L'homélie du dimanche (prochain)

11 mai 2025

Que peut-il sortir de bien de tout cela ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que peut-il sortir de bien de tout cela ?

 

Homélie du 5° Dimanche de Pâques / Année C
18/05/25

 

Cf. également :
Ouvrir à tous la porte de la foi

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde
Dieu nous donne une ville
À partir de la fin !
Amoris laetitia : la joie de l’amour
Persévérer dans l’épreuve
Comme des manchots ?
Aimer ses ennemis : un anti-parcours spirituel
J’ai trois amours
Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses dures
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
Conjuguer le verbe aimer à l’impératif
Dieu est un trou noir
Briefer et débriefer à la manière du Christ

 

1. Quand la tête est passée…

Que peut-il sortir de bien de tout cela ? dans Communauté spirituelle vector-illustration-ou-de-dessin-anime-de-la-planete-terre-ou-monde-detruit-grande-explosion-nucleaire-ou-guerre-globale-ou-de-conflit-concept-d-apocalypse-w9y65fNotre monde redevient dangereux. Des soldats nord-coréens se battent en Europe sous les ordres des Russes. La guerre se rapproche de chez nous. L’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires, sont au bord de la guerre. Bientôt la Chine va envahir Taiwan. Le Moyen Orient reste une poudrière au bord de l’explosion. Des revirements d’alliances incessants déstabilisent la vision du monde héritée de 1945. Tel un catcheur sur le ring (on sait qu’il s’y est essayé en 2007 lors d’un défi célèbre !), Donald Trump multiplie les feintes, les coups de théâtre, les retournements de situation qui rendent la géopolitique imprévisible et chaotique. Dans un match de catch américain, tout est truqué, sauf les gains de la Ligue sur le dos des parieurs… Dans le chaos mondial initié dès l’élection de Trump, tout est truqué également : la vérité, les alliances, les déclarations, les menaces…

Que peut-il sortir de bon de tout cela ?

Les plus optimistes espèrent un règlement du conflit à Gaza (même au prix d’une « Riviera » délirante), et une paix « négociée » en Ukraine (même au prix d’une capitulation devant Poutine et d’un racket de l’Oncle Sam). Les autres se résignent douloureusement à perdre les dividendes de la paix, et se pressent de se réarmer (même au prix d’une dette colossale).

Que va-t-il advenir de l’équilibre ancien ?

 

Ne croyons pas que notre époque soit unique. Des crises, il y en a eu tellement, et de toute nature ! Notre première lecture (Ac 14,21–27) nous montre les Églises de Lystres, Iconium et Antioche exposées à la persécution : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14,22).

Notre évangile (Jn 13,31-35) montre Judas sortant du Cénacle, détonateur malgré lui d’une Passion épouvantable.

Mais notre seconde lecture prend le contre-pied de toute tendance pessimiste en osant proclamer : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,1-5).

Vous avez bien entendu : c’est un présent !

Comme toutes les religions ou presque, Jean dans sa vision d’apocalypse commence par faire miroiter la promesse d’un avenir radieux. Il parle alors au futur : « Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur » (Ap 21,3-4) ». Mais juste après, il ose parler au présent : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ». Et il enfonce le clou : « C’est fait » (Ap 21,6).

Ah bon ?! C’est fait ?! Les larmes des familles des otages massacrés par le Hamas ont séché ? Les cauchemars des familles gazaouies en exil, décimées, se sont évanouis ? L’effroi des ukrainiens sous les missiles russes et leurs dizaines de milliers de morts a disparu ?…

Comment Jean peut-il être d’une si mauvaise foi ? Tu délires, mon bon apôtre…

 

Regardons le texte de près. Il y a bien un futur, donc la promesse n’est pas encore réalisée. Il y a également un présent : quelque chose est donc déjà-là en train de s’accomplir. Tenir ensemble ce déjà-là et le pas encore est la marque de l’eschatologie chrétienne. Tout n’est pas accompli, mais potentiellement c’est déjà fait !

 

Comment comprendre ce paradoxe ?

contraintes-naissance-3-400x200 Apocalypse dans Communauté spirituelleUne amie sage-femme m’a proposé cette belle analogie. Lors d’un accouchement difficile, l’enfant se met à bouger, à se retourner in utero en cherchant à sortir. S’il n’y arrive pas, il faudra ouvrir et la césarienne sera le seul recours. S’il y parvient, on verra d’abord la tête émerger à travers le col. Une fois celle-ci passée, le reste du corps sortira facilement, puisque le passage est ouvert. De même en est-il pour nous. Notre tête, le Christ, est passée à la vie nouvelle. Il est entré dans la nouveauté radicale de sa Pâque. Alors, le reste du corps suivra.

En Christ-Tête, la résurrection est déjà à l’œuvre. Dans son corps qui est l’Église (et le monde), la mort fait encore son œuvre de désolation. Mais le passage viendra.
Paul est peut-être un peu sage-femme quand il utilise lui aussi la métaphore de l’accouchement : « Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance… » (Rm 8,22-24).

 

61LqMncWfNL._AC_SL1500_ déjà-làPrenons une autre analogie, hélas davantage dans l’air du temps, très guerrier depuis 2022. Lorsque les Alliés ont débarqué sur les plages de Normandie en Juin 44, tout le monde savait que la guerre était déjà virtuellement gagnée. Inexorablement, l’immense armée allait délivrer une à une les villes étouffant sous l’occupation allemande. Pourtant, l’armistice ne fut signé qu’en Mai 1945, un an après. Pendant ces 12 mois, il y eut Oradour-sur-Glane et ses 643 victimes, les 99 pendus de Tulle, les 442 civils français de Royan et les 37 000 morts allemands ensevelis sous les bombardements des Alliés à Dresde etc.… Autrement dit, l’entre-deux compris entre le débarquement et la victoire, entre le D Day et le V Day, a été une période de dévastations, de souffrances, de deuils, de massacres. Nous sommes dans cet entre-deux, où le débarquement figure la résurrection du Christ et son arrivée auprès du Père, et où la victoire totale ne sera accomplie qu’à la fin des temps.

 

Désespérer de l’évolution de notre monde expert en violence serait se laisser hypnotiser par le mal, qui - tel le dragon blessé à mort - donne encore des coups de queue dévastateurs.

À l’inverse, prôner l’optimisme béat et naïf serait s’évader hors de la réalité sous prétexte de croire en la promesse d’une terre nouvelle.

L’espérance chrétienne tient ensemble le déjà-là et le pas encore du Royaume.

Le présent et le futur.

La résurrection du Christ est notre propre passage au monde nouveau.

Si la Tête est passée, le corps suivra…

 

2. Du nouveau, vraiment ?

« Je fais toutes choses nouvelles ». Il a quand même du toupet, Jean, de faire parler ainsi le Ressuscité ! Car y a-t-il vraiment quelque chose de nouveau dans l’histoire humaine ? Les empires se sont déjà dressés, puis écroulés. Les guerres ont déjà saccagé les peuples et répandu le malheur. L’oppression a déjà soumis, torturé, violé, dispersé depuis des millénaires. Les prédateurs ont déjà pillé et saccagé jusqu’à désolation. Qui oserait prétendre que ce que nous vivons n’a pas d’équivalent dans l’histoire humaine ? L’Ecclésiaste le constatait avec sagesse : « Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil. Y a-t-il une seule chose dont on dise : “Voilà enfin du nouveau !” – Non, cela existait déjà dans les siècles passés » (Qo 1,9-10).

Pourtant, depuis que Jean a écrit l’Apocalypse, la poignée de témoins d’hier est devenue une part considérable de l’humanité ; les condamnés livrés aux fauves ont construit Saint-Pierre de Rome et Notre-Dame de Paris ; les humiliés des catacombes ont engendré des génies de l’art et des sciences etc. Les trois premiers siècles après la Pâque du Christ ont été éprouvants, jusqu’à faire renoncer les lapsi, dénoncer des proches, marginaliser les petites cellules d’Église disséminées autour des synagogues… 300 ans à souffrir, entourés de mépris et ostracisés par les classes dirigeantes : que peut-il sortir de bon de tout cela ? Patience, semble répondre Jean : la tête est déjà sortie, le reste du corps suivra bientôt…

 

ExileToBabylon-1-1568x1524 espéranceC’était autrefois la réponse d’Isaïe à la détresse de son peuple. Complètement découragés, les juifs avaient vu Nabuchodonosor détruire le Temple de Jérusalem en -587, effacer la royauté davidique, et disperser Israël en exil à Babylone. Plus de roi, plus de terre, plus de Temple : logiquement, c’était fichu ! Les déportés vivaient un triple deuil, tragique, désespérant. Que pouvait-il sortir de bon de cet exil ?

Loin de leur terre, ils avaient l’impression d’être coupés de leur Dieu et de ne plus pouvoir le prier. Cela est très bien exprimé dans le Psaume 137 (136) : « Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? » Ils avaient en quelque sorte à faire le deuil de leur Dieu. D’ailleurs, ils ne le comprenaient plus. S’ils sont le peuple élu, comment expliquer de si grands malheurs ? C’est au cœur de cette grave crise que le prophète fait résonner la parole de Dieu. Cela représente déjà une nouvelle extraordinaire de découvrir que la voix de Dieu peut les rejoindre jusque dans leur exil. Dieu ne les a pas abandonnés ! Et s’il leur parle, cela signifie qu’il est là avec eux, au cœur de la crise. Ce que Dieu leur exprime est renversant. « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides » (Is 43,18-19).

Le prophète révèle que la nouveauté est déjà présente, en germe, au cœur même de la crise et du deuil. Parler de germe, c’est évoquer quelque chose qui commence petitement, mais qui porte un dynamisme de croissance.

Le prophète invite par conséquent à un exercice de discernement. Il nous convie à être attentifs pour apercevoir ce que Dieu est en train de faire pousser au cœur même du désastre. Dieu parle au présent. En hébreu, il y a un participe présent au v. 19 : « me voici en train de faire du neuf ». Il s’agit d’une action en cours. Comme si ruines de la catastrophe constituaient l’engrais de ce que Dieu fait germer.

 

Le-Concept-de-Dieu-apres-Auschwitz PâqueVoilà qui résonne à nos oreilles ! Que peut-il sortir de bon de la Shoah et de ses 6 millions de victimes ? Eh bien, l’État d’Israël est né de ce traumatisme collectif ! Le retour des juifs sur leur terre est tout aussi étonnant après-guerre que le retour des juifs de Babylone grâce à Cyrus, le messie perse, en -537. Et la vigilance occidentale sur l’antisémitisme sans cesse renaissant est également héritée de l’horreur et de l’effroi depuis la découverte des charniers et des cendres d’Auschwitz.

Ce qui est dramatique, c’est qu’il faille en passer par là pour donner corps à l’espérance messianique !

 

Avons-nous appris quelque chose des années 30, de nos capitulations devant Hitler, de nos allégeances intellectuelles au communisme et ses millions de meurtres ? Pas sûr… Pourtant, un sursaut européen est peut-être en train de se produire comme jamais auparavant. Pourtant, les contre-pouvoirs américains finiront bien par se réveiller…

 

Au milieu de ces tribulations, les chrétiens connaissent leur part de persécutions, d’exactions, de souffrances au nom de leur foi. « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu ». Celui qui comme Étienne – le premier martyr – périt dans l’entre-deux historique aura comme lui les yeux fixés sur l’horizon de la promesse : « Il déclara : “Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu” » (Ac 7,56).

 

3. Tout considérer « à partir de la fin »

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Autrement dit : c’est seulement la puissance de sa résurrection qui nous donne de traverser nos Passions actuelles. C’est la fin qui éclaire le présent, et non l’inverse !

C’est en partant de ce qui doit arriver : la résurrection, que nous pouvons déchiffrer le présent. C’est en étant « lancé vers l’avant »« en courant vers le but », que le passé et le présent trouvent leur signification.

C’est donc que nous sommes invités à regarder les êtres et les choses qui nous entourent « à partir de la fin », et non en fonction de leur passé, quel qu’il soit (glorieux ou sombre).

 

Nous voici donc appelés à regarder cette semaine nos proches en famille, nos collaborateurs au travail, nos rencontres habituelles « à partir de la fin ». Même les choses matérielles, replacées ainsi en perspective, en acquièrent une saveur et une texture nouvelle : relativisées, elles deviennent signes du monde nouveau qui est en train de germer…

Oubliant le passé, libérés des jugements du présent, replaçons chaque visage en perspective par rapport à son but ultime : participer à la résurrection du Christ.

Essayez !

Vous ferez enfin l’expérience d’une vibrante course, à l’image de Paul : « oubliant ce qui est en arrière, lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Ph 3,13-14).

Vous goûterez par anticipation le renouvellement profond de toute la Création en Christ : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ».

Oui : cette semaine, regardez les êtres et les choses qui vous environnent « à partir de la fin »…

 

Lectures de la messe


Première lecture
« Ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux » (Ac 14, 21b-27)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Paul et Barnabé, retournèrent à Lystres, à Iconium et à Antioche de Pisidie ; ils affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, en disant : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. » Ils désignèrent des Anciens pour chacune de leurs Églises et, après avoir prié et jeûné, ils confièrent au Seigneur ces hommes qui avaient mis leur foi en lui. Ils traversèrent la Pisidie et se rendirent en Pamphylie. Après avoir annoncé la Parole aux gens de Pergé, ils descendirent au port d’Attalia, et s’embarquèrent pour Antioche de Syrie, d’où ils étaient partis ; c’est là qu’ils avaient été remis à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils avaient accomplie. Une fois arrivés, ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi.


Psaume
(Ps 144 (145), 8-9, 10-11, 12-13ab)
R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! ou : Alléluia.
 (Ps 144, 1)


Le Seigneur est tendresse et pitié,

lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.


Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce

et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.


Ils annonceront aux hommes tes exploits,

la gloire et l’éclat de ton règne :
ton règne, un règne éternel,
ton empire, pour les âges des âges.


Deuxième lecture
« Il essuiera toute larme de leurs yeux » (Ap 21, 1-5a)


Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »


Évangile
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres » (Jn 13, 31-33a.34-35)
Alléluia. Alléluia.
Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Patrick BRAUD

 

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