L'homélie du dimanche (prochain)

28 juillet 2012

Multiplication des pains : une catéchèse d’ivoire

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Multiplication des pains :

une catéchèse d’ivoire

 

Dimanche 01/07/2012   Année B
17° Dimanche ordinaire

 

Une fois n’est pas coutume, laissons parler un artiste vieux de 1100 ans nous parler de ce passage sur la multiplication des pains. Suivons le beau commentaire (dans la revue Magnificat du mois de Juin 2012) que fait le sculpteur Fleur Nabert-Valjavec d’une plaque d’ivoire exposée au Louvre, consacrée à cette scène évangélique.

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Plaque de La multiplication des pains et des poissons (968),
ivoire, musée du Louvre, Paris, France.

 

La silhouette de pierres sombres de la cathédrale de Magdebourg émerge silencieusement des fri­mas de l’automne. À l’intérieur règne une grande agitation. L’empereur Otton ler a fait porter un présent pour célébrer l’instal­lation de l’archevêque le lende­main, 18 octobre 968. Otton est le fils d’Henri l’oiseleur, il est roi de Germanie, empereur des Romains et fondateur de ce que nous connais­sons sous le nom de Saint-Empire romain germanique. Homme de foi et de pouvoir, il a fait lui-même bâtir cette église, quelques trente et une années auparavant. Pour étendre le christianisme à l’Est, il vient d’ordonner l’érection de Magdebourg en archidiocèse. Et pour marquer l’importance spirituelle du moment, il a commandé à des maîtres ivoi­riers un ensemble de seize plaques ouvragées narrant des épisodes de l’Évangile.

Une de celles qui a traversé le temps depuis le Xe siècle est conservée au musée du Louvre. Elle représente le miracle de la multiplication des pains. On ne sait pas de quel objet elle était l’ornement. Ce qui est certain, c’est que sa petite taille (douze centimètres par douze) ordonne une contempla­tion personnelle plus qu’une mons­tration publique.

Dans le cadre d’ivoire aux perce­ments encore visibles, la scène est parfaitement circonscrite. Le Moyen Âge a le sens de la clôture, aussi bien picturale que monastique. L’artiste se sert de cette ligne de pourtour pour souligner à quel point la foule se presse jusqu’aux bords de l’image. Les têtes sont serrées les unes contre les autres. Les cheveux, ouvragés en lignes et en nattes carrées, forment une sorte de damier. Outre cette mise en scène très structurée, on discerne aussi des postures plus surprenantes comme celle des deux personnages de part et d’autre du bord inférieur, dont la tête apparaît presque au ras du sol, et qui semblent accroupis sous le poids de la foule. On note aussi la tête qui se glisse sous la manche du personnage qui tient les anses du panier ; ou encore les deux têtes comprimées sur le bois du fauteuil central. Tout cela est des­tiné à dire la multitude : la scène est comble.

 

Autre effet de masse, les personnages qui sont en bas sont de plus petite taille. S’agit-il des enfants que l’Évangile renonce à dénombrer (Mt 14,21) ? ou est-ce l’art de l’ivoirier qui donne l’impression que la foule compacte bascule vers nous ? Cet effet met, en tous les cas, le person­nage central puissamment en valeur. Le Christ est assis en majesté. Ses gigantesques mains sont étendues au-dessus du miracle qu’il est en train d’accomplir. La seule respira­tion spatiale et esthétique vient de la Croix qui rayonne derrière lui. C’est l’espace divin au-dessus de la masse des hommes. Sous son ombre, les paniers d’osier se multiplient.

 

Cette scène est décrite par les quatre évangélistes, et deux fois par Matthieu et Marc, soit six fois au total. L’ivoirier a visiblement pri­vilégié les versions de ces derniers : d’abord parce que des sept poissons ini­tiaux resteront sept cor­beilles (les autres Évangiles évoquent le chiffre douze). Les sept paniers se vident ainsi devant nos yeux sans jamais se tarir. Ensuite Matthieu et Marc précisent qu’après la bénédiction, le Christ donne aux disciples, qui eux-mêmes donnent le pain béni aux hommes (Mt 14,19 et 15,36, Mc 6,41 et 8,6). L’ivoirier place habile­ment, dans l’axe du Christ, un personnage qui regarde le spectateur de face. Les bras étendus comme ceux de la croix, l’Apôtre semble prolonger activement le geste de bénédiction du Christ, tandis que ce dernier est plongé dans l’oraison.

 

Un des talents du maître ivoirier, outre le fait d’avoir sculpté quarante-six personnages dans une plaque de la taille d’une main, est son admirable sens du temps.

D’abord parce qu’il a su rendre la syn­chronie de cette scène en une seule image : ainsi, le Christ bénit, les pains sont déjà donnés, les poissons le seront bientôt, les regards sont affolés, affamés mais déjà aussi rassurés et comblés. Ensuite, parce qu’il arrive à emmener l’imagination spirituelle plus loin que cette scène, vers la Cène, le banquet pascal, où le Christ instituera l’eucha­ristie par le même geste. Et, plus loin encore, il suggère le banquet céleste où le Christ trônera, apaisant définitivement toute faim. Enfin, par-delà le temps, son ouvrage n’a pas cessé de dire le mys­tère de la Foi, car aujourd’hui toujours, sous le regard du ressuscité, les prêtres continuent à distribuer le pain de la vie comme le disciple. Et ce ne sont plus quarante-cinq hommes, mais un milliard qui vivent de la bénédiction descendue des mains immenses du Christ.

 

Fleur Nabert-Valjavec

Sculpteur. Réalise également du mobilier liturgique. Écrit sur l’art dans plusieurs revues dont MAGNIFICAT.

 

1ère lecture : Multiplication des pains par Élisée (2R 4, 42-44)

Lecture du second livre des Rois

Il y avait alors une famine dans le pays. Sur la récolte nouvelle, quelqu’un offrit à Élisée, l’homme de Dieu, vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac. Élisée dit alors : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent. » Son serviteur répondit : « Comment donner cela à cent personnes ? » Élisée reprit : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : On mangera, et il en restera. » Alors, il les servit, ils mangèrent, et il en resta, selon la parole du Seigneur.

Psaume : 144, 10-11, 15-16, 17-18

R/ Tu ouvres la main : nous voici rassasiés

Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits. 

Les yeux sur toi, tous, ils espèrent :
tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;
tu ouvres ta main :
tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Il est proche de ceux qui l’invoquent,
de tous ceux qui l’invoquent en vérité.

2ème lecture : Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême (Ep 4, 1-6)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous encourage à suivre fidèlement l’appel que vous avez reçu de Dieu : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez à c?ur de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n’y a qu’un seul Corps et un seul Esprit. Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne au-dessus de tous, par tous, et en tous.

 


Evangile : La multiplication des pains (Jn 6, 1-15)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Un grand prophète s’est levé parmi nous : Dieu a visité son peuple. Alléluia. (Lc 7, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus été passé de l’autre côté du lac de Tibériade (appelé aussi mer de Galilée).
Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait en guérissant les malades.
Jésus gagna la montagne, et là, il s’assit avec ses disciples. C’était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs.
Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car lui-même savait bien ce qu’il allait faire.
Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain. »
Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
« Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »
Jésus dit : « Faites-les asseoir. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.
Alors Jésus prit les pains, et, après avoir rendu grâce, les leur distribua ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient.
Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu. »
Ils les ramassèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux qui restaient des cinq pains d’orge après le repas.

À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. »
Mais Jésus savait qu’ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne.
Patrick Braud

21 juillet 2012

Du bon usage des leaders et du leadership

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Du bon usage des leaders et du leadership

Homélie du 16° dimanche ordinaire / Année B
22/07/2012

Le thème du bon berger relie la première lecture (Jr 23,3-6), le psaume (22), l’évangile ce dimanche (Mc 6,13-34). Du coup, la question nous est posée à nous également : quel « berger » suivons-nous ? Comment sommes-nous bergers nous-mêmes ?

Quel berger suivons-nous ?
Il est assez courant hélas de voir des chrétiens professer leur foi le dimanche et suivre un tout autre credo la semaine au travail. Que ce soit pour suivre la dernière technique de management à la mode, ou pour approuver tel projet présenté par tel chef etc., beaucoup de chrétiens sont comme hypnotisés et perdent leur liberté critique. Comme si leur foi ne pouvait pas jouer dans leur vie professionnelle. Or, suivre aveuglement les objectifs fixés par une hiérarchie peut amener à une forme de schizophrénie intérieure douloureuse ; sans compter l’amertume de se voir un jour abandonné par ceux-là mêmes que l’on a imité.

Le portrait du mauvais leader brossé par Jérémie reste toujours valable : il égare et disperse, il apeure et accable, il rend stérile ceux qui le suivent. Bien des gourous les affaires se sont comportées ainsi - avec succès - jusqu’à ce que leur vrai leadership soit enfin révélé. Bien des chefs, petits ou grands, ont suscité une adhésion a posteriori étonnante, ou ont imposé par la peur et la contrainte des comportements formatés à leurs équipes.

Quel est votre berger au travail ?

Ne dites pas que vous êtes libres et que vous n’en avez pas… Il y a toujours quelqu’un qui a autorité sur vous, qui peut vous forcer à faire des choses que vous n’aimez pas. Plus subtil : il y a toujours des modèles que vous voudrez imiter, consciemment ou non. Le ?désir mimétique’ analysé par René Girard est si puissant qu’il arrive même à se faire oublier, pour mieux manipuler.

Pourtant il faut bien des modèles et des chefs hiérarchiques. La question de Jérémie est : les avez-vous réellement choisis ? Correspondent-ils à vos valeurs les plus précieuses ? Comment les laissez-vous avoir une influence sur vous-même ?

Les moutons de Panurge ne se sont pas réveillés à temps et ont sauté dans le vide en croyant suivre le bon berger…

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Le portrait du bon leader court dans toute la Bible : il exerce le droit et la justice (Jérémie, les psaumes) ; il fait reposer ceux dont il a la charge, leur fait traverser les épreuves et même les ravins de la mort selon le psaume de ce dimanche ; il devine les vrais besoins de ceux qui lui sont confiés ; il les instruit et les nourrit en joignant le geste à la parole.

Avant de suivre une idéologie politique quelconque, une culture d’entreprise, des objectifs professionnels, posons la question : quel est le berger qui est caché derrière ce à quoi on me demande d’adhérer ? Puis-je lui faire confiance ? Puis-je le suivre en restant en accord avec moi-même ? En les passant au tamis des critères bibliques, quelles finalités puis-je choisir pour courir après des objectifs qui me correspondent  vraiment ?

Quel berger sommes-nous ?
Chacun est tantôt conduit tantôt conducteur, tantôt suiveur tantôt leader. Avec le risque d’ailleurs de faire payer à ceux qui me voient dans un rôle ce dont je souffre dans un autre rôle. Tel salarié obéissant et fidèle devient un tyran à la maison. Tel bon père de famille devient insupportable au bureau.

Nous avons tous des moments, des responsabilités, des situations où nous sommes le berger d’autrui. Consciemment, pour aider un enfant à choisir ses études par exemple, son avenir. Inconsciemment, en se forgeant une aura telle que les autres n’ont plus qu’à m’imiter etc.

Là encore il vaut mieux reconnaître avec joie et humilité ces moments où il nous faut assumer un leadership. Ce serait une illusion de vouloir abdiquer de toute forme de responsabilité à conduire d’autres personnes. Par l’exemple, par la parole : on a besoin de figures charismatiques qui donnent le bon cap à une association, un club sportif, dans une ambiance de quartier entre voisins, dans la famille bien sûr etc. Toujours imiter et suivre les autres est normalement impossible, sauf à n’être plus que l’ombre de soi-même.

Alors, comment exercerons-nous l’autorité lorsqu’il nous faut le faire ? Comment et vers où conduisons-nous des collègues, des enfants, des amis ?

Du bon leadership
Jésus précise dans l’évangile de Jean que le bon berger est celui qui « donne sa vie pour ses brebis ».

Voilà un sacré critère pour examiner nos leaderships !
Voilà une attitude du cœur qui devrait éviter à des parents de dire à leur enfant : « après tout ce que nous avons fait pour toi… ».
Voilà un sens du service qui devrait amener un chef hiérarchique à manager son équipe bien différemment des standards habituels.
Voilà une intelligence du cœur qui transformera toute responsabilité exercée en engagement pour les autres.

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La deuxième lecture complète d’ailleurs ce portrait du bon berger par des qualités essentielles : faire tomber les murs qui séparent, rassembler, faire la paix entre les ennemis d’hier, créer du nouveau, réconcilier, donner à tous l’accès à l’essentiel (Ep 2, 13-18).

Transposez à chaque domaine de votre vie (famille, amis, travail, voisin…) et vous verrez que le bon berger de nos lectures peut inspirer vos choix.

Quel leader suivez-vous ?

Quel leadership assumez-vous ?

 

1ère lecture : Les bons pasteurs du peuple de Dieu (Jr 23, 1-6)

Lecture du livre de Jérémie

Parole du Seigneur. Misérables bergers, qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage ! C’est pourquoi ? ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple ? : À cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Moi je vais m’occuper de vous, à cause de vos méfaits, déclare le Seigneur. Puis je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai dispersées. Je les ramènerai dans leurs pâturages, elles seront fécondes et se multiplieront. Je leur donnerai des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées et accablées, et aucune ne sera perdue, déclare le Seigneur. 

Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je donnerai à David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. Sous son règne, le royaume de Juda sera sauvé, et Israël habitera sur sa terre en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice ».

Psaume : 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. 

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Jésus est la Paix pour tous les hommes (Ep 2, 13-18)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Frères, vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l’Alliance, vous êtes maintenant devenus proches par le sang du Christ.
C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine,
en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau.
Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne, il a tué la haine.
Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches.
Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit.

Evangile : Jésus a pitié de la foule (Mc 6, 30-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie. Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Après leur première mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus, et lui rapportent tout ce qu’ils ont fait et enseigné.
Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger.
Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l’écart.
Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement.
Patrick Braud

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14 juillet 2012

Plus on possède, moins on est libre

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Plus on possède, moins on est libre

 Homélie du 15° dimanche ordinaire / Année B
15/07/2012

Le ressentiment contre une Église trop riche

Qu’est-ce qui a en grande partie causé le rejet de l’Église catholique chez les Français de toutes classes sociales au XVIII° siècle ? Essentiellement les privilèges matériels qu’elle avait accumulés au fil des siècles. Le ressentiment des paysans était grand contre ces princes de l’Église qui possédaient trop et exigeaient toujours plus, en collectes, taxes et autres dons en nature. Les nobles voyaient d’un mauvais oeil ces concurrents parader à la cour royale ou dans les demeures aristocratiques comme s’ils y étaient chez eux. Même le bas clergé, rangé au côté du Tiers État lors des États Généraux de 1789, se plaignait des conditions de vie extravagantes de leurs évêques et responsables directs, alors que eux arrivaient tout juste à survivre dans les paroisses pauvres. Il régnait entre prêtres, entre les clercs et le peuple, une grande inégalité et une grande injustice. Si bien que les confiscations des biens ecclésiaux par la Révolution devinrent le symbole de l’exaspération de la population envers une Église devenue trop riche, trop puissante.

En cette période où la Grèce fait beaucoup parler d’elle au coeur de la crise de l’euro, il se pourrait que l’Église grecque comprenne un jour qu’elle aussi doit accepter de lâcher de ses possessions et de ses privilèges, si elle veut garder l’estime de ses enfants. Cette Église grecque est hégémonique, comme si elle voulait faire contrepoids à l’hégémonie musulmane qui risque d’étouffer hélas les pays voisins. Lorsque tout un peuple souffre sur le plan économique, voir les popes, les monastères, les paroisses continuent à mener grand train, ne pas payer d’impôts et bénéficier d’aides de l’État va être de plus en plus insupportable.

Est-ce à ce genre de contradictions que Jésus pense lorsqu’il prescrit à ses 12 envoyés « de ne rien emporter pour la route, de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture », ni même de tunique de rechange ! (Mc 6,7-13).

Jésus sait d’expérience que pour libérer les autres (« chasser les démons »), il faut d’abord être soi-même libéré de toute possession. Pour être plus fort que le mal, (« il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais »), il leur faut être libre de toute soif de pouvoir économique ou social.

Pour être au service, Jésus a voulu que son Église soit pauvre.

Chaque fois que les chrétiens ont oublié cette prescription, l’Église a commencé à décliner spirituellement, même si elle s’installait socialement. Chaque fois que les réformateurs l’ont ramené à cet ordre évangélique (les ermites, François d’Assise, Charles de Foucauld ou autres), elle a retrouvé un rayonnement bien au-delà de ses appartenances.

 

Pour une Église servante et pauvre

« Pour une Église servante et pauvre » : ce leitmotiv du concile Vatican II a entraîné un renouveau en profondeur, des favelas d’Amérique latine aux bidonvilles de Calcutta en passant par les ‘igloos’ du quart-monde en Europe (cabanes de tôle où se réfugiaient les familles dans les cités d’urgence).

Il se pourrait que cet élan conciliaire soit aujourd’hui mis à mal et contesté par de jeunes générations rêvant de reconquête et de pouvoir sur les masses. Mais ce serait une illusion de croire que l’avenir de l’Église passe par la puissance sociale et institutionnelle.

D’autres Églises, notamment baptistes et pentecôtistes, vivent à la lettre la finale de notre évangile de ce dimanche : chasser les démons, faire des onctions d’huile pour guérir les malades etc. On connaît les rassemblements charismatiques spectaculaires où des milliers de personnes proclament leur conversion et disent être guéris, libérés. Si tout cela s’accompagne du désintéressement prescrit par Jésus à ses apôtres, rien à redire. Si par contre ce soi-disant service se traduit en sommes d’argents mirobolantes, en domination d’un leader sur ses convertis, en lutte insensée pour prendre le pouvoir sur une société supposée pervertie (cf. les scandales des télévangélistes aux USA), alors l’avertissement du Christ résonne comme une mise en garde : « n’emportez rien pour la route… ».

Évidemment, il faut bien quelques moyens matériels pour vivre. Jésus n’est pas naïf. Il est même très réaliste en revendiquant l’efficacité de sa pauvreté apostolique :« Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ?  ’De rien’, dirent-ils. » (Lc 22,35)  Il sait que l’hospitalité ne manquera jamais à ceux qui se dévouent pour les autres. La nourriture sera offerte à ceux qui se dépensent sans compter pour la communauté. Comme le dira Paul en parlant de son ministère : « tout ouvrier mérite son salaire ». Il est juste que l’apôtre reçoive de ceux à qui il est envoyé. Ce qui l’amène d’ailleurs à faire l’expérience de la dépendance, par amour. Les bonzes tibétains doivent mendier leur bol de riz dans la rue. Les ouvriers de l’Évangile doivent compter sur la générosité de ceux à qui ils annoncent l’Évangile, sans esprit d’accumulation ni de domination.

Tel est bien le sens du denier de l’Église par exemple. Indispensable aux diocèses et aux paroisses pour survivre, il dépend entièrement de la libre générosité des habitants ; il traduit leur attachement à l’Église et aux services qu’elle leur procure; il est suffisant pour vivre (à peine en réalité, car sans les legs et les dons le déficit serait grand) mais pas pour s’enrichir. Et c’est très bien ainsi !

Le vrai enjeu pour chacun est d’examiner ce qu’il possède : ma richesse est-elle un obstacle au service des autres ? Suis-je assez libre pour servir avec désintéressement ? Pour accepter d’être envoyé quelque part « sans pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans la ceinture » ?

Et bien sûr on peut étendre cette pauvreté matérielle à toute forme de pauvreté « en esprit » (Mt 5) : être envoyé ailleurs, que ce soit dans un cadre professionnel, associatif ou ecclésial, suppose un réel détachement intérieur, en ne possédant pas trop de certitudes, de jugements établis ou de positions dominantes qui empêcheraient de se mettre au service de ceux vers qui nous sommes envoyés.

Amos dans la première lecture témoigne qu’il n’a pas recherché la mission de prophète qui lui est tombée dessus. « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël » (Am 7,15). Il a quitté son troupeau, s’est frotté au roi d’Israël, il n’a gagné ni terre, ni argent ni titre dans cette mission. 

Sa pauvreté à lui était d’aller « les mains nues » au devant des inconnus que Dieu lui désignait.

Cette pauvreté est toujours la nôtre. Conjuguée à une simplicité de vie matérielle, elle sera le ferment le plus puissant de la nouvelle évangélisation de notre vieux continent…

 

Plus on possède, moins on est mobile.

Plus on accumule, moins il est facile de se laisser envoyer ailleurs.

Tous ceux qui ont déménagé souvent le savent d’expérience !

Tout en gardant « un bâton pour la route », à quelle simplification matérielle sommes-nous appelés pour mieux répondre à l’appel du Christ ?

 

1ère lecture : La mission divine du prophète (Am 7, 12-15)

Lecture du livre d’Amos

Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Va-t’en d’ici avec tes visions, enfuis-toi au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser ; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume.»
Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’ »

Psaume : 84, 9ab.10, 11-12, 13-14

R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? 
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple. 
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

2ème lecture : Dieu nous a choisis depuis toujours (brève : 3-10) (Ep 1, 3-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ. En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ : voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé, qui nous obtient par son sang la rédemption, le pardon de nos fautes. Elle est inépuisable, la grâce par laquelle Dieu nous a remplis de sagesse et d’intelligence en nous dévoilant le mystère de sa volonté, de ce qu’il prévoyait dans le Christ pour le moment où les temps seraient accomplis ; dans sa bienveillance, il projetait de saisir l’univers entier, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ. 
En lui, Dieu nous a d’avance destinés à devenir son peuple ; car lui, qui réalise tout ce qu’il a décidé, il a voulu que nous soyons ceux qui d’avance avaient espéré dans le Christ, à la louange de sa gloire. Dans le Christ, vous aussi, vous avez écouté la parole de vérité, la Bonne Nouvelle de votre salut ; en lui, devenus des croyants, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit que Dieu avait promis, c’est la première avance qu’il nous a faite sur l’héritage dont nous prendrons possession au jour de la délivrance finale, à la louange de sa gloire.

Evangile : Jésus envoie les Douze appeler les hommes à la conversion (Mc 6, 7-13)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur toute la terre est proclamée la Parole, et la Bonne Nouvelle aux limites du monde. Alléluia. (cf. Ps 18, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus appelle les Douze, et pour la première fois il les envoie deux par deux. Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais, et il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton ; de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture.
« Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »
Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »
Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir.
Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
Patrick Braud

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7 juillet 2012

Le Capaharnaüm de la mémoire : droit à l’oubli, devoir d’oubli

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Le Capaharnaüm de la mémoire :
droit à l’oubli, devoir d’oubli

Homélie du 14° dimanche ordinaire / Année B
8 juillet 2012.

 

Le Capharnaüm de la mémoire

Dieu que c’est meurtrier de croire qu’on connaît quelqu’un !

Jésus en fait l’amère expérience : lorsqu’il revient chez lui, « dans son pays », à Le Capaharnaüm de la mémoire : droit à l'oubli, devoir d'oubli dans Communauté spirituelleCapharnaüm (où on a retrouvé les restes de la synagogue et de la maison de Simon-Pierre), personne ne croit en lui. Pourquoi ? Justement parce que c’est un enfant du pays, et que tout le monde croit le connaître. « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » (cf. Mc 6,1-6)

Autrement dit : les habitants de Capharnaüm ne peuvent pas (ou ne veulent pas ?) voir en Jésus quelqu’un d’autre que celui qu’il a toujours été : l’un des leurs, ni plus ni moins. La prétention de cet enfant devenu homme à être le prophète qui accomplit les Ecritures les heurte profondément.

Pour les juifs, le Messie doit venir d’ailleurs, et manifester ainsi la radicale altérité de  Capharnaüm dans Communauté spirituelleDieu lui-même. Mais ils imaginent cette altérité comme géographique (le Messie ne sera pas d’ici) ou familiale (nul ne saura son origine), alors que Dieu l’a pensée plus radicale encore : cet homme Jésus vient de Dieu. Alors l’incompréhension est totale (« Ils étaient profondément choqués à cause de lui. »), et elle navre Jésus qui s’étonne de leur manque de foi.

Avec ce célébrissime adage : « nul n’est prophète en son pays », Jésus constate avec tristesse que la proximité peut engendrer l’aveuglement, la familiarité peut éloigner de la vraie connaissance de l’autre.

C’est une expérience que nous avons tous pu faire, en la subissant ou en la provoquant.

Nous subissons la méconnaissance des autres lorsque les proches refusent de voir en nous autre chose que ce qu’ils y ont toujours vu.
Nous provoquons cette méconnaissance lorsque nous savons tellement de choses sur quelqu’un que nous lui interdisons en pratique de changer.

Or se laisser surprendre par quelqu’un que l’on croyait connaître est une grande marque de respect.

Le conjoint avec qui vous partagez votre quotidien est un bon test : au bout de quelques années de vie commune, vous laissez-vous encore étonner par lui ? Abordez-vous des questions et des sujets de discussion nouveaux ? Lui laissez-vous la possibilité de changer ? Changer d’habitudes, de pensée, d’état d’esprit : on ne peut s’y aventurer que si les plus proches comprennent, en encourageant, en accompagnant. Sinon on se résigne ; ou bien on quitte. C’est le symptôme de la fameuse crise du milieu de vie : lorsque les choix fondamentaux sont à nouveau à faire, les proches prennent peur et font blocage au lieu d’accepter que l’autre change.

Ce qui est vrai pour le conjoint l’est également pour le collègue. Dans une entreprise, certains trimbalent des étiquettes comme des boulets : ‘celui-là on le connaît, c’est un tire-au-flanc, ou bien un vrai tyran, ou encore un type à éviter’. Parce que cette rumeur s’étend à tout un service, ou bien simplement parce qu’il fait partie des murs, tel collaborateur sera prisonnier du regard porté sur lui comme sur Jésus à Capharnaüm : ‘n’est-ce pas Machin qu’on connaît par coeur ? Et il voudrait nous faire croire qu’il serait capable d’autre chose ? Foutaises !’

Et pourtant, dès qu’on donne la parole aux salariés en brassant leurs appartenances, leurs niveaux hiérarchiques, leurs métiers, il se passe des révélations surprenantes. Un tel qu’on croyait transparent se révèle bon animateur ; une telle qu’on pensait  distante se révèle blessée et touchante ; un autre qu’on jugeait agressif ne demandait seulement qu’une écoute pour adopter un comportement plus positif etc.

 

Dieu que c’est meurtrier de croire qu’on connaît quelqu’un !

Le mieux serait alors de professer une docte ignorance : je confesse ne pas savoir qui tu es vraiment (que tu sois ami, conjoint ou collègue). Et chaque matin je repars à ta découverte sans laisser l’accumulation des acquis du passé me fermer à la surprise du lendemain. Lorsque la relation est difficile, l’autre percevra ainsi un signal de liberté : ?tu ne m’enfermes pas dans ce que j’ai été’. Lorsque la relation est belle et bonne, l’autre percevra dans cette docte ignorance de ma part un encouragement à continuer à aller plus avant, en continuant à se transformer.

 

L’oubli est parfois plus important que la mémoire.

Oublier ce que j’ai appris sur l’autre me permet de le découvrir à chaque fois avec un regard neuf, de l’accompagner dans ses changements. Les habitants de Capharnaüm étaient prisonniers de leur mémoire commune avec Jésus : l’ayant vu gamin travailler avec son père charpentier, jouer avec ses cousins et cousines dans les rues du village (les fameux « frères et soeurs » de Jésus), ils ne peuvent imaginer que Jésus est différent de ce qu’ils savent déjà de lui.

Leur mémoire leur joue des tours, mais c’est paradoxalement en les empêchant d’oublier !

Le Capharnaüm de la mémoire, c’est lorsque celle-ci est trop en ordre, trop archivées sur trop longtemps pour pouvoir s’ouvrir à la nouveauté.

S’ils avaient mis de côté leurs souvenirs avec la famille de Joseph, les habitants de Capharnaüm se seraient rendus disponibles à la nouveauté de Jésus, comme le seront ceux qui ignorent tout de lui.

 

Devoir d’oubli / droit à l’oubli

Il y a donc comme un devoir d’oubli qui flotte dans cet évangile…

1001privacyday.1264684203.thumbnail InternetÉlément très actuel, quand vous pensez aujourd’hui à toutes les traces numériques que les jeunes notamment laissent sur Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux. Dans 5 ans ou 10 ans, alors qu’ils auront changé, un employeur leur ressortira peut-être la vidéo où ils s’exhibaient ivres et en plein délire estudiantin :c’est vous là  sur cette photo ? Et vous croyez que je vais vous faire confiance ?’ Le jeune protestera :mais c’était moi il y a cinq ans ! Maintenant je suis différent.’  Peine perdue?

Comme quoi le devoir d’oubli devrait s’accompagner d’un droit à l’oubli, garanti par la société et par la loi, le droit à l’oubli numérique notamment pour ne pas être enfermé à jamais dans une empreinte d’un moment.

Nietzsche est étonnamment proche de Jésus à Capharnaüm lorsqu’il écrit :

« Faire silence, un peu, faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles, voilà, je le répète, le rôle de la faculté active d’oubli, une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l’ordre psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura immédiatement que nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans faculté d’oubli. »

Nietzsche, Généalogie de la morale

 

Le devoir d’oubli, c’est le regard bienveillant qui donne à l’autre la chance de renaître.

Le droit à l’oubli, c’est l’affirmation de la dignité de toute personne humaine qui est toujours plus grande que ses actes passés.

Jésus à Capharnaüm a souffert qu’on ne lui accorde pas ce droit à l’oubli. Par contre, envers les parias de son époque, il a témoigné d’un devoir d’oubli qui a choqué les gens installés dans leurs fausses connaissances.

 

Comment lutter pour ce droit à l’oubli ?

Comment mettre en œuvre ce devoir d’oubli ?

En famille, au travail, entre amis ou voisins, comment accepter finalement que quelqu’un soit prophète en son pays ?

 

1ère lecture : Le prophète envoyé aux rebelles (Ez 2, 2-5)

Lecture du livre d’Ezékiel

L’esprit vint en moi, il me fit mettre debout, et j’entendis le Seigneur qui me parlait ainsi :
« Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël, vers ce peuple de rebelles qui s’est révolté contre moi. Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi,
et les fils ont le visage dur, et le c?ur obstiné. C’est à eux que je t’envoie, et tu leur diras : ‘Ainsi parle le Seigneur Dieu…’
Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils s’y refusent ? car c’est une engeance de rebelles ?, ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. »

Psaume : 122, 1-2ab, 2cdef, 3-4

R/ Nos yeux levés vers toi, Seigneur, espèrent ta pitié.

Vers toi j’ai les yeux levés,
vers toi qui es au ciel,
comme les yeux de l’esclave
vers la main de son maître.

Comme les yeux de la servante
vers la main de sa maîtresse, 
nos yeux, levés vers le Seigneur notre Dieu,
attendent sa pitié.

Pitié pour nous, Seigneur, pitié pour nous :
notre âme est rassasiée de mépris.
C’en est trop, nous sommes rassasiés 
du mépris des orgueilleux !

2ème lecture : La force de l’Apôtre réside dans sa faiblesse (2Co 12, 7-10)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, les révélations que j’ai reçues sont tellement exceptionnelles que, pour m’empêcher de me surestimer, j’ai dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour m’empêcher de me surestimer. Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Je n’hésiterai donc pas à mettre mon orgueil dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ habite en moi. C’est pourquoi j’accepte de grand c?ur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.

Evangile : Jésus n’est pas accepté dans son pays (Mc 6, 1-6)

Acclamation : Alléluia.Alléluia. Le Seigneur a envoyé Jésus, son serviteur, porter pauvres la Bonne Nouvelle du salut. Alléluia. (cf. Lc 4, 18a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus est parti pour son pays, et ses disciples le suivent.
Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Les nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à cause de lui.
Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison. »
Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Il s’étonna de leur manque de foi. Alors il parcourait les villages d’alentour en enseignant.
Patrick Braud

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