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Alors que la réouverture de la cathédrale Notre Dame de Paris suscite des flots d’éloges (justifiés et légitimes) dans tous les médias, apportons une petite note critique : pour les disciples du Christ, les pierres c’est bien, les humains c’est mieux !
Le vrai sanctuaire n’est pas un monument historique, mais le corps du Christ que nous formons ; le vrai Temple de l’Esprit de Dieu n’est pas sous les voûtes gothiques, mais dans le corps personnel de chacun.
De quoi relativiser l’enthousiasme ambiant légèrement idolâtre !
« Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. » (1Co 3,16)
Si nous avons remis le bâtiment debout, c’est pour que Dieu habite en nous, car il n’habite pas les pierres… : « Ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai en eux » (Ex 25,8)
Étienne, premier martyr, rappelait à ses juges : « Le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme, comme le dit le prophète : Le ciel est mon trône, et la terre, l’escabeau de mes pieds. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de mon repos ? N’est-ce pas ma main qui a fait tout cela ? » (Ac 7,48-50)
Voici à nouveau l’article publié le 15 Avril 2019 au moment où l’incendie éclatait.
Incendie de Notre Dame de Paris : « Le sanctuaire, c’est vous »
L’incendie de « la forêt » (la charpente) de Notre Dame de Paris nous bouleverse, nous émeut aux larmes. En ce début de semaine sainte, elle est déjà crucifiée, l’effondrement de sa charpente la marquant d’un immense stigmate rouge flamboyant dans le ciel de Paris. Des milliers de parisiens la contemplent, incrédules, dans un impressionnant silence qu’on aurait auparavant qualifié « de cathédrale ». Des millions de par la terre entière se sont joints à eux par leurs écrans envahis de reportages en direct. Choqués, ils ont fait bruisser les réseaux sociaux d’une immense rumeur de stupéfaction, de chagrin, de colère aussi.
Viendra le temps du bilan, puis de l’analyse des causes, des responsabilités, et ensuite de la reconstruction.
Ce soir c’est une immense tristesse qui étreint les amoureux de la beauté de cette cathédrale, des œuvres d’art qu’elle recèle, de l’histoire de France qui lui est intimement liée.
Cependant, la foi chrétienne sait bien que les demeures des hommes ne sont pas éternelles. Jésus lui-même a choqué les habitants de Jérusalem en annonçant qu’il ne resterait pas pierre sur pierre de son Temple pourtant magnifique (Lc 21, 5-11). Et Paul nous demande de ne pas nous tromper de sanctuaire :
« Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. » (1Co 3,16)
Non, la nature n’est pas sacrée, ni les bois, ni les pierres. Non, le sanctuaire n’est pas fait d’or ou d’argent, mais de chair et le sang, car « le sanctuaire c’est vous ».
Le peuple hébreu se l’est entendu dire dès le début de l’Exode :
« Ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai en eux » (Ex 25,8)
Vous avez bien lu. Le texte ne commet pas de faute. Normalement, on aurait dû lire : « vous construirez ce sanctuaire afin que j’habite en lui ». Mais non ! Israël a construit le Temple pour que Dieu habite dans le cœur de chacun, et non dans les pierres. L’Église construit des cathédrales, non pour y enfermer l’Esprit du Christ, mais pour que l’Esprit du Christ habite en nous. Les bâtiments sont des symboles, des médiations, pour que Dieu fasse de nous son Temple vivant. Même si Notre-Dame de Paris était détruite dans l’incendie ou dans une prochaine guerre, la foi chrétienne n’en serait pas détruite pour autant, car l’inhabitation de Dieu en chacun n’est pas liée au sort de nos cathédrales.
Reste que notre attachement à ce symbole de notre peuple nous fait tous désirer que la reconstruction ne tarde pas. Les collectes, les élans de générosité, les solidarités de tous bords ne manqueront pas, soyons en sûrs. L’espérance non plus.
Puisse ces flammes raviver le désir de devenir nous-mêmes le vrai sanctuaire de Dieu parmi les hommes.
NB : Dans son roman « Notre-Dame de Paris » publié en 1831, Victor Hugo avait décrit, avec une imagination qui fait froid dans le dos ce soir, la possibilité de cette destruction de Notre Dame : « Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle. »
Il faut aller voir ce spectacle incroyable : sur les rives de la Garonne comme de la Dordogne, par marée basse de grand coefficient (supérieur à 90), une vague se forme qui parcourt régulièrement, à environ 20 km/h, une centaine de kilomètres depuis l’embouchure de l’estuaire bordelais jusqu’à l’intérieur des terres. Oui, c’est bien une vague en sens inverse du fleuve, à contre-courant, appelé mascaret : elle reflue sur le fleuve, et la force de ce courant crée une bande d’eau se déplaçant comme un troupeau de bœufs au galop (selon l’étymologie occitane [1])… Les surfeurs s’en donnent à cœur joie, chevauchant cette vague de 1m à 2m de hauteur pendant des dizaines de minutes.
Avec le mascaret, l’océan reflue sur le fleuve, la destination sur l’origine, l’arrivée sur le départ…
C’est une belle image pour comprendre ce que nous disent les passages apocalyptiques de la Bible, et notamment celui de ce dimanche (Lc 21,25-28.34-36) :
« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire ».
Autrement dit : l’Apocalypse n’est pas tant la fin du monde que la venue d’un autre à notre rencontre. Nous croyons nous hâter vers le terme de notre histoire (individuelle et collective), mais c’est l’inverse ! C’est la fin qui vient vers nous, c’est notre avenir qui reflue sur notre présent. Et le Christ, tel un surfeur sur la Dordogne, vient vers nous de l’avenir en chevauchant le mascaret de l’Apocalypse qu’est la vague d’amour trinitaire déferlant de Dieu vers l’homme. D’où le nom du temps liturgique qui commence : ad-ventus = Avent = ce qui vient vers nous.
Les Pères de l’Église avaient bien lu dans ces annonces effrayantes au premier abord la bonne nouvelle d’un monde nouveau se réalisant en moi / en nous sans attendre :
« Il faut toujours tenir compte d’un double avènement du Christ : l’un quand il viendra, et que nous devrons rendre compte de tout ce que nous aurons fait ; l’autre, quotidien, quand il visite sans cesse notre conscience, et qu’il vient à nous afin de nous trouver prêts lors de son avènement.
À quoi me sert, en effet, de connaître le jour du jugement, lorsque je suis conscient de tant de péchés? De savoir si le Seigneur vient, s’il ne vient pas d’abord dans mon cœur et ne revient pas dans mon esprit, si le Christ ne vit pas et ne parle pas en moi ?
Alors, oui, il m’est bon que le Christ vienne à moi, si avant tout il vit en moi et moi en lui. Alors pour moi, c’est comme si le second avènement s’était déjà produit, puisque la disparition du monde s’est réalisée en moi, parce que je puis dire d’une certaine manière : Le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde (Ga 6,14) ».
Homélie de saint Paschase Radbert († vers 860)
Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 11, 24, PL 120, 799-800
Voilà donc un sens possible, très concret, très opérationnel, de la période de l’Avent qui s’ouvre ce dimanche : Christ nous vient de notre avenir en Dieu ; Christ vient vers nous, en nous, et il nous aide à ajuster ce que nous sommes à ce que nous serons appelés à devenir.
L’avenir informe le présent, et non l’inverse.
Dans la foi chrétienne, le passé ne conditionne pas le présent et le présent ne construit pas l’avenir. C’est l’avenir (nous, unis au Christ en Dieu) qui transforme le présent. Notre vocation compte plus que nos réalisations, errements et réussites mêlés. La dernière parole du Christ en croix au bon larron est le signe le plus éloquent de cette priorité de l’avenir en Dieu : « Aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis ». Alors que son passé est coupable et son présent lamentable, le bon larron entend cette promesse lui ouvrir les portes d’une vie autre, dès maintenant.
De même, en invitant les nouveaux baptisés de Pâques à contempler le pain eucharistique sur l’autel, Saint Augustin les assurait qu’ils voyaient là leur avenir refluer sur leur présent, tel le mascaret de l’Apocalypse : « soyez ce que vous voyez ; recevez ce que vous êtes » (Sermon 272).
Le présent eschatologique
Le Christ a beau nous avertir que sa venue à la fin des temps est imminente, depuis 2000 ans on se dit que statistiquement on a peu de chances de voir ce jour de notre vivant…
Pourtant, « levez la tête car votre rédemption approche » : c’est donc que cette venue n’est pas si lointaine.
Pourtant, « le royaume de Dieu est au milieu de vous » : c’est donc que je peux en vivre maintenant.
Pourtant, « ce jour s’abattra sur tous les habitants de la terre comme un filet », « à l’improviste » : et si ce filet était déjà lancé au milieu du désordre de ma vie pour rassembler en Dieu tout ce que je suis ?
Le diacre syrien Saint Éphrem (III° siècle) a bien noté que le Christ ne veut pas dire la date du jour de son retour. Pourquoi ? Pour que nous désirions accueillir ce jour maintenant ; pour qu’il se réalise en moi sans tarder, avance Éphrem. Si nous connaissions cette date, nous pourrions différer l’ajustement nécessaire à la venue du Christ : ‘j’ai bien le temps de faire mille choses avant’. C’est bien aujourd’hui que le Christ vient en moi, tel le surfeur de l’Apocalypse : impossible de me défiler.
« Le Christ a dit, pour empêcher les disciples de l’interroger sur le moment de son avènement : Quant à l’heure, personne ne la connaît, pas même les Anges, pas même le Fils. Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates.Il nous a caché cela pour que nous veillions, et pour que chacun d’entre nous pense que cela pourra se produire pendant sa vie. Si le temps de sa venue avait été révélé, son avènement aurait été quelque chose de banal, et les nations et les siècles dans lesquels il se produira ne l’auraient pas désiré. Il a bien dit qu’il viendrait, mais il n’a pas précisé à quel moment, et ainsi toutes les générations et tous les siècles l’attendent ardemment.
Bien que le Seigneur ait fait connaître les signes de son avènement, on ne voit pas clairement leur terme ; car ces signes, dans un changement constant, sont venus et sont passés, et ils durent toujours. Son ultime avènement est en effet semblable au premier.
Les justes et les prophètes le désiraient, parce qu’ils estimaient qu’il paraîtrait de leur temps ; de même, aujourd’hui, chacun des fidèles désire le recevoir de son temps […]. Il a mis ces signes en relief pour que, dès le premier jour, tous les peuples et les siècles pensent que l’avènement du Christ se ferait de leur temps. »
Commentaire de Saint Éphrem sur l’évangile concordant
Un théologien protestant, David Cox, écrivait :
« Il existe une forte pensée chrétienne […] selon laquelle Jésus est venu apporter le salut « ici et maintenant » ; c’est dans ce monde. Selon cette ligne de pensée, il est souligné que la « vie éternelle » doit être considérée comme une possibilité présente, une nouvelle qualité de vie, une manière de vivre dans ce monde, plutôt que comme quelque chose que l’on peut avoir après la mort ; ou bien, que nous vivons déjà dans le « nouvel éon », « »l’âge » ou la « période » mondiale inaugurée par Jésus, dans laquelle sont inclus tous ceux qui ont accepté Jésus comme leur Sauveur. Une telle pensée est une pensée chrétienne orthodoxe, qui met l’accent sur la valeur du christianisme pour la vie dans ce monde » [2].
Et les orthodoxes nous disent que la « divine liturgie » byzantine, avec ses ors, ses encens, ses mystères, ses chasubles chamarrées et ses chœurs intenses, « c’est le ciel sur la terre ». Dans les deux interprétations – l’une existentielle, et l’autre liturgique – il s’agit bien d’accueillir la fin dans le début, l’avenir dans le présent.
Un autre immense théologien protestant, Rudolf Bultmann, a repris cette intuition d’une anticipation dès à présent de ce que nous serons pour toujours.
« Le sens de l’histoire réside chaque fois dans le présent, et si le présent est saisi à partir de la foi chrétienne comme présent eschatologique, le sens de l’histoire s’y réalise ».
L’eschaton (le but ultime) et le présent coulissent l’un dans l’autre, comme deux anneaux sur un même cylindre. Leur trait commun réside dans le moment présent, qui seul importe.
Il nous est donc possible de vivre dans le « maintenant » divin où s’accomplit la promesse. Le futur de la fin des temps devient un présent eschatologique, c’est-à-dire un présent déjà transfiguré par l’avenir divin, un présent contenant l’eschaton (la « fin ») et contenu par lui : les deux réalités sont mutuellement imbriquées l’une dans l’autre, si bien qu’on ne peut accueillir l’une sans expérimenter l’autre, et réciproquement.
Le chrétien vit alors un peu moins « entre les temps » et un peu plus dans le « maintenant » divin. Le futur eschatologique est devenu pour lui un présent eschatologique. L’éternité signifie pour lui moins l’action de Dieu avant le temps et moins la vie de Dieu après le temps, et plus la présence de Dieu dans le temps. La vie éternelle est une qualité de l’existence dans l’ici et le maintenant.
Bultmann en déduit un vibrant appel à laisser l’expérience chrétienne prendre corps aujourd’hui, sans attendre, tout en sachant que la plénitude est encore devant, car l’humanité tout entière – et le cosmos ! – est concerné :
« À tous ceux qui désespèrent et qui disent : « Je ne vois plus de sens à ma vie, je ne sais plus quelle est la signification de mon histoire », le Christ adresse cet encouragement et cet appel :
« Regarde ta propre histoire.
C’est toujours chaque instant présent qui contient la signification de ton histoire.
Tu ne peux pas regarder cette histoire en spectateur.
Tu dois l’envisager à partir de tes décisions, à partir de ta responsabilité. Dans chaque instant présent de ta vie sommeille la possibilité qu’il soit l’instant du salut. À toi de le réveiller »[3].
Saint Bernard de Clairvaux (XII° siècle) prenait l’analogie du bassin et du canal pour initier chacun à la plénitude présente, qu’il s’agit d’accueillir pour la laisser déborder vers les autres :
Petra / Bassin d’irrigation dans le désert jordanien
La Sagesse consiste pour toi
à jouer le rôle d’un bassin
et non pas d’un canal.
Un canal rend presque immédiatement
ce qu’il reçoit.
Un bassin, au contraire,
attend d’être rempli
pour communiquer sans dommage
ce dont il surabonde…
Laisse-toi combler par Dieu
avant de pouvoir partager
avec les autres ».
(St Bernard, Pensées)
La révolution des temps
La révolution des temps opérée par la foi chrétienne est colossale !
Les sciences humaines explorent les déterminismes sociaux qui conditionnent le futur des masses. Les sciences génétiques et biologiques découvrent comment les mutations et la sélection transforment peu à peu les espèces.
Les mathématiques, la physique et autre sciences « dures » font du futur la conséquence du passé et la prolongation du présent.
L’hindouisme et le bouddhisme font du karma le principe de la réincarnation, où les vies antérieures conditionnent les vies suivantes.
Le Coran fait de l’avenir un décret divin indiscutable, et le paradis ne sera que plus tard. Le judaïsme attend toujours en la personne du Messie celui qui achèvera l’histoire et lui donnera tout son sens.
Seuls les chrétiens osent dire que c’est l’avenir qui informe le présent !
Seuls ils proclament que ce que nous sommes appelés à être influe déjà sur ce que nous sommes et devenons.
Seul le Christ, tel un surfeur chevauchant le mascaret de l’Apocalypse, nous fait passer en Dieu sans attendre.
Le royaume de Dieu est en nous, au milieu de nous (Lc 17,21). Il nous est donné d’anticiper cette réalité ultime, unis au Christ, en vivant déjà le présent atemporel de la foi, le présent eschatologique.
Perspective vertigineuse, dont les répercussions sur notre rapport au temps, aux déterminismes de tous ordres, à nous-mêmes… sont immenses.
[1]. En occitan, mascaret est dérivé de mascar (« tacheté de noir ») et signifie « tacheté, barbouillé ». En ancien français mascarer a le sens de « mâchurer ». Certains donnent à l’occitan le sens de « bœuf tacheté » et dérivent le sens de « vague » par une analogie entre un troupeau de bovins qui se déplace et un mascaret.
[2]. D. Cox, Jung and St. Paul, New York, Association Press, 1959, p. 10.
[3]. Bultmann, Histoire et eschatologie, Delachaux & Niestlé, Neuchâtel-Paris, 1959.
Lectures de la messe
Première lecture
« Je ferai germer pour David un Germe de justice » (Jr 33, 14-16)
Lecture du livre du prophète Jérémie Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »
Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.
Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.
Les voies du Seigneur sont amour et vérité
pour qui veille à son alliance et à ses lois.
Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ;
à ceux-là, il fait connaître son alliance.
Deuxième lecture
« Que le Seigneur affermisse vos cœurs lors de la venue de notre Seigneur Jésus » (1 Th 3, 12 – 4, 2)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. Et qu’ainsi il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints. Amen.
Pour le reste, frères, vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà. Faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons, oui, nous vous en rions dans le Seigneur Jésus. Vous savez bien quelles instructions nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus.
Évangile « Votre rédemption approche » (Lc 21, 25-28.34-36) Alléluia. Alléluia.
Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. Alléluia. (Ps 84, 8)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. » Patrick BRAUD
Le recueil des homélies 2023-2024 (Année B) est paru !
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Le nombre d’actes antisémites recensés en France a bondi à 1676 lors de l’année 2023, contre 436 l’année précédente, alerte un rapport du CRIF de 2024. Cette quasi-multiplication par quatre en un an doit être mise en perspective : on avait quelques dizaines d’actes par an dans les années 1990, quelques centaines sur la période 2000-2022.
Entre le jour de l’attaque terroriste du Hamas en Israël et le 31 août, 1660 citoyens français de confession juive ont décidé de faire leur alya (‘montée’ ou retour à Jérusalem).
On constate une hausse de 300 % des actes antisémites au premier trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023. Et, en 2023, les actes antisémites représentaient 60% des actes antireligieux [1], contre 26% en 2022, alors que les juifs ne sont que 0,6% de la population française (la communauté juive de France est la première communauté juive d’Europe, avec environ 500 000 personnes vivant sur le territoire national).
De manière inquiétante, les vieilles calomnies sur une influence juive supposée dans les médias ou les affaires gagnent en audience : plus de la moitié des Français y croient ! Pire encore, les doutes sur la manipulation du statut de victimes de la Shoah atteignent désormais un Français sur deux.
Si 17 % des Français aux globales sont sensibles aux thèses antisémites, les moins de 35 ans sont 23 % : les jeunes générations semblent à nouveau sensibles aux thèses antijuives.
Indice de pénétration (en %), de l’antisémitisme : par tranche d’âge
Comme on s’y attendait, les Français de confession musulmane sont 3 fois plus nombreux que les autres à penser que l’antisémitisme n’est pas leur problème.
Une attitude « à la Pilate » en quelque sorte, comme le rapporte notre Évangile du Christ Roi (Jn 18,33-37) : « Est-ce que je suis juif, moi ? » clame Pilate pour se dédouaner des troubles survenus au sein de Jérusalem pendant la Pâque. Et bientôt, il se lavera les mains du sort de Jésus, ne voulant avoir rien en commun avec ce peuple qu’il gouverne militairement au nom de Rome.
Depuis les massacres terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, nombre de nos concitoyens allument leur télévision en souhaitant regarder ailleurs : « Est-ce que je suis juif, moi ? »
Sous-entendu : cela ne me regarde pas. Pourquoi se mêler d’un conflit où il n’y a que des coups à prendre ? Cette indifférence se transforme en hostilité ouverte pour certaines générations plus jeunes, musulmanes ou LFI (ou les deux) : « ils n’ont que ce qu’ils méritent ! ». « Ce sont des colons, capitalistes, qui font subir aux Palestiniens un ‘génocide’ qu’ils légitiment par la Shoah, cherchant ainsi à faire oublier la Naqba = la catastrophe de la création de l’État d’Israël en 1948″.
Cette dégradation de l’opinion publique en France appelle de la part des chrétiens un sursaut courageux.
Revenons au face-à-face entre le roi des juifs et le préfet romain le plus célèbre de l’histoire : que peut nous apprendre Pilate sur la lâcheté politique ?
Pilate, où l’antisémitisme passif
- Qui était Ponce Pilate ?
Son nom le désigne comme membre de l’ordre équestre du sud de l’Italie, les Pontii (d’où Ponce), du clan des Samni. C’est à ces chevaliers que Rome confiait les préfectures des territoires perdus de l’empire. Son nom est peut-être la trace de son origine marine : Pontius = de la mer / Pilatus = armé (d’une lance).
Quoi qu’il en soit, on ne sait rien de lui avant qu’il soit nommé en Judée par Tibère (de 26 à 37). Là, il réside à Césarée de Philippe pour éviter la populace de Jérusalem et ses violences récurrentes. Il restera 11 ans à ce poste : longévité assez rare pour un préfet à l’époque, grâce à ses soutiens auprès de Tibère. Il se fait remarquer par un cynisme et une violence extrêmes. Il brave la fierté juive en installant des boucliers d’or avec des images de l’empereur dans Jérusalem (or la foi juive proscrit le culte des images). Devant l’indignation du peuple, il recule cette fois-ci. Mais sa main ne tremblera pas pour donner l’ordre de massacrer à coups de gourdins des manifestants juifs protestant contre le détournement de l’argent du Temple de Jérusalem pour faire construire un aqueduc. Et sa répression sanglante d’un rassemblement de samaritains au monde Garizim fait tant de bruit que le légat voisin de Syrie, son hiérarchique, le déferrera à Rome pour être jugé. Mais Tibère meurt avant que Pilate n’arrive à Rome. Selon une tradition reprise par Eusèbe, il tomba en disgrâce sous le règne de Caligula et finit par se suicider, à Vienne (France) ou Lucerne (Suisse) selon des légendes peu crédibles (la tradition éthiopienne le fait mourir martyr à Rome, une fois converti au christianisme). On perd ensuite sa trace.
Tacite (Annales, XV, 44) fait mention de Pilate très brièvement en parlant des chrétiens : « Ce nom leur vient de Christ, qui, sous Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Pontius Pilatus ».
Au total, les historiens comme Flavius Joseph ou Philon d’Alexandrie font de lui un portrait beaucoup moins flatteur que les Évangiles. Pour les premiers chrétiens, il fallait en effet atténuer la responsabilité des Romains dans l’assassinat de Jésus si on voulait vivre en bonne intelligence avec eux partout dans l’empire. Quitte à charger les autorités juives (ou le peuple entier pour Jean) d’une culpabilité beaucoup plus écrasante. Ce qui hélas sera à la source d’un antisémitisme ecclésial indigne de Jésus.
Bref, Pilate était un sale type, un fonctionnaire dur et inflexible, dont les chrétiens ont cherché à adoucir les traits pour ne pas compromettre leurs relations déjà précaires avec les autorités romaines (les persécutions commenceront très vite après la mort du Christ).
Tel qu’il est, cruel kapo à l’image retravaillée par la tradition orale chrétienne et la plume des évangélistes, Ponce Pilate nous intéresse cependant à plus d’un titre.
- Antisémitisme passif
Pilate a donc été capable des pires cruautés et exactions contre le peuple juif qu’il gouvernait d’une main de fer. Ici, devant Jésus, il paraît plutôt hésitant. Ce ‘roi des juifs’ est si dérisoire, si entêté… Il voudrait bien ne pas être impliqué dans ces dissensions compliquées. Mais se proclamer roi – fût-ce de pacotille – est un acte politique qui conteste l’autorité de l’Empire : impossible de s’en désintéresser totalement. Se lavant les mains du problème, Pilate incarne une ligne de conduite qui n’en est pas une : laisser les juifs endosser la responsabilité des événements, quoi qu’il arrive. Et pouvoir ensuite les accuser si cela tourne mal. Bien sûr, Pilate rejette Jésus à cause de sa prétention royale plus que de sa judéité, mais finalement il englobe tous les protagonistes dans son mépris du peuple d’Israël.
L’antisémitisme passif aujourd’hui encore renvoie les juifs à leur responsabilité comme s’ils étaient les uniques acteurs et coupables de leurs malheurs. Les braves gens de la France occupée en 1939-45 fermaient les yeux sur ce qu’ils auraient pu voir ou entendre à propos des 200 camps de détention construits chez eux, des trains emmenant des familles juives qu’on ne revoyait plus, des théories raciales sur les Untermenschen (les sous-hommes) au nez crochu… « Est-ce que je suis juif, moi ? »
Aujourd’hui, les mêmes braves gens trouvent que, quand même, la guerre en Israël coûte trop cher, que Tsahal en fait trop, que tout cela va mal se terminer pour tout le monde si Israël s’entête. Pourquoi se mobiliser pour un camp plutôt qu’un autre ? « Est-ce que je suis juif, moi ? »
Heureusement il y eut Pie XI, qui n’a pas détourné son regard de la tragédie en préparation dans les années 30 : « L’antisémitisme est inadmissible ». « Spirituellement, nous sommes des sémites » (1938). Il condamne l’Action Française dès 1926 pour son antisémitisme, et publie en 1937 l’encyclique Mit brenneder Sorge (avec une brûlante inquiétude) écrite en allemand, et lue en chaire dans toutes les églises d’Allemagne le dimanche des Rameaux pour contourner l’interdiction d’Hitler.
Heureusement il y eut le cardinal Saliège qui ne détourna pas les yeux du sort réservé aux juifs de Toulouse et de France, au milieu d’une fausse indifférence générale.
Heureusement, il y eut tous les justes qui cachèrent, protégèrent et exfiltrèrent leurs compatriotes juifs poursuivis par les nazis.
Heureusement, il y eut Vatican II qu’il a lavé les juifs de l’accusation de « peuple déicide » :
« Ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. […]
En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs » (Nostra Aetate n°4).
Heureusement, il y eut Paul VI qui promulgua en 1970 une nouvelle version de la grande prière universelle du Vendredi Saint pour qu’il ne soit plus fait mention des « juifs perfides » (« Prions aussi pour les Juifs perfides afin que Dieu Notre Seigneur enlève le voile qui couvre leurs cœurs et qu’eux aussi reconnaissent Jésus, le Christ, Notre-Seigneur ») : « Prions pour les Juifs, à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance. (Tous prient en silence. Puis le prêtre dit :) Dieu éternel et tout-puissant, toi qui as choisi Abraham et sa descendance pour en faire les fils de ta promesse, conduis à la plénitude de la rédemption le premier peuple de l’Alliance, comme ton Église t’en supplie. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur ».
Heureusement, il y eut Jean-Paul II qui lors de sa visite à la synagogue de Rome en 1986 osa rappeler les liens de famille qui nous unissent : « Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés ». C’était la première fois qu’un pape se rendait dans une synagogue.
Au lieu de se laver les mains du sort des juifs à la Pilate, ces chrétiens et tant d’autres ont lavé le peuple juif des fausses accusations millénaires proférées de tous bords contre lui !
Allons-nous rester sur le côté, regardant le Moyen-Orient de loin, en nous excusant : « Est-ce que je suis juif, moi ? Est-ce que je suis palestinien ? »
Allons-nous répéter la lâcheté de Caïn : « Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? »
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[1]. Voici les chiffres des actes anti-religieux à date recensés sur l’année 2023 par le Ministère de l’Intérieur : - 1762 actes antisémites (pour 0,6% de la population !) - 564 actes antichrétiens - 131 actes antimusulmans
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Excursus sur les différents visages de l’antisémitisme
L’antisémitisme actuel prend de nombreuses formes, combinant parfois des éléments religieux, économiques, raciaux et politiques aux origines très anciennes. Il est alimenté par les tensions au Moyen-Orient, la montée des théories du complot, et les divisions sociales croissantes en Europe et aux États-Unis. L’antisémitisme a évolué à travers les siècles, passant d’une hostilité religieuse à des formes plus politiques, économiques et raciales. Chaque époque a vu l’émergence de figures clés qui ont attisé ces sentiments de haine, influençant la perception du peuple juif.
L’antijudaïsme chrétien
C’est une opposition religieuse où beaucoup de Pères de l’Église dénonçaient le rejet par les juifs du Christ comme Messie d’Israël. Les croisades et l’Inquisition ont nourri une féroce haine populaire contre les juifs, engendrant pogroms et discriminations en tous genres.
Cela allait jusqu’à l’accusation de « peuple déicide » dont on a vu que Vatican II a lavé le peuple juif, mettant fin à plus d’un millénaire d’hostilité chrétienne.
Le mythe du juif errant
Le roman-feuilleton d’Eugène Sue, « Le Juif errant », connaît l’un des plus grands succès publics du XIX° siècle (1844-45). Sue exploite l’idée de la malédiction qui accompagne le Juif errant en faisant coïncider son arrivée à Paris avec l’épidémie de choléra d’avril 1832 qui a fait plus de 12 000 victimes – on ignorait alors presque tout sur cette maladie et son mode de propagation. À ce mythe du Juif errant viennent s’ajouter les vieilles calomnies médiévales accusant les juifs de pratiques sataniques : sacrifices d’enfants vivants ou de chrétiens, profanation d’hosties, empoisonnement de sources, crachats sur des crucifix, etc.
L’antijudaïsme musulman
Le Coran reproche aux juifs d’avoir falsifié le message des prophètes, et ne tolère les juifs que s’ils payent une taxe et reconnaissent l’Islam comme religion d’État. C’est la dhimmitude, statut censé protéger les minorités comme les juifs ou les chrétiens moyennant taxe financière et statut inférieur : « Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés » (Coran 29,9).
« À cause de leur violation de l’engagement, Nous avons maudits les Juifs et endurci leurs cœurs : ils détournent les paroles de leur sens et oublient une partie de ce qui leur a été rappelé. Tu ne cesseras de découvrir leur trahison, sauf d’un petit nombre d’entre eux. Pardonne-leur donc et oublie [leurs fautes]. Car Dieu aime, certes, les bienfaisants » (Coran 5,13).
Du côté du Hamas, du Hezbollah ou de l’Iran, l’objectif final est au mieux un pays où les trois religions abrahamiques cohabiteraient pacifiquement « à l’ombre de l’islam », donc dans la situation inégalitaire qui était celle des États islamiques anciens. Et leur référence aux « Protocoles des Sages de Sion » (un célèbre faux, inventé de toutes pièces par la Russie tsariste pour calomnier les Juifs) est récurrente, ce qui transforme l’histoire en un vaste complot juif.
L’antisémitisme de gauche
La critique de Marx sur le pouvoir financier international des grandes familles juives rejoint la position de nombre d’autres penseurs révolutionnaires socialistes voulant abolir la religion, et la religion juive tout particulièrement.
« Quel est le fond profane du judaïsme ? Le besoin pratique, l’utilité personnelle. Quel est le culte profane du Juif ? Le trafic. Quel est son Dieu profane ? L’argent. Eh bien, en s’émancipant du trafic et de l’argent, par conséquent du judaïsme réel et pratique, l’époque actuelle s’émanciperait elle-même » (Karl Marx,La question juive, 1843). Ayant des adversaires dans les milieux économiques, certains socialistes, sous une certaine forme radicale, cultivent l’idée que les Juifs sont surreprésentés à ce niveau-là. Ils ne se rendent peut-être pas compte, ou bien ce n’est pas leur problème, mais ces athées puisent leur imaginaire dans le Moyen Âge chrétien, où les Juifs étaient exclus des métiers liés à la terre et poussés à s’investir par exemple dans la finance, interdits aux chrétiens à cause du commandement biblique sur l’usure et le prêt à intérêt.
Voltaire n’a pas de sarcasmes assez cinglants envers le peuple juif, « le plus abominable de la terre », « peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine » (Dictionnaire philosophique, 1764).
La France a été la première nation à attribuer la pleine égalité de droits aux Juifs par le vote de l’Assemblée constituante en 1791. Le député Clermont-Tonnerre, lors des débats de l’Assemblée sur la citoyenneté active, avait cependant affirmé : « Aux Juifs, en tant que nation, il faut tout refuser ; mais aux Juifs, en tant qu’hommes, il faut tout accorder [...] il ne peut y avoir de nation dans la nation ». On voit qu’en poussant un peu loin ce précepte, en soi légitime, on pouvait s’acheminer vers l’alternative suivante : ou les Juifs perdent leurs particularités, autrement dit ou ils s’assimilent complètement (renonçant au sabbat, à l’alimentation casher, etc.), et dès lors ils sont pleinement Français car ils ont cessé d’être Juifs ; ou bien, ils gardent leurs coutumes et leurs lois, et dès lors ils doivent être « expulsés ». Tandis que la droite (l’abbé Maury notamment) disait : respectons les convictions religieuses des Juifs mais n’en faisons pas des citoyens, la gauche, elle, pouvait, en offrant la citoyenneté aux Juifs, leur interdire à terme ce qu’on n’appelait pas encore ‘le droit à la différence’.
Proudhon écrit dans ses Carnets :
« Juifs. Faire un article contre cette race qui envenime tout, en se fourrant partout, sans jamais se fondre avec aucun peuple. Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des Françaises ; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi, poursuivre enfin l’abolition de ce culte » Pour lui, le juif est « l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer ».
En mai 1895, Jaurès, en voyage en Algérie, décèle « sous la forme un peu étroite de l’antisémitisme… un véritable esprit révolutionnaire » (La Dépêche de Toulouse, 8 mai 1895), et il y stigmatise « l’usure juive ».
La gauche française prendra certes le parti de Dreyfus, mais certains extrêmes continueront de propager des thèses antijuives.
L’antisémitisme racial
Il n’est hélas que trop célèbre, depuis Hitler et les pseudos théories scientifiques aryennes voulant démontrer l’infériorité d’une prétendue race juive qui n’existe pas. On espère que cette haine n’est plus que résiduelle dans le monde…
L’antisionisme
Les États et courants politiques ou religieux (musulmans essentiellement) qui s’opposent à la création de l’État d’Israël ne parlent jamais du peuple juif ni d’Israël, mais des « sionistes » et de « l’entité sioniste » qu’ils veulent combattre jusqu’à son élimination pure et simple. C’est l’idéologie du Hamas qui veut libérer la Palestine « du fleuve à la mer », c’est-à-dire du Jourdain à la Méditerranée en expulsant tous les juifs. C’était l’idéologie du grand Mufti de Jérusalem dont les alliances et l’amitié avec Hitler ont discrédité l’autorité religieuse. C’est toujours l’idéologie du Hezbollah, et du régime chiite en Iran, combattant pour la destruction et l’anéantissement d’Israël.
L’islamo-gauchisme
L’alliance d’opportunité électorale entre des haines musulmanes antijuives et les critiques de gauche sur le capitalisme juif supposé fait que dans les sondages en France aujourd’hui, les électorats LFI des quartiers populaires plutôt musulmans sont 3 à 4 fois plus antisémites que la moyenne des Français…
L’antisémitisme d’extrême droite
Héritier de Drumont, de l’affaire Dreyfus et les théories du complot, certains courants d’extrême droite véhiculent encore des idées nauséabondes sur l’élimination du « pouvoir juif ».
L’histoire montre qu’il n’y a pas d’atavisme antisémite. Jaurès n’a-t-il pas finalement défendu Dreyfus ? L’écrivain Georges Bernanos, disciple de l’antisémite Drumont, n’a-t-il pas combattu courageusement le franquisme et le régime de Vichy ?
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Lectures de la messe Première lecture « Sa domination est une domination éternelle » (Dn 7, 13-14)
Lecture du livre du prophète Daniel
Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. Psaume (Ps 92 (93), 1abc, 1d-2, 5)
R/ Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence. (Ps 92, 1ab)
Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force.
Et la terre tient bon, inébranlable ; dès l’origine ton trône tient bon, depuis toujours, tu es.
Tes volontés sont vraiment immuables : la sainteté emplit ta maison, Seigneur, pour la suite des temps. Deuxième lecture « Le prince des rois de la terre a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu » (Ap 1, 5-8)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
À vous, la grâce et la paix, de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre.
À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen. Voici qu’il vient avec les nuées, tout œil le verra, ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ; et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre. Oui ! Amen !
Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers. Évangile « C’est toi-même qui dis que je suis roi » (Jn 18, 33b-37) Alléluia. Alléluia.
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Alléluia. (Mc 11, 9b-10a)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » Patrick BRAUD