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8 septembre 2023

10° Coupe du monde de rugby en France !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 06 min

10° Coupe du monde de rugby en France !

Coupe du monde de rugby france 2023 - monnaie de 10€ argentFrance – All Blacks sera l’affiche mythique du premier match de la 10° Coupe du monde de rugby, au Stade de France, ce Vendredi 8 Septembre 2023. La Monnaie de Paris a même crée une pièce d’argent de 10 € pour marquer l’évènement !

Les All Blacks ne sont pas favoris – c’est rare ! – mais l’Afrique du Sud et l’Irlande sont au taquet cette année et ont les faveurs des bookmakers. Notre équipe de France est bien placée en outsider, et devrait être sur le podium….

Ne boudons pas le plaisir du jeu, et l’extraordinaire fraternité – tant sur la pelouse que dans les gradins ou devant la télé – que ce sport sait générer mieux que tant d’autres !

Allez les petits ! Allez les Bleus !

 

Petit zoom sur la violence inhérente à la pratique du rugby :

- Elle devient de plus en plus dangereuse, notamment à cause de l’accroissement de la masse musculaire des joueurs, professionnels surentraînés, survitaminés (et plus ?). La revue Philosophie Magazine qui s’est penchée sur le problème observe :

10° Coupe du monde de rugby en France ! dans Communauté spirituelle 172_Rugby« Le poids moyen des joueurs de rugby en Coupe du monde est ainsi passé entre 1995 et 2019 de 83,7 à 92 kg pour les arrières et de 104,9 à 112,4 kg pour les avants. Ce sont donc de lourdes masses lancées à toute vitesse qui entrent en collision » [1].

« 260 rugbymen ont en effet récemment intenté une action en justice contre les fédérations anglaise et galloise, et contre le World Rugby, qui organise les principaux tournois internationaux, pour avoir négligé la santé des compétiteurs. Selon les estimations du cabinet d’avocat Rylands Garth, qui mène cette procédure, près de 400 joueurs seraient morts prématurément au cours des dix dernières années, du fait de commotions cérébrales. Par ailleurs, beaucoup de ces professionnels souffriront de problèmes neurologiques suite aux chocs sur le terrain – l’ancien pilier de la Nouvelle-Zélande Carl Hayman témoigne être atteint à seulement 43 ans de démence précoce, tout comme l’ancien talonneur de l’équipe anglaise Steve Thompson, 45 ans. Sébastien Vahaamahina, deuxième ligne international du club de Clermont, vient, lui, d’annoncer mettre fin à sa carrière à 31 ans, après une énième commotion » (id.).

 

- Catherine Kintzler, philosophe fan de ballon ovale, plaide quant à elle pour un apprivoisement de la violence :

« Au rugby, on apprivoise la violence. Elle est présente mais réprimée, pas refoulée. Du coup, il n’y a pas de retour du refoulé. Dans le football, comme la violence est interdite et refoulée sur le terrain, elle resurgit par moments entre les joueurs ou entre les spectateurs. Dans le rugby, il y a une dimension dialectique. La faute est constitutive, la transgression est traitée, et non simplement exclue. On recule pour avancer. Si on évite de percuter l’adversaire, ce n’est pas parce que cela est défendu, mais par choix ! J’aime le rugby parce qu’il engage un rapport maîtrisé à la force » [2].

pmfr12muriel-franceschettidialogue-rugby Coupe du monde dans Communauté spirituelle

Christophe Dominici – Catherine Kintzler

- Et le regretté Christophe Dominici expliquait ainsi la colère qui lui a fait marquer des essais merveilleux :

« À 14 ans, face à la mort brutale de ma sœur, j’ai ressenti une colère infinie. J’en voulais à la terre entière, je me sentais coupable – pourquoi elle et pas moi ? –, je pensais que mes parents auraient préféré que ce soit moi qui meure plutôt qu’elle. Les copains d’école me regardaient différemment, les adultes avaient tendance à me plaindre, mais je ne voulais pas de ça … Je me suis servi de cette haine qui me conduisait à faire n’importe quoi. Je l’ai mise au service du collectif, je l’ai rendue positive. Comme si mon malheur avait accru ma volonté et démultiplié mes forces » (id.).

La violence fait partie de la vie. Plutôt que de la refouler, le rugby a choisi de lui permettre de s’exprimer, en la canalisant, en la rendant constructive. Il y a une forme de réalisme anthropologique très protestant dans le rugby : ne rêvons pas d’éradiquer la violence qui fait partie de la nature humaine. Essayons plutôt de la canaliser, de la sublimer même en la mettant au service du beau jeu.

- Dans son Dictionnaire amoureux du rugby (Plon, 2014), Daniel Herrero écrit :

12_9782259198776_1_75 Dominici« Le rugby a cette fonction cathartique qui nous permet d’exorciser notre besoin de violence. Il devient un lieu unique où le combat est toléré. Espace exutoire, le jeu met en scène la violence et la peur, et en leur donnant un cadre, il les rend acceptables. Le terrain de rugby devient le royaume des surhommes qui nous offrent le spectacle fascinant d’un combat où se jouent nos pulsions les plus primitives. Comme une scène de théâtre, le terrain prend l’aspect sacré des espaces qui transcendent la vie réelle. Les chutes et les chocs, les bruits sourds des corps qui se cognent, l’entrelacs des jambes et des bras, les visages hébétés des joueurs, tout cela finit par constituer un ensemble fantasmatique mêlant dans les inconscients la guerre et le théâtre, la danse et le sexe, les gladiateurs et la tragédie grecque. « Nos villes ont, peu à peu, éliminé ce qu’il y avait en elles d’inconvenant dans le sauvage, la caillasse, l’herbe folle. Le rugby nous restitue le bonheur tellurique. « Il est extraordinaire qu’en notre XXe siècle si urbanisé, si policé, des hommes se laissent malgré eux culbuter, qu’ils broutent l’herbe comme des agneaux qu’ils ne sont pas, qu’ils se retrouvent à terre comme des manants, des gueux châtiés par leurs seigneurs et qu’ils se relèvent, qu’ils fassent front de toute leur taille, de leurs épaules et de leur orgueil » (Pierre Sansot, Le rugby est une fête) ».

Dans le football, la violence est dans les tribunes, brutale, en foule.
En ovalie, la violence est sur la pelouse, encadrée, sophistiquée, distillée.


Reste à vérifier que la santé physique et mentale des joueurs d’aujourd’hui, tentés par  une course inhumaine à la performance, n’est pas compromise dans le rugby professionnel…

 


[1]. Cédric Enjalbert : Coupe du monde de rugby : ballon ovale, violence capitale, Philosophie Magazine  n° 172, août 2023.

[2]. Christophe Dominici-Catherine Kintzler, Une philosophie du contact, Philosophie Magazine n° 12, août 2007.

 

En complément, voici un petit florilège d’articles qui pourront contribuer à vous faire regarder autrement cette belle compétition.

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