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9 avril 2023

Et si nos épreuves étaient d’or ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Et si nos épreuves étaient d’or ?

Homélie pour le 2° Dimanche de Pâques / Année A
16/04/2023

Cf. également :
Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel
Thomas, Didyme, abîme…
Quel sera votre le livre des signes ?
Lier Pâques et paix
Deux utopies communautaires chrétiennes
Le Passe-murailles de Pâques
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Croire sans voir
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Pierre, métallurgiste spirituel
En tant que petit patron de pêche indépendant, Simon-Pierre connaît d’expérience la valeur du travail manuel. Pas de moteur à l’époque pour propulser la barque de pêche sur les eaux du lac de Tibériade, pas de treuil électrique pour relever les lourds filets pleins d’algues, de rochers et de poissons. Pas de machine pour réparer les mailles déchirées, pas de camions frigorifiques pour aller vendre au marché du Capharnaüm… Immergé dans le monde du travail, Pierre a dû observer ses collègues, et les autres artisans sur les marchés. Visiblement cela lui a donné des idées théologiques ! Ainsi dans notre deuxième lecture (1P 1,3–9), il prend l’image des fondeurs d’or qu’il a vu faire couler le métal précieux dans des moules pour bijoux ou lingots :

« Vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l’or – cet or voué à disparaître et pourtant vérifié par le feu –, afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ ».

Pierre a entendu Jésus faire souvent la transposition du monde professionnel à la vie spirituelle. Ainsi les métiers du semeur, du berger, de la femme qui met du levain dans le pétrin ou qui balaie la terre battue de sa maison, du commerçant de perles, du gérant d’un domaine, des ouvriers embauchés à la vigne, des vignerons cupides, des banquiers faisant profiter l’argent, des juges iniques etc. Dans cet esprit, Pierre prolonge la réflexion de Jésus sur la sagesse cachée des savoir-faire de son époque.

Première invitation donc : apprenons à lire dans les savoir-faire professionnels qui nous entourent les harmoniques de l’Évangile. Apprenons à extraire du métier de l’autre les points d’appui pour une catéchèse qui lui parle, parce que c’est sa culture de tous les jours.

Ici c’est avec le processus pour obtenir de l’or purifié. Pierre se fait métallurgiste avec les métallos, du moins ceux qui savent comment passer du minerai brut à la pépite étincelante. Suivons-le dans son raisonnement, en transposant au domaine spirituel les différentes étapes de fabrication de l’or.

 

Cet or, vérifié par le feu…
Et si nos épreuves étaient d’or ? dans Communauté spirituelle mine_or-1-900x506
En pleine période de persécutions romaines et juives, et même de divisions internes, Pierre réfléchit au sens des épreuves que les premières communautés traversent. En faisant le parallèle avec le processus de transformation aurifère, il permet à ses lecteurs de comprendre deux choses :
– le but de tout cela est d’une immense valeur, comme un bijou finement ciselé d’or.
– ce qui arrive avant est un processus de transformation, individuelle et collective, pour nous ajuster à ce que nous allons devenir.

Situer le but des événements éprouvants dans un résultat final en or est une invitation à tenir bon dans l’espérance. Tout cela ne conduira pas nulle part. Il y a bien une promesse, et elle se réalisera, même si nous ne savons ni quand ni comment.

Dire ensuite que nous sommes en chemin vers ce salut en or est une autre invitation : à nous laisser transformer par ce qui nous arrive, comme le minerai brut se laisse travailler par le fondeur d’or. Dieu ne nous lâchera pas la main en cours de route sur cette voie difficile :

« L’épreuve qui vous a atteints n’a pas dépassé la mesure humaine. Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de vos forces. Mais avec l’épreuve il donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1 Co 10,13).

Suivons de plus près ces différentes étapes de ce travail sur nous-même auxquelles nos épreuves nous obligent.
Au temps de Pierre, dans le monde romain notamment, on connaît depuis Pline l’Ancien trois étapes pour transformer de la roche en poudre d’or : le concassage, le lavage et le chauffage. Ces techniques étaient attestées depuis au moins 6000 ans avant J.-C., en Mésopotamie, en Syrie etc. Pierre peut donc avoir en tête trois interprétations théologiques de ce que nous appelons « épreuves ».

 

1. Être broyé, concassé, fracturé
 épreuves dans Communauté spirituelle
Le minerai brut taillé dans une carrière ou une montagne doit d’abord être préparé avant de pouvoir extraire l’or. Cela implique généralement le concassage et le broyage de la roche pour la réduire en petits morceaux. La transposition est facile à imaginer.

Rappelez-vous : quand vous êtes-vous fracassés sur un échec retentissant ? Vous aviez construit quelque chose de solide (carrière, couple, réputation…) et voilà que cela est réduit en miettes en quelques instants ! Vous vous croyiez invulnérable, et soudain la maladie vous a broyé de douleur. Vous pensiez « avoir » la foi, et puis goutte-à-goutte le doute a fini par dissoudre vos certitudes. Vous aviez un logement, un peu d’épargne, et soudain un licenciement vint tout remettre en cause…

Soyons clair : ces catastrophes sont des catastrophes, pas des cadeaux déguisés. Elles ne viennent pas de Dieu, qui n’est pas pervers au point de susciter le malheur de ceux qu’il aime pour les forcer à se rapprocher de lui ! Non, pas plus que la tour de Siloé s’effondrant en faisant 18 victimes (Lc 13,1-5), les épreuves qui nous tombent sur la tête ne sont pas liées à notre péché, et ne viennent pas de Dieu.

Par contre, ce que nous allons en faire – avec l’aide de Dieu – dépend de nous. Le fait divers de la tour infernale de Siloé est pour Jésus une invitation à prendre conscience de l’urgence de la conversion. La préparation du minerai aurifère est pour Pierre l’invitation à réfléchir sur ce qu’opèrent en nous les épreuves qui nous broient.

Et, de fait, pensez à ce qui vous a déjà fracturé de partout, et vous verrez peut-être ce qui a volé en éclats : une trop grande confiance en soi, une difficulté à demander de l’aide, un goût trop prononcé pour le paraître etc.

Un ami qui travaille dans les Ressources Humaines me confiait : « avant d’être moi-même concerné par un plan social, j’étais dur envers ceux qui devaient partir. C’était de leur faute, à eux de rebondir, de ne pas pénaliser ceux qui restent. Maintenant que c’est mon tour, il me semble que je deviens plus humain, en voyant les choses du point de vue de ceux qui subissent… »

Si l’épreuve fait voler en éclats notre inhumanité, notre dureté du cœur, notre autosuffisance, alors bénissons-la !

 

2. Être lavé de nos impuretés
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L’orpailleur amateur secoue pendant des heures son tamis dans l’eau de la rivière pour enfin apercevoir un éclat sous la boue… Bien sûr, Pierre pense à l’eau du baptême qui nous débarrasse de toutes ces impuretés qui empêchent l’éclat divin en nous de resplendir.

Et nous pouvons penser à tous ce qui joue ce rôle purificateur pour nous en temps d’épreuve : des lectures, des paroles amicales, du silence intérieur… Après le choc et le fracas du concassage, c’est le temps du dépouillement, de la perte, du deuil assumé.
Heureuse perte qui nous lave ainsi de notre surpoids spirituel ! Pierre sait d’expérience combien c’est humiliant de se faire laver, lui qui a protesté au soir du Jeudi saint contre ce geste de Jésus. Maintenant, il voit dans les événements – même les plus éprouvants – une œuvre comparable au lavement des pieds.

À nous de déchiffrer ce que nos épreuves nous invitent à abandonner, boues et roches sans valeur auxquelles nous étions trop attachés.

 

3. Devenir des fondus de Dieu
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La troisième étape du processus aurifère est la fusion. Dans un creuset de terre ou un four à haute température, les miettes minérales changent de nature, de phase. De solides, elles deviennent liquides, libérant ainsi les différents éléments qui les composent. Des gouttelettes d’or flottent alors à la surface ; les scories peuvent être filtrées, et l’or purifié être coulé dans des moules puis séché à l’air libre.

Entrer en fusion n’est agréable pour personne… Dans le bouillonnement intérieur qui suit les deux premières étapes, nous devinons pourtant que quelque chose – ou plutôt quelqu’un – de neuf commence à apparaître. Cette fusion spirituelle peut s’opérer pendant une retraite dans un monastère, ou grâce à un accompagnement judicieux, pendant une lecture, une musique ou un spectacle, devant un paysage inspirant…

C’est par exemple l’incandescence du buisson du Sinaï qui achève le parcours de transformation de Moïse, du haut fonctionnaire égyptien au meurtrier rebelle en fuite puis finalement en libérateur de son peuple.
C’est le « mal de vivre, au creux des reins » que chantait Barbara, et qui s’en même savoir pourquoi se transforme un matin en « joie de vivre » à notre surprise.

C’est l’inquiétude du jeune et noble Charles de Foucauld faisant la fête avec alcool, argent, maîtresse et compagnie douteuse, jusqu’à ce qu’il réalise avoir faim d’autre chose.

Nous sommes ces fondus de Dieu qui ont laissé nos épreuves nous façonner pour dégager en nous l’éclat divin enseveli et obscurci sous nos succès apparents.

Puissions-nous témoigner qu’être vérifié par le feu est un chemin de naissance à soi et aux autres !

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun » (Ac 2, 42-47)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. La crainte de Dieu était dans tous les cœurs à la vue des nombreux prodiges et signes accomplis par les Apôtres.Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun.
Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ; ils louaient Dieu et avaient la faveur du peuple tout entier. Chaque jour, le Seigneur leur adjoignait ceux qui allaient être sauvés.

PSAUME

(Ps 117 (118), 2-4, 13-15b, 22-24)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !Éternel est son amour !ou : Alléluia ! (Ps 117, 1)

Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !

Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
On m’a poussé, bousculé pour m’abattre ;
mais le Seigneur m’a défendu.

Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.
Clameurs de joie et de victoire
sous les tentes des justes.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle ;
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

DEUXIÈME LECTURE
« Il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts » (1 P 1, 3-9)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, pour un salut prêt à se révéler dans les derniers temps. Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l’or – cet or voué à disparaître et pourtant vérifié par le feu –, afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ. Lui, vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi.

ÉVANGILE
« Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)
Alléluia. Alléluia. Thomas, parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Patrick BRAUD

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