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Le recueil des homélies 2022-2023 (Année A) est paru !
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C’est bien Versailles ici ! Connaissez-vous les publicités de TotalEnergies nous incitant à faire des économies d’électricité ? On y voit un homme éteindre systématiquement chez lui avant de se coucher toutes les lumières, veilleuses, aquariums et ordinateurs de la maison en admonestant ses enfants et sa femme : « c’est pas Versailles ici ! » Ce reproche est peut-être un signe annonciateur de l’écologie punitive que quelques ‘khmers verts’ voudraient imposer à tous… En tout cas, l’Évangile de ce dimanche (Mc 13,33-37) prend à contre-pied la symbolique de cette pub : ‘surtout n’éteins pas ta veille ! Garde sans cesse ta lampe allumée, fais provision d’huile pour tenir toute la nuit s’il le faut’ :
« Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Autrement dit : c’est bien Versailles ici, dans le cœur et l’esprit de celui qui attend la venue du Christ ! Loin de tout éteindre, il nous faut au contraire maintenir tout allumé : notre intelligence, notre désir, notre amour. Rien de pire qu’un chrétien éteint ! Au lieu de mettre sur off, il nous faut paramétrer nos notifications intérieures pour être averti dès que de l’inattendu survient : c’est peut-être le Christ qui s’approche. Pierre à Gethsémani n’a pas su veiller une heure, alors que la bien-aimée du Cantique des cantiques demeure à l’affût : « je dors, mais mon cœur veille » (Ct 5,2).
Jésus ne connaissait la théorie du chaos qui annonce l’imprévisibilité radicale de ce qui va arriver. Mais il en a l’intuition spirituelle. Pour lui visiblement, le présent de Dieu n’est pas la simple prolongation du passé humain. Il peut se produire du neuf à tout instant, déjouant les plans, les stratégies, les calculs. « Vous ne savez pas… » : ce constat d’inconnaissance revient très souvent dans les Évangiles. « Vous ne savez pas quand ce sera le moment. [...] Vous ne savez pas quand vient le maître de la maison…»
Ici, c’est l’ignorance de la date du retour du maître parti en voyage, du royaume de Dieu lui-même. C’est « à l’improviste » que se manifeste l’arrivée du maître.
Le présent de Dieu ne peut donc pas se programmer, se planifier. Il n’est pas prédictible, plus encore que la météo à 15 jours. Surveiller ou contrôler ne sert à rien. C’est veiller qui est l’attitude juste, c’est-à-dire guetter les signes d’une ad-venue inattendue et imprévisible.
Le présent de la foi chrétienne est un événement, au sens littéral du terme : ex-venire = ce qui vient d’ailleurs. Il nous est donné par un Autre. Il échappe à toute mainmise.
Plus encore : ce présent nous vient du futur. Le Christ ressuscité venant à notre rencontre engendre dans notre vie ces événements par lesquels il nous invite à orienter notre existence vers la plénitude finale. « Deviens qui tu seras » : notre vocation en Christ reflue sur notre condition actuelle, tel le mascaret remontant de la mer au fleuve par l’embouchure en une étrange vague à contre-courant…
D’où le nom du temps liturgique qui commence : ad-ventus = Avent = ce qui vient vers nous.
Une soudaineté heureuse Arrêtons-nous sur l’une des caractéristiques de la venue du Christ que nous célébrons en ce début d’Avent : la soudaineté. « S’il arrive à l’improviste (ἐξαίφνης), il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis ». Le terme grec employé par Marc est ἐξαίφνης (exaiphnes). C’est l’unique usage de ce mot en Marc. Les 4 autres emplois du terme dans le Nouveau Testament nous en disent un peu plus :
– La soudaineté de Noël évoquée par Luc à l’arrivée des bergers nous invite à écouter tout ce qui chante la gloire de Dieu, surtout quand elle se cache dans la figure du tout-petit : « Et soudain (exaiphnes) il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, louant Dieu… » (Lc 2,13) – Luc raconte qu’un ‘possédé’ – un épileptique sans doute – est secoué par des crises subites et violentes, ce qui invitent plutôt à nous méfier de la soudaineté du déchaînement du mal qui peut tout emporter, tel l’oued au désert : « Un esprit le saisit, et aussitôt (exaiphnes) il pousse des cris; et l’esprit l’agite avec violence, le fait écumer, et a de la peine à se retirer de lui, après l’avoir tout brisé » (Lc 9,39).
– Les deux derniers usages du mot soudain sont placés par Luc dans la bouche de Paul lorsqu’il raconte son appel sur le chemin de Damas : « Comme j’étais en chemin, et que j’approchais de Damas, tout à coup (exaiphnes), vers midi, une grande lumière venant du ciel resplendit autour de moi » (Ac 22,6;9,3). Lorsque Dieu nous appelle, il est capable de le faire à l’improviste, alors que nous sommes loin de lui, voire contre lui comme Saül le persécuteur de chrétiens allant vers Damas accomplir sa sinistre besogne.
Ce qui est remarquable, c’est que la soudaineté divine dans le Nouveau Testament est une soudaineté heureuse, alors que dans l’Ancien Testament lorsque Dieu vient à l’improviste c’est pour provoquer la ruine et le malheur sur Israël infidèle ou sur ses ennemis. - Ainsi la maison de Jacob s’écroule tout d’un coup, sans prévenir, sur sa famille : « Soudain un grand vent est venu depuis l’autre côté du désert et a frappé contre les quatre coins de la maison. Elle s’est écroulée sur les jeunes gens et ils sont morts » (Jb 1,19).
- Les pratiques de magie et de sorcellerie attireront de grandes souffrances se déversant à l’improviste sur ceux qui ont recours : « Ces deux souffrances – la perte d’enfants et le veuvage – t’atteindront en un instant, en un seul jour. Elles te frapperont de plein fouet malgré tous tes rites de sorcellerie, malgré toute la puissance de tes pratiques magiques » (Is 47,9).
- La dévastation arrivera de manière rapide et inattendue sur Jérusalem si elle délaisse son Seigneur : « Fille de mon peuple, habille-toi d’un sac et roule-toi dans la cendre, prends le deuil comme pour un fils unique, verse des larmes, des larmes pleines d’amertume, car c’est de façon soudaine que le dévastateur viendra sur nous » (Jr 6,26).
« Je rends ses veuves plus nombreuses que les grains de sable de la mer. J’amène sur eux, sur la mère du jeune homme, le dévastateur en plein midi. Je fais soudain tomber sur elle l’angoisse et la terreur » (Jr 15,8).
« C’est pourquoi, voici ce que dit l’Éternel: Je prépare contre ce peuple un malheur dont vous ne dégagerez pas votre cou, et subitement vous ne marcherez pas la tête haute (Mi 2,3). - Seul Malachie annonce un revirement en nourrissant l’espérance du peuple d’accueillir un jour le messager du Seigneur se manifestant dans son temple, à l’improviste, inattendu, presque par surprise : « Voici que j’enverrai mon messager pour me préparer le chemin. Et soudain, il entrera dans son Temple, le Seigneur que vous cherchez ; le messager de l’alliance que vous désirez, le voici qui arrive, dit l’Éternel, le maître de l’univers » (Mal 3,1). Les chrétiens n’ont eu aucun mal évidemment à reconnaître ce messager en Jésus au Temple de Jérusalem.
Il y a donc une inversion de sens de la surprise de l’un à l’autre Testament : du malheur et de la ruine survenant à l’improviste, on passe à la soudaine venue du Christ apportant jugement et salut. Cette soudaineté sera heureuse pour ceux qui l’attendent, mais confondante pour ceux qui s’étaient endormis dans le luxe et l’injustice : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste » (Lc 21,34) ; « Quand les gens diront : ‘Quelle paix ! Quelle tranquillité !’, c’est alors que, tout à coup, la catastrophe s’abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper » (1Th 5,3). L’enjeu est de ne pas passer à côté de cette irruption soudaine de l’amour de Dieu dans nos vies. Celui qui regarde le ciel sans regarder ne verra pas l’étoile filante ni la météorite qui soudain traverse l’espace…
Marie Madeleine et le jardinier inattendu Le pape Grégoire le Grand (540-604) a prononcé une homélie (n° 25) extraordinaire sur Marie-Madeleine. Il note qu’après avoir vu le tombeau vide, Simon-Pierre et Jean rentrèrent chez eux (ils ont même repris leur métier de pêcheur comme si de rien n’était), alors que Marie-Madeleine reste là, dehors, à pleurer, refusant d’être consolée et de passer à autre chose : « Les disciples s’en retournèrent donc chez eux. Marie, elle, se tenait près du tombeau, au-dehors, et pleurait » (Jn 20, 10-11).
« Elle recherchait celui qu’elle ne trouvait pas, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée par le feu de son amour, elle brûlait du désir de celui qu’elle croyait enlevé. C’est pour cela qu’elle a été la seule à le voir, elle qui était restée pour le chercher, car l’efficacité d’une œuvre bonne tient à la persévérance, et la Vérité dit cette parole : Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé.
Elle a donc commencé par chercher, et elle n’a rien trouvé ; elle a persévéré dans sa recherche, et c’est pourquoi elle devait trouver ; ce qui s’est produit, c’est que ses désirs ont grandi à cause de son attente, et en grandissant ils ont pu saisir ce qu’ils avaient trouvé. Car l’attente fait grandir les saints désirs. Si l’attente les fait tomber, ce n’était pas de vrais désirs. C’est d’un tel amour qu’ont brûlé tous ceux qui ont pu atteindre la vérité. Aussi David dit-il : ‘Mon âme a soif du Dieu vivant : quand pourrai-je parvenir devant la face de Dieu ?’ Aussi l’Église dit-elle encore dans le Cantique des cantiques : ‘Je suis blessée d’amour’. Et plus loin : ‘Mon âme a défailli’.
Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? On lui demande le motif de sa douleur, afin que son désir s’accroisse, et qu’en nommant celui qu’elle cherchait, elle rende plus ardent son amour pour lui ».
Grégoire pointe là très justement le lien entre la veille et la rencontre : le désir. Celui qui ne désire plus rien ne veille pas. Il vit en automate (métro, boulot, dodo) en satisfaisant ses besoins primaires sans rien attendre d’autre. En désirant d’un saint désir, Marie-Madeleine fait grandir sa capacité d’attendre, de veiller, même devant un tombeau vide où normalement plus rien ne va se passer. Grâce à cela elle ne manque pas l’étoile filante dans le ciel que Pierre et Jean ne voient pas tout de suite. Elle reconnaît être rencontrée, prenant pour le jardinier celui qu’elle recherchait de tout son être sans oser y croire. Comme s’il fallait jardiner notre désir pour rencontrer le Ressuscité…
Notre désir nous garde en état de veille, s’il est un saint désir assoiffé de l’essentiel. Voilà l’huile pour la lampe. Lorsque le Christ nous intime : « veillez ! », l’Esprit nous indique le chemin : « désire ! ». Désire, et ne cède pas sur ton désir, s’il est vrai. Voilà comment veiller sans cesse : en désirant sans cesse, en désirant davantage, en désirant mieux, en élargissant notre désir à ce que nous ne pouvons contenir. Désire, et tu veilleras. Veille à entretenir en toi ce désir mieux que la flambée dans la cheminée.
Quelle est l’improviste dans ma vie ? – Si la caractéristique de la venue du Christ en nous est son caractère ‘à l’improviste’, nous avons là une bonne piste pour chercher des indices de cette venue dans notre histoire personnelle et collective. L’inattendu de Dieu est cette fracture de la glace à la surface d’un lac gelé qui soudain nous fait deviner une autre profondeur. Dieu vient à nous comme un voleur, par effraction. À l’improviste il nous surprend lorsque quelque chose de non-calculé nous bouleverse : une musique, une rencontre, une lecture, un geste de tendresse, de compassion…
Le gratuit souvent nous ouvre ‘à l’improviste’.
Le calculé se déroule logiquement sans surprise.
Le marchandé s’obtient par négociation, pas par grâce.
– À l’improviste, Dieu vient vers nous par le biais de notre désir trouvant soudain de quoi flamber sans mesure.
Une amie récemment divorcée me confiait au téléphone : « je sens que depuis ma séparation, mon cœur se ferme peu à peu et ne veut plus aimer. Je ne me laisse plus émouvoir par un visage, et je résiste malgré moi à la perspective de recréer ce lien ». C’est si tentant de se dessécher sur place, et de ne plus rien vouloir pour ne plus rien souffrir. L’extinction du désir est une forme d’anorexie spirituelle qui conduit à la mort.
Cette extinction peut également se dissimuler sous la poursuite de désirs superficiels ou vains. Ainsi l’homme riche qui ne sait plus quoi faire de ses greniers pleins de blé va mourir gavé : « insensé, cette nuit même on va te demander ta vie ! »
– Une troisième piste - après l’inattendu et le désir - pour reconnaître la venue de Dieu en nous est de raconter ce qui nous est arrivé. J’ai toujours été impressionné que Luc dans les Actes des Apôtres raconte trois fois la conversion de Paul sur le chemin de Damas : ni une, ni deux, mais trois fois ! Pourquoi ? Parce qu’un événement aussi inattendu, improbable – voire choquant – que la conversion d’un persécuteur demande de raconter, d’écrire, pour interpréter et garder en mémoire une telle bousculade. Imaginez que Poutine change pour se mettre au service de la paix entre les peuples ! Cela mériterait d’être raconté en détails pour les générations à venir…
On rejoint là ce que Paul Ricœur appelait l’identité narrative : tant que je n’ai pas fait le récit de ce qui m’est arrivé, je ne sais pas qui je suis (et les autres non plus).
Veiller demande de parler, d’écrire, de raconter les événements inattendus où quelque chose de l’amour de Dieu s’est manifesté pour nous. Un peu comme l’étoile filante demande à être filmée sur un smartphone pour être ensuite publiée sur les réseaux sociaux : un témoin, une image, et la déchirure du ciel à l’improviste devient crédible, reconnue, archivée.
L’inattendu, le désir, le récit : faisons feu de tout bois pour que flambe en nous l’attente de la venue de Dieu vers nous, pour que la vigilance nous prépare à recevoir, à l’improviste…
LECTURES DE LA MESSE
PREMIÈRE LECTURE « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! » (Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7)
Lecture du livre du prophète Isaïe C’est toi, Seigneur, notre père ; « Notre-rédempteur-depuis-toujours », tel est ton nom. Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face. Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. Tu étais irrité, mais nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient que linges souillés. Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes. Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main.
PSAUME (79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19) R/ Dieu, fais-nous revenir ;que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés ! (79, 4)
Berger d’Israël, écoute,
resplendis au-dessus des Kéroubim !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.
Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.
Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !
DEUXIÈME LECTURE Nous attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ (1 Co 1, 3-9)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens Frères, à vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous. Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.
ÉVANGILE « Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison » (Mc 13, 33-37) Alléluia. Alléluia. Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. Alléluia. (Ps 84, 8)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! » Patrick BRAUD
Quand l’Église humiliait publiquement le comte de Toulouse Imaginez la scène : le 18 juin 1209, Raymond VI comte de Toulouse s’avance pieds nus, vêtu simplement d’humbles braies et d’une chemise de bure, s’avance sur le parvis de la cathédrale Saint Gilles (près de Montpellier) vers le légat du pape, les nombreux évêques en grande tenue chamarrée qui l’entourent, la foule des badauds et les croisés venus soi-disant combattre l’hérésie albigeoise mais surtout s’approprier les terres des hérétiques. Devant ces personnages si importants, le comte de Toulouse, excommunié par le pape Innocent III pour avoir été trop complaisant envers les « bonshommes » – qu’on appellera « cathares » au XIX° siècle - prononce un long serment de fidélité à l’Église catholique et au Pape, pour lever les 15 chefs d’excommunication prononcés contre lui. Il ira même jusqu’à se croiser avec eux, pour éviter qu’on lui prenne ses terres (peine perdue !). Cette humiliation publique d’un souverain fait furieusement penser à la pénitence célèbre que le pape Grégoire VII a imposée à Henri IV, empereur germanique, à Canossa en janvier 1077.
Dans les deux cas, l’excommunication était l’arme nucléaire pour affirmer la supériorité du pouvoir ecclésial sur le politique. L’Église doit régner, par la force si besoin, pour que la société soit conforme à ce qu’elle interprète de la vérité de Dieu et de ses commandements. Le règne du Christ est alors très concrètement un règne politique, une vision que nous qualifierions aujourd’hui d’intégraliste, et même de contrôle total de la vie sociale sous prétexte du règne du Christ. De Constantin à Vatican II, l’Église catholique (et orthodoxe !) a constamment rêvé d’imposer sa version des Évangiles à toutes les sociétés du monde. Le sac de Béziers suite à la paix de Saint-Gilles en est un triste exemple : pour le légat du pape, mieux vaut exterminer des milliers de Biterrois plutôt que de laisser des idées folles se répandre. On lui devrait le célèbre : « tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » qui dit assez l’horreur dans laquelle bascule l’idéologie du Christ-Roi lorsqu’on l’applique aux sociétés civiles.
L’idéologie restauratrice de la fête du Christ-Roi C’est cette même idéologie théocratique qui poussera le pape Pie XI à instituer notre fête du Christ-Roi en 1925 [1]. Nous sommes alors 20 ans après la loi de séparation d’Aristide Briand en France (que Pie XII qualifie de laïcisme), et 8 ans après la révolution bolchevique qui promeut l’athéisme comme principe structurant de la Russie. Le pape y voit les signes d’une « apostasie générale » qui met en danger l’influence de l’Église. Il veut allumer un contre-feu en instituant une fête liturgique proclamant à la face des nations et des chefs d’État que seul le Christ est roi, et qu’il faut lui obéir en tout, pour éviter la guerre, la décadence, le chaos. Le seul problème est que l’Église se dit l’unique interprète qualifiée de la volonté du Christ : obéir au Christ pour instaurer son règne est alors obéir à l’Église pour consolider sa puissance, son emprise sur les lois, les consciences, les mœurs.
Les catholiques ont soigneusement oublié l’encyclique Quas Primas par laquelle Pie XI institue et rend cette fête obligatoire en 1925. Pourtant, le texte est clair : il faut par cette fête affirmer l’autorité suprême de l’Église pour instaurer le règne social du Christ dès maintenant, partout [2].
18. C’est ici Notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d’apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l’univers catholique le culte du Christ-Roi. La peste de notre époque, c’est le laïcisme, ainsi qu’on l’appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles.
Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n’est pas apparu brusquement ; depuis longtemps, il couvait au sein des États. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations; on refusa à l’Église le droit – conséquence du droit même du Christ – d’enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit, ensuite, à l’autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu’à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des États qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l’irréligion et l’oubli conscient et volontaire de Dieu.
N° 19. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d’un lourd silence le nom très doux de notre Rédempteur; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales.
Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l’honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu’a engendrée le laïcisme.
21. Les États, à leur tour, apprendront par la célébration annuelle de cette fête que les gouvernants et les magistrats ont l’obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d’obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le dernier jugement, où le Christ accusera ceux qui l’ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui l’ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et punira de pareils outrages par les châtiments les plus terribles; car sa dignité royale exige que l’État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l’établissement des lois, dans l’administration de la justice, dans la formation intellectuelle et morale de la jeunesse, qui doit respecter la saine doctrine et la pureté des mœurs.
22. Il faut donc qu’il règne sur nos intelligences : nous devons croire, avec une complète soumission, d’une adhésion ferme et constante, les vérités révélées et les enseignements du Christ. Il faut qu’il règne sur nos volontés: nous devons observer les lois et les commandements de Dieu.
Dans cet esprit, Pie XI donne un mandat de « reconquête » à l’Action Catholique fondée à cette époque, dont le slogan était alors : « Nous referons chrétiens nos frères » [3].
Mgr Lefebvre ne s’y est pas trompé, lorsqu’il reprend ce thème de « l’apostasie générale » pour légitimer sa nostalgie d’un ordre social chrétien régulé par l’Église. Il est la trace, quasi archéologique, de cette ambition démesurée d’imposer le règne du Christ en soumettant la société à l’Église :
« Et non seulement ils ont eu pour dessein de détruire les institutions chrétiennes mais ils ont voulu, par-là, détruire le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les âmes et créer ce climat d’apostasie générale. Le fait que les institutions ne sont plus chrétiennes, le fait que Notre Seigneur Jésus-Christ ne règne plus dans les institutions, crée nécessairement un climat d’apostasie, un climat d’athéisme, et ce climat d’athéisme atteint alors les familles par l’enseignement, par tous les moyens puissants que l’État a à sa disposition pour ruiner la foi dans les familles chrétiennes. C’est ainsi qu’on a vu l’apostasie s’étendre, petit à petit, dans la société.
De nos jours, on est tellement habitué à cette apostasie générale que l’on ne réagit même plus. C’est pourquoi cette fête du Christ-Roi est plus utile que jamais.
Nous voulons qu’il règne dans nos familles, dans les familles chrétiennes et dans la société. »
(Sermon de Mgr Lefebvre pour la fête du Christ-Roi, le 30 octobre 1988 à Écône)
Peut-on alors célébrer cette fête sans frémir d’indignation devant la volonté de toute-puissance ecclésiale qu’elle véhicule ?
Heureusement, il y a Vatican II ! Dans l’aggiornamento qui permet à l’Église de mieux comprendre son époque et de mieux se comprendre elle-même, l’idéologie du Christ-Roi va être justement infléchie :
- du règne social chrétien on va passer au règne eschatologique du Christ - du Roi tout court on passe au Roi de l’univers
-du dernier dimanche d’octobre avant la Toussaint (signe du triomphe du Christ et de ses élus), on passe au dernier dimanche de l’année liturgique juste avant un nouvel Avent. C’est Paul VI – Saint Paul VI ! – qui opère cette évolution, avec douceur et pédagogie.
- On quitte ainsi les dangereux rivages d’une idéologie de restauration pour orienter la prière catholique vers l’avènement ultime du Christ.
- On quitte la nostalgie de la domination politique d’un État pour espérer la transformation ultime de tout l’univers.
- On passe de l’Église triomphante (dimanche d’octobre avant celui de la Toussaint) à la Parousie, point d’orgue qui dépasse toutes nos visions humaines (dernier dimanche liturgique).
Cette désidéologisation de la fête du Christ-Roi nous permet désormais de lui donner un sens eschatologique et spirituel : - sens eschatologique : Le royaume à venir est plus grand que toutes les réalisations humaines, même ecclésiales. Le jugement de Matthieu 25 nous dit que le critère en est l’amour et non l’appartenance ecclésiale. Quoi de plus fort pour relativiser une institution qui prétendrait réguler la vie quotidienne dans ses moindres détails ?
- sens spirituel : Ce règne à venir est déjà inauguré en nos cœurs lorsque nous communions au Christ de tout notre être, de toutes nos forces. « Le royaume de Dieu est au-dedans de vous », ne cessait de répéter Jésus. Il y a là une mystique du royaume, intérieure, source d’inspiration pour une vie évangélique faite de pauvreté, de pardon, d’amour.
Une hymne de l’abbaye de Tamié, chantée pour ce dimanche, le dit avec beauté, élégance et justesse :
Amour qui nous attends au terme de l’histoire,
ton Royaume s’ébauche à l’ombre de la croix ;
déjà sa lumière traverse nos vies.
Jésus, Seigneur, hâte le temps !
Reviens, achève ton œuvre !
R/ Quand verrons-nous ta gloire transformer l’univers ?
1. Jusqu’à ce jour, nous le savons, la création gémit en travail d’enfantement. R/
2. Nous attendons les cieux nouveaux, la terre nouvelle, où régnera la justice. R/
3. Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision, jusqu’à l’heure de ton retour. R/
Cette dimension mystique et spirituelle n’empêche pas la fête du Christ-Roi d’avoir une connotation politique : non par l’imposition des lois d’une Église, mais par la force des consciences personnelles s’unissant autour de la défense des plus petits, des plus faibles, selon l’évangile de ce dimanche (Mt 25). Il y aura sans doute des conséquences législatives, judiciaires, politiques si un grand nombre de citoyens laissent ainsi le Christ régner davantage en leur cœur. Mais cela n’aura rien à voir avec la volonté de contrôle, de surveillance, de punition et de contrainte dont les tristes épisodes de Saint-Gilles ou de Canossa sont des symboles.
Gardons en tête les deux orientations majeures de la fête du Christ-Roi ce dimanche :
- elle déplace notre attente vers un au-delà de l’histoire, relativisant ainsi toute réalisation partielle.
- elle nous tourne vers le règne intérieur du Christ en nous : le laisser devenir par son Esprit « plus intime à moi-même que moi-même », ne plus faire qu’un avec lui au point de s’écrier comme Paul : « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ! » (Ga 2,20).
[1]. L’année 1925 était aussi le seizième centenaire du premier concile œcuménique de Nicée, qui avait proclamé l’égalité et l’unité du Père et du Fils, et par là même la souveraineté du Christ, « dont le règne n’aura pas de fin » (Symbole de Nicée).
[2]. On notera que le sous-titre de l’encyclique : « Sur la royauté sociale de Jésus-Christ », qui est bien le sujet de l’encyclique, ne figure pas dans le texte officiel, en particulier sur le site du Saint-Siège
[3]. Pie XI condamne cependant l’Action Française en 1926, refusant ainsi l’instrumentalisation de sa pensée politique.
LECTURES DE LA MESSE
PREMIÈRE LECTURE « Toi, mon troupeau, voici que je vais juger entre brebis et brebis » (Ez 34, 11-12.15-17)
Lecture du livre du prophète Ézékiel Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, – oracle du Seigneur Dieu. La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit. Et toi, mon troupeau – ainsi parle le Seigneur Dieu –, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs. PSAUME (Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6) R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer. (cf. Ps 22, 1)
Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours. DEUXIÈME LECTURE « Il remettra le pouvoir royal à Dieu le Père, et ainsi, Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 20-26.28)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous. ÉVANGILE « Il siégera sur son trône de gloire et séparera les hommes les uns des autres » (Mt 25, 31-46) Alléluia. Alléluia. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David notre père. Alléluia. (Mc 11, 9b-10a)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’ Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’ Et le Roi leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’ Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’ Alors ils répondront, eux aussi : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’ Il leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’ Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. » Patrick BRAUD
Maria, le vilain petit canard Elle va bientôt avoir 81 ans. On la visite régulièrement avec des bénévoles d’une association, car elle se plaint beaucoup de sa solitude. Sa toute petite maison HLM est proprette, rangée avec soin. Malgré sa DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) qui la handicape de plus en plus, Maria prend soin de son jardinet, et tient à nous accueillir avec un dessert qu’elle a fait elle-même. Quand on veut la féliciter pour son intérieur, elle n’écoute pas, et remet en marche un refrain que nous connaissons maintenant par cœur : « Je n’ai jamais été acceptée. Mon père m’a abandonnée à ma naissance. Ma mère a eu 8 autres enfants qui comptent plus que moi. Mon mari m’a quitté il y a 20 ans pour une plus jeune. J’ai dû tout recommencer à zéro. Sans ma fille, qui ne veut plus me voir. J’ai toujours été le vilain petit canard partout où je passais. On n’a jamais voulu de moi. Je suis toujours rejetée, par mes voisins, dans les groupes où je vais, et même par ma famille qui ne vient plus me voir ».
En écoutant cette litanie où tout n’est que malheur, je pense souvent à la phrase de notre parabole de ce dimanche (Mt 25,14-30) : « à celui qui n’a rien on enlèvera même ce qu’il a »… Car, sans le savoir, Maria se dépouille elle-même du peu de joie de vivre qui lui reste en se complaisant ainsi dans ses litanies si négatives.
Pourquoi penser à Maria avec cette parabole ? Parce qu’elle incarne – à merveille hélas ! – la négativité qui empêche le troisième serviteur de la parabole de faire fructifier son talent. Elle rétrécit l’horizon de ses possibles en se calfeutrant dans sa douleur et son ressenti d’exclusion. Elle en devient dure, agressive, intolérante et s’étonne qu’on lui renvoie cette image d’elle-même. Sa bouche se tord presque méchamment pour énumérer les abandons et rejets successifs dont elle a été victime, en invectivant ses persécuteurs. Elle s’est ainsi forgé une carapace pour moins souffrir, quitte à le payer de sa solitude. On verra en finale qu’il y a quand même de l’espoir et que Maria peut faire tomber l’armure quand elle veut !
Concentrons-nous d’abord sur ce troisième serviteur de la parabole des talents : pourquoi ne fait-il pas comme les deux autres ? Pourquoi enfouir au lieu de grandir ?
En en discutant avec un ami coach professionnel, nous avons repéré au moins 3 raisons qui peuvent expliquer cette attitude suicidaire du troisième serviteur.
1. La peur Il le dit lui-même dans le texte : « j’ai eu peur, et je suis allé cacher mon talent en terre ». Depuis le célèbre : « N’ayez pas peur ! » de Jean-Paul II, nous savons que les tyrans règnent par la peur et s’écroulent comme le mur de Berlin dès qu’elle n’est plus là. Le contraire de la foi n’est pas le doute, ni même l’athéisme, c’est bien la peur. Par définition, la foi fait confiance là où la peur imagine le pire. S’il a peur de son maître, ce serviteur fera le minimum, ne prendra aucun risque. Il cherchera à éviter la sanction et non à goûter la réussite. En entreprise, le management par la peur éteint les performances des équipes en faisant régner la défiance.
En famille, la peur de décevoir peut mettre les enfants sur des rails qui ne sont pas les leurs.
En amour même, la peur de mal faire peut paralyser et installer la domination au cœur du couple.
Qui de nous n’éprouve jamais ces peurs-là ?
Pour ne pas recevoir un autre coup sur la tête, mieux vaut me taire, me rendre invisible, mettre mon mouchoir dans ma poche. Surtout pas de vagues !
Mais à force d’avaler des couleuvres, je deviens fade et insipide comme le sel foulé aux pieds une fois qu’il n’a plus de goût (Mt 5,13).
2. Une croyance limitante Un coach repère très vite la stratégie du troisième serviteur : il reproduit visiblement sans cesse une vieille croyance qui semble bien ancrée en lui. ‘Un maître est forcément dur, injuste, terriblement exigeant. Il ne peut pas en être autrement’. Ce genre de croyances s’enracine la plupart du temps dans des expériences du passé, de la petite enfance, où quelqu’un se comportait ainsi. Alors il n’imagine pas que cela change : ‘si Dieu me confie quelque chose, il doit avoir en tête ce que pensent tous les maîtres : tendre un piège, pour m’humilier et me punir’.
En coaching, on appelle cette posture une croyance limitante. Croyance, car elle ne repose plus sur des faits réels, mais sur la répétition supposée de faits antérieurs. Limitante, car elle m’interdit de réagir autrement que par le passé. Elle arrive à nous convaincre que nous ne sommes pas capables de réaliser une action et d’atteindre un objectif. Par conséquent, nous n’essayons même pas.
Par exemple, un enfant voit son père travailler fort et il pense qu’il faut travailler fort pour y arriver. Il associe deux éléments : le travail difficile à la réussite.
Ou : Je n’ai pas le droit à l’erreur. Je ne mérite pas d’être aimé. Je suis toujours rejeté par les autres. Je n’y arriverai jamais etc.
Nous avons tous des croyances limitantes.
Elles trouvent leur source dans nos expériences familiales et plus généralement nos expériences passées, dans la mesure où il s’agit souvent de ce que notre entourage nous a fait croire de nous et de notre valeur.
Maria est liée par une croyance limitante remontant à l’abandon par son père : ‘jamais je ne serais acceptée par tel groupe, telle personne, comme je n’ai jamais été acceptée par ma famille’.
La croyance limitante du troisième serviteur concerne l’image qu’il se fait d’un maître, et cela lui coupe les ailes pour agir. Il en a sans doute une autre : ‘je suis un minable. La preuve, j’ai reçu 5 fois moins que le premier, et 2 fois moins que le deuxième. Je suis tellement nul que j’échouerais sûrement si je tentais de faire quelque chose avec mon talent. Mieux vaut le neutraliser’.
Tout éducateur sait qu’un enfant à qui on n’a cessé de répéter : ‘tu es un vaurien’, finit par y croire et par agir comme le vaurien qu’il est censé être.
Zachée souffrait de ce complexe en se mettant de lui-même à l’écart, sur la branche de sycomore : ‘jamais je ne pourrais devenir l’ami de ce prophète, je suis trop impur’. La Samaritaine avait du mal à imaginer qu’un homme seul - et un juif qui plus est - puisse la considérer comme une femme, elle 5 fois adultère, et samaritaine qui plus est. La femme hémorroïsse a dû elle aussi marcher sur sa croyance limitante qui faisait d’elle une paria, interdite de vie sociale et de tout contact physique avec un homme.
Si nous n’arrivons pas à nommer ces croyances qui nous auto-limitent, auto-mutilent, auto-excluent, alors elles nous feront reproduire encore et encore les mêmes attitudes de soumission, où nous prenons presque plaisir à être dominés, méprisés, piétinés, en trouvant ça normal : ‘c’est mon destin’.
3. Le syndrome de Calimero En 1963, la lessive Ava invente un personnage devenu emblématique de la malchance : un poussin noir, coquille d’œuf sur la tête, tombé dans la boue dès sa naissance, d’où son duvet noir et sa faculté à attirer la malchance. Il ne cesse de se désoler en zézéyant : ‘c’est vraiment trop inzuste !’
Maria est un peu ce Calimero se plaignant sans cesse que tout est négatif et que ce n’est pas de sa faute. En coaching, on appelle cette posture le syndrome de persécution : quelqu’un se met à jouer un rôle de victime, persécutée par les autres, la vie, la malchance, et finit par croire que c’est là son identité ultime dont elle ne pourra jamais se défaire. Celui qui se complaît dans un rôle de victime dénonce toujours un persécuteur, et lance des appels désespérés pour qu’un sauveur vienne le sortir de cette condition, qui lui permet pourtant d’exister.
En analysant des contes de fées, Stéphane Karpman a modélisé ce triangle dramatique victime-persécuteur-sauveur où les rôles joués par chacun pervertissent les relations entre tous [1] :
Les contes de notre enfance font souvent jouer ces rôles à leurs personnages : Blanche-Neige, la méchante belle-mère, et le prince charmant ; Cendrillon, sa famille, et le prince ; le Chaperon Rouge, le loup, et le chasseur…
Quel intérêt d’endosser le rôle de victime ?
La personne qui tient le rôle de victime attire l’attention sur elle, et en particulier l’attention du sauveur…
Elle se dit que comme elle est une victime, elle peut se plaindre. Ce qui fait du bien…
Le fait d’être une victime signifie aussi que tout le mal qui nous arrive est dû à notre persécuteur. C’est donc une bonne excuse pour ne pas reconnaître ses responsabilités, et pour ne pas changer. ‘Après tout, à quoi bon essayer de changer, vu que tous les problèmes viennent de l’autre ?’ Forcément, au fond d’elle la victime n’a pas toujours envie que la situation s’arrange… Car si la situation s’arrangeait, cela voudrait dire que cette personne n’aurait plus l’attention dont elle bénéficie, elle n’aurait plus d’excuses pour justifier ses problèmes, et ne pourrait plus cacher sa « paresse » (la paresse de prendre ses responsabilités et de faire changer les choses)…
Ainsi le troisième serviteur de la parabole se complaît dans la plainte envers le maître qui le persécute, et veut y trouver une excuse pour ne rien faire : ‘j’ai caché mon talent en terre parce que tu es dur, injuste, trop exigeant’. Notre serviteur est Calimero tout craché ! Il pleurera : ‘c’est vraiment trop inzuste !’ lorsqu’il sera jeté dans les ténèbres. En réalité, il a consenti à son effacement. En se disant opprimé par le maître, il a démissionné de sa responsabilité. En réclamant le statut de victime, il se rend incapable de prendre des décisions.
Sortir de la victimisation La bonne nouvelle de ces 3 analyses, c’est qu’il y a des causes à l’enfouissement de son talent et que donc le serviteur peut agir dessus. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il ne peut prétexter excuse de ces 3 logiques pour s’enfouir en terre ! Il est de la responsabilité de chacun – quitte à se faire aider – de ne pas laisser une peur tenir la barre, ni une croyance nous limiter mortellement, ni une série de malheurs nous transformer en victime perpétuelle.
En coaching, la pédagogie de libération pour sortir de cette logique de victimisation repose sur les 3P de l’Analyse Transactionnelle : Puissance / Permission / Protection.
Puissance : J’ai plus de degrés de liberté que je n’ose le croire. Je suis capable de réaliser des choses qui me semblent inenvisageables. Pour cela, j’ai d’abord besoin qu’on me le dise ; j’ai besoin aussi de relire les moments de mon histoire où effectivement j’ai pu réussir quelque chose dont je suis fier, quelque chose pour laquelle les autres m’ont exprimé leur gratitude.
Faites ce petit jeu entre collaborateurs : formez un cercle, et demandez à ceux qui le veulent, un par un, de faire un pas vers un membre de l’équipe pour lui dire : ‘ce que j’apprécie chez toi, c’est…’ Vous verrez l’émotion secouer les vieilles croyances auto-limitantes : lorsque l’autre me montre mon meilleur visage, comment croire que je ne suis qu’un poussin noir ?
Jésus, en coach excellent qu’il est, sait faire appel à la capacité de puissance de ses interlocuteurs : « étends le bras » ; « lève-toi et marche » ; « ta foi t’a sauvé » ; « dis à cette montagne d’aller se planter dans la mer » etc.
Permission : Un coach, un ami – nous-même ! – peuvent nous autoriser à transgresser les limites intériorisées jusque-là. Cette permission se fonde sur la confiance en notre capacité à nous adapter aux changements et à faire face à d’éventuelles difficultés. Elle nous ouvre de nouvelles perspectives : ‘Est-ce que vous avez déjà essayé une autre stratégie que l’enfouissement ? Comment avez-vous eu des résultats positifs en vous autorisant ainsi à explorer d’autres solutions ?’
Souvent, nous avons besoin d’une autorisation pour oser nous essayer à changer de comportement. Un peu comme un panneau du code de la route : ‘fin de limitation de vitesse, vous pouvez accélérer’.
Jésus donne ainsi la permission à ses disciples de ramasser des épis un jour de shabbat, comme lui s’autorise à guérir des malades ce même jour de shabbat où cela est normalement interdit. Il délie Lazare et l’autorise à être libre : « laissez-le aller ». Il promet à ses disciples d’aller plus loin que lui : « vous ferez des œuvres plus grandes que moi », et à imaginer ce que lui n’a pu imaginer : « l’Esprit vous conduira vers la vérité tout entière ». Ainsi le concile de Jérusalem (Ac 15) autorisera les baptisés à s’affranchir de la circoncision, des interdits alimentaires et autres limitations de vêtements, de pureté rituelle, de relations hommes/femmes etc.
Protection : Il s’agit de ne pas commencer le travail sur soi avant d’avoir mis en place les conditions d’une véritable sécurité. Un peu comme un échafaudage qui maintient l’intégrité du bâtiment pendant le chantier, la protection rassure et donne courage pour oser changer. Un peu comme un alpiniste qui ne change de prise qu’après en avoir trouvé une autre, la protection renforce la permission d’explorer en offrant l’assurance d’être secouru quoi qu’il arrive. La protection également consiste à dire « non », à fixer des limites, à inciter à prendre des précautions, à mettre en garde par rapport aux risques inutiles, à informer la personne sur un comportement qu’il doit éviter. La protection consiste en tout dispositif qui permet de s’assurer que le changement de comportement de la personne peut avoir lieu sans conséquences négatives pour elle ou son entourage…
La promesse de l’Esprit faite par Jésus est de l’ordre de cette protection. Ainsi que sa promesse d’une autre présence à nos côtés : « et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».
Conclusion : Le troisième serviteur de la parabole des talents aurait donc eu toutes possibilités de sortir de sa logique démissionnaire ! Il aurait pu se faire aider, demander aux deux autres, engager un coach pour travailler sur son déni de lui-même etc.
Maria quant à elle a su finalement saisir la perche qui lui a été tendue : malgré toutes ses réticences (‘ils ne voudront pas de moi’) elle a accepté de partir une semaine de vacances dans une belle demeure tenue par l’association, à Cabourg, avec une vingtaine de personnes. Elle est revenue enchantée, sous le charme de Cabourg mais surtout heureuse de voir qu’elle avait sa place dans un groupe, que tous les matins on l’embrassait et lui disait bonjour avec un délicieux petit déjeuner… Les autres ne l’ont pas rembarrée ; elle s’est même fait des débuts d’amies, ou au moins des connaissances, et c’est très nouveau pour elle. Aussi, quand l’envie lui prend de réciter à nouveau son chapelet de vilain petit canard, je lui coupe la parole : « Maria, parlez-moi de Cabourg ». Là, son visage s’illumine, et elle se met à dire du bien des autres, de la vie…
Lorsque la tentation de tout repeindre en noir nous submerge, lorsque que la peur nous paralyse, lorsque que nos croyances nous limitent, nous mutilent, lorsque nous n’arrêtons pas de gémir d’être une victime, relisons la parabole : « arrête de faire ton Calimero ! » Au lieu de te comparer pour t’enfoncer, réjouis-toi de ce que tu as reçu, et fais-toi confiance pour en tirer quelque chose de bien.
Le meilleur coach pour nous y encourager est bien Dieu en personne, source de puissance, de permission et de protection pour aller vers nous-même !
[1]. Stephen Karpman :« Fairy Tales and Script Drama Analysis » (« Analyse des contes de fées et du scénario dramatique »), 1968. C’est pourquoi on appelle « triangle de Karpman » ce modèle relationnel.
LECTURES DE LA MESSE
PREMIÈRE LECTURE « Ses mains travaillent volontiers » (Pr 31, 10-13.19-20.30-31)
Lecture du livre des Proverbes Une femme parfaite, qui la trouvera ? Elle est précieuse plus que les perles ! Son mari peut lui faire confiance : il ne manquera pas de ressources. Elle fait son bonheur, et non pas sa ruine, tous les jours de sa vie. Elle sait choisir la laine et le lin, et ses mains travaillent volontiers. Elle tend la main vers la quenouille, ses doigts dirigent le fuseau. Ses doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux. Le charme est trompeur et la beauté s’évanouit ; seule, la femme qui craint le Seigneur mérite la louange. Célébrez-la pour les fruits de son travail : et qu’aux portes de la ville, ses œuvres disent sa louange !
PSAUME (Ps 127 (128), 1-2, 3, 4-5) R/ Heureux qui craint le Seigneur ! (Ps 127, 1a)
Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !
Ta femme sera dans ta maison
comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table,
comme des plants d’olivier.
Voilà comment sera béni
l’homme qui craint le Seigneur.
De Sion, que le Seigneur te bénisse !
Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie.
DEUXIÈME LECTURE « Que le jour du Seigneur ne vous surprenne pas comme un voleur » (1 Th 5, 1-6)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens Pour ce qui est des temps et des moments de la venue du Seigneur, vous n’avez pas besoin, frères, que je vous en parle dans ma lettre. Vous savez très bien que le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : « Quelle paix ! quelle tranquillité ! », c’est alors que, tout à coup, la catastrophe s’abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper. Mais vous, frères, comme vous n’êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur. En effet, vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour ; nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres.
ÉVANGILE « Tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup » (Mt 25, 14-30). Alléluia. Alléluia. Demeurez en moi, comme moi en vous, dit le Seigneur ; celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruit. Alléluia. (Jn 15, 4a.5b)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l’un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître.
Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes. Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha, présenta cinq autres talents et dit : ‘Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres.’ Son maître lui déclara : ‘Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.’ Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi et dit : ‘Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres.’ Son maître lui déclara : ‘Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.’
Celui qui avait reçu un seul talent s’approcha aussi et dit : ‘Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient.’ Son maître lui répliqua : ‘Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a. Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !’ » Patrick BRAUD