L'homélie du dimanche (prochain)

19 novembre 2011

Roi, à plus d’un titre

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Roi, à plus d’un titre

 

Homélie pour la fête du Christ-Roi / Année A / 20/11/2011

 

La figure du Christ-Roi est le point d’orgue final de toutes nos années liturgiques. La célébrissime parabole du jugement dernier de Mt 25 met en scène un roi qui sépare, qui répartit l’héritage paternel entre les élus, et qui envoie les damnés en enfer.

 

Une récupération nostalgique

Arrêtons-nous sur cette image du roi qui a donné son nom à la fête liturgique.

En France, parler du Christ-Roi peut susciter un certain malaise. L’extrême droite catholique ne s’est jamais remise du « meurtre du père » que représente pour elle Roi, à plus d'un titre dans Communauté spirituelle parle_commande_regnel’exécution de Louis XVI en 1793. L’Action Française (condamnée en cela par Rome) a toujours cherché à exploiter ce thème du ?règne social du Christ’ pour constituer une contre-société soi-disant catholique, où tout serait régi par les lois de l’Église. Du coup, parler du Christ-Roi a souvent un parfum d’intégrisme, ou au moins d’intégralisme, c’est-à-dire d’une vision de la société où le religieux commanderait au politique. « Parle, commande, règne » chantaient nos aînés en réaction contre les violences de la loi de 1905…

 

Avouons-le : en régime présidentiel largement plébiscité malgré ses faiblesses, dire que Jésus est roi ne simplifie pas le dialogue avec les non chrétiens.

On peut essayer de contourner la difficulté en repoussant cette royauté à la fin des temps seulement, ce qui permet d’échapper au soupçon de totalitarisme religieux pour aujourd’hui. Ou bien en élargissant cette royauté à l’univers entier, ce qui dilue son impact local.

 

Le roi a plus d’un titre

Ne pourrait-on pas replacer cette appellation Christ-Roi dans l’ensemble des autres appellations utilisées pour dire qui est Jésus ?

Car ce roi a plus d’un titre. Le seul titre royal ne peut suffire à le définir, et les autres titres qui lui sont décernés empêchent d’absolutiser ce titre royal, tout en lui redonnant son importance réelle.

Nous sommes un peu ainsi. Pour dire qui est votre collègue de travail, vous emploierez plusieurs titres : Monsieur, mari de, père de, responsable de, chef, président, secrétaire, trésorier, cousin, grande gueule, chouchou, roi de la combine ou tête de Turc de l’équipe etc…

Il nous faut plusieurs titulatures pour approcher le mystère d’une personne.

À plus forte raison pour Jésus : le titre de roi ne s’éclaire qu’en faisant système avec les autres titres qu’on lui attribue.

 

Titulature royale

Si le titre de roi vous fait peur par excès d’autorité, souvenez-vous qu’on appelle également Jésus « Rabbi », c’est-à-dire : enseignant plein de sagesse et de pédagogie, formant ses disciples dans une relation d’initiation, sans domination aucune.

Si décidément vous n’êtes pas royalistes, quittez votre représentation politique en appelant Jésus « Berger » (Jn 10), Agneau de Dieu (Jn 1) ou serviteur (Jn 13, cf. Is 42 ; 49 ; 52-53).

Si roi vous semble un titre obsolète, appelez-le « l’Alpha et l’Oméga » (Ap 1,8 ; 21,6 ; 22,13).

Si roi est un titre qui vous parle, enrichissez-le de « prince de la paix » (cf. Is 9), « prince de la vie » (Ac 3,15), « rejeton de David » (Ap 5,5), « roi des rois » et « seigneurs des seigneurs » (Ap 17,14 ; 19,16).

Ce roi-là est Sauveur, Emmanuel, Dieu avec nous (Lc 2,11). Il est en même temps prophète, grand prêtre (cf. la lettre aux Hébreux). Sa grandeur est telle qu’on le compare au Logos des Grecs : le Verbe en personne (Jn 1).

 

Sa manière d’être roi sera celle d’un consolateur, d’un avocat (1Jn 2,1), d’un époux (Mt 9 ; 25), d’un témoin fidèle (Ap 1,5).

Il est le nouvel Adam (Rm 5), le lion de la tribu de Judas (Ap 5,5), le Messie (= l’Oint = le Christ), la porte (Jn 10), le premier-né (Col 1,18 ; Ap 1,5) etc…

Son intimité avec Dieu est telle qu’on l’appelle fils de Dieu (Lc 1,35 etc.) et fils de l’homme (Jn 1,51 ; 6 cf. Dn7,13).

 

Bref, c’est de manière royale que Jésus exerce les autres titres qu’on lui décerne. Et ces titres renvoient à une royauté unique et paradoxale où Jésus se révèle plus roi que les rois humains.

 

Une révélation, pas une projection

C’est d’ailleurs une règle d’interprétation des titres de Jésus. On prend une réalité  Jésus dans Communauté spirituellehumaine, sociale, politique, pour essayer d’approcher l’identité de cet homme. Mais en réalité, il faut faire un mouvement inverse.

C’est à partir de l’identité de Jésus que nous pouvons comprendre ce qu’est un roi, un prince, un berger, un leader etc…

Les titres messianiques ne sont que des images.

Mais ce sont davantage des révélations sur l’homme que des projections sur Dieu.

Celui qui veut savoir ce qu’est un roi en vérité peut lire dans la vie de Jésus une révélation proprement politique. Jésus n’est pas roi à la manière humaine. Ce sont les rois, les présidents, les responsables humains qui sont appelés à exercer leur mandat dans l’Esprit de Jésus.

 

C’est d’ailleurs un argument fort dans la controverse avec les musulmans qui nous reprochent d’appeler Jésus « fils de Dieu ». Pour eux, Dieu ne peut pas avoir de fils, car il n’a pas de femmes ! Il devrait être facile de leur montrer que ce titre n’est qu’une image, et qu’en vérité ce sont les fils humains qui sont appelés à ressembler à Jésus, beaucoup plus que Jésus ne ressemble aux enfants des hommes.

 

Fêter le Christ-Roi n’a donc à rien de nostalgique ni d’intégriste : c’est fêter ce à quoi tout pouvoir est appelé.

Et chacun d’entre nous détient du pouvoir, qui fait de lui un roi d’une manière ou d’une autre.

 

 

1ère lecture : Dieu, roi et berger d’Israël, jugera son peuple (Ez 34, 11-12.15-17)

Lecture du livre d’Ezékiel

Parole du Seigneur Dieu : Maintenant, j’irai moi-même à la recherche de mes brebis, et je veillerai sur elles. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de brouillard et d’obscurité. C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, déclare le Seigneur Dieu. La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la soignerai. Celle qui est faible, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître avec justice. Et toi, mon troupeau, déclare le Seigneur Dieu, apprends que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.

 

Psaume : 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

 

2ème lecture : La royauté universelle du Fils (1Co 15, 20-26.28)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection. En effet, c’est en Adam que meurent tous les hommes ; c’est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier, le Christ ; et ensuite, ceux qui seront au Christ lorsqu’il reviendra. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal. C’est lui en effet qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort. Alors, quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.

 

Evangile : La venue du Fils de l’homme, pasteur, roi et juge de l’univers (Mt 25, 31-46)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le règne de David notre Père, le Royaume des temps nouveaux ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Alléluia. (cf. Mc 11, 9-10)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’
Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’
Et le Roi leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’
Patrick Braud

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12 novembre 2011

Décevante est la grâce et vaine la beauté

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Décevante est la grâce et vaine la beauté


Homélie du 32° dimanche ordinaire / Année A / 13/11/2011

« Décevante est la grâce et vaine la beauté » : cet énoncé désabusé de la sagesse proverbiale biblique (Pr 31,30) pourrait nous sembler bien machiste aujourd’hui.

Émane-t-il d’un homme déçu ? d’une cour royale qui se méfie des femmes ? d’une culture sémite qui ne croit pas à l’égalité ?

 

Grâce et beauté dans la Bible

Pourtant, il y a tant de passages bibliques où la grâce féminine et sa beauté sont célébrées comme des dons divins !

Esther, grâce à sa beauté, va libérer son peuple.

Judith, en séduisant Holopherne, va lever le siège de Jérusalem.

Ruth est si belle qu’elle vainc la résistance de Booz à épouser une étrangère, et annonce ainsi l’universalité d’Israël.

Le Cantique des cantiques chante la beauté de la bien-aimée : cette contemplation de la beauté de l’autre qui réjouit l’amant est le signe et l’annonce de la contemplation de la beauté en Dieu lui-même.

La liste est longue donc des femmes mettant leur beauté au service de l’Alliance.

Dans le Nouveau Testament, on ne dit pas grand-chose de l’aspect physique de Marie, signe sans doute que l’essentiel n’est pas là. Elle est « comblée de grâce », mais on n’a aucune indication de sa beauté. Les peintres ensuite ne pourront pas l’imaginer laide : des icônes à Salvador Dali en passant par Fra Angelico, les hommes qui ont peint Marie ou les femmes de l’Évangile ont rivalisé de splendeur pour évoquer cette présence féminine autour de Jésus.

Alors, d’où vient ce scepticisme du livre des Proverbes sur la grâce et la beauté ?

Pour une part de l’expérience.

Ce sont des femmes qui ont amené Salomon à introduire l’idolâtrie en Israël. Parce qu’elles étaient étrangères, et parce que Salomon était sous le pouvoir de leur charme, elles ont fait entrer Baal et Astarté au panthéon des dieux d’Israël (1R 11).

C’est Dalila qui trompe Samson et le trahit en lui extorquant son secret, en le répétant aux Philistins. Pire encore : elle lui enlèvera sa force en lui coupant sa chevelure (Jg 16). Les Samsons ultérieurs pourront avoir des raisons de se méfier…

C’est Ève bien sûr qui se laisse tromper par le serpent, entraînant Adam dans la chute (Gn 3).

C’est Hérodiade ou Salomé unies dans l’adultère et le meurtre (Mc 6).

Le bilan de la grâce et de la beauté est donc pour le moins contrasté dans la Bible ! On pourrait d’ailleurs faire le constat symétrique pour les atouts masculins. Si bien qu’on ne sait rien non plus de la beauté physique de Jésus, sinon qu’il était défiguré et objet de mépris au moment de sa passion (cf. Is 53,1-3).

 

Le beau, le vrai, le bien

Alors, que faire de cette sentence austère : « vaine est la grâce et décevante la beauté » ?

On peut au moins lire l’éloge qui vient juste après : « chanter la louange de la femme qui craint le Seigneur ; reconnaître les fruits de son travail ; faire l’éloge de son activité sur la place publique ». C’est donc qu’il y a des réussites au-delà des apparences, des succès peu reluisants, et des fécondités peu esthétiques.

Ici-bas, le beau et le bien ne coïncident pas. Alliées ou ennemies, la grâce et la vérité doivent apprendre à compter l’une sur l’autre. La Bible aura même une préférence pour tous ceux qui ne sont pas brillants aux yeux des hommes, ceux que la laideur et le peu de charme relégueraient trop facilement aux oubliettes du désir de vivre ensemble.

On en revient à une attitude qui n’est pas sans consonance bouddhiste : apprécier la beauté sans s’y attacher, savourer la grâce sans s’y enfermer, conjuguer le beau, le vrai et le bien sans qu’aucun des trois ne se croit autosuffisant.

 

La beauté des damnés de la terre

Si vous avez vu le film sur l’histoire du Père Joseph Wresinski et ATD Quart-monde (récemment diffusé sur France 3), vous avez remarqué ces hommes et ces femmes physiquement marqués par leur galère. Cheveux filasses, dents manquantes, trop grosses ou trop maigres, ces silhouettes des igloos des bidonvilles de Nanterre et d’ailleurs n’ont rien de la grâce et de la beauté des magazines. Mais elles incarnent la dignité due à tout être humain, dont la vraie splendeur ne sera dévoilée qu’au-delà de la mort.

Parfois, de manière fugace, des transfigurations fulgurantes nous font deviner la grâce et la beauté qui nous attendent, qui nous habitent.

Parfois, elles se superposent à la grâce et à la beauté physique ; souvent elles les contestent.

Le tout, c’est d’être assez libre pour goûter les unes en célébrant les autres.

 

Patrick BRAUD

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5 novembre 2011

L’anti terreur nocturne

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L'anti terreur nocturne

 

Homélie du 32° dimanche ordinaire / Année A / 6/11/2011

 

Terreur nocturne

Pour les parents, tout commence par un cri au milieu de la nuit.

Un cri de panique venant de la chambre d'enfant. Les yeux dans le vide, le gamin est terrifié, en larmes et fait des mouvements de terreur. Même si ses parents tentent de le rassurer, cela n'a aucun effet sur lui puisqu'il ne les reconnaît pas et continue à proférer des phrases incompréhensibles et incohérentes. L’enfant est souvent assis sur son lit, les yeux écarquillés et fixes, en mydriase. Il a l’air terrifié, hurle, et est insensible aux tentatives de ses parents pour le rassurer : il se débat, lorsqu’on tente de le toucher pour le calmer. De plus, sa respiration s'accélère, son visage devient rouge ou pâle et il est très agité. La crise dure environ 20 minutes puis l'enfant se rendort. Au matin, il ne gardera aucun souvenir des évènements de la nuit. Qui a vu un enfant tétanisé dans cette posture hypnotique en restera effrayé pour toujours.

 

 

Le cri évangélique

Dans la parabole des vierges sages et folles, il y a également un cri au milieu de la nuit. Mais justement, c’est quasiment le symétrique inverse de celui de la terreur nocturne qui réveille les parents affolés. Et la terreur nocturne peut nous permettre de comprendre, a contrario, le cri évangélique.

- Ce cri au milieu de la nuit ne provient pas de l’endormissement, mais au contraire de la veille de ceux qui persévèrent à guetter la venue de l’époux. Malgré son retard énorme – et en quelque sorte impardonnable ! – certains ne désespèrent pas de voir l'époux arriver. Ils préviennent aussitôt celles qui ont sombré dans le sommeil à cause de la longueur de l’attente (quel mufle ce mari de faire ainsi poireauter ses invités !).

- Ce cri au milieu de la nuit ne provoque pas la terreur, mais la joie.

Les yeux ne sont pas dans le vide, mais à la recherche de l’époux.

La posture n’est pas hypnotique, mais consciente et désirante.

- Ce cri au milieu de la nuit ne se résout pas par le retour au sommeil, mais par l’entrée dans la salle de noces, bien éveillées.

- Ce cri au milieu de la nuit ne se fait pas oublier. Le gamin terrorisé ne se souvient de rien au matin. Les vierges et l'époux se souviennent de tout, et personne ne pourra faire comme s’il ne s’était rien passé.

- La terreur nocturne  rend l’enfant affreux, quasi possédé. Le cri au milieu de la nuit rend les lampes belles et décorées (le verbe employé en grec, cosmeo, évoque la cosmétique dont les vierges usent pour orner leurs lampes, selon le texte original). Paul Claudel notait d'ailleurs avec perplexité en marge de sa Bible précieusement conservée : « Curieuse expression ! Orner sa lampe. Que faut-il entendre par là ? »

 

Le cri de la parabole n’a donc rien à voir avec celui de la terreur nocturne, ni avec le L'anti terreur nocturne dans Communauté spirituelle AFP_080521cri_munch_oslo_gcélèbre tableau plein d’angoisse du cri de Munch.

C’est une joyeuse annonce qui réveille les consciences.

C’est un signal qui met en mouvement vers l’être aimé.

C’est la fin de l’attente alors qu’elle paraissait interminable.

C’est le moment de vérité qui révèle si l’huile de chacune va suffire ou non pour éclairer le trajet qui reste à parcourir.

 

Les cris contemporains

« Debout! Pousse un cri dans la nuit au commencement des veilles; répands ton coeur comme de l’eau devant la face de Yahvé, élève vers lui tes mains pour la vie de tes petits enfants ! » (Lm 2,19)

 

Quels sont les cris au milieu de la nuit qui déchirent nos assoupissements ?

 

Des événements terribles peuvent nous crier qu’il est temps de nous réveiller : une catastrophe naturelle (cf. l’interprétation de la chute de la tour de Siloé par Jésus en Lc 13,4-5), une épreuve imprévue (deuil, maladie, séparation)…

 dans Communauté spirituelleLes événements heureux peuvent également nous faire lever. C’est d’ailleurs le verbe de la résurrection : egeirein = se lever d’entre les morts, qui est employé dans la parabole pour évoquer l’effet du cri sur les 10 vierges. Il peut s’agir d’une naissance, d’un mariage, d’une lecture, d’une musique, d’un paysage, d’une émotion indicible…

Le cri de Marie uni à celui du nouveau-né dans la nuit de Bethléem fait partie de ces signaux. Un peu comme le schofar qui sonne l'appel au rassemblement du peuple pour une fête. Un peu comme un point d'inflexion qui marque un tournant dans l'évolution d'une trajectoire.

 

Le cri vient souvent de témoins à peine connus. Le cri de l’Abbé Pierre en hiver  1954 ; celui du Père Joseph Wresinski pour réclamer la dignité due aux peuples du quart-monde ; celui de Stéphane Hessel qui provoque la révolte des « indignés » etc….

 

L’important est de se laisser réveiller par ce cri.

Alors que la tentation est de ronronner sur sa propre quiétude, en faisant comme si notre histoire n’avait pas de fin, le cri au milieu de la nuit nous remet en état de désirer, de rencontrer, de marcher vers l’autre.

Après, bien sûr, il y a la question de la provision d’huile, et c’est un autre enjeu : celui de notre responsabilité personnelle.

 

Mais, si nous sommes sourds aux cris qui nous relèvent, comment aller vers l’être aimant (l'époux) ?

Figure du Christ, l’époux vient à notre rencontre dans la nuit, et nous devons faire confiance à d’autres pour l’entendre venir et le reconnaître. À travers les visages des défigurés, sous les haillons des mal- vêtus et des mal-logés, dans l’obscurité qui enveloppe toujours les exclus de nos villes ou de nos familles, l’époux vient, méconnaissable, inattendu, imprévisible.

Seul un cri au milieu de notre nuit pourra nous lancer à sa rencontre : joie intense qu’aucune terreur nocturne ne pourra nous enlever…

 

Patrick Braud

 

 

1ère lecture : La Sagesse vient à la rencontre de ceux qui la cherchent (Sg 6, 12-16)

Lecture du livre de la Sagesse

La Sagesse est resplendissante, elle est inaltérable .Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent.
Elle devance leurs désirs en se montrant à eux la première.
Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte.
Ne plus penser qu’à elle prouve un parfait jugement, et celui qui veille en son honneur sera bientôt délivré du souci.
Elle va et vient pour rechercher ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; chaque fois qu’ils pensent à elle, elle vient à leur rencontre.

 

Psaume : Ps 62, 2, 3-4, 5-6, 7-8

R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu.

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau. 

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire. 
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres ! 

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom. 
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange. 

Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler. 
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.

 

2ème lecture : L’espérance devant la mort (brève : 13-14) (1Th 4, 13-18)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères,
nous ne voulons pas vous laisser dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort ; il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance.
Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils.
Car, sur la parole du Seigneur, nous vous déclarons ceci : nous les vivants, nous qui sommes encore là pour attendre le retour du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis.
Au signal donné par la voix de l’archange, à l’appel de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et les morts unis au Christ ressusciteront d’abord.
Ensuite, nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur.
Retenez ce que je viens de dire, et réconfortez-vous les uns les autres.

 

Evangile : La venue du Fils de l’homme. « Voici l’époux, sortez à sa rencontre » (Mt 25, 1-13)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Soyez vigilants et demeurez prêts : vous ne connaissez pas l’heure où le Fils de l’homme viendra. Alléluia. (Mt 24, 42.44)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus parlait à ses disciples de sa venue ; il disait cette parabole :
« Le Royaume des cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe et s’en allèrent à la rencontre de l’époux.
Cinq d’entre elles étaient insensées, et cinq étaient prévoyantes : les insensées avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leur lampe, de l’huile en réserve.
Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’
Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et préparèrent leur lampe.
Les insensées demandèrent aux prévoyantes : ‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.’
Les prévoyantes leur répondirent : ‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands.’
Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces et l’on ferma la porte.
Plus tard, les autres jeunes filles arrivent à leur tour et disent : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’
Il leur répondit : ‘Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.’
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

31 octobre 2011

J’irai prier sur vos tombes (Toussaint)

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J’irai prier sur vos tombes

Homélie pour la fête de Toussaint / Année A / 1/11/2011

La nostalgie semble liée à de la Toussaint de toujours à toujours. Malgré la belle lumière de l’été indien, et malgré les superbes patchworks pourpre et or dont se revêtent les parcs et les vignes, un je-ne-sais-quoi de tristesse et de mélancolie flotte sur ces deux jours charnière.

Autrefois, la visite des cimetières familiaux ritualisait cette angoisse diffuse.

Les grands-parents racontaient devant les tombes quelques anecdotes de la saga familiale à des gamins sages déjà familiers de la mort.

Quand la mort ne fait plus partie de la famille, quand le contact physique avec les morts fait désormais horreur, quand la mémoire familiale s’émiette à l’aune des séparations successives, que faire du rappel à la brièveté de la vie que la Toussaint continue de symboliser en France ?

La réponse de la majorité d’entre nous sera dans le divertissement (au sens pascalien du terme). On prend le grand pont de la Toussaint, on essaie d’en oublier le contenu pour en profiter comme d’un congé ordinaire. Mais le coeur n’y est jamais tout à fait.

La minorité chrétienne, attachée au sens religieux de la fête, sait être à contre-courant en voulant regarder la mort en face. Mais nous envisageons la mort à travers le bel Évangile des Béatitudes : le visage du Christ bienheureux dépeint en Mt 5 nous fait voir le visage de nos proches autrement.

Ce texte est un avertissement : ne sont pas heureux ceux qui paraissent l’être ; le résultat d’une existence n’est pas ce qui apparaît aux yeux des hommes. Il y aura bien des surprises lorsqu’il s’agira enfin de découvrir la vraie richesse de chacun.

Bien des pauvres seront mis à l’honneur.

Des larmes accumulées se transformeront en fontaine de joie.

D’obscurs sacrifiés aux logiques des puissants retrouveront leur splendeur native.

Des témoins désarmés feront éclater au grand jour la puissance finale de la douceur.

Des persécutés ordinaires ou extraordinaires seront rétablis dans leur dignité.

Comme le chantait Marie bien avant les Béatitudes : « Dieu renverse les puissants de leurs trônes. Il élève les humbles. Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides » (Lc 1,46-56).

La tristesse diffuse des bouquets de chrysanthèmes sera alors canalisée : il y a une telle promesse au coeur de cette fête de Toussaint que l’absence des visages aimés en devient la source de renversements inouïs à venir.

Allons donc sur les tombes de nos défunts : nous y avons rendez-vous avec l’au-delà de notre propre existence.

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