L'homélie du dimanche (prochain)

8 mai 2013

Ascension : l’ascenseur christique

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Ascension : l’ascenseur christique

Homélie de l’Ascension / Année C
09/05/13

L’immixtion symbolique

 « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité » .

Ascension : l'ascenseur christique dans Communauté spirituelle eau_et_vin_eucharistiqueCe geste discret et ces paroles prononcées à mi-voix m’ont toujours impressionné : j’y vois le sens de la fête de l’Ascension qui nous réunit aujourd’hui. Le lien entre l’Ascension et l’eucharistie y apparaît de manière éclatante : il s’agit bien de « profiter de l’ascenseur » comme on dit dans les immeubles de 60 étages, où ce serait trop bête de ne pas monter dans l’ascenseur qui s’arrête à votre palier. Plus efficace que « l’ascenseur social » que devrait être l’Éducation Nationale, allant encore plus haut que toutes les ascensions des alpinistes les plus chevronnés, l’Ascension du Christ nous emporte avec Lui jusqu’à partager sa divinité en plénitude.

St Cyprien (200-258) commente ainsi le geste de l’immixtion (c’est le terme technique) de l’eau dans celle du calice : 

« Comme le Christ qui nous portait tous, portait aussi nos péchés, comprenons que l’eau figure le peuple, et le vin le sang du Christ. Quand donc dans le calice, l’eau se mêle au vin, c’est le peuple qui est uni Christ, c’est la foule des croyants qui adhère et se lie à celui en qui elle croit. L’eau et le vin se mêlent dans le calice du Seigneur, de telle sorte que dans ce mélange, ils ne peuvent plus être séparés l’un de l’autre. De même l’Église, c’est-à-dire la foule, fidèlement rassemblée dans l’église et fermement persévérante dans sa foi, ne pourra d’aucune manière être séparée du Christ, d’autant moins qu’elle maintient son adhésion et demeure dans l’union indestructible de son amour. Ainsi donc, dans la consécration du calice du Seigneur, on ne peut offrir de l’eau seule, pas plus que du vin seul. Si l’on offre le vin seul, le sang du Christ est présent sans nous. Si l’eau est seule, c’est le peuple sans le Christ. Au contraire quand l’un est mêlé à l’autre et que, se confondant, ils ne font plus qu’un, alors le mystère spirituel céleste est accompli. Le calice du Seigneur n’est donc pas plus l’eau ou le vin seul, sans mélange des deux, que le corps du Seigneur ne peut être la farine seule, ou l’eau seule sans le mélange des deux, et sans leur union d’où vient le pain. C’est pourquoi dans ce mystère même est figurée l’unité de notre peuple: de même que des grains multiples réunis, moulus et mêlés ensemble ne font qu’un seul pain, ainsi dans le Christ, qui est le pain du ciel, il n y a, nous le savons, qu’un seul corps auquel est unie notre multitude et dans lequel elle est unifiée. »  (Lettre 63 à Cécilius)

A Noël, le Verbe de Dieu « quitte » l’univers de Dieu (St Paul parle de la « kénose » du Christ, c’est-à-dire de son dépouillement pour passer du monde de Dieu au monde de l’homme). Il plonge en notre humanité. Il descend au plus bas, se fait le frère des prostituées, des collecteurs d’impôts, des criminels condamnés à mort.

Sur la Croix il descend encore plus bas, partageant la condition des sans-Dieu, des maudits, des exclus de la Promesse. Dans la mort, il est descendu jusqu’aux enfers, jusqu’à la demeure des ombres où l’attendaient les patriarches, David, Salomon et les prophètes.

Aujourd’hui, dans son Ascension glorieuse, il remonte, tirant avec lui ceux qui gisaient dans le royaume de la mort. Comme sur les icônes orientales de la Résurrection où l’on voit le Ressuscité tirer par les poignets Adam et David, pour les emmener avec lui auprès de Dieu. Ce qu’il y a de fou et d’unique dans cette Ascension du Christ, c’est qu’il introduit en Dieu même notre nature humaine. Dans la descente de son Incarnation, sa divinité s’était mélangée à notre humanité (// eau et vin). 

Dans la remontée de son Ascension, notre humanité est mélangée à la divinité trinitaire. Parce que personne ne peut séparer l’eau du vin une fois le mélange effectué, c’est notre nature humaine que le Ressuscité fait asseoir à la droite de Dieu. Depuis l’Ascension, nous sommes de la race de Dieu, nous sommes vraiment des dieux!

 

L’ascenseur christique

Dans cet échange extraordinaire, le Verbe de Dieu nous donne par grâce de participer F201301150907471229958352 ascenseur dans Communauté spirituelleà ce qu’il est par nature. Il a saisi notre chair, il l’a prise du sein de Marie. A l’Ascension, il l’a introduite dans la Maison du Père, c’est-à-dire dans la vie trinitaire. Désormais une part de nous, une part de notre chair est déjà plongée dans les abîmes de la communion d’amour trinitaire, puisque c’est avec cette chair formée en Marie que le Christ est élevé auprès du Père, dans l’unité de l’Esprit Saint. Quelle autre religion va jusque-là ? Jusqu’à proclamer la divinisation de toute chair en Dieu même ? Quelle espérance plus grande que de voir l’ancienne tentation de la Genèse : « vous serez comme des dieux » finalement réalisée par le Christ, avec le Christ, et en Christ, et non pas à la force des poignets de l’homme seul, de l’homme sans Dieu ?

Si nous mesurons quel est notre avenir, alors nous donnerons encore plus d’importance à notre présent, où se joue notre éternité.

Écoutons la liturgie nous guider dans l’eucharistie :

« que cet échange mystérieux nous fasse vivre avec le Christ ressuscité » (prière sur les offrandes)  »il ne s’évade pas de notre condition humaine : mais en entrant le premier dans ce Royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour. » (Préface de l’Ascension)

Ainsi donc :

« mets en nos coeurs un grand désir de vivre avec le Christ, en qui notre nature humaine est déjà près de toi » (prière après la communion).

 

Profitons donc de l’ascenseur christique : il s’arrête à notre palier.

Montons avec lui dans les étages supérieurs !

1ère lecture : L’Ascension du Seigneur (Ac 1, 1-11)

Commencement du livre des Actes des Apôtres

Mon cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le commencement, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel après avoir, dans l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis. C’est à eux qu’il s’était montré vivant après sa Passion : il leur en avait donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur était apparu, et leur avait parlé du royaume de Dieu.

Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis. Il leur disait : « C’est la promesse que vous avez entendue de ma bouche. Jean a baptisé avec de l’eau ; mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours. »
Réunis autour de lui, les Apôtres lui demandaient : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? »
Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Après ces paroles, ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

Psaume : Ps 46, 2-3, 6-7, 8-9

R/ Dieu monte parmi l’acclamation, le Seigneur aux éclats du cor.

Tous les peuples, battez des mains,
acclamez Dieu par vos cris de joie !
Car le Seigneur est le Très-Haut, le redoutable,
le grand roi sur toute la terre.

Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
Sonnez pour notre Dieu, sonnez,
sonnez pour notre roi, sonnez !

Car Dieu est le roi de la terre :
que vos musiques l’annoncent !
Il règne, Dieu, sur les païens,
Dieu est assis sur son trône sacré.

2ème lecture : Le Christ est entré dans le sanctuaire du ciel(He 9, 24-28; 10, 19-23)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis le commencement du monde. Mais c’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois, puis de comparaître pour le jugement, ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

C’est avec pleine assurance que nous pouvons entrer au sanctuaire du ciel grâce au sang de Jésus : nous avons là une voie nouvelle et vivante qu’il a inaugurée en pénétrant au-delà du rideau du Sanctuaire, c’est-à-dire de sa condition humaine. Et nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui est établi sur la maison de Dieu. Avançons-nous donc vers Dieu avec un c?ur sincère, et dans la certitude que donne la foi, le c?ur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure. Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis.

Evangile : Les dernières paroles et l’Ascension de Jésus (Lc 24, 46-53)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur s’élève parmi les ovations, il s’élève au plus haut des cieux. Alléluia. (cf. Ps 46, 6.10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus ressuscité, apparaissant à ses disciples, leur disait : « Il fallait que s’accomplisse ce qui était annoncé par l’Écriture ; les souffrances du Messie, sa résurrection d »entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une force venue d’en haut. »
Puis il les emmena jusque vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. Tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, remplis de joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.
Patrick BRAUD

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3 mai 2013

L’Esprit et la mémoire

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L’Esprit et la mémoire

Homélie du 6°dimanche de Pâques / Année C
05/05/2013

Dans l’évangile de Jean, l’Esprit Saint est intimement lié à deux fonctions essentielles de la vie chrétienne : le pardon et la mémoire.

Le pardon y apparaît comme un fruit de l’Esprit répandu sur les disciples lors de l’équivalent de la Pentecôte chez Jean, lorsque Jésus nécessité « souffle » à ses disciples le pouvoir de pardonner : « il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » » (Jn 12,22-23)

La mémoire quant à elle apparaît clairement liée à l’envoi de l’Esprit Saint par le Père lui-même : « il vous enseignera tout, il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit ». (Jn 14,26)

Attardons sur ce deuxième effet spirituel qui est au coeur de la page d’évangile de ce Dimanche : l’Esprit et le souvenir.

 

Du travail de mémoire

Si le Christ nous promet l’Esprit Saint au secours de notre mémoire, c’est donc que naturellement, par nous-mêmes, nous avons du mal à nous souvenir. Notre mémoire sélectionne à notre insu, fait un tri dont la clé nous échappe. Il suffit d’écouter les personnes âgées raconter leur vie pour deviner ce qui n’est pas dit… La même mésaventure est arrivée aux disciples de Jésus alors qu’ils étaient encore à ses côtés. Comme le dit la sagesse populaire, ses paroles sont bien souvent rentrées par une oreille et sorties par l’autre !

Jésus est donc obligé de les faire souvenir de ses paroles et de ses actes, pour les aider à comprendre ce qui leur arrive.

Ainsi devant le choc des persécutions qui s’annoncent : « Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront ; s’ils ont gardé ma parole, la vôtre aussi ils la garderont. » (Jn 15,)

Au lieu du Messie glorifié devant tous, voilà que les arrestations, emprisonnements, coups de fouet et autres humiliations vont s’abattre sur les premiers chrétiens. Se souvenir de la fin lamentable de Jésus sur la croix, et de sa parole : « le serviteur n’est pas plus grand que son maître » aidera les croyants à ne pas se décourager, à déchiffrer les persécutions comme une voie d’union intime au Christ. Les martyrs ont affronté les supplices et la mort en s’appuyant sur cette parole, vivant trésor de l’Église grâce à l’Esprit Saint qui la maintenait actuelle en la faisant circuler sur les lèvres des premiers témoins.

De même en Jn 16,3-4 : « On vous exclura des synagogues. Bien plus, l’heure vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu. Et cela, ils le feront pour n’avoir reconnu ni le Père ni moi. Mais je vous ai dit cela, pour qu’une fois leur heure venue, vous vous rappeliez que je vous l’ai dit. »

Quand on n’y voit plus clair, quand on n’y comprend plus rien, se rappeler les paroles du Christ sur l’exclusion et le fanatisme religieux meurtrier à l’encontre des chrétiens permet de comprendre : au-delà de leur victoire apparente, les persécuteurs en fait vont manifester le vrai dessein de Dieu, à savoir la victoire de l’amour sur la haine.

Nous sommes tellement bouchés que Jésus est obligé de son vivant d’interpeller vivement ses disciples : « Avez-vous donc l’esprit bouché, des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre ? Et ne vous rappelez-vous pas, quand j’ai rompu les cinq pains pour les 5.000 hommes, combien de couffins pleins de morceaux vous avez emportés ? » Ils lui disent: « Douze »  –  « Et lors des sept pour les 4.000 hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? » Et ils disent: « Sept. » Alors il leur dit: « Ne comprenez-vous pas encore ? »  » (Mc 8,18-21).

Pour interpréter le sens des gestes de Jésus, au-delà de leur signification matérielle immédiate, il faut ce travail de l’Esprit en nous.

Après le sens littéral, c’est donc qu’il y a un sens spirituel aux événements qui nous affectent. C’est justement le rôle de l’Esprit que de nous introduire dans une intelligence plus profonde, plus subtile des événements de notre histoire 1.

Les intégristes se limitent à une lecture fondamentaliste, littérale, des textes. Ils se ferment à une lecture authentiquement spirituelle, c’est-à-dire inspirée par l’Esprit Saint, où ces textes d’hier deviennent une parole pour aujourd’hui.

Devant le tombeau vide et l’étonnement des femmes, les anges font appel à leur souvenir des paroles de Jésus : « Rappelez-vous comment il vous a parlé, quand il était encore en Galilée : « Il faut, disait-il, que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. » Et elles se rappelèrent ses paroles. » (Lc 24,7-8)

Pour interpréter la Passion et la croix comme librement assumées par Jésus, il faut faire mémoire de ses paroles où il y a vu l’aboutissement de la volonté du Père (« aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus », en allant les rejoindre au plus bas).

De même, devant le choix bizarre de Jésus : pourquoi vouloir un petit âne pour entrer triomphalement dans Jérusalem ? « Jésus, trouvant un petit âne, s’assit dessus selon qu’il est écrit : « Sois sans crainte, fille de Sion : voici que ton roi vient, monté sur un petit d’ânesse. » Cela, ses disciples ne le comprirent pas tout d’abord; mais quand Jésus eut été glorifié, alors ils se souvinrent que cela était écrit de lui et que c’était ce qu’on lui avait fait. » (Jn 12,15-16)

Là, c’est le souvenir – après-coup – de la parole du prophète qui permet d’éclairer le comportement de Jésus. Sur le moment, ses disciples n’y ont rien compris. C’est seulement après, avec la venue de l’Esprit Saint, que leur intelligence s’est ouverte. Ce n’est qu’après coup qu’on peut mettre des paroles sur des événements ; et c’est le rôle de l’Esprit.

D’où l’importance d’apprendre l’Écriture par c?ur, afin que ce travail se fasse à partir du plus profond de nous-mêmes, à partir du c?ur de notre être : Jésus avait appris par coeur les paroles des psaumes, qui lui sont remontées naturellement aux lèvres lorsqu’il lui a fallu faire face à l’horreur de la croix (« j’ai soif » ; « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » ; « Père entre tes mains? »)

Pierre fait également l’expérience de la force du souvenir d’une parole du Christ : « Alors il se mit à jurer avec force imprécations : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta. Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite: « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement. » (Mt 26,74-75)

Le souvenir de la parole de Jésus permet la contrition, c’est-à-dire le regret sincère de ce qui nous a éloigné de lui. On retrouve ainsi le lien entre l’Esprit Saint et le pardon.

Même les ennemis de Jésus se souviennent de ses paroles ! Ils contribuent sans le savoir à les accomplir : « Le lendemain, c’est-à-dire après la Préparation, les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent en corps chez Pilate et lui dirent: « Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur  a dit,  de son  vivant : Après  trois jours je ressusciterai ! Commande donc que le sépulcre soit tenu en sûreté jusqu’au troisième jour, pour éviter que ses disciples ne viennent le dérober et ne disent au peuple : Il est ressuscité des morts! Cette dernière imposture serait pire que la première. » » (Mt 27,63-64) Les grands prêtres veulent éviter une supercherie, mais cela tourne finalement à renforcer le témoignage des femmes : qui aurait pu déjouer la surveillance de ces forces de sécurité romaines ?

Bien des choses qui nous arrivent sont obscures sur le moment. À l’image de Marie, ne comprenant pas tout, nous pouvons cependant garder et méditer toutes ces choses en notre coeur. Alors l’Esprit fera son chemin, et tissera les liens entre notre histoire et la parole de Dieu qui nous permet de déchiffrer cette histoire.

« Les Juifs lui dirent alors: « Il a fallu 46 ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras? » Mais lui parlait du sanctuaire de son  corps. Aussi, quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’il avait dite. » (Jn 2,21-22)

Ce n’est qu’après la résurrection que les disciples comprirent la parole de Jésus. Nous aussi, c’est bien souvent après une expérience spirituelle forte de renaissance que nous pouvons interpréter autrement les destructions ou les bouleversements qui ont jalonné notre parcours.

Devant un acte provoquant et choquant, seule la mémoire de l’Écriture peut permettre de voir ces événements sous un autre angle, et ainsi de les interpréter autrement :« aux vendeurs de colombes il dit: « Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : « Le zèle pour ta maison me dévorera. » (Jn 2,16-17)

Pierre, devant le centurion Romain Corneille inondé d’Esprit Saint, est interloqué : comment, des païens ont eux aussi accès à la vie dans l’Esprit, à égalité avec les juifs ? «Je me suis alors rappelé cette parole du Seigneur : Jean, disait-il, a baptisé avec de l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint. Si donc Dieu leur a accordé le même don qu’à nous, pour avoir cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour faire obstacle à Dieu. » » (Ac 11,16-17)

On ne comprend rien à l’Église, à sa Tradition vivante, si on ne se souvient pas comme Pierre que l’Esprit tire sans cesse du neuf de l’ancien, et conduit l’Église là où elle-même n’aurait jamais pensé aller.

À l’approche de son supplice qui va dérouter bien des baptisés, Pierre encouragera la communauté de Rome à se souvenir : « Je crois juste, tant que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil par mes rappels, sachant, comme d’ailleurs notre Seigneur Jésus Christ me l’a manifesté, que l’abandon de ma tente est proche. Mais j’emploierai mon zèle à ce qu’en toute occasion, après mon départ, vous puissiez vous remettre ces choses en mémoire. » (2P 1,13-15)

Et Paul insistera : c’est un vrai travail que de se souvenir des paroles de Jésus. « De toutes manières je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. » (Ac 20) Ce souvenir de Paul nous livre une phrase de Jésus inconnue des 4 évangiles : comme quoi la mémoire vivante déborde largement la lettre de l’Écriture !

 

La mémoire chrétienne n’a pour autant rien à voir avec l’invention de faux souvenirs.

Afficher l'image d'origineUne expérience de psychologie sociale menée en 2010 auprès de 5269 participants aux USA indique que 50 % des participants se sont « souvenus » de la fameuse poignée de main entre Obama et Ahmadinejad (président d’Iran) 2. Or ce soi-disant événement… n’a jamais existé ! C’est ce qu’on appelle un faux souvenir, un souvenir qui est induit par une pression ou un contexte extérieur ambiant qui le rend crédible. Ces faux souvenirs induits ont fait des ravages dans beaucoup de familles aux USA comme en Europe : sous couvert de travail thérapeutique de mémoire, des soi-disant thérapeutes induisaient chez leurs patients la remontée de paroles ou d’actes n’ayant jamais existé, mais auxquels les patients finissent par croire dur comme fer.

Rien de tel dans la mémoire chrétienne : l’Esprit Saint nous conduit « vers la vérité tout entière », pas vers une manipulation de nos souvenirs. Les témoins du Ressuscité n’ont pas inventé le souvenir de leurs rencontres avec lui. Les évangélistes n’ont pas imaginé ce qu’ils racontent. Les premières communautés chrétiennes n’ont pas reconstruit les actes de Jésus pour les utiliser à légitimer leur pratique. Non : le travail de l’Esprit est de se souvenir fidèlement, et bien souvent de manière critique, c’est-à-dire interrogeant la communauté elle-même au lieu de lui donner raison sur tout. C’est ce qu’un théologien (Henri-Jérôme Gagey) appelle « la tradition d’un rapport critique à la Tradition ». Ce travail de mémoire qu’opère l’Esprit Saint n’est pas un travail de légitimation de ses intérêts en s’appuyant sur de faux souvenirs habilement reconstruits, mais un travail critique de remise en cause de l’Église elle-même pour devenir plus fidèle à ce que la parole du Christ attend d’elle aujourd’hui.

Vous le voyez : le lien entre l’Esprit Saint et la mémoire est très étroit.

La langue française en garde d’ailleurs quelques traces : perdre l’esprit va de pair avec perdre la mémoire ; il nous faut rassembler nos esprits pour pouvoir nous souvenir ; et avoir à l’esprit quelque chose, c’est justement ne pas l’oublier.

Si nous ne voulons pas qu’un Alzheimer intérieur nous prive de notre identité profonde, comment cultiver une mémoire chrétienne des paroles et des actes qui ont compté pour nous ?

La liturgie de l’Église est une éducation à cette mémoire chrétienne :

« Dans la Liturgie de la Parole l’Esprit Saint  » rappelle  » à l’Assemblée tout ce que le Christ a fait pour nous. Selon la nature des actions liturgiques et les traditions rituelles des Églises, une célébration  » fait mémoire  » des merveilles de Dieu dans une Anamnèse plus ou moins développée. L’Esprit Saint, qui éveille ainsi la mémoire de l’Église, suscite alors l’action de grâces et la louange (doxologie). » (Catéchisme de l’Église catholique n° 1103)

À quelle source allons-nous puiser pour laisser l’Esprit nous faire souvenir de ce que le Christ a dit et fait pour nous tout au long de notre histoire ?

 

__________________________

 1. Ici, en Mc 8,18, c’est le symbolisme des chiffres de la multiplication des pains : 5000 hommes pour le peuple de la Torah (les 5 livres de la Loi), 12 couffins pour les 12 tribus d’Israël, 4000 hommes pour les 4 coins de l’horizon, 7 corbeilles pour les 7 jours de la création, et donc finalement l’universalité de l’eucharistie réunissant à la fois Israël et l’Église.

2. Journal of Experimental Social Psychology, Vol. 49, 2013.

 

1ère lecture : L’Église décide d’accueillir les païens sans leur imposer la loi juive (Ac 15, 1-2.22-29)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Certaines gens venus de Judée voulaient endoctriner les frères de l’Église d’Antioche en leur disant : « Si vous ne recevez pas la circoncision selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un conflit et des discussions assez graves entre ces gens-là et Paul et Barnabé. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question.

Finalement, les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude (appelé aussi Barsabbas) et Silas.
Voici la lettre qu’ils leur confièrent : « Les Apôtres et les Anciens saluent fraternellement les païens convertis, leurs frères, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie.
Nous avons appris que quelques-uns des nôtres, sans aucun mandat de notre part, sont allés tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi. Nous avons décidé à l’unanimité de choisir des hommes que nous enverrions chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul qui ont consacré leur vie à la cause de notre Seigneur Jésus Christ.
Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit :
L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir de manger des aliments offerts aux idoles, du sang, ou de la viande non saignée, et vous abstenir des unions illégitimes. En évitant tout cela, vous agirez bien. Courage ! »

Psaume : Ps 66, 2b-3, 5abd, 7b-8

R/ Dieu, que les peuples t’acclament ! Qu’ils t’acclament, tous ensemble !

Qu ton visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.

Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !

2ème lecture : L’Agneau est la lumière du peuple de Dieu (Ap 21, 10-14.22-23)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ange qui m’entraîna par l’esprit sur une grande et haute montagne ; il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu.
Elle resplendissait de la gloire de Dieu, elle avait l’éclat d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin.
Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes gardées par douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël.
Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident.
La muraille de la cité reposait sur douze fondations portant les noms des douze Apôtres de l’Agneau.
Dans la cité, je n’ai pas vu de temple, car son Temple, c’est le Seigneur, le Dieu tout-puissant, et l’Agneau.
La cité n’a pas besoin de la lumière du soleil ni de la lune, car la gloire de Dieu l’illumine, et sa source de lumière, c’est l’Agneau.

Evangile : La promesse de la venue de l’Esprit (Jn 14, 23-29)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur ressuscité demeure au milieu des siens : il leur donne sa paix. Alléluia. (cf. Jn 14, 25.27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »
Patrick Braud

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27 avril 2013

Persévérer dans l’épreuve

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Persévérer dans l’épreuve

 

Homélie du 5° dimanche de Pâques / Année C

28/05/2013

 

En Afrique de l’Ouest, les Pères Blancs avaient transposé le « catéchisme de Persévérer dans l'épreuve dans Communauté spirituelle 6581028-Mpersévérance » des enfants de France aux nouveaux baptisés adultes africains, pour les aider à tenir bon dans la foi.

« Persévérer dans la foi » est l’exhortation que Paul et Barnabé adressaient aux Églises d’Iconium et d’Antioche.

Persévérer vient du grec : hypomeno (hypomeno : hypo = en-dessous, meno = rester : hypomeno  = rester, demeurer, séjourner, s’attarder, ne pas partir, continuer à être présent).

 

En effet, après le premier élan de la découverte et de l’adhésion au Christ ressuscité, les problèmes commencent. Matthieu était très clair : « Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom; mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé » (Mt 10,22 ; 24,13).

 

Du temps de Paul et Barnabé, c’était l’exclusion de la synagogue juive, les tracasseries de l’administration romaine, et bientôt les bêtes du cirque pour ceux qui refuseraient de renier le Christ.

Du temps des Pères Blancs en Afrique au XIX° siècle, c’était le risque d’exclusion des villages, de subir la magie des sorciers païens, voire le supplice des rois locaux (cf. les martyrs d’Ouganda).

De notre temps, c’est la moquerie et la dérision dont on entoure le christianisme en France, l’inconfort d’appartenir à une minorité facilement stigmatisée, et la difficulté de vivre une Église pas toujours enthousiasmante.

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« Persévérer dans la foi » est donc un défi de toutes les époques. Ici comme ailleurs, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil » (Qo 1,9) !

C’est justement parce que c’est une grande constante de la vie chrétienne que les encouragements à persévérer sont indispensables.

On ne peut pas abandonner les baptisés adultes de Pâques à la débrouille spirituelle et humaine, comme ils peuvent, tout seuls.

On ne peut pas laisser les confirmés de Pentecôte à l’écart des équipes liturgiques, bibliques, et des actions de solidarité.

On ne peut pas lâcher les jeunes mariés dans la nature sans leur donner comme un tutorat, un parrainage sur lequel s’appuyer.

Car la persévérance s’affronte tôt ou tard à l’épreuve.

« Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu », avertissait Paul et Barnabé, instruits par leur propre expérience.

Le mot grec pour épreuve est thlipsis (thlipsis) et désigne un chemin qui va en se rétrécissant, étroit, contracté. Il vient du verbe thlibo (thlibo) : presser (comme des grappes), oppresser.

L’épreuve est donc ce qui oppresse jusqu’à ne plus voir d’issue.

L’épreuve d’une Église assez décevante sous bien des aspects pour les nouveaux baptisés.

L’épreuve d’assemblées peu enclines à construire avec les jeunes confirmés.

L’épreuve de la durée pour les couples qui voulaient s’aimer toujours, etc.

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L’épreuve est souvent celle que je n’aurais pas choisie. Chacun rêve d’épreuves glorifiantes dont il pourrait triompher pour briller aux yeux de ses proches et de tous. C’est rarement celles-là qui arrivent. La surprise qui accompagne l’épreuve en fait intégralement partie.

Jésus n’avait pas imaginé le supplice de la croix au début, mais celui - plus noble - de la lapidation à la manière des prophètes. C’est pourtant cette infâme malédiction du Deutéronome qui va lui être accroché au cou : « maudit soit quiconque pend au gibet de la croix » ! (Dt 21,23 ; Ga 3,13)

Plus près de nous, pensez à l’athlète de Dieu qu’était Jean Paul II au moment de son élection : qui aurait pensé le voir diminué, inaudible, crachotant et titubant comme un vieillard de nos hospices à la fin de sa vie ?

Prenez Mère Teresa : sa confession post mortem révèle qu’elle a vécu dans la « nuit de la foi » pendant des années, jusqu’au bout, alors qu’elle paraissait lumineuse auprès des mourants de Calcutta…

 

Il en est ainsi pour beaucoup d’entre nous : c’est là où nous ne nous y attendons pas que le voleur fait son trou pour percer le mur de notre maison (cf. Mt 24,43 : « Sachez-le bien, si le maître de la maison savait à quelle veille de la nuit le voleur doit venir, il veillerait et ne laisserait pas percer sa maison »).

Sur la longueur d’une existence humaine d’aujourd’hui, rares sont ceux qui passent à côté d’une épreuve véritable, qui va déstabiliser leur foi, et leur susurrer à l’oreille : abandonne

 

Alors, que faire de l’épreuve lorsqu’elle arrive ?

Pierre nous invite à la voir autrement qu’une menace, bien plutôt comme une occasion de progrès :

« Vous en tressaillez de joie, même s’il faut que vous soyez attristés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la qualité de votre foi qui est bien plus précieuse que l’or (cet or voué pourtant à disparaître, qu’on vérifie par le feu).Tout cela doit donner à Dieu louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ, lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; et vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut qui est l’aboutissement de votre foi. » (1P 1,6-9)

Voir l’épreuve ainsi fait jaillir des sources de patience et d’endurance, si précieuses pour ne pas se laisser diluer dans l’épreuve comme une poupée de sel dans l’océan.

Paul quant à lui nous invite à faire le lien entre l’épreuve, la persévérance et l’espérance :

« Bien plus, nous mettons notre orgueil dans nos détresses mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, la persévérance la fidélité dans l’épreuve, la fidélité l’espérance; et l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ». (Rm 5,3-5)

 

Quand on se souvient que Paul est mort décapité à Rome après de longues années en prison, et que Pierre a été dévoré par les fauves du cirque du Vatican, on se dit que leurs paroles ne sont pas d’illusoires rêveries d’idéalistes, mais au contraire le secret de la victoire intérieure de ces athlètes de la foi.

 

Le but de cette persévérance malgré toutes les épreuves n’est pas d’obtenir une gloire personnelle. Non, le but de cette constance-malgré-tout est d’« ouvrir aux nations païennes la porte de la foi », comme l’écrit Luc en Ac 14,27.

C’est cela qui finalise toutes les fatigues, insultes, menace et dangers affrontés par Paul et Barnabé, Pierre, et tous les missionnaires à leur suite qui ont péri en Corée, en Inde, en Afrique, en Europe et ailleurs pour annoncer le Christ ressuscité à toutes les nations.

 

« Si je connais le pourquoi, je peux assumer tous les comment », osait affirmer Nietzsche.

Pour ouvrir la porte de la foi aux nations païennes, sommes-nous prêts à persévérer dans les épreuves ? Jusqu’où ?

 

 

 

1ère lecture : Persévérance dans la foi (Ac 14, 21b-27)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Paul et Barnabé, revenus à Iconium et à Antioche de Pisidie, affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, en disant : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. »
Ils désignèrent des Anciens pour chacune de leurs Églises et, après avoir prié et jeûné, ils confièrent au Seigneur ces hommes qui avaient mis leur foi en lui.
Ils traversèrent la Pisidie et se rendirent en Pamphylie.
Après avoir annoncé la Parole aux gens de Pergé, ils descendirent vers Attalia,
et prirent le bateau jusqu’à Antioche de Syrie, d’où ils étaient partis ; c’est là qu’ils avaient été remis à la grâce de Dieu pour l’?uvre qu’ils venaient maintenant d’accomplir.
À leur arrivée, ayant réuni les membres de l’Église, ils leur racontaient tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations païennes la porte de la foi.

Psaume : Ps 144, 8-9, 10-11, 12-13ab

R/ Béni sois-tu à jamais, Seigneur, Dieu de l’univers !

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses ?uvres.

Que tes ?uvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Ils annonceront aux hommes tes exploits,
la gloire et l’éclat de ton règne :
ton règne, un règne éternel,
ton empire, pour les âges des âges.

2ème lecture : La nouvelle création (Ap 21, 1-5a)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et il n’y avait plus de mer.
Et j’ai vu descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux.
Et j’ai entendu la voix puissante qui venait du Trône divin ; elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, Dieu lui-même sera avec eux.
Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n’existera plus ; et il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse ; car la première création aura disparu. »
Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »

Evangile : Le commandement nouveau (Jn 13, 31-33a.34-35)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu est amour. Aimons-nous les uns les autres, comme Dieu nous aime. Alléluia. (cf. 1 Jn 4, 8.11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Juda fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire ; et il la lui donnera bientôt. 

Mes petits enfants, je suis encore avec vous, mais pour peu de temps. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » Patrick Braud

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20 avril 2013

L’agneau mystique de Van Eyck

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L’agneau mystique de Van Eyck

Homélie du 4° Dimanche de Pâques / Année C
21/04/2103

La vision de Jean dans l’Apocalypse (Ap 7) a inspiré de nombreuses oeuvres d’art, dont la plus célèbre est le triptyque des frères Van Eyck : l’Agneau mystique (1432). Exposé sous très haute protection (car victime de 13 vols en quelques six siècles !), ces trois volets repliables constituent l’un des sommets de la peinture occidentale. Ce retable marque le passage du Moyen Âge iconographique à la Renaissance naturaliste, tout en élaborant une synthèse théologique extraordinairement puissante.

 

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On y voit bien la foule dont parle l’Apocalypse, et l’Agneau qui trône sur l’autel.
On y reconnaît les vainqueurs de « la grande épreuve », palmes à la main, en vêtements blancs.
« Celui qui siège sur le trône » est bien représenté, établissant un axe trinitaire structurant l’ensemble :

- le Père est assis sur le trône en haut (même si certaines interprétations y voient le Fils, notamment à cause du manteau rouge sang) ;
- le Fils est désigné sous l’aspect de l’Agneau mystique sur l’autel ;
- l’Esprit Saint, sous la forme d’une colombe, irradie tous les personnages de ses rayons dorés éblouissants.

La cathédrale saint Bavon de Gand (en Belgique) est ainsi devenu l’écrin de ce joyau de la foi chrétienne.
Détaillons-en quelques éléments théologiquement remarquables.

Le point focal vers lequel tous les regards convergents est bien sûr le Christ, l’Agneau mystique. Il est vainqueur de la mort, mais reste offert sur l’autel, et continue de verser son sang dans un calice représentant celui de l’eucharistie. Ce calice possède une base octogonale, comme est octogonale la fontaine de vie qui irrigue le paysage de son eau vive, juste en dessous, symbole des sacrements qui irriguent l’Église.

Octogonale : 8 est le chiffre de la Résurrection (le Christ est ressuscité un dimanche, c’est-à-dire le huitième jour de la semaine juive) : c’est donc que la vie éternelle, plus forte que de la mort, est offerte à tous dans l’eucharistie et les autres sacrements de l’Église.

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Autour de l’Agneau mystique, 12 anges sont en adoration.

Quatre de ces anges tiennent en main les instruments de la Passion (la colonne où le Christ a été fouetté, le fouet, l’éponge et le vinaigre, la croix, qui pourrait bien être un tau à la manière franciscaine, la lance qui a percé le coeur). La Passion du Christ est donc pour le salut de tous les peuples (quatre est le chiffre de l’universel : les quatre points cardinaux, les quatre vents etc.). Et l’Église est l’Israël de Dieu (les 12 tribus) rassemblé devant le Christ.

Deux autres anges font voler les encensoirs dans les airs, marquant ainsi le côté permanent du service d’adoration « jour et nuit » comme le décrit l’Apocalypse.

Mais plus de Temple sur le retable : c’est la nature elle-même qui est devenue le monde nouveau, où Dieu est « tout en tous ». « Dans la cité, je n’ai pas vu de temple, car son Temple, c’est le Seigneur, le Dieu tout-puissant, et l’Agneau. » (Ap 21,22)
Plus de soleil ni de lune non plus, car l’Apocalypse là encore précise que le Christ lui-même est le flambeau qui éclaire tout.

Vers l’autel central marche quatre groupes de personnages, en croix de saint André, s’approchant symétriquement de l’Agneau mystique.

En haut à gauche, des hommes d’Église, martyrs, tenant en main des rameaux.

En haut à droite, les femmes, vierges, martyres et princesses, palmes à la main, constituent elles aussi un cortège d’entrée triomphale dans la Jérusalem céleste (Ap 7,10).

En bas à gauche, les prophètes de l’Ancien Testament, leur livre prophétique à la main, sont eux aussi associés à cette victoire sur la mort. Signe qu’au XV° siècle, les chrétiens n’avaient pas perdu de vue ce que Paul écrivait en Rm 9-11 : « Dieu n’a pas rejeté le peuple que d’avance il a discerné » (Rm 11,2).

Le Concile Vatican II le redira dans la déclaration Nostra Aetate :

« les Juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance. Avec les prophètes et le même apôtre, l’Église attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et « le serviront sous un même joug » ». (NA n°4)

Avant que les pogroms et autres persécutions éclatent contre les juifs en Europe, les frères Van Eyck proclamaient de manière éclatante que juifs et chrétiens sont associés à part égale à la Jérusalem céleste.

Plus encore, derrière les prophètes juifs, on reconnaît à leur faciès des sages et philosophes païens venus de tous les continents, (et parmi eux sans doute Virgile, vêtu de blanc, une couronne tressée à la main). C’est donc que le salut est offert largement à tous les hommes de sagesse qui ont cherché la vérité dans leur culture, et pas seulement aux fils d’Abraham. Belle affirmation de l’universalité du salut, hors des frontières visibles de l’Église !

En bas à droite, reconnaissables à leurs habits liturgiques, viennent les prêtres, diacres (Etienne y porte les pierres de sa lapidation), évêques, papes et autres membres de l’Église, derrière les 12 apôtres représentés pauvrement habillés de leur robe de bure. À égalité avec Israël et les païens, l’Église est conviée à se désaltérer à la fontaine de vie, au calice de l’eucharistie.

Dans le paysage en arrière-plan, on reconnaît mille et un détails réalistes de l’époque des frères Van Eyck (Hubert et Jan) : les clochers, les villes, les plantes, les passants sur le chemin, les forêts renvoient au monde connu des Gantois, ainsi qu’à l’immensité du monde à découvrir (cf. les espèces végétales non européennes).

Le retable replié fait apparaître le « Oui » de Marie à l’Annonciation : l’écart  extrême entre l’acceptation d’une jeune femme de la Palestine occupée par les Romains et l’ouverture de la source de vie à toutes les nations qu’elle permet ainsi !

Cette magnifique méditation sur l’Apocalypse attire des centaines de milliers de touristes à Gand chaque année. Le reste de la ville mérite d’ailleurs largement le détour.

Que l’Agneau mystique nous fasse également faire ce détour par l’Apocalypse, pour nous dévoiler (c’est le sens du mot Apocalypse) le sens ultime de notre marche à travers « la grande épreuve »

 

 

1ère lecture : L’Évangile annoncé aux païens (Ac 13, 14.43-52)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

Paul et Barnabé étaient arrivés à Antioche de Pisidie. Le Jour du sabbat, ils entrèrent à la synagoque. Quand l’assemblée se sépara, beaucoup de Juifs et de convertis au judaïsme les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester fidèles à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur. Quand les Juifs virent tant de monde, ils furent remplis de fureur ; ils repoussaient les affirmations de Paul avec des injures. Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il fallait adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les païens. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux que Dieu avait préparés pour la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région. Mais les Juifs entraînèrent les dames influentes converties au judaïsme, ainsi que les notables de la ville ; ils provoquèrent des poursuites contre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient pleins de joie dans l’Esprit Saint.

Psaume : Ps 99, 1-2, 3, 5
R/ Tu nous guideras aux sentiers de vie, tu nous ouvriras ta maison, Seigneur.

Acclamez le Seigneur, terre entière,
servez le Seigneur dans l’allégresse,
venez à lui avec des chants de joie ! 

Reconnaissez que le Seigneur est Dieu : 
il nous a faits, et nous sommes à lui, 
nous, son peuple, son troupeau. 

Oui, le Seigneur est bon, 
éternel est son amour, 
sa fidélité demeure d’âge en âge.

2ème lecture : La joie éternelle des rachetés (Ap 7, 9.14b-17)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main. L’un des Anciens me dit :« Ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils se tiennent devant le trône de Dieu, et le servent jour et nuit dans son temple. Celui qui siège sur le Trône habitera parmi eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif,la brûlure du soleil ne les accablera plus, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire vers les eaux de la source de vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »

Evangile : Le Bon Pasteur donne la Vie à ses brebis (Jn 10, 27-30)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie. Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus avait dit aux Juifs : « Je suis le Bon Pasteur (le vrai berger). » Il leur dit encore : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. » 
Patrick BRAUD

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