharistie…

 

Pour le dire de manière radicale, l’enjeu de l’eucharistie n’est pas l’adoration, ni même la présence, mais bien l’unité du genre humain ! Le véritable sacrifice eucharistique n’est pas dans l’ascèse, l’immolation ou la pompe liturgique. L’eucharistie ‘fait du sacré’ (sacrifice) lorsqu’elle nourrit et bâtit l’unité du genre humain : elle contribue ainsi à la divinisation de tous et chacun.

Mains-ensemble-21 unitéÀ plusieurs, ne faire qu’un : voilà l’enjeu majeur de nos messes, de nos cultes de Sainte Cène, de nos divines liturgies. La Tradition unanime ne cesse de le marteler.

« Comme ce pain rompu, autrefois disséminé sur les montagnes, a été recueilli pour devenir un, qu’ainsi ton Eglise soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton royaume » (La Didachè des Apôtres).

« Qu’est donc ce pain ? C’est le Corps du Christ. Que deviennent ceux qui le reçoivent ? Le corps du Christ : non pas plusieurs corps, mais un seul corps. En effet, comme le pain est tout un, bien qu’il soit constitué de multiples grains, qui, bien qu’on ne les voie pas, se trouvent en lui, tels que leur différence disparaisse en raison de leur parfaite fusion, de la même manière nous sommes unis les uns aux autres et nous sommes unis tous ensemble au Christ » (Chrysostome, Homilia in primam ad Corinthios 24,2).

 

Dieu fait ainsi de son Église l’offrande eucharistique par excellence : « Le plus grand sacrifice que l’on puisse offrir à Dieu, c’est notre paix, c’est la concorde fraternelle, c’est le peuple rassemblé par cette unité qui existe entre le Père, le fils et le Saint Esprit »  (Cyprien de Carthage, La prière du Seigneur).

« C’est Dieu qui conserve dans l’Église son amour qu’il a répondu en elle par l’Esprit Saint. Il fait ainsi de cette Église un sacrifice qui lui est agréable, afin qu’elle puisse toujours recevoir la grâce de l’amour spirituel, et que cette grâce lui permettre de s’offrir continuellement en un sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu » (Fulgence de Rome, à Maxime).

 

Cette vocation unitaire de l’eucharistie à une tonalité eschatologique qui affleure dans le symbolisme du repas eucharistique.

Isaïe fait du festin fraternel une figure annonciatrice du banquet eschatologique (Is 25,6‑7). Jésus reprendra cette image pour parler du Royaume (Lc 13,29 ; 22,28-30 ; Mt 22,1-14…), et Jean pour parler du banquet des noces de l’Agneau (Ap 19,5-10). L’eucharistie annonce cette unité eschatologique où « les hommes de toutes races, de toutes langues et de toutes cultures seront réunis et rassemblés autour de la table de ton Christ » (Prière eucharistique pour la réconciliation). Elle annonce la vocation de l’Église à devenir « le monde réconcilié », selon le mot d’Augustin. Il est à noter que cette communion eschatologique n’est pas le fruit et le résultat de la volonté des participants, mais de l’invitation du Christ lui-même se donnant en nourriture. La dimension ‘verticale’, transcendante de la communion eucharistique fonde et réalise la dimension ‘horizontale’, fraternelle de cette même communion de table, et non l’inverse.

 

À plusieurs, ne faire qu’un : c’est le défi majeur de nos existences humaines, en nous-même, avec nos proches et nos lointains.

C’est pour cela que « le Christ est mort, afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52).

C’est dans ce but que l’Église nous est proposée en tant que signe et moyen.

C’est la visée ultime du sacrifice eucharistique : nous unir comme les membres du Corps du Christ.

C’est également la visée du sacrement de mariage : manifester l’amour qui unit le Christ à son Église.

 

Méditons en cette semaine sur ce défi de l’unité – polyphonique ! – en nous appuyant sur la prière de Jésus : « que tous soient un, comme toi Père tu es en moi et moi en toi » !

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Voici que je contemple le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Ac 7, 55-60)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Étienne était en face de ses accusateurs. Rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles. Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort.

Psaume
(Ps 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9)

R/ Le Seigneur est roi, le Très-Haut sur toute la terre !
ou : Alléluia !
(Ps 96, 1a.9a)

Le Seigneur est roi ! Exulte la terre !
Joie pour les îles sans nombre !
justice et droit sont l’appui de son trône.

Les cieux ont proclamé sa justice,
et tous les peuples ont vu sa gloire.

À genoux devant lui, tous les dieux !
Tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre :
tu domines de haut tous les dieux.

Deuxième lecture
« Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 12-14.16-17.20)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai entendu une voix qui me disait : « Voici que je viens sans tarder, et j’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs vêtements : ils auront droit d’accès à l’arbre de la vie et, par les portes, ils entreront dans la ville. Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! » Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement. Et celui qui donne ce témoignage déclare : « Oui, je viens sans tarder. » – Amen ! Viens, Seigneur Jésus !

Évangile
« Qu’ils deviennent parfaitement un » (Jn 17, 20-26)
Alléluia. Alléluia. 
Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur, je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira. Alléluia. (cf. Jn 14, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »

Patrick BRAUD

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