L'homélie du dimanche (prochain)

1 juin 2025

Pentecôte béguine sur l’Europe !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Pentecôte béguine sur l’Europe !


Homélie du Dimanche de Pentecôte / Année C
08/06/25


Cf. également :

Pentecôte, où la nécessité d’une parole publique
Le délai entre Pâques et Pentecôte
La séquence de Pentecôte
Pentecôte : un universel si particulier !
Le déconfinement de Pentecôte
Les langues de Pentecôte
Pentecôte, ou l’accomplissement de Babel
La sobre ivresse de l’Esprit
Les trois dimensions de Pentecôte
Le scat de Pentecôte
Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie
Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons
Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?
La paix soit avec vous
Parler la langue de l’autre
Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent

Parresia : le courage pascal 

 

1. Accorder Pentecôte au pluriel
Les salariés parlent avec délice du pont (voire du viaduc !) de Pentecôte. Les chrétiens fêtent Pentecôte comme le point d’orgue du temps pascal. On pourrait se méprendre et croire que Pentecôte est un peu comme l’armistice de Mai 1945 : un événement unique dont il importe de célébrer l’anniversaire. Or il n’y a pas une mais des Pentecôtes dans le livre des Actes des Apôtres. À tel point que des exégètes préfèrent appeler ce livre : les Actes de l’Esprit, tant le vrai sujet du récit est l’Esprit, avant les Douze.

Jugez plutôt : après notre épicentre pentecostal d’aujourd’hui (Ac 2,1–4) nous avons peu de temps après une dizaine de répliques tout aussi déterminantes !

Pentecôte béguine sur l’Europe ! dans Communauté spirituelle 21e7489_1715689453752-pns-971659Ac 4,31 : l’Esprit renouvelle l’assurance (en grec : la parresia) des croyants pour continuer à annoncer le Ressuscité malgré l’arrestation de Pierre et Jean et les menaces de coups de fouet s’ils parlent.

Ac 8,16-17 : l’Esprit descend sur les Samaritains par l’imposition des mains de Pierre et Jean.

Ac 9,17–18 : Paul se convertit, retrouve la vue et il est rempli de l’Esprit comme les Douze.

Ac 19,44–48 : l’Esprit descend sur le centurion romain Corneille (sans imposition des mains) et sa famille tandis que Pierre leur annonce le Ressuscité.

Ac 11,15–17 : Pierre est obligé de se répéter, et de raconter à nouveau la petite Pentecôte qu’il a vécue avec Corneille.

Ac 13,2–4 : l’Esprit intervient directement pour envoyer Paul et Barnabé vers les païens.

Ac 15 : c’est sans doute la deuxième plus grande Pentecôte de l’Église. L’Esprit inspire à l’assemblée des décisions neuves et courageuses pour l’accueil des païens, au sujet de la circoncision, de la cacherout, des prescriptions mosaïques.

Ac 19,1–7 : à Éphèse, environ 12 disciples reçoivent l’Esprit par l’imposition des mains de Paul, et se mettent à parler en langues et à prophétiser, comme à Jérusalem.

La liste n’est pas exhaustive.

Bref : les Pentecôtes se succèdent à un train d’enfer ! L’Esprit ne descend pas une fois sur l’Église, mais sans cesse, à chaque tournant décisif notamment. Il n’y a pas moins de 69 occurrences du terme grec πνεῦμα = pneuma (Esprit) dans les Actes : c’est vraiment lui le héros de ces pages !

Toute ces Pentecôtes ne s’arrêtent pas avec l’écriture du Nouveau Testament : l’histoire de l’Église continue d’être l’histoire de l’Esprit conduisant l’Église à travers les siècles. Que l’on songe aux conciles œcuméniques des six premiers siècles, de Nicée à Constantinople ! Ce sont des répliques du tremblement de terre de la Pentecôte initiale à Jérusalem (Ac 2 ; 15).

 

Pour nous persuader que l’histoire est désormais un déferlement de Pentecôtes successives, évoquons le phénomène incroyable – et mal connu en France – qui submergea l’Europe du Nord à partir du XII° siècle : les béguines !

 

2. Essor et apogée des béguinages

Si vous voyagez au nord de Lille, vous visiterez Gand, Bruges, Ypres, Oudenarde, Anvers, Louvain, Malines, Amsterdam etc. Vous tomberez à genoux devant la beauté de ces villes flamandes : la Grand-Place bordée de façades à pignons des XVII°-XVIII° siècles, le beffroi dominateur, les ruelles médiévales, les canaux, les moulins à vent, les églises, les voiliers aux larges gouvernails latéraux etc. Et puis vos pas vous conduiront, par hasard ou délibérément, à l’entrée du béguinage de la ville : un oasis de paix, de verdure, constitué de quelques rangées de maisons modestes – mais si mignonnes ! – autour d’un jardin et d’une chapelle.

Grand béguinage de Louvain

Grand béguinage de Louvain

On les appelait béguines. Pourquoi ? Peut-être parce que leurs vêtements étaient beiges. Peut-être parce qu’en néerlandais beggen signifiait « réciter des prières » (beggelen en flamand = ‘bavarder à haute voix’, cf. beten en allemand = « prier »), et que ces femmes murmuraient tout le temps leurs prières, seules où ensemble. Peut-être parce qu’on attribue (à tort) au prêtre liégeois Lambert le Bègue (+ 1177) la fondation du premier béguinage à Liège. Peut-être parce qu’elles étaient bienveillantes, ce qui en latin se dit benigna. Marie d’Oignies, souvent considérée comme la première béguine, est ainsi décrite comme « une benigna du Christ » et cette appellation qui devient synonyme de béguine se répand d’ailleurs largement en Europe au XIII° siècle.

On ne sait plus trop. Mais on sait que ce mode de vie connut un essor extraordinaire du XII° au XVI° siècle. À tel point qu’on comptait environ 1000 béguines à Gand au XIII°  siècle, et 200 000 en pays flamand à l’apogée du mouvement ! Comment ne pas y voir une Pentecôte féminine, qui a irrigué les Églises du Nord d’un sang neuf, et a répandu un parfum d’Évangile sur toutes ces contrées bien plus que les révolutions franciscaine ou dominicaine.

Avec cette expansion incroyable, l’Esprit a donné à l’Église des figures de sainteté extraordinairement inspirantes pour nous encore aujourd’hui. Il suffit de citer par exemple Hadewich (Edwige) d’Anvers (1220–1166) dont les visions, poèmes, lettres et mystique nous paraissent si modernes. On peut y ajouter sainte Marie d’Oignies (1176–1213), Mechthild de Magdebourg (1207–1283), qui écrivit : « La lumière fulgurante de la divinité » ; Ste Christine von Stommeln (1242–1312) ; Sybille de Gages (fin XII°-1250), latiniste renommée ; la poétesse Ida de Léau (+ 1260) ; Marguerite Porete (1250–1310) dont le livre : « Le miroir des âmes simples » lui valut le bûcher etc.

 

À partir du XVI° siècle, l’institution ecclésiale hiérarchique reprit en main les béguinages (hélas !) et les transforma en couvents religieux plus classiques. Les béguines en effet étaient mal vues par l’Église hiérarchique, car non soumises à l’autorité directe des ordres religieux. Plusieurs d’entre elles sont soupçonnées d’hérésie, comme Marguerite Porete, brûlée en 1310. Le Concile de Vienne (1311-1312) condamna certaines formes de béguinisme, mais le mouvement continua, sous une forme plus encadrée. Peu à peu, il  s’essouffla, et s’éteignit progressivement, jusqu’au XX° siècle (la dernière béguine meurt à Courtrai en Belgique en 2013) [1].

 

Les fruits de cette Pentecôte géante s’étalent sur plusieurs siècles ; ils sont considérables. Passons en revue quelques avancées spectaculaires que l’Esprit de Pentecôte a suscitées à  travers ces femmes libres.

 

3. Les fruits spirituels des béguinages

Dispersées dans d’humbles maisons de bois à travers la ville, ou rassemblées dans un havre de maisonnettes alignées avec soin dans le béguinage, les béguines ont légué à l’Église un patrimoine spirituel inestimable.

  • Le primat de l’expérience sur le dogme

Wisdom-of-Beguines-cover béguine dans Communauté spirituelleLes béguines parlent de leur vie comme des femmes parlent de leur rendez-vous amoureux. Elles n’écrivent pas en latin comme les savants, mais en langue locale (néerlandais, français, allemand de l’époque) pour être accessibles au plus grand nombre. Leurs récits décrivent  avant tout des expériences mystiques d’union à Dieu, avec un langage affectif (voire  sensuel), féminin, poétique, symbolique (exemple : la métaphore du miroir de l’âme). Les théologiens les interrogeaient sur leurs croyances et systèmes de pensée. Elles répondaient en racontant leur expérience : « voilà ce que je vis ». Cette mise en avant du sujet – femme, aimante et dévote – était révolutionnaire au XII° siècle ! Bien avant la dévotion moderna qui permettra de dire Je dans la parole de foi, les béguines proclament simplement qu’être chrétien c’est d’abord rencontrer le Christ vivant (dans l’Écriture, la prière, l’extase, la vie fraternelle etc.). Non pas des vérités à croire, mais quelqu’un à aimer : l’approche béguine de la foi nous émerveille aujourd’hui encore par les profondeurs de son adhésion au Christ.

Et c’est une expérience d’amour :

« Alors l’Amour vint à moi,

vêtue de noblesse, brillante de clarté.

Elle me dit :

“Je suis l’Amour,

et je suis celle qui doit t’enseigner.”

Et elle me donna un baiser,

tel que nul ne pourrait le comprendre

s’il n’a jamais été ivre d’Amour.”

Hadewich d’Anvers, Vision 7

 

  • Des femmes libres
sb-b-begijnhof-2 Hadewich

Plan du béguinage de Courtrai (1644)

Elles pouvaient entrer et sortir librement de la communauté. Cela choquait à l’époque où le cloître était vu comme la seule voie religieuse pour les femmes.

Quand elles se regroupaient en béguinage, elles élisaient une « Grande Dame », élue pour quelques années, qui n’était pas leur supérieure, mais la garante du respect de chacune et de l’esprit commun du béguinage. C’est une forme d’autogestion féminine inédite. De même, chaque béguinage édicte ses propres règles, toujours modifiables. Rien n’est imposé : ni l’habillement, ni l’habitat. La plupart des béguines vivent seules dans une maisonnette où elles prennent leur repas.

On verrait aujourd’hui dans cette égalité entre béguines l’amorce de la Réforme, ou de Vatican II, reconnaissant l’égale dignité de tous les baptisés.

 

  • Des femmes qui pratiquent l’enseignement et la direction spirituelle

ob_fa6089_marie-d-oignies PentecôteL’accès à la Bible, à l’écriture, à l’homélie, à l’enseignement était réservé aux hommes, aux clercs religieux. Qu’à cela ne tienne ! Les béguines vont commenter la Bible en racontant leur expérience spirituelle. Leurs écrits seront largement diffusés et toucheront une audience considérable. Ce seront la plupart du temps le Cantique des cantiques, les psaumes et autres passages « amoureux » qui seront l’objet de leurs interprétations enflammées. Ainsi, à côté de l’enseignement hiérarchique officiel, elles popularisent une lecture des Écritures à la fois simple et profonde, accessible à tous.

 

Outre leur engagement spirituel, de nombreuses Béguines étaient également impliquées dans des activités éducatives et sociales. Elles enseignaient dans des écoles ou dans des institutions de charité, comme les hôpitaux, où elles prenaient en charge les malades, les pauvres et les démunis. Les Béguines ont joué un rôle clé dans l’éducation des jeunes enfants, particulièrement des filles. Elles leur enseignaient non seulement des matières religieuses (lecture des Écritures, prières) mais aussi des compétences pratiques comme le tricot, la couture, et d’autres métiers artisanaux. Cela leur permettait d’avoir une certaine autonomie économique tout en restant ancrées dans une vie religieuse. Les Béguines prêchaient également à travers leurs actions sociales, en apportant une assistance spirituelle et matérielle à ceux qui en avaient besoin. Leur engagement dans les œuvres de charité et leur travail auprès des malades, des pauvres et des marginaux étaient considérés comme une forme de prédication vivante reconnue de tous.

 

En recevant d’autres béguines pour s’entretenir avec elles, en leur écrivant régulièrement, elles pratiqueront un accompagnement spirituel authentique, non sacramentel. On redécouvre aujourd’hui que l’accompagnement spirituel est un charisme non lié à l’ordination. Des mouvements comme CVX (Communautés de Vie chrétienne) ou les Foccolaris et même des diocèses développent cet accompagnement spirituel par des laïcs, en formant et supervisant ceux et celles qui ont reçu de l’Esprit Saint cette capacité, ce charisme.

 

  • Vacuité et détachement

Détachées, les béguines l’étaient d’abord matériellement : en menant une vie simple, consacrée aux pauvres et à la prière. Elles l’étaient aussi spirituellement, développant une mystique de l’abandon qui passe par la radicale désappropriation de soi. Le pur amour qu’elles désiraient est gratuit, désintéressé, « pour rien ». Ainsi Marguerite Porete, dans Le miroir des âmes simples (chapitre 118) :

Couverture du livre Le Miroir des âmes simples et anéanties« Cette âme est si unie à Dieu qu’elle ne peut plus agir que par Lui.

Elle ne cherche plus son salut, car elle est au-delà de la crainte et du désir.

Elle ne prie plus, car elle ne veut plus rien ;

elle ne jeûne plus, car elle n’a plus de volonté propre ;

elle ne fait plus d’œuvres bonnes, car c’est Dieu seul qui agit en elle.

Elle est devenue un miroir, clair et pur,

dans lequel Dieu contemple son Image.

Cette âme est devenue si libre qu’elle ne veut rien,

car elle n’a rien,

et elle n’a rien, car elle ne veut rien ;

et elle ne veut rien, car elle est toute en Dieu,

et Dieu est tout en elle.

Elle vit sans pourquoi. »

 

Ce détachement (que Maître Eckhart appellera plus tard abgelassenheit) va jusqu’à l’union à Dieu, la divinisation, dès maintenant :

« L’Amour est si puissant qu’il rend semblables ceux qui l’aiment.

En l’Amour, je suis devenue Dieu, et Dieu est devenu moi,

car l’Amour unit sans séparation,

et fait perdre toute distinction.

Là, l’âme est plus qu’âme : elle est Dieu par participation. »

Hadewijch d’Anvers, Lettre 29

 

Amour est tout - poèmes strophiques - 1« Ce que l’Amour a de plus doux, ce sont ses violences ; 

son abîme insondable est sa forme la plus belle ; 

se perdre en lui, c’est atteindre le but ; 

être affamé de lui c’est se nourrir et se délecter ; 

l’inquiétude d’amour est un état sûr ; 

sa blessure la plus grave est un baume souverain ; 

languir de lui est notre vigueur ; 

c’est en s’éclipsant qu’il se fait découvrir ; 

s’il fait souffrir, il donne pure santé ; s’il se cache, il nous dévoile ses secrets ; 

c’est en se refusant qu’il se livre ; 

il est sans rime ni raison et c’est sa poésie ; 

en nous captivant il nous libère ; 

ses coups les plus durs sont ses plus douces consolations ; 

s’il nous prend tout, quel bénéfice ! 

C’est lorsqu’il s’en va qu’il nous est le plus proche ; 

son silence le plus profond est son chant le plus haut ; 

sa pire colère est sa plus gracieuse récompense ; 

sa menace nous rassure et sa tristesse console de tous les chagrins : 

ne rien avoir, c’est sa richesse inépuisable. »

Hadewijch d’Anvers, Poèmes spirituels.

 

Hadewijch exprime ici une mystique de l’union totale avec Dieu, dans un langage d’amour extrême, presque nuptial. Elle annonce ce que dira plus tard Jean de la Croix, mais dans une voix féminine, passionnée, audacieuse. L’âme, dans son abandon total, devient « Dieu par participation » — une affirmation très forte à l’époque !

En se « vidant » de toute volonté propre, l’âme béguine laisse Dieu s’unir à elle. Le pèlerin chérubinique (1657) d’Angelus Silesius se reprendra ce thème de la gratuité absolue : « La rose est sans pourquoi »

 

  • Un christianisme de gloire

Hadewijch d'AnversLoin de tout dolorisme et de l’obsession du péché qui prévalaient à l’époque, la spiritualité des béguines est tout entière orientée vers la divinisation, la participation à la gloire de Dieu. Avec la grande peste qui a décimé un tiers de la population européenne, les églises résonnaient au XIV° siècle de danses macabres, requiems, funérailles et autres imprécations sur le péché et l’enfer et le jugement dernier. Rien de tout cela chez les béguines : tout à leur union amoureuse avec Dieu, elles exaltaient la beauté, la profondeur, l’infini de l’amour divin. Leur Dieu était un Christ de gloire plus qu’un Jésus crucifié. Leur espérance était d’anticiper la divinisation promise plutôt que d’échapper à l’enfer, après la mort. Pour elles, le but (devenir Dieu en Dieu) importait plus que les dangers (le péché). « Être sauvée » pour elles signifiait : être tendues en avant, sans se retourner.

Jacques de Vitry décrit ainsi Marie d’Oignies :

« Elle portait en son âme, comme dans un sanctuaire secret, la présence du Très-Haut.

Là, dans le silence profond de son cœur, la lumière divine l’embrasait. 

Marie était souvent ravie en contemplation, et ses yeux se remplissaient de larmes, non de tristesse, mais d’un amour si ardent qu’elle sentait Dieu vivant en elle. 

Elle disait parfois, en soupirant doucement : « Mon âme est le trône du Bien-Aimé ; Il y repose, et moi je L’adore » » [2].

 

Les théologiens se focalisaient sur les entraves au salut (être sauvé du péché) alors que les béguines cherchaient le fruit du salut (être unie à Dieu).

On retrouve un écho de cette tension dans la controverse qui opposa Jean Duns Scot et Thomas d’Aquin au XIII° siècle sur les raisons de l’Incarnation : Thomas soutenait que le Verbe s’est fait homme pour nous libérer du péché. Duns Scot affirmait que c’était d’abord pour nous diviniser, et que le péché n’était qu’un obstacle au cours de route, secondaire. C’est Thomas d’Aquin qui est passé à la postérité… Il faudra attendre Vatican II pour réhabiliter la vision positive et « optimiste » de Duns Scot.

« Quand l’âme est anéantie…, quand elle est engloutie et réduite à rien.., elle devient avec Dieu totalement cela même qu’il est » (Hadewijch d’Anvers)

L’Orient – lui – n’a jamais perdu cette veine enthousiasmante mettant la gloire et la divinisation au cœur du salut, plus que le péché. Si on avait écouté les béguines en Occident, on n’aurait pas perdu cette approche positive de l’espérance chrétienne…

 

  • La postérité spirituelle des béguines

Contemporaines à leurs débuts de François d’Assise, les béguines ont popularisé au Nord de l’Europe des inspirations semblables à celle du Poverello : une vie simple et fraternelle, un retour à l’Évangile, une communauté entre égaux, une pauvreté extérieure et intérieure, un élan missionnaire…

 

Maitre Eckhart et les beguinesEnsuite, la mystique rhénane (Eckhart, Tauler, Suso) du XIV° siècle sera grandement influencée par l’expérience béguine. Détachement, abandon, vacuité, désintéressement, naissance de Dieu en l’âme… : tous ces thèmes développés par Eckhart avec un fort appareil philosophique et théologique furent d’abord des récits qu’il a entendus de la bouche des béguines qu’il connaissait, visitait, écoutait.

 

Ensuite encore, la Réforme issue de Luther au XVI° siècle remettra en avant des intuitions béguines : égalité de tous les baptisés, prédication et sacerdoce universel, cure d’âme, gratuité absolue du salut etc. Si l’Église d’Occident n’avait pas perdu l’héritage des béguines, elle aurait pu s’épargner bien des déchirures d’une Réforme qui était en germe dans l’expérience mystique de ces femmes humbles et ardentes.

 

Angelus Silesius reprendra le fil de la mystique du désintéressement au XVI° siècle. Mais la Contre-Réforme dominante étouffera sa voix.

 

Au XX° siècle, dans l’élan de Vatican II, des formes de vie nouvelle mêlant laïcs et clercs  ont remis à l’honneur des modes communautaires proches de celui des béguines. Et même la société civile s’intéresse à ce mode de vie pour pratiquer la solidarité intergénérationnelle  (habitat partagé), avec des bâtiments et lieux de vie s’inspirant des béguinages.

 

Que la Pentecôte béguine, qui a illuminé l’Europe du Nord de tant de figures de sainteté et semé tant de béguinages dans les villes flamandes, soit pour nous encore aujourd’hui une source d’inspiration et de renouveau !


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[1]. Voici la liste des 13 béguinages flamands classés au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998 :
Grand Béguinage de Bruges / Grand Béguinage de Louvain / Petit Béguinage de Louvain / Béguinage de Gand / Ancien Béguinage Sainte-Elisabeth à Courtrai / Béguinage de Lierre / Béguinage de Malines / Petit Béguinage de Malines / Béguinage de Diest / Béguinage de Tongres / Béguinage de Turnhout / Béguinage de Dendermonde / Béguinage de Sint-Truiden.

[2]. Vita Mariae Oigniacensis, trad. libre d’après Jacques de Vitry

 

MESSE DU JOUR


Première lecture
« Tous furent remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2, 1-11)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »


Psaume
(Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34)

R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
ou : Alléluia ! (cf. Ps 103, 30)


Bénis le Seigneur, ô mon âme ;

Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur !
la terre s’emplit de tes biens.


Tu reprends leur souffle, ils expirent

et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.


Gloire au Seigneur à tout jamais !

Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.


Deuxième lecture
« Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rm 8, 8-17)


Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains
Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez. En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.


Séquence
Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen


Évangile
« L’Esprit Saint vous enseignera tout » (Jn 14, 15-16.23b-26)
Alléluia. Alléluia.
Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia.


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Patrick BRAUD

 

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