L'homélie du dimanche (prochain)

10 novembre 2012

Les deux sous du don…

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Les deux sous du don…

Homélie du 32° Dimanche / Année B
Dimanche 11 Novembre 2012

Le mil de l’hospitalité

Un coopérant en Afrique racontait cette anecdote :
« Un jour, en pleine saison des pluies, surpris par un gros orage en mobylette en brousse, la piste se transforme en torrent de boue. Je demande l’hospitalité à des cases toutes proches. La famille m’accueille une journée et me nourrit avec des restes froids de mil. Je n’ose pas refuser. Et j’apprends après, en parlant avec eux, en cette période de soudure entre deux récoltes, qu’ils ne préparent le mil que tous les 3 jours jusqu’à la prochaine récolte : ils m’avait donné ce qui leur restait. « Mais, disaient-ils, avec l’aide de Dieu, on tiendra bien les 2 jours qui viennent ». Ils ne connaissaient pas le chapitre 12 de l’Évangile selon St Marc que nous venons de lire, mais ils venaient de l’écrire devant moi avec leur simplicité, leur joie et leur confiance.
Me donner à moi, un étranger, un blanc, même le mil nécessaire pour leur famille !…
J’étais heureux d’avoir pu accepter, car refuser aurait été leur faire injure. »

Enlever à quelqu’un la capacité de donner, de se donner, c’est le priver de toute dignité humaine. Et, dans l’ordre du don sans retour, les pauvres souvent sont nos maîtres.

Personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

Ce serait même humilier quelqu’un que de ne plus oser lui demander de donner quelque chose de lui-même.

 

Donner à l’autre de se donner

Élie, l’a bien compris : dans sa première lecture, il ose demander à la veuve de Sarepta, le peu de pain qu’elle peut encore faire cuire. Il ose lui demander la seule nourriture qu’il lui reste. Parce qu’il sait l’effet multiplicateur de l’amour : ce que la veuve donnera avec confiance lui sera redonné au centuple.

Élie ne donne rien à la veuve. Il lui donne de donner. Plus encore : il lui donne de se donner.

Personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

Jésus, lui aussi a bien compris que la dignité de la veuve du Temple réside dans sa capacité à donner encore, malgré sa pauvreté. Enlevez à quelqu’un la possibilité de donner, de se donner, et vous le rabaissez à n’être qu’un assisté perpétuel.

Souvenez-vous des débuts des chiffonniers d’Emmaüs : un désespéré relevant juste d’une tentative de suicide, demande à l’Abbé Pierre de l’aider. L’Abbé lui répond : « je ne peux pas t’aider. Mais toi, tu peux aider ceux qui sont dans la rue. Viens, on va voir ce qu’on peut faire avec eux.’ Et les chiffonniers d’Emmaüs étaient nés ».

Regardez les jeunes des cités actuellement : ils désespèrent, pas d’abord à cause du manque de subventions publiques, mais parce qu’ils n’ont pas pu rencontrer ou écouter des adultes qui les appelleraient à donner d’eux-mêmes : « donne de ton temps pour encadrer des plus jeunes, donne de ta présence pour faire reculer la solitude des plus âgés ; donne de toi-même, de tes talents (musique, théâtre, sport) pour faire vivre ton quartier, on compte sur toi ! »

La meilleure façon d’aider quelqu’un c’est souvent de l’appeler à se donner?

Et personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

On est alors sur une autre piste que les scribes médiatiques actuels, Téléthon ou autres dîners de galas solidaires, où il faut montrer qu’on signe de gros chèques, comme les riches du Temple de Jérusalem faisaient clinquer les pièces de monnaie dans les troncs.

 

Puiser dans le don de l’autre la force de son propre don

Jésus s’émerveille de la capacité de don qu’a cette femme, pauvre et seule. Le regard de Jésus sait discerner dans la foule du Temple, non pas ceux qui veulent être vus, mais celle qui donne tout ce qu’elle a pour vivre. Il reconnaît en elle une soeur, sa soeur, car lui aussi va bientôt sur la Croix donner toute sa vie, pauvre et seul. Peut-être même puise-t-il chez cette femme le courage d’aller lui aussi jusqu’au bout du don de soi ?…

 

Changer de regard

Patrick BraudEn tout cas, pour observer cette scène, Jésus a dû se retirer dans le parvis des femmes. Car vous savez qu’au Temple de Jérusalem, les hommes et les femmes ne se mélangeaient pas. Une vaste cour carrée entourée de colonnades était réservée aux femmes qui pouvaient assister aux cérémonies depuis une galerie. C’est sans doute sur l’une des marches de l’escalier qui permettait aux femmes d’accéder à la salle du Trésor que Jésus a passé un long moment à observer la foule de ceux qui déposaient de l’argent dans les 13 troncs.

Et c’est en se plaçant du côté des femmes, dans le Temple, que Jésus a pu s’émerveiller de la force du don de soi.

Bonne Nouvelle : pour Dieu, la manière dont nous donnons est beaucoup plus importante que le montant versé. Jésus ne regarde pas les zéros alignés sur le chèque, mais le coeur de celui qui donne (ce qui d’ailleurs n’empêche pas les zéros, mais les remet à leur place, seconde).

Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse rien donner?

St Vincent de Paul – « Monsieur Vincent » – disait : « Heureusement pour les pauvres qu’il y a des pauvres : eux savent donner ». 

 

Une veuve à deux sous…

Les Pères de l’Église ont vu dans cette pauvre veuve la figure de l’Église : son époux est mort, mais elle donne au monde, avec confiance, les 2 pièces de la foi et de la charité. Une « veuve à deux sous » en quelque sorte, comme il y a des ‘romans de quatre sous’?

Ou bien encore les 2 pièces peuvent figurer l’image et la ressemblance de l’homme avec Dieu, car l’Église sait que le Trésor de Dieu, c’est l’humanité vivante.

Mais cette veuve à 2 sous continue de nous émerveiller lorsque, sous les traits de telle ou telle personne modeste, elle donne ce qu’elle a pour vivre. Jusqu’à donner le pain eucharistique qui chaque jour se renouvelle, comme pour la veuve de Sarepta. Jusqu’à se donner soi-même, comme le Christ sur la Croix :

Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse rien donner?.

Que l’Esprit du Christ nous donne de discerner avec émerveillement la qualité du don de chacun, au-delà des apparences. Jusqu’à nous aussi oser donner de notre nécessaire, de notre indigence même.

 

1ère lecture : La veuve de Sarepta (1R 17, 10-16)

Lecture du premier livre des Rois

Le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? »
Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. »
Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. »
Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi un petit pain et apporte-le moi, ensuite tu feras du pain pour toi et ton fils.
Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. »
La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger.
Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par la bouche d’Élie.

Psaume : 145, 5-6a, 6c-7ab, 8bc-9a, 9b.10

R/ Je te chanterai, Seigneur, tant que je vivrai.

Heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob,
qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu,
lui qui a fait le ciel et la terre.

Il garde à jamais sa fidélité, 
il fait justice aux opprimés ; 
aux affamés, il donne le pain. 

Le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger. 

Il soutient la veuve et l’orphelin.
D’âge en âge, le Seigneur régnera : 
ton Dieu, ô Sion, pour toujours ! 

2ème lecture : Le sacerdoce du ciel (He 9, 24-28)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu.
Il n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis le commencement du monde. Mais c’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice.
Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois, puis de comparaître pour le jugement, ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

Evangile : L’ostentation des scribes – L’aumône de la pauvre veuve (brève : 41-44) (Mc 12, 38-44)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux les pauvres de c?ur : le Royaume des cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Dans son enseignement, Jésus disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques,
les premiers rangs dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners.
Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d’autant plus sévèrement condamnés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l’argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes.
Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes.
Jésus s’adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Patrick Braud

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3 novembre 2012

Simplifier, Aimer, Unir

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Simplifier, Aimer, Unir

 

Homélie du 31° Dimanche du temps ordinaire / Année B
04/11/2012

 

 

Il y a trois appels dans cet évangile.

 Trois appels qui tournent autour de 3 verbes :

 

1) SIMPLIFIER

Le 1er appel, c'est un appel à simplifier.

Simplifier beaucoup de choses dans notre vie.

On pose la question à Jésus : « quel est le plus grand commandement ? »

Vous savez sans doute que pour être juif, il faut respecter 613 commandements à la lettre, et ceci de manière pointilleuse, voire scrupuleuse, au point que çà peut en devenir obsessionnel. Et voilà que Jésus simplifie : au lieu de 613 commandements, il va en donner 2 qui n'en font qu'un.

Je crois que c'est une habitude profondément sage : nous sommes appelés à simplifier votre vie, à simplifier notre manière de pratiquer notre foi.

 

Simplifiez votre vie.
C'est à dire : allez à l'essentiel de ce qui vous unit aux autres, ne vous laissez pas arrêter par ce qui est secondaire, parce ce qui n'est finalement que détail.

Simplifier sa vie, cela peut vouloir dire aussi avoir le courage de mener une vie simple, de refuser une vie qui serait trop superficielle ou trop mondaine, où les facilités financières vous entraîneraient à être loin de vous-mêmes.

Avoir le goût des choses simples et ensemble goûter le bonheur simple que Dieu vous donne.

Cela veut dire aussi simplifier votre relation à Dieu.
La foi chrétienne n'est pas compliquée, elle est très simple. Il s'agit de faire confiance ; lorsqu'on aime quelqu'un, au point de lui donner sa vie dans le mariage, c'est la même chose avec Dieu : on peut lui faire confiance et lui remettre sa vie.

Simplifiez votre relation à Dieu pour qu'elle devienne profonde, moins intellectuelle et plus existentielle, plus personnelle.

Simplifiez aussi les relations entre nos Églises.

Quelquefois, entre les Églises, on se perd dans des détails historiques ou des controverses de points virgules ou de points d'exclamation?.

Il nous faut un tissu conjonctif entre nos Églises, des personnes, des familles qui nous redisent que l'essentiel est d'aimer, ou plutôt que l'essentiel c'est de se laisser aimer par quelqu'un de plus grand que nous.

Nous avons besoin d'avoir des « couples mixtes » comme l'on dit dans notre jargon, pour qu'entre les Églises pentecôtiste et catholique, et aussi les autres Églises protestantes ou orthodoxes nous sachions revenir à l'essentiel et simplifier la foi autour de ce qu'il y a de plus fondamental : le Christ, mort et ressuscité, qui nous aime et qui nous ouvre un chemin de vie.

Voilà le 1er appel qui résonne ce Dimanche.

 

Simplifiez, ne vous laissez pas envahir par ce qui est secondaire, restez attachés à ce qu'il y a de plus important… : cela demande un grand discernement.
Savoir discerner ce qui est le plus important pour savoir faire des choix : choix professionnels, choix de maison, choix d'engagements sociaux ou ecclésiaux…

Gardez au c?ur cet appel du Christ qui passe de 613 à 2, c'est dire qui simplifie la Foi.

 

2) « TU AIMERAS »

Le second appel contenu dans ce texte, c'est l'appel du Christ à l'impératif : « Tu aimeras ».
Patrick BraudCe n'est pas : « si tu ressens quelque chose pour l'autre, alors oui, aime le ! »
Ce n'est pas : « écoute ton c?ur battre, suis ton c?ur qui bat et tu verras bien où il t'emmènera ».
C'est l'impératif qui va jusqu'à dire : « choisis d'aimer, aie en toi la volonté d'aimer »,  et d'aimer l'autre même lorsqu'il ne sera plus aimable?

Car il y a des moments – interrogez les vieux couples – où le conjoint / l'ami n'est pas toujours aimable ! Il y a des moments où le conjoint / l'ami fait souffrir. Il y a des moments où le sentiment seul ne suffit pas, où le sentiment sera peut être un peu loin?..
C'est inévitable sur 50 ans, 60 ans de vie commune ou d'amitié.

Aimer, c'est d'abord vouloir aimer ; à la manière du Christ : vouloir aimer.

Le sentiment est utile mais il ne suffit pas pour construire une vie à deux ou pour tenir dans l'amitié. Il faut s'appuyer sur un projet, une construction. Peut être faut-il avoir la même rigueur dans l'amour / l'amitié que celle que vous avez dans votre vie professionnelle. Pour construire un projet, il faut régulièrement s'appuyer sur des bases solides et objectives sur lesquelles on peut revenir.

Tu aimeras… : et cela ira même jusqu'à aimer ses ennemis : preuve que le sentiment n'est pas l'amour…

 

3) UNIR TROIS AMOURS EN UN SEUL

 Le 3èmeappel qui est contenu dans ce texte, c'est l'appel à unir trois Amours en un seul.

 Les 3 amours dont parle le Christ, vous les avez entendus :
« - Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
- Tu aimeras ton prochain ? comme toi-même ».

Simplifier, Aimer, Unir dans Communauté spirituelle fig5-1C'est donc qu'il y a dans l'ordre : l'amour de Dieu, l'amour de soi et l'amour du prochain.
Les deux premiers sont peut être les plus importants car c'est ceux que l'on oublie avec le temps. Par exemple, on croit qu'on se marie parce qu'on aime l'autre. Or on se marie surtout pour aimer l'autre, pour l'aimer mieux, pour l'aimer davantage. Pourquoi ?

Parce qu'il y a d'abord l'ouverture à l'amour de Dieu lui même, l'ouverture à cet amour infini qui dilate en nous notre capacité de nous laisser aimer par quelqu'un plus grand que nous et qui est à la source de tous nos amours humains, de toutes nos amitiés humaines.

« Tu aimeras ton Seigneur ton Dieu »

Si vous avez cette chance – car je crois que c'est une chance – de partager dans votre couple cet amour de Dieu, cette recherche de Dieu, ce désir de Dieu, alors profitez-en au maximum. C'est une chance car il y a beaucoup de couples où un seul membre partage cette recherche.
Quel bonheur, quelle joie, mais aussi quelle force de se tourner à deux vers celui qui est plus grand que nous et de laisser de la place entre nous pour un ami, un compagnon, un sauveur sur notre route.

S'ouvrir à l'infini de Dieu : voilà pourquoi le premier amour est l'amour de Dieu lui-même. Il conditionne quelque part les autres.


L'amour de soi
Il est la fondation de tous les autres amours et de manière paradoxale du second amourqui vient dans l'évangile : l'amour de soi. Plus je laisse Dieu m'aimer, plus je suis réconcilié avec moi-même. Plus je peux m'accepter moi même en vérité.

Vous avez sûrement déjà fait cette expérience, dans votre couple ou dans l'amitié. Lorsqu'on est aimé par quelqu'un, on commence à pouvoir être en paix avec son passé, avec les blessures de son histoire personnelle, avec les blessures de son histoire familiale (et qui d'entre nous n'en a pas ?). Mais aussi grâce aux grandes rencontres, aux grandes joies, aux grands témoins qui ont balisé notre route.

Être en paix avec soi-même, s'aimer soi-même grâce à l'amour que Dieu, nous porte.

Il est illusoire de croire que l'on peut aimer l'autre si l'on ne peut pas s'aimer soi-même. Vous le savez bien : beaucoup de couples se divisent et se séparent parce qu'ils n'ont pas résolu leurs propres questions personnelles. Ils croyaient utiliser l'autre pour mieux trouver la paix ; et puis l'instrumentalisation de l'autre débouche tôt ou tard sur une déception ou sur une désillusion. Seule la réconciliation avec soi-même permet d'aimer l'autre en vérité. Ce travail n'est pas fini avec le mariage, il continue à partir de là.

 

L'amour du prochain

Et enfin bien sûr, ces deux amours convergent vers l'amour du prochain.
Aimer son prochain surtout quand il n'est pas aimable. Et le prochain est très concrètement celui à côté de qui on vit (quartier, travail, famille) : il est trop facile d'être humaniste pour les grandes causes lointaines et de ne pas voir ceux qui sont à côté.

Aimer son prochain jusqu'au pardon.
Aimer son prochain comme Dieu aime ; et Dieu est sans doute le plus court chemin pour aller vers l'autre.
Aimer à la manière du Christ et nous allons le signifier dans l'eucharistie??
Lui, Il verse son sang pour l'autre ; Lui, il livre son corps pour l'autre.
Vous êtes appelés vous aussi à verser votre sang, à livrer votre corps pour que l'autre vive, pour que l'autre ait en plénitude, la joie promise par le Christ.

 

Simplifiez votre vie, osez conjuguer le verbe aimer à l'impératif et unissez les trois amours : Amour de Dieu, Amour de Soi, Amour de l'Autre.

Par l'eucharistie, le Christ nous donne la force de devenir les témoins de ce que :
- la communion est possible entre nous.
- la communion est possible entre nos Églises, entre religions différentes.
- la communion c'est Dieu lui même qui se donne, dans le respect de la différence et en même temps dans la proximité, pour devenir inséparables.

Puissions-nous devenir ainsi des signes de cet amour finalement trinitaire : être unis tout en respectant les différences.

C'est ce que Dieu vit en lui-même : le Père et le Fils, dans le baiser commun qui est l'Esprit.

 

Puissions-nous aller boire à la source de cet amour et en devenir des signes vivants.

 

1ère lecture : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » 

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple d’Israël :
« Tu craindras le Seigneur ton Dieu. Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ses commandements et ses ordres, que je te prescris aujourd’hui, et tu auras longue vie.

Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité, dans un pays où ruissellent le lait et le miel, comme te l’a promis le Seigneur, le Dieu de tes pères.

Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique.

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, de toute ton âme et de toute ta force.

Ces commandements que je te donne aujourd’hui resteront dans ton c?ur. »

 

Psaume : 118, 97.99, 101-102, 103-104, 105-106

R/ Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, et tu auras la vie.

De quel amour j’aime ta loi :
tout le jour je la médite !
Je surpasse en sagesse tous mes maîtres,
car je médite tes exigences.

Des chemins du mal, je détourne mes pas, 
afin d’observer ta parole. 
De tes décisions, je ne veux pas m’écarter, 
car c’est toi qui m’enseignes. 

Qu’elle est douce à mon palais ta promesse : 
le miel a moins de saveur dans ma bouche ! 
Tes préceptes m’ont donné l’intelligence : 
je hais tout chemin de mensonge. 

Ta parole est la lumière de mes pas, 
la lampe de ma route. 
Je l’ai juré, je tiendrai mon serment, 
j’observerai tes justes décisions.

 

2ème lecture : « Le sacerdoce qui ne passe pas » (He 7, 23-28)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Dans l’ancienne Alliance, un grand nombre de prêtres se sont succédé parce que la mort les empêchait de durer toujours.

Jésus, lui, puisqu’il demeure éternellement, possède le sacerdoce qui ne passe pas.

C’est pourquoi il est en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui s’avancent vers Dieu grâce à lui, car il vit pour toujours, afin d’intercéder en leur faveur.

C’était bien le grand prêtre qu’il nous fallait : saint, sans tache, sans aucune faute ; séparé maintenant des pécheurs, il est désormais plus haut que les cieux.

Il n’a pas besoin, comme les autres grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses péchés personnels, puis pour ceux du peuple ; cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même.

Dans la loi de Moïse, ce sont des hommes remplis de faiblesse qui sont désignés comme grands prêtres. Mais plus tard, quand Dieu s’engage par serment, il désigne son Fils qu’il a pour toujours mené à sa perfection.

 

Evangile : Les trois amours (Mc 12, 28b-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu est amour. Celui qui aime est né de Dieu : il connaît Dieu. Alléluia. (1 Jn 4, 8.7)


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? »

Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »

Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as raison de dire que Dieu est l’Unique et qu’il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son c?ur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices. »

Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger. 

Patrick Braud

31 octobre 2012

Toussaint d’en-haut, Toussaint d’en-bas

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Toussaint d’en-haut, Toussaint d’en-bas

 

Homélie pour la fête de la Toussaint / Année B
01/11/2012

 

« Je crois à la communion des saints ».

Une ligne dans le Symbole des Apôtres que nous proclamons souvent le dimanche. Une ligne qui prend tout son sens en cette fête de tous les saints.

En effet, quel est l’impact pour chacun de cette communion des saints qui est à l’origine de ce jour férié ?

 

Et d’abord, qui sont les saints que nous fêtons ?

La liturgie oriente notre regard vers la « foule immense » que nul ne peut dénombrer, la foule de ceux et celles qui sont déjà dans l’intimité du Dieu vivant (Apocalypse 7, 2-14). La piété populaire nous fait regarder vers les amis de Dieu vénérés localement (saint Antoine de Padoue, si populaire, mais aussi sainte Rita, sainte Thérèse, et tant d’autres figures de sainteté dont les statues sont toujours garnies de fleurs dans nos églises).

La Bible orienterait plutôt notre regard vers les visages de notre assemblée, de nos Églises. Car les « saints » dont parle l’Écriture sont d’abord les membres du peuple de l’Alliance pour l’Ancien Testament, et les baptisés des assemblées locales dans le Nouveau Testament.

Paul est sans doute celui qui fait le plus souvent usage du mot « saints » pour désigner les fidèles d’une Église locale : les « convoqués saints » de l’Église de Rome (Rm 1,7) ; les « saints » qui sont à Éphèse (Ep 1,1), à Philippe (Ph 1,1), à Colosses (Col 1,1) ; les « saints » de Corinthe au service desquels se sont mis Stéphanas et les siens (1Co 16,15-18) ; les « saints » à qui les veuves lavent les pieds (1 Ti 5,10) suivant l’exemple du Christ au soir du Jeudi saint ; « les saints et les guides » des communautés judéo-chrétiennes (He 13,24).

Dans les Actes des Apôtres, Ananie a entendu parler du mal que Saul faisait aux « saints » de Jérusalem (Ac 9,13 ; 26,10).  « Pierre, qui passait partout, descendit également chez les saints qui habitaient Lydda » (Ac 9,32). Et lorsqu’il relève Tabitha, il la présente aux « saints » de Lydda (Ac 9,41).

Toussaint d'en-haut, Toussaint d'en-bas dans Communauté spirituelle voyage_paul_3bis

Plus encore, le terme employé par Luc pour désigner la collecte organisée en faveur de l’Église de Jérusalem en détresse matérielle est le mot koïnonia=communion. Faite pour aider les « saints » de Jérusalem, cette collecte est donc la première ?communion des saints’ concrètement réalisée entre Églises : « La Macédoine et l’Achaïe ont trouvé bon de faire une collecte (koïnonia) pour les pauvres des saints à Jérusalem » (Rm15,26).

Sans exclure – loin de là – la formidable puissance d’intercession qui réside dans la communion avec les saints de l’au-delà, la Toussaint peut également nous inviter à bâtir une communion entre les saints de l’ici-bas, à compter sur ce formidable soutien pour traverser « la grande épreuve » (Ap 7,13) de nos vies.

Il y a – il devrait y avoir – entre les membres de nos assemblées de tels liens de fraternité, de soutien mutuel, d’appui réciproque que la communion entre nous est ? devrait être - quelque chose de palpable, de physique, de visible. Lorsque par malheur cette communion n’existe pas, lorsque l’anonymat prévaut, lorsque chacun ne prie que pour soi ou n’agit pas pour les autres, alors le témoignage ecclésial est abîmé, blessé. Si l’assemblée ne ressemble pas à une petite Toussaint d’en-bas, alors il ne faut pas s’étonner que les parents du catéchisme n’y reviennent pas, que les jeunes la désertent, qu’elle soit placée au rang de survivance folklorique d’un passé révolu.

 

La Toussaint d’ici-bas, c’est le verre de l’amitié à la sortie pour que nul ne ressorte sans une parole ou un geste fraternel ; c’est l’intention de prière où on laisse la parole à celui qui est concerné plutôt que de prier sur lui avec condescendance ; c’est la promesse d’une visite, d’une prière en écho à une confidence ; c’est l’invitation à rejoindre tel petit groupe biblique liturgique ou d’entraide ; ce sont des liens finalement si forts de dimanche en dimanche qu’ils en finissent par être plus forts que le temps et l’espace.

Cette communion-là est un témoignage vivant rendu à l’Esprit Saint. « Voyez comme ils s’aiment » (cf. Jn 13,35). Ne pas pratiquer ces liens-là entre nous (entre les « saints »), c’est peut-être ce que Jésus appelait le péché contre l’Esprit.

Car c’est à l’intérieur du troisième article du Credo, celui consacré à la foi au Saint Esprit, que vient la confession de foi en la communion des saints. D’ailleurs, en latin, on ne peut croire qu’en Dieu (credo in unum Deum / in unum Dominum Jesum Christum / in Spiritum sanctum) alors qu’on croit à l’Église, à la communion des saints (credo ecclesiam). C’est donc que les liens qui existent entre tous les saints sont les fruits de l’Esprit Saint, relation personnelle unissant le Père et le Fils. Parce que nous sommes le Temple de l’Esprit Saint, personnellement et collectivement, la Toussaint est une fête pour maintenant et pour demain, unissant les membres de l’assemblée historique aux membres de l’assemblée ultime que décrit l’Apocalypse.

 

La Toussaint d’en-haut nourrit celle d’en-bas, qui la reflète et l’anticipe. C’est du moins la vocation de nos assemblées…

Sommes-nous à la hauteur de cette vocation ?

Croyons-nous assez à la communion des saints de l’aujourd’hui ?

 

Celui qui aura éprouvé la force que donne la prière invisible d’autres pour lui témoignera : oui, j’ai été porté, soutenu dans l’épreuve par le courant d’intercession de ceux qui importunaient Dieu en ma faveur (cf. la parabole de la veuve importune en Lc 18, 1-8).

Celui qui aurait été secouru, grâce à l’assemblée, par l’écoute gratuite, par la solidarité en actes, témoignera : oui la solitude et la précarité ont reculé dans ma vie grâce à l’intervention de quelques-uns.

Celui qui à des milliers de kilomètres de là se sait soutenu devant la persécution, la justice ou la haine grâce à l’engagement de prière ou d’opinion publique de groupes comme l’ACAT, le CCFD où l’AED témoignera : oui, il y a des gens en communion avec moi très loin d’ici qui sont pour moi « un frère, une soeur, une mère » (Mt 12,49).

e4004a4d communion dans Communauté spirituelle 

Alors, fêtons la Toussaint avec enthousiasme !

Célébrons la douceur de vivre unis à cette foule immense de tous les temps et de tous les espaces, à commencer par le nôtre.

Et que jamais la Toussaint d’en-haut ne vienne nous dispenser de la Toussaint d’en-bas, au contraire !

 

1ère lecture : La foule immense des rachetés (Ap 7, 2-4.9-14)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ange qui montait du côté où le soleil se lève, avec le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant ; d’une voix forte, il cria aux quatre anges qui avaient reçu le pouvoir de dévaster la terre et la mer : « Ne dévastez pas la terre, ni la mer, ni les arbres, avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu. » Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau : ils étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël. 

Après cela, j’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main. Et ils proclamaient d’une voix forte : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ! »

Tous les anges qui se tenaient en cercle autour du Trône, autour des Anciens et des quatre Vivants, se prosternèrent devant le Trône, la face contre terre, pour adorer Dieu. Et ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! »

L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? »

Je lui répondis : « C’est toi qui le sais, mon seigneur. » Il reprit : « Ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. »

Psaume : 23, 1-2, 3-4ab, 5-6

R/ Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché.

Au Seigneur, le monde et sa richesse,
la terre et tous ses habitants !
C’est lui qui l’a fondée sur les mers
et la garde inébranlable sur les flots. 

Qui peut gravir la montagne du Seigneur 
et se tenir dans le lieu saint ? 
L’homme au c?ur pur, aux mains innocentes, 
qui ne livre pas son âme aux idoles.

Il obtient, du Seigneur, la bénédiction, 
et de Dieu son Sauveur, la justice. 
Voici le peuple de ceux qui le cherchent,
qui recherchent la face de Dieu !

2ème lecture : Nous sommes enfants de Dieu et nous lui serons semblables (1 Jn 3, 1-3)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Mes bien-aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu ? et nous le sommes. Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître : puisqu’il n’a pas découvert Dieu.

Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. Et tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur.

Evangile : Les Béatitudes (5, 1-12a)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Venez au Seigneur, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau : il vous donnera le repos. Alléluia. (cf. Mt 11, 28)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Quand Jésus vit la foule, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :

« Heureux les pauvres de c?ur : le Royaume des cieux est à eux !

Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !

Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !

Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !

Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu !

Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux !

Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! »
Patrick Braud

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27 octobre 2012

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Homélie du 30° dimanche ordinaire Année B
28/10/12

 

Le fils de Timée et le Fils de David

L’épisode de la rencontre de Jésus et de Bartimée à la sortie de Jéricho est célèbre (Mc 10,46-52). On y voit souvent une preuve de la puissance du Christ. Ou son désir de réintégrer socialement tous les exclus qui comme cet aveugle restent au bord de la route au sens propre comme au sens figuré. Ou on y lit avec raison le symbole du baptisé qui quitte ses aveuglement pour suivre Jésus sur la voie de l’évangile.

On peut aussi y voir la rencontre de deux fils, l’un donnant à l’autre d’assumer sa filiation.
Voyons comment.

Les noms bibliques ont une signification.

Ils ne sont jamais là par hasard dans un texte de la Bible, comme les chiffres d’ailleurs.

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils dans Communauté spirituelleJéricho par exemple, vient du nom hébreu : lune (« jareah »). Jéricho est donc la ‘ville de la lune’ en hébreu. Or la lune croît et décroît, elle change sans cesse (par opposition au soleil) : elle est devenue dans le monde de Jésus le symbole de la disparition et du déclin. L’évangéliste Marc précise bien que Jésus sort de Jéricho avec ses disciples : symboliquement c’est l’invitation à sortir de nos déclins, à ne pas se résigner à la disparition.

       Sortir d’une logique dépressive du déclin, c’est par exemple reconnaître que notre Église est bien vivante, et se renouvelle en profondeur. Nous sommes à l’image de cette foule « assez nombreuse » (traduction plus exacte du texte) qui entoure Jésus dans le passage d’aujourd’hui : ni majoritaire, ni marginale. Une foule qui va apprendre à être instrument du salut en transmettant l’appel du Christ à l’aveugle.

         Sortir de Jéricho est aussi l’invitation à quitter nos déclins intérieurs : lorsque décline notre soif de Dieu, notre soif de vivre ; lorsque baisse l’intensité de notre amour pour Dieu, l’intensité de notre amour pour les autres, sortons de ces Jérichos-là avec le Christ ! Quittons nos logiques dépressives…

D’autant plus que Jésus se met en route vers Jérusalem : autre nom symbolique.

Yerou-shalaïm : la ville de la paix (shalom) ou de la plénitude (shelemout). Jésus passe de Jéricho à Jérusalem : il nous fait passer avec lui du déclin à la paix, de la disparition à la plénitude.

       Deux autres noms ont toute leur importance dans ce texte : « Bar-timée » et « fils de David ».

C’est tellement important que Marc précise : « Bar-Timée » c’est le fils de Timée. Or Timée vient d’une racine grecque qui signifie : « châtiment ». Bar-Timée est donc le fils du châtiment ; ce que traduit bien hélas sa condition d’aveugle, puisqu’à l’époque beaucoup croyaient que la cécité était un châtiment de Dieu (ce que Jésus ne cessera de dénoncer).

Le fils de Timée croise le « fils de David ». Et David veut dire : « Bien Aimé ». Voici donc que le fils du châtiment rencontre le fils Bien Aimé !

Choc terrible : qui va l’emporter : la peur du châtiment ou la foi en la puissance de l’amour ?

La peur ou la foi ? : dilemme terriblement actuel !

Lorsque des intégristes religieux de tous bords voudraient revenir à la peur comme moteur de la conversion vers Dieu.

Lorsque les questions de violence sociale (dans nos écoles ou nos cités) risquent d’être instrumentalisées dans les débats politiques.

Les Évêques français appellent depuis longtemps à revaloriser la famille comme lieu primordial  d’éducation à la confiance : « la famille est le premier lieu où les hommes et les femmes apprennent la confiance en eux-mêmes et la confiance dans les autres » (Message du 18/10/2006). On croirait entendre la « foule – Église » de notre évangile, qui finalement transmet au fils de Timée l’appel du Fils de David : « confiance, lève-toi, il t’appelle ».

20030919142921_medium amour dans Communauté spirituelle         La rencontre des 2 fils d’aujourd’hui nous fait passer de la peur du châtiment à la confiance en l’amour : « ta foi t’a sauvé » constate Jésus, dont le nom signifie justement : « Dieu sauve ». A la fin du récit, l’aveugle n’est plus le fils de Timée mendiant assis au bord de la route, mais un homme – enfin ! – qui suit Jésus sur la route. Il a changé de filiation.

         Et vous : êtes-vous fils de Timée ou de David ?

C’est si important de savoir de qui on est le fils / la fille…

Dans la préparation au mariage, c’est toujours une étape capitale du dialogue avec les fiancés : de qui êtes-vous l’enfant ? Comment ces 2 filiations vont-elles pouvoir se rencontrer ? Au prix de quelle conversions personnelles ? Moyennant quelles guérisons du passé familial de chacun ?

Le fils du châtiment croise le fils du Bien Aimé, et la confiance d’emporte alors sur la peur.

Souvenez-vous des 2 autres fils de Mc 10,35-45 (juste avant notre passage sur Bartimée) : les fils de Zébédée, dont le nom signifie « mon cadeau » étaient en train de renier leur père puisque justement ils voulaient s’approprier les 1° places, au lieu de recevoir « comme un cadeau » la place que Jésus leur donnerait.

Que dois-je assumer dans la filiation qui est la mienne, à l’image des fils de Zébédée ?

Quelle guérison y a-t-il à entreprendre dans cette filiation, à l’image du fils de Timée ?

Quelle promesse ma filiation contient-elle, à l’image du Fils de David ?

         Impossible de nous rencontrer en vérité, sans violence, si nous ne savons pas de qui nous sommes le fils / la fille !

         Que l’Esprit du Christ, qui continue d’agir dans son Église comme autrefois dans la foule, nous donne d’entendre chacun personnellement, l’appel du Christ transmis par la foule : « Confiance ! Que tu sois fils de l’amour ou du hasard, de la promesse ou de la peur, confiance, lève-toi, il t’appelle ».

 

 

 

1ère lecture : Retour joyeux des rescapés d’Israël (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre de Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! »
Voici que je les fais revenir du pays du Nord, et que je les rassemble des extrémités du monde. Il y a même parmi eux l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée ; c’est une grande assemblée qui revient.
Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations je les ramène ; je vais les conduire aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné. Parole du Seigneur.

Psaume : 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6

R/ Le Seigneur a fait merveille : nous voici dans la joie.

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie ; 

Alors on disait parmi les nations : 
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! » 
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : 
nous étions en grande fête ! 

Ramène, Seigneur, nos captifs, 
comme les torrents au désert. 
Qui sème dans les larmes 
moissonne dans la joie. 

Il s’en va, il s’en va en pleurant, 
il jette la semence ; 
il s’en vient, il s’en vient dans la joie, 
il rapporte les gerbes.

2ème lecture : Jésus, grand prêtre à la manière de Melkisédek (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : quand il est devenu grand prêtre, ce n’est pas lui-même qui s’est donné cette gloire ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, et qui déclare dans un autre psaume : Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.

Evangile : Guérison d’un aveugle à Jéricho (Mc 10, 46-52)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Alléluia.(cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route.
Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! »
Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.
Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ? Rabbouni, que je voie. »
Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.
Patrick Braud

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