L'homélie du dimanche (prochain)

5 mars 2023

Le rocher frappé

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le rocher frappé

Homélie pour le 3° Dimanche de Carême / Année A
12/03/2023

Cf. également :

Augustin commente la Samaritaine
Le chien retourne toujours à son vomi
Leurre de la cruche…
Les trois soifs dont Dieu a soif
Passons aux Samaritains !
La soumission consentie

Plus célèbre que Justin Bridou : le bâton de Moïse !
Dans les années 80, dès qu’on disait : « bâton de berger », vous répondiez sans réfléchir : « Justin Bridou ! », tant la pub de Patrick Sébastien vantant ce saucisson emballé avait envahi nos écrans !


Dans la Bible par contre, « bâton de berger » est immédiatement associé à Moïse bien sûr. On a tous en mémoire les images du film de Cecil B. DeMille : Les 10 commandements, où l’on voit Moïse frapper le Nil avec son bâton, et les eaux se changèrent en sang. Ou bien frapper la mer Rouge avec ce bâton, et les eaux se fendirent.
Dans la première lecture de ce dimanche (Ex 17,3-7), le bâton de Moïse frappe le rocher de l’Horeb, et l’eau jaillit !
Explorons quelques significations de ce rocher et de cette eau pour nous aujourd’hui.


L’eau vive : les relectures chrétiennes
Saint Longin perçant le flanc du Christ de sa lance, Musée Saint Marc, Florence.
Le rapprochement entre notre première lecture et l’Évangile (Jn 4,5-42) nous met sur une première piste : l’eau que Jésus promet à la Samaritaine est bien l’eau qui jaillit du rocher dans le désert de l’Horeb. C’est l’eau de la vie, l’eau indispensable au peuple assoiffé. Jésus a sans doute pensé à cet épisode de l’Exode lorsqu’il déclare dans le Temple : « Comme dit l’Écriture, celui qui croit en moi, de son cœur couleront des fleuves d’eau vive » (Jn 7,38). Les chrétiens persécutés pouvaient ainsi lire dans leurs blessures la promesse d’une source de vie jaillissant pour tous, même pour leurs ennemis. Où l’on voit au passage que nous pouvons nous-même – uni au Christ - devenir ce rocher frappé pour donner l’eau de vie ! 

Et sur la croix, Jean – le seul – mentionne le coup de lance qui frappe le crucifié au côté, faisant jaillir du sang et de l’eau. Le sang fait allusion à l’eucharistie, et l’eau au baptême dans l’Esprit Saint. Le crucifié frappé sur le côté devient la source jaillissante de l’Esprit qui fait vivre grâce aux sacrements de l’Église. Il est le Nouvel Adam : le Père tire de son côté ouvert son épouse, l’Église. 

La lance du soldat romain et le bâton de Moïse s’unissent pour libérer l’eau de vie là où la mort semblait régner (le désert/le calvaire). Comme l’écrivait Paul qui faisait cette relecture christique de l’Exode : « tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ » (1Co 10,4).

Approchons-nous donc du corps du Christ : il est le rocher frappé d’où jaillit l’Esprit qui nous donne la vie. Unis à lui, nous devenons source pour les autres.


Les interprétations juives

Bien sûr nos frères aînés ne font pas cette relecture Jésus–rocher ! Leurs interprétations sont cependant pour nous toujours très nourrissantes.

- Le rocher peut dans un premier temps désigner Dieu lui-même.
Les passages abondent dans l’Ancien Testament qui le qualifient ainsi :
« Il est le Rocher : son œuvre est parfaite ; tous ses chemins ne sont que justice. Dieu de vérité, non pas de perfidie, il est juste, il est droit » (Dt 32,4).
« Tu dédaignes le Rocher qui t’a mis au monde ; le Dieu qui t’a engendré, tu l’oublies » (Dt 32,18).
« Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! » (Ps 95,1).
Quand Moïse frappe le rocher, il nous invite aujourd’hui à frapper Dieu lui-même, avec insistance, par la prière, la supplication et la charité, pour obtenir de lui de quoi ne pas mourir de soif ici-bas dans notre traversée du désert.

On pense également au combat de Jacob contre Dieu (Gn 32) : Jacob frappe Dieu en se roulant avec lui dans la poussière du combat toute la nuit, jusqu’à ce qu’il obtienne de lui la bénédiction qui lui permettra de rencontrer son frère Ésaü sans violence. Frappeur, Jacob est lui-même frappé : sa hanche se déboîte pendant la lutte, et il restera boiteux toute sa vie. Come quoi frapper Dieu-notre-rocher laisse des traces en nous…

- Le rocher-Torah
De manière plus subtile, les deux seuls autres emplois du mot rocher (צוּר = tsuwr) dans le livre de l’Exode nous mettent sur une autre voie. Il s’agit du célèbre passage où YHWH se manifeste à Moïse, non pas face-à-face mais de dos :
« Il dit encore : ‘Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie.’ Le Seigneur dit enfin : ‘Voici une place près de moi, tu te tiendras sur le rocher (צוּר); quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et je t’abriterai de ma main jusqu’à ce que j’aie passé. Puis je retirerai ma main, et tu me verras de dos, mais mon visage, personne ne peut le voir’ » (Ex 33,20–23).

Le rocher frappé dans Communauté spirituelle don-de-la-torahLe rocher est ici ce qui à la fois expose à la vision de Dieu et en protège, ce qui révèle la gloire de Dieu et la cache pour qu’elle soit supportable. Voir Dieu de dos, c’est reconnaître après coup sa trace dans les événements de notre histoire. C’est aussi scruter les Tables de la Loi pour y découvrir un chemin de vie. Nous sommes immergés dans le texte biblique comme Moïse était caché au creux du rocher, jusqu’à ce que Dieu passe devant nous, de dos.

Et juste après l’épisode du rocher, Moïse a frappé à nouveau la pierre mais cette fois-ci pour y tailler les deux nouvelles Tables de la Loi, et pour y graver les 10 Paroles (Ex 34).

Frapper le rocher pour en faire jaillir l’eau vive va donc avec graver la pierre pour y inscrire la Loi de vie, et ainsi caché au creux du rocher, au cœur de la Torah, apercevoir la gloire divine de dos, c’est-à-dire déchiffrer les événements de notre histoire grâce à l’Écriture, pour y discerner après coup – de dos – la présence divine…

Le rocher est donc la Torah, toute la Torah. Les deux premières Tables brisées représentent dans la tradition juive la Torah orale, non écrite, qui englobe les interprétations rabbiniques jusqu’à la fin des temps. Notre vraie soif est de frapper ce rocher, de scruter les Écritures et la Tradition, pour en faire jaillir de quoi traverser nos désert, nos exodes…

À nous de frapper ce rocher jusqu’à ce que le Livre s’ouvre et nous révèle le sens de ce que nous vivons. Quel amour de la Bible devrait être le nôtre si nous réalisions l’immense nappe phréatique de sens qui nous attend sous la croûte des mots !

- La pluralité des interprétations
Le Coran, lorsqu’il mentionne l’épisode de Mériba, rajoute douze sources au jaillissement du rocher pour bien montrer que chaque tribu sera désaltérée :
Sourates 2,60 & 7,160 : Et [rappelez-vous], quand Moïse demanda de l’eau pour désaltérer son peuple, c’est alors que Nous dîmes : “Frappe le rocher avec ton bâton.” Et tout d’un coup, douze sources en jaillirent, et certes, chaque tribu sut où s’abreuver ! – “Mangez et buvez de ce qu’Allah vous accorde; et ne semez pas de troubles sur la terre comme des fauteurs de désordre”.

51RBX5TPEHL._SX317_BO1,204,203,200_ bâton dans Communauté spirituelleLe Coran rejoint ainsi sans le savoir un thème cher à la tradition juive : la pluralité des interprétations. Il y a au moins 12 façons de comprendre un même texte ! Pour les rabbins, un passage peut donner lieu à des exégèses très différentes, et même contradictoires, car Dieu est au-delà des contraires, et la source qu’est la Parole est inépuisable. Aucune exégèse ne peut prétendre en détenir le sens ultime. D’où les belles expressions de juifs  contemporains : lire aux éclats (Marc-Alain Ouaknin), la lecture infinie (David Banon), car du rocher de la Torah coulent des fleuves d’eau vive incommensurables, inépuisables, et toujours en mouvement.
En frappant le rocher, Moïse libère la possibilité d’une pluralité d’interprétations, qui est en même temps une interprétation de la pluralité…

- le bâton du Nil
Notre texte d’Ex 17 précise curieusement : « Le Seigneur dit à Moïse : Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! » (Ex 17,5). C’est une allusion à Ex 7,17 : « À ceci tu reconnaîtras que je suis le Seigneur. Voici que moi, je vais frapper les eaux du Nil avec le bâton que j’ai dans la main, et elles se changeront en sang ». Notons d’ailleurs que quand YHWH frappe les eaux, c’est Moïse qui agit, et quand Moïse frappe, c’est YHWH qui agit.  

Mais pourquoi se limiter à cette seule référence au Nil changé en sang ? Le bâton de Moïse avait aussi fait des prodiges en se transformant en serpent qui engloutit les serpents des magiciens de Pharaon, en faisant monter les grenouilles sur l’Égypte, en transformant la terre du sol en poux envahissants, en faisant descendre le tonnerre, le feu et la grêle du ciel sur l’Égypte, en faisant se lever le vent qui apportait l’invasion des sauterelles, et enfin en fendant la mer en deux pour que le peuple la traverse à pied sec.

Mazette ! Tant d’exploits liés au bâton de Moïse, et seule la référence au Nil changé en sang ? Pourquoi se limiter ainsi ?
C’est peut-être parce que le Nil est le cœur battant de l’Égypte. Il est même devenu son dieu, de qui le pays attend richesse et santé, puissance et fécondité. L’Égypte adore le Nil, littéralement. C’est lui son vrai dieu, son idole. Et comme toutes les idoles, l’Égypte a fini par ressembler à ce qu’elle adorait : un empire envahissant régnant par la force et soumettant les autres peuples par la contrainte et la violence, comme le Nil débordant de son lit à chaque crue :
« Qui est-ce qui monte comme le Nil, et dont les eaux bouillonnent comme les eaux des fleuves ? C’est l’Égypte qui monte comme le Nil, et ses eaux bouillonnent comme les eaux des fleuves. Elle disait : ‘Je monterai, je submergerai la terre, je ferai périr toute ville avec ses habitants’ » (Jr 46,7-8).
« Parle. Tu diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Me voici contre toi, Pharaon, roi d’Égypte, grand dragon tapi parmi les bras du Nil ; tu as dit : il est à moi, le Nil, c’est moi qui l’ai fait » (Ez 29,3).

Le bâton qui change l’eau du Nil en sang avertit Pharaon : cette idolâtrie ne conduit qu’à la mort, elle fait couler le sang au lieu de désaltérer le peuple. Elle conduit à tuer les premiers-nés des hébreux en les noyant dans le Nil : « Pharaon donna cet ordre à tout son peuple : ‘Tous les fils qui naîtront aux Hébreux, jetez-les dans le Nil. Ne laissez vivre que les filles’ » (Ex 1,22).
Et c’est vrai que le culte idolâtre des Égyptiens était sans pitié pour leurs ennemis, les vaincus, les esclaves etc. Les pyramides, les tombeaux, les temples égyptiens sont couverts de bas-reliefs où la cruauté du pouvoir s’étalait pour terroriser les rebelles potentiels. Un peu comme les empires Olmèques, Aztèques, Mayas et Incas régnaient par la terreur des sacrifices humains, des victimes offertes aux dieux, écorchées vives, décapitées, éviscérées, exposées à l’humiliation publique.
Hélas, les civilisations idolâtres se sont montrées tout autant sanguinaires au fil des âges, et notre siècle n’a pas son pareil, comme le précédent, pour changer en sang tout ce qu’il touche…

Ce bâton qui a dévoilé le visage sanguinaire du Nil égyptien sert désormais à Moïse pour révéler la force de vie se cachant dans l’Écriture, pour peu qu’on la frappe avec obstination, par la prière, l’étude, la charité. Il dénonce toute forme d’idolâtrie comme meurtrière et inhumaine.

- La faute de Moïse à Mériba
Signalons pour terminer que la Bible propose une deuxième version de notre épisode de Mériba, en Nb 20,1–14. Encore une autre version, très différente de la première (car la pluralité des interprétations est constitutive de l’interprétation de la pluralité…). Ici, Dieu demande à Moïse de parler au rocher, mais Moïse va le frapper, par deux fois, alors qu’il parlera – mal ! – au peuple en l’insultant :
« Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : ‘Prends ton bâton de chef et, avec ton frère Aaron, rassemble la communauté. Puis, sous leurs yeux, vous parlerez au rocher, et il donnera son eau. Pour eux tu feras jaillir l’eau du rocher, et tu feras boire la communauté et ses bêtes.’
« Moïse leur dit : ‘Écoutez donc, rebelles. Est-ce que nous pouvons faire jaillir de l’eau pour vous de ce rocher ?’ Moïse leva la main et, de son bâton, il frappa le rocher par deux fois : l’eau jaillit en abondance, et la communauté put boire et abreuver ses bêtes ».

Frapper est ici négatif. L’eau obtenue par la force privera Moïse d’entrer Canaan… :
« Le Seigneur dit alors à Moïse et à son frère Aaron : ‘Puisque vous n’avez pas eu assez de foi pour manifester ma sainteté devant les fils d’Israël, vous ne ferez pas entrer cette assemblée dans le pays que je lui donne’ ».
Le bâton de chef est utilisé par Moise pour frapper au lieu de parler, et c’est pourquoi il n’entrera pas en Terre promise ! Parce qu’il a traité le peuple de rebelles, et qu’il n’a pas cru pouvoir faire jaillir l’eau rien qu’en parlant.
Il a frappé le rocher avec son bâton au lieu de parler à Dieu pour qu’il fasse sortir de l’eau du rocher, comme il lui avait été ordonné. En raison de cette faute, Moïse n’a pas été autorisé à entrer en Terre promise avec le peuple d’Israël.
Il fallait parler à Dieu et croire que cela suffirait pour irriguer le peuple. Moïse a parlé au peuple en l’insultant (‘peuple de rebelles’) et a au contraire frappé le rocher deux fois (allusion aux deux Torah, écrite et orale ?). Cette insulte faite au peuple et à Dieu – le rocher frappé – privera Moïse de l’entrée en Canaan.

On ne peut entrer en Terre promise en méprisant le peuple qui nous a été confié, et encore moins en forçant Dieu à nous donner ce que nous voulons !

La relecture chrétienne ira encore plus loin : le Christ est le rocher frappé par deux fois : dans sa Passion au Golgotha et dans sa descente aux enfers. Celui qui maltraite et insulte l’Église replonge le Christ en agonie, et se prive lui-même de l’entrée en Terre promise, en vie éternelle…


Conclusion
On le voit, selon les interprétations, le rocher frappé de l’Horeb peut être Dieu lui-même qu’il nous faut questionner, ou bien l’Écriture et la Tradition qu’il nous faut scruter pour vivre, ou bien Jésus crucifié laissant couler de son côté ouvert l’Esprit qui donne la vie, ou bien nous-même uni au Christ devenant source pour les autres, ou bien…

Frappons ce rocher sans nous lasser, par l’étude biblique, par la supplication priante, par la charité agissante : alors des sources incroyables feront fleurir nos déserts…

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Donne-nous de l’eau à boire » (Ex 17, 3-7)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, le peuple, manquant d’eau, souffrit de la soif. Il récrimina contre Moïse et dit : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » Moïse cria vers le Seigneur : « Que vais-je faire de ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! » Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël.
Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Épreuve) et Mériba (c’est-à-dire : Querelle), parce que les fils d’Israël avaient cherché querelle au Seigneur, et parce qu’ils l’avaient mis à l’épreuve, en disant : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? »

PSAUME

(Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! (cf. Ps 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

DEUXIÈME LECTURE

« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 1-2.5-8)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.

ÉVANGILE

« Une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4, 5-42)
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Tu es vraiment le Sauveur du monde, Seigneur ! Donne-moi de l’eau vive : que je n’aie plus soif. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Jn 4, 42.15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions. La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains. Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en a eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !… Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. » À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »
La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? » Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers lui.
Entre-temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. » Mais il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. » Les disciples se disaient entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas : ‘Encore quatre mois et ce sera la moisson’ ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur. Il est bien vrai, le dicton : ‘L’un sème, l’autre moissonne.’ Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun effort ; d’autres ont fait l’effort, et vous en avez bénéficié. »
Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Patrick BRAUD

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