Pour traduire ces pages en anglais, en allemand ou autre, cliquez sur: To translate these pages into English, in German or other, click on: Um diese
Seiten in Englisch, in Deutsch oder anderem zu übersetzen klicken Sie auf:
Gravir, tomber, se relever, reprendre l’ascension, chuter à nouveau, se relever, gravir…
Voilà ce que nous pouvons nous souhaiter tout au long de cette nouvelle année :
le courage de vivre,
en aspirant au plus haut,
sans laisser nos chutes détruire en nous la soif du sommet…
Ce dimanche, nous invoquons Marie sous le titre impressionnant de « Mère de Dieu ». Et c’est juste de l’appeler ainsi, puisque son fils est pour nous vrai homme et vrai Dieu. Le texte patristique de l’Office des Lectures de ce dimanche nous met également sur une autre piste : invoquer Marie comme notre sœur en humanité.
« Marie est notre sœur, puisque nous descendons tous d’Adam »
(St Athanase, IV° siècle).
Fêter Marie Mère de Dieu le 1er janvier, c’est célébrer en elle la promesse d’une humanité transfigurée, le début d’une ère nouvelle capable d’accueillir en son sein la vie divine.
Voilà pourquoi cette femme juive est pour nous comme « une introduction à la joie », selon la belle expression d’André de Crète, évêque du VII° siècle. C’est comme l’ouverture sublime d’un opéra, où sont annoncés en filigrane les grands thèmes à venir. Avec elle l’Église contemple l’annonce de son propre re-création ; elle découvre le visage d’une humanité réconciliée. En Marie, dès sa naissance, l’Église se reconnaît, en espérance.
Enfin l’une d’entre nous va pouvoir nous ouvrir la voie sur le chemin du oui à Dieu !
Enfin une sœur de chez nous, une créature comme nous, nous assure dès ses débuts que nous sommes bien faits pour devenir la demeure de Dieu, l’écrin de sa beauté, le Temple de sa présence !
Éphrem le syrien, poète de Marie au IV° siècle, s’écriait :
« Certes, elle est ta mère, elle l’est, elle seule ; mais avec tous, ta sœur » (Hymne Nativité 4911).
Notre sœur en humanité est pour nous aujourd’hui le signe d’une humanité déjà transfigurée, renouvelée. Réjouissons-nous, car c’est bien cela notre avenir déjà à l’œuvre en nos vies : naître, renaître, laisser Dieu naître en nous pour enfin naître à nous-même…
« Que toute la création chante et danse, qu’elle contribue de son mieux à la joie de ce jour.
Que le ciel et la terre forment aujourd’hui une seule assemblée, que tout ce qui est dans le monde et au-dessus de lui s’unisse dans le même concert de fête.
Aujourd’hui en effet s’élève le sanctuaire créé où résidera le créateur de l’univers, et une créature, par cette disposition toute nouvelle, est préparé pour offrir au créateur une demeure sacrée ».
(André de Crète ; Homélie pour la Nativité de la Ste Mère de Dieu)
Vatican II unit Marie à chacun de nous : loin d’être à part, coupée de son peuple, Marie de Nazareth est l’une d’entre nous : « elle se trouve aussi, comme descendante d’Adam, réunie à l’ensemble de l’humanité qui a besoin de salut » (Vatican II, LG 53).
Quelles conséquences sur notre prière si en plus d’invoquer la Mère de Dieu nous lui disions avec confiance : Marie, toi notre sœur… ?
« Béni sois-tu Seigneur, qui ne m’a pas fait femme »
Marie renverse la table des anciennes hiérarchies sociales que même le peuple juif a sacralisées dans sa prière. En effet, au cours des premiers siècles après Jésus, les rabbins ont formalisé dans le Talmud les différentes prières du jour, et notamment celle du matin qui comprend une triple bénédiction récitée obligatoirement par les hommes aujourd’hui encore : « béni sois-tu Seigneur de ne m’avoir fait ni esclave, ni femme, ni non-juif ». Pendant que les hommes bénissent de ne pas être femme, les femmes elles doivent se contenter de leur sort et bénir Dieu pour cela en disant : « béni sois-tu Seigneur de m’avoir faite selon ta volonté ».
Incroyable ! Bénir Dieu de ne pas être une femme !
Embarrassés par la lettre de cette berakah insupportable aujourd’hui, les rabbins ont multiplié les commentaires pour tenter d’expliquer cette misogynie apparente.
- Une première ligne d’interprétation constate simplement que le sort des hommes est plus enviable que celui des femmes dans toutes les sociétés traditionnelles (domination masculine, infériorité féminine etc.). Mais de là à bénir Dieu pour ce rapport de force injuste…
- Une autre ligne de commentaires rappelle que la femme n’est pas soumise au commandement (mitsvots) liés au temps, car elle a en elle une autre mesure du temps biologique (cycle menstruel) qui prime sur tout. Ainsi la femme a moins de mitsvots à observer que l’homme (comme la soukka, le shofar ou le loulav etc.). L’homme peut alors bénir Dieu qui lui a donné plus de travail religieux en quelque sorte en lui prescrivant plus de commandements à observer. L’homme aime tellement la Torah qu’il se réjouit de devoir en faire plus que la femme !
Cette exégèse du Talmud de Jérusalem est un peu tirée par les cheveux. Au moins, elle réhabilite la différence homme-femme comme structurante de la vie d’Israël.
- Pire encore, certains rabbins estiment que l’observation des mitsvots détournerait la femme de sa soi-disant vocation domestique, en l’empêchant d’assumer la cuisine, le linge, la tenue de la maison etc. ! Interprétation culturellement datée, hélas encore trop courante.
- Éliette Abécassis (écrivaine contemporaines juives) est plus réaliste. Elle revient au constat terrible de la sujétion féminine toujours actuelle [1] :
« Merci de ne pas m’avoir fait femme ». Je comprends cette bénédiction ainsi : Les femmes portent le poids du monde. Elles portent leur enfant pendant neuf mois, elles accouchent dans des conditions difficiles, elles allaitent et s’occupent de leur enfant, mais aussi elles ont chaque mois la vie qui naît et meurt en elles. Tout joue contre elle : avoir ou ne pas avoir d’enfant, le travail, l’âge, la société qui ne cesse de les asservir. On vend leur corps, on achète leur esprit. Aujourd’hui, elles sont même victimes de la marchandisation de leur utérus. Elles sont esclaves. Elles sont enlevées et vendues.
Alors je comprends que ce soit une bénédiction de ne pas souffrir de tous ces maux. Cette bénédiction rappelle à l’homme chaque matin qu’il doit protéger sa femme, sa fille, sa sœur. Car la femme est toujours dans une position de faiblesse ».
Cette triple bénédiction négative devait déjà être plus ou moins en vogue du temps de Jésus, car il invente à partir du quotidien de la synagogue et du Temple la parabole du publicain et du pharisien, où ce dernier bénit Dieu au Temple de ne pas être comme le publicain : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain » (Lc 18, 11).
Comment peut-on bénir Dieu de ne pas être (négation) ? De ne pas être comme (comparaison) ?
Il n’y a plus ni l’homme ni la femme
On comprend mieux la révolution par laquelle Paul a dynamité cette misogynie de la liturgie juive ! En effet, il affirme qu’en Christ « il n’y a plus ni juif, ni grec, ni esclave ni homme libre, ni l’homme ni la femme » (Ga 3,28). Il prend en cela l’exact contre-pied de la triple bénédiction matinale du Talmud (et de la séparation hommes/femmes à la synagogue toujours en vigueur, comme à la mosquée) ! Là où le judaïsme orthodoxe fige les différences en les sacralisant, le christianisme naissant annonce que c’est la communion qui est l’horizon ultime, relativisant ainsi des différences actuelles qui ne sont que temporaires. Paul invite ainsi les hommes et les femmes à renouer avec le meilleur de la tradition des psaumes : « je te bénis Seigneur pour la merveille que je suis » (Ps 138,3).
Et cela commence par Marie ! Elle se réjouit d’être femme. Elle se sait aimée de Dieu son Seigneur, son Sauveur, qui se penche sur son humble servante. Elle ose même annoncer que tous les âges la diront bienheureuse, elle, une femme, la première créature à être ainsi proposée en icône du bonheur à toute l’humanité ! Car le Christ n’est pas une créature humaine (« engendré non pas créé »), et donc Marie est bien la première créature à être ainsi élevée au plus haut point.
Depuis Marie, depuis Paul, il ne devrait plus y avoir aucune misogynie dans la prière et l’action de l’Église. Puisque Marie est notre sœur, elle abolit toute échelle de comparaison, d’infériorité, de négation entre l’homme et la femme, dans quelque domaine que ce soit.
Tu es notre sœur
Les femmes de ce temps peuvent trouver en Marie le courage de surmonter toutes les discriminations dont on les accable.
Elle est une créature humaine, formée de la même argile fragile et merveilleuse avec laquelle nous sommes tous formés. Il y a eu un temps où Marie n’existait pas. Elle a des parents, une famille, un peuple, une tradition.
Comme nous, Marie est passée par les divers âges de la vie. Elle n’a pas la vie faite par anticipation. Elle expérimente la faiblesse, la fatigue, la douleur (Lc 2,35) et la mort ; c’est un être humain qui fait des découvertes et qui a aussi des moments ou des phases de perplexité et d’incompréhension (Lc 2,41-51). Elle est notre sœur.
Lors de la Présentation de Jésus au Temple, quarante jours après sa naissance, ses parents apportent une paire de tourterelles ou deux colombes (Lc 2,24) : c’est l’offrande des pauvres. Les pauvres qui travaillent de leurs mains peuvent dire : c’est notre sœur.
Les Iraniennes qui se coupent les cheveux en public et manifestent suite à la mort de Masha Amini reconnaîtront en Marie une femme libre à qui on a imposé le voile sans parvenir à tuer sa liberté d’engendrer : tu es notre sœur.
Les Ukrainiennes qui sont violées par les soldats russes devant leurs enfants pourront se tourner vers Marie qui a connu la honte d’une grossesse non conforme : tu es notre sœur.
Les Saoudiennes, les Afghanes, les filles et femmes de ces États musulmans où les sourates misogynes du Coran sont appliquées au pied de la lettre, jusqu’à être considérées comme mineures, soumises à des règles de pureté légale insupportables, corvéables à merci, suspectées de sorcellerie, inférieures à l’homme pour l’héritage, le permis de conduire, le compte bancaire, le droit de voyager seule, de s’habiller librement, de divorcer, d’étudier etc., toutes les femmes musulmanes peuvent se tourner vers Marie : tu es notre sœur…
Voilà pourquoi proclamer cette jeune femme de Nazareth Mère de Dieu est un événement considérable dans l’histoire des relations homme-femme ! C’est la contestation de toute inégalité, même et surtout dans l’Église ! C’est l’appel à ne plus comparer, à bénir d’être soi et non de ne pas être autrui, à mettre les différences au service de la communion au lieu de les sacraliser etc.
Nous commençons à peine à tirer le fil rouge des conséquences sociales, ecclésiales, personnelles etc. de cette double proclamation : Marie, tu es notre sœur, tu es la Mère de Dieu. Sur ce point comme sur tant d’autres, le christianisme ne fait que commencer.
Pour prolonger cette méditation, je vous propose de prier le poème suivant, d’Hervé Aubin, saluant l’humanité de Marie comme un chemin ouvert devant nos pas :
Notre mère
et notre sœur humaine
Vierge Marie,
notre mère et notre sœur humaine!
Tu as fait, toi aussi,
l’expérience de ne pas connaître l’avenir
et d’ignorer où te mèneraient
les chemins du Seigneur.
À certains jours, ses projets t’ont bouleversée. Plus d’une fois, tes pourquoi sont restés sans réponse. Et pourtant, jamais tu n’as cessé de faire confiance à Dieu. Même en deuil de ton fils, tu as continué d’espérer, alors qu’il n’y avait plus d’espoir…
Heureuse es-tu, toi qui as cru !
En toi s’est accomplie
la parole du Seigneur.
« Car rien n’est impossible à Dieu. »
Un avenir est promis à ceux qui placent en Dieu leur espérance et s’appliquent à marcher dans ses chemins.
C’est pourquoi nous refusons de perdre espoir
et de nous laisser aller au découragement et à la peur.
Malgré les misères de notre monde, nous savons que Jésus est avec nous; que l’énergie de sa résurrection est à l’œuvre en vue d’un monde nouveau où la tristesse et la mort auront disparu.
Nous t’en prions, Marie !
Obtiens-nous de collaborer
à ce royaume de justice et d’amour
pour lequel ton fils a voulu naître et mourir.
Sois avec nous sur la route,
ô toi, notre espérance et notre consolation !
Nous voulons croire comme toi.
Espérer comme toi.
Aimer ce Dieu qui nous aime
et nous appelle à marcher ensemble
vers la vie du monde à venir. Amen.
Hervé Aubin, Prières, souffle de vie, Novalis, 2001.
1ère lecture : Vœux de paix et de bonheur (Nb 6, 22-27)
Lecture du livre des Nombres
Le Seigneur dit à Moïse :
« Voici comment Aaron et ses descendants béniront les fils d’Israël :
‘Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !’ C’est ainsi que mon nom sera prononcé sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. »
Psaume : 66, 2b.3, 5abd, 7.8b
R/ Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse !
Que son visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.
Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.
La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Et que la terre tout entière l’adore !
2ème lecture : Le Fils de Dieu, né d’une femme (Ga 4, 4-7)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates
Frères, lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sous la domination de la
vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant « Abba ! ». Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils, et comme fils, tu es héritier par la grâce de Dieu.
Evangile : Jésus fils de Marie (Lc 2, 16-21)
Acclamation :Alléluia. Alléluia. Jadis, par les prophètes, Dieu parlait à nos pères ; aujourd’hui sa parole vient à nous en son Fils. Alléluia.(cf. He 1, 1-2)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé. Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception. Patrick Braud
En France, 2 millions de personnes âgées n’ont plus aucun contact avec leurs proches.
Si la détresse de la solitude n’a pas de saison, le soir de Noël c’est encore plus dur.
« Vous savez très bien que nous sommes les oubliés, nous sommes invisibles. Quand la douleur est là, quand vous êtes dehors, qui appeler, qui demander ? Le meilleur cadeau, c’est votre présence. À cause de la honte, on ne peut même pas aller vers ses propres enfants, vers sa propre famille. On se cache », sourit Jeanne-Rachel, 73 ans.
D’ordinaire, Anne-Marie, 80 ans, vit les fêtes de fin d’année dans une grande solitude. « J’ai perdu mon mari en 1986 et ma sœur deux ans plus tard. Mon frère Maurice, âgé de 87 ans, habite trop loin. Le soir du réveillon, à qui parler ? » Cette année, cette ancienne aide-ménagère a acheté un élégant pantalon noir, un chemisier à frou-frou et des boucles d’oreilles. Elle sourit : « Quand on est invitée, il faut être coquette ». Grâce aux Petits Frères des Pauvres, elle partagera le réveillon de Noël avec 40 autres personnes âgées isolées et une dizaine de bénévoles qui leur ont préparé une soirée chaleureuse.
Ils pourront ensemble dîner joyeusement, danser, chanter… s’évader, loin de leurs soucis du quotidien et oublier cette solitude qu’ils ne connaissent que trop bien.
Anne-Marie sait que le soir du réveillon sera difficile. Mais le souvenir de ce moment extraordinaire l’allégera un peu. Cette période, exaltant l’esprit de famille, est très douloureuse pour ces personnes souvent veuves et n’ayant plus aucun proche. Aussi, elle nous confie que cette invitation au réveillon des Petits Frères des Pauvres lui met du baume au cœur : « J’ai ressenti un immense soulagement : je ne suis pas seule. Je compte pour quelqu’un ».
Les Petits Frères des Pauvres ont publié en 2021 leur baromètre de l’isolement en France [1]. Les résultats font peur : le fléau de la « mort sociale » concerne désormais 530 000 personnes âgées qui vivent coupées des quatre principaux cercles de proximité (famille, amis, voisinage et réseaux associatifs) contre 300 000 en 2017, alerte le baromètre 2021 « Solitude et isolement, quand on a plus de 60 ans en France ». Le nombre de seniors qui ne voient plus ni famille ni amis a plus que doublé, passant de 900 000 à 2 millions d’aînés, soit l’équivalent d’une ville comme Paris, alerte cette étude réalisée avec l’institut CSA Research.
Pire encore, les Petits Frères des Pauvres ont rassemblé une quarantaine d’articles de presse locale se faisant l’écho de macabres découvertes. Comme cet homme de 71 ans, retrouvé dans son appartement à Nîmes, en janvier 2020, cinq ans après son décès. Ou ce couple d’octogénaires nantais dont le double trépas est passé inaperçu pendant plusieurs mois…
Que ce soit en ville ou à la campagne, dans des milieux aisés ou pauvres, des personnes âgées meurent seules, sans que personne ne s’en aperçoive.
Le phénomène est hélas bien connu au Japon, où il a pris une ampleur particulière. Parce que la population japonaise est vieillissante, parce qu’il n’est pas dans la culture japonaise de demander de l’aide, parce que la vie moderne a coupé les liens familiaux etc., il y a eu en 2009 environ 30000 morts solitaires officiellement recensées, dont 3000 rien qu’à Tokyo, capitale de la solitude. On a même forgé un nom pour ces fins de vie à l’écart de tous, dont les corps ne sont découverts qu’après une longue période de temps, véritable phénomène social : 孤独死, kodokushi, « mort solitaire« .
Pourquoi rappeler cette triste et douloureuse réalité d’isolement en cette fête de Noel où tout devrait être léger et joyeux, comme le rire des enfants déballant les cadeaux au pied du sapin ?
Justement pour montrer que fêter Noël est un engagement à faire reculer la solitude autour de nous.
L’enfant de Bethléem est né à l’écart pour que plus personne ne vive ni ne meure à l’écart, isolé de tous.
Le Prince de la Paix est né au milieu des animaux pour que plus personne ne soit traité comme un animal abattu dans l’indifférence générale.
Le Verbe de Dieu entre dans la vie humaine entouré de ses seuls parents pour que plus personne n’en sorte esseulé.
Nos sourires attendris autour de la crèche devraient engendrer des sourires affectueux autour des vieillards qui meurent seuls. Comment embrasser le nouveau-né et ne pas tenir la main du mourant ?
Les débats actuels sur la fin de vie en France pourraient s’arrêter longuement sur la crèche de Noël : accueillir la vie qui vient de Dieu demande de l’accompagner jusqu’au bout, avec amour et compassion. Que l’autre ne soit pas seul face à la mort, quelle que soit sa décision : voilà un enjeu spirituel qui s’enracine pour nous dans l’Incarnation du Verbe de Dieu.
La mairie d’Agen : « aller vers »
En 2020, profondément choqué par le décès d’une vieille dame retrouvée deux ans après son décès, à 100 mètres de l’hôtel de ville, le maire d’Agen, Jean Dionis, a lancé des pistes de réflexion. « Ce drame nous a fait réfléchir et nous avons fait de la lutte contre l’isolement un engagement municipal », a-t-il confié à l’association des Petits Frères des Pauvres. Un chantier délicat alors que les plus de 80 ans soit plus de 3 000 personnes dans la ville perdent souvent l’envie d’aller vers les autres. La mairie travaille donc à un système d’« aller vers » grâce à la solidarité de voisinage et davantage de visites à domicile. « Chaque quartier volontaire aura un service civique dont le rôle sera de recenser les personnes de plus de 80 ans, de favoriser la mise en relation entre personnes âgées et citoyens, de piloter les visites à domicile », détaille Jean Dionis, qui souhaite mettre les bailleurs sociaux dans la boucle.
Aller vers : n’est-ce pas le mouvement même de Noël ? Après des siècles où l’homme allait vers Dieu en tâtonnant, par le biais des religions et des sagesses, Dieu lui-même a décidé d’aller vers l’homme !
Renversement d’initiative, renversement de perspective !
Fêter Noël nous rend alors capable d’aimer comme Dieu à Bethléem : en allant vers l’autre, sans attendre qu’il ose le demander. Les vieillards japonais meurent seuls parce qu’ils ont honte de demander. Seul le mouvement d’aller vers peut conjurer cette auto-isolement mortifère.
Concrètement, cela se traduit par un rôle et un nombre accru d’acteurs sociaux pour dépister en amont les situations de solitude dangereuse (infirmières, assistantes sociales, chargés de clientèle bancaire, aides-soignantes, agents administratifs etc.).
Cela passe également par un investissement des Comités de quartier (ou équivalent) pour recenser localement les personnes en difficultés relationnelles et susceptible de s’isoler. On est bien capable pendant les périodes de canicule de visiter ou de téléphoner systématiquement aux personnes âgées pour prendre de leurs nouvelles, leur demander de boire, de s’hydrater etc. Pourquoi ne serait-on pas capable de cette surveillance attentive et bienveillante en temps ordinaire, afin de prévenir les solitudes avant qu’elles ne deviennent dangereuses ?
Les Petits Frères des Pauvres l’ont bien compris, qui ont mis la visite régulière de personnes âgées au cœur de leur raison d’être. Chaque bénévole s’engage visiter deux personnes, une par semaine, en alternance avec un autre bénévole, et ces personnes âgées ont alors un binôme qui leur rend une visite hebdomadaire régulière. La régularité et la durée sont des conditions essentielles à la rupture de l’isolement. Un peu comme le petit Prince avec le renard : il faut du temps pour s’apprivoiser, avoir confiance, se sentir entouré, se livrer. La devise des Petits Frères des Pauvres est : « des fleurs devant le pain », car ils sont convaincus que les personnes âgées ont d’abord besoin de relations, d’affection, de signes d’estime et d’amitié. L’homme ne vit pas seulement de pain… : c’est si vrai qu’il est capable de mourir de solitude.
Célébrer Noël, c’est s’engager à aller vers comme Dieu l’a fait pour nous. Aller au-devant de l’autre, sans attendre.
Le fils de Dieu s’est uni à chaque homme
Le concile Vatican II écrivait : « par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché » (GS n° 22). Et le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église commente (n° 105) : « Le Christ, Fils de Dieu, « par son incarnation, s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme »; voilà pourquoi l’Église reconnaît comme son devoir fondamental de faire en sorte que cette union puisse continuellement se réaliser et se renouveler ». Cette mission exige de nous le combat contre la solitude.
Ce combat est également une aventure intérieure, éminemment personnelle.
Un chrétien, même abandonné de tous, peut croire en son cœur que Dieu s’est uni à lui pour toujours, et ne le laissera pas tomber comme savent le faire les humains. Même oublié sur un lit d’hôpital, tout baptisé peut écouter en lui la résonance de la promesse divine : ‘tu n’es pas seul, et je te promets que tu le seras encore moins à travers la mort’. La foule immense tous les saints sera ta famille, pour toujours’.
Autrement dit : comment fêter Noël sans déjà fêter Pâques par anticipation ? Aller vers, c’est l’attention que nous devons porter à ce monde si au nom de l’Incarnation. Aller au-delà, c’est l’espérance invincible que notre action s’inscrit sur un horizon infini. Réduire la foi chrétienne au seul moteur pour aller vers les autres serait trahir l’espérance de Noël–Pâques ! C’est une tentation très contemporaine : séculariser la foi chrétienne pour l’utiliser au service de notre action dans le monde.
Un seul exemple : Bruno Latour, pape de la philosophie écologique, confesse être largement inspiré par sa foi chrétienne, mais à condition qu’elle ne s’intéresse qu’à ici-bas, sinon elle deviendrait selon lui un divertissement illusoire.
Interview à Philosophie Magazine n° 147 (Février 2021) :
« - Vous prenez de grandes libertés vis-à-vis du catéchisme, vous décapez le message en disant qu’il faut cesser de croire au Ciel, ne s’intéresser qu’à l’ici-bas…
- Ce n’est pas moi, c’est mon pape qui s’est lancé dans une sacrée entreprise, avec son encyclique de 2015 Laudato si sur la « sauvegarde de la maison commune », donc sur la dégradation environnementale et le réchauffement climatique. Le médiéviste américain Lynn White [1907-1987] a montré dans un article retentissant paru en 1967 que saint François d’Assise était en son temps une sorte d’hérétique, maintenu au sein de l’Église alors qu’il proposait une écologie avant l’heure. En choisissant le nom de François, le pape actuel renoue avec cette dissidence. Pensez aussi au psaume 104: « Seigneur, tu renouvelles la face de la Terre ». Plus largement, il y a dans le christianisme tout un mouvement de descente, d’incarnation, qui nous amène à comprendre que notre tâche est ici-bas. Comme institution, l’Église catholique est dans un état catastrophique, et la crise écologique peut être l’occasion d’une transformation, d’un renoncement à l’idée de transcendance et d’un intérêt plus grand porté à l’immanence. »
Bigre : le pape de l’écologie nous invite à renoncer à la transcendance ?
Carl Schmitt disait que les grandes idées politiques ne sont jamais que des concepts théologiques sécularisés… D’ailleurs, Bruno Latour parle de Gaïa au lieu de nature, environnement, Terre, ce qui évoque irrésistiblement une référence païenne excluant toute transcendance, là où les chrétiens persistent à parler de Création dont l’homme est le gérant.
Faut-il renoncer à toute transcendance pour fêter Noël ? Faut-il ne s’intéresser qu’à ce monde sous prétexte que l’autre monde nous détournerait de notre responsabilité ? Devant ces réductions trop horizontales de Noël au seul présent, Paul s’écrie : « Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes ! » (1 Co 15, 19).
Noël n’est pas une fête sucrée
Décidément, l’enfant de la crèche nous engage à un rude combat : faire reculer la solitude, retisser des liens là où ils ont cédé, inclure au lieu d’exclure…
Fêter Noël demande à la fois de tenir l’immanence (la foi comme moteur pour agir ici-bas) et la transcendance (la foi comme espérance d’un au-delà de notre action).
Qu’autour de nous la kodokushi – la mort solitaire - s’efface grâce à nos visites, nos accompagnements, notre sollicitude !
Allons vers ceux qui n’attendent plus rien, et nous serons attablés au meilleur réveillon de Noël : celui qui fait naître à la communion fraternelle, qui pour nous provient de la communion trinitaire.
PREMIÈRE LECTURE « Un enfant nous est né » (Is 9, 1-6)
Lecture du livre du prophète Isaïe
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !
PSAUME
(Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc) R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né : ’est le Christ, le Seigneur.(cf. Lc 2, 11)
Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !
De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !
Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.
Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
car il vient pour juger la terre.
Il jugera le monde avec justice
et les peuples selon sa vérité.
DEUXIÈME LECTURE
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour tous les hommes » (Tt 2, 11-14)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Tite
Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.
ÉVANGILE
« Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14) Alléluia. Alléluia. Je vous annonce une grande joie : Aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ! Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte. Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » Patrick Braud
Pourtant, chaque dimanche on cite son nom dans la prière eucharistique, en tant qu’époux de Marie.
Par exemple dans la Prière eucharistique II : « Permets qu´avec la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, avec saint Joseph, son époux, les Apôtres et tous les saints qui ont fait ta joie au long des âges nous ayons part à la vie éternelle… ». C’est relativement récent en fait. La décision d’introduire le nom de saint Joseph dans le Canon romain date du motu proprio de Jean XXIII, le 13 novembre 1962. Le texte est entré en vigueur le 8 décembre 1962. Puis la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a émis un décret le 1er mai 2013, demandant que le nom de saint Joseph soit mentionné dans les prières eucharistiques II, III et IV.
En quoi cette figure de Joseph peut-elle nous inspirer aujourd’hui ?
Laissons la parole au pape François, qui début 2020 a réalisé une catéchèse suivie sur Joseph [1].
Joseph, l’homme aux songes, priait, travaillait et aimait
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui, je voudrais méditer sur la figure de saint Joseph comme un homme qui songe. Dans la Bible, comme dans les cultures des peuples anciens, les songes étaient considérés comme un moyen à travers lequel Dieu se révélait [2]. Le songe symbolise la vie spirituelle de chacun de nous, cet espace intérieur, que chacun est appelé à cultiver et à garder, où Dieu se manifeste et souvent nous parle. Mais nous devons aussi dire qu’en chacun de nous, il n’y a pas seulement la voix de Dieu : il y a beaucoup d’autres voix. Par exemple, les voix de nos peurs, les voix des expériences passées, les voix des espoirs ; et il y a aussi la voix du malin qui veut nous tromper et nous confondre. Il est donc important d’arriver à reconnaître la voix de Dieu parmi d’autres voix. Joseph démontre qu’il sait cultiver le silence nécessaire et, surtout, prendre les bonnes décisions devant la Parole que le Seigneur lui adresse intérieurement.
Aujourd’hui, il serait bon que nous reprenions les quatre songes de l’Évangile dont il est le protagoniste, afin de comprendre comment nous placer devant la révélation de Dieu. L’Évangile nous relate quatre songes de Joseph.
1) Dans le premier songe (cf. Mt 1,18-25), l’ange aide Joseph à résoudre le drame qui l’assaille lorsqu’il apprend la grossesse de Marie : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (v. 20-21). Et sa réponse fut immédiate : « Quand il se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit » (v. 24). Souvent la vie nous met face à des situations que nous ne comprenons pas et qui semblent sans solution. Prier en ces moments-là signifie laisser le Seigneur nous indiquer la chose juste à faire. En fait, très souvent, c’est la prière qui fait apparaitre l’intuition de la porte de sortie, comment résoudre cette situation. Chers frères et sœurs, le Seigneur ne permet jamais qu’un problème survienne sans nous donner également l’aide nécessaire pour y faire face. Il ne nous jette pas dans le four tout seul. Il ne nous jette pas parmi les bêtes. Non. Le Seigneur, quand il nous montre un problème ou nous révèle un problème, nous donne toujours la perspicacité, l’aide, sa présence, pour nous en sortir, pour le résoudre.
2) Le deuxième songe révélateur de Joseph survient lorsque la vie de l’enfant Jésus est en danger. Le message est clair : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr » (Mt 2,13). Joseph obéit sans hésiter : « Il se leva dans la nuit – dit l’Évangile -, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode » (v.14-15). Dans la vie, tous nous sommes confrontés à des dangers qui menacent notre existence ou celle de ceux que nous aimons. Dans ces situations, prier signifie écouter la voix qui peut faire naitre en nous le même courage que Joseph, pour affronter les difficultés sans succomber.
3) En Égypte, Joseph attend un signe de Dieu pour pouvoir rentrer chez lui, et c’est le contenu du troisième songe. L’ange lui révèle que ceux qui voulaient tuer l’enfant sont morts et lui ordonne de partir avec Marie et Jésus et de retourner dans sa patrie (cf. Mt 2,19-20). « Joseph se leva – dit l’Évangile -, prit l’enfant et sa mère, et il entra dans le pays d’Israël » (v. 21). Mais durant le voyage du retour, « apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre » (v. 22).
4) Voici donc la quatrième révélation : « Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth » (v. 22-23). La peur aussi fait partie de la vie et nécessite elle aussi notre prière. Dieu ne nous promet pas que nous n’aurons jamais peur, mais que, avec son aide, la peur ne sera pas le critère de nos décisions. Joseph éprouve la peur, mais Dieu le guide aussi à travers elle. Le pouvoir de la prière apporte la lumière dans des situations d’obscurité.
Je pense en ce moment à tant de personnes qui sont écrasées par le poids de la vie et ne peuvent plus espérer ni prier. Que saint Joseph les aide à s’ouvrir au dialogue avec Dieu, à y trouver lumière, force et paix, aide. Et aussi, je pense aux parents face aux problèmes de leurs enfants. Des enfants atteints de nombreuses maladies, des enfants malades, même avec des maladies chroniques. Quelle douleur il y a là. Les parents qui voient des orientations sexuelles différentes chez leurs enfants ; comment gérer cela et accompagner leurs enfants et ne pas se réfugier dans une attitude condamnatoire. Les parents qui voient leurs enfants partir à cause d’une maladie, et aussi – c’est plus triste, on le lit tous les jours dans les journaux – les enfants qui font une bêtise et finissent dans un accident de voiture. Des parents qui voient leurs enfants qui ne progressent pas à l’école et ne savent comment faire… Autant de problèmes de parents. Pensons-y : comment les aider. Et à ces parents, je dis : n’ayez pas peur. Oui, il y a de la douleur. Beaucoup. Mais pensez au Seigneur, pensez à la façon dont Joseph a résolu les problèmes et demandez à Joseph de vous aider.
Ne jamais condamner un enfant. Cela me révèle tant de tendresse – c’était le cas à Buenos Aires – lorsque je prenais le bus et qu’il passait devant la prison. Il y avait une queue de personnes qui devaient entrer pour rendre visite aux prisonniers. Et il y avait là les mères. Et j’ai été tellement touché par cette mère qui, face au problème d’un fils qui a commis une erreur et qui est en prison, ne le laisse pas seul, s’expose publiquement et l’accompagne. Ce courage, le courage d’un père et d’une mère qui accompagnent leurs enfants toujours, toujours. Demandons au Seigneur de donner ce courage à tous les pères et mères, comme il l’a donné à Joseph. Et prier, non ? Prier pour que le Seigneur nous aide dans ces moments. La prière, cependant, n’est jamais un geste abstrait ou intimiste comme veulent le faire ces mouvements spiritualistes plus gnostiques que chrétiens. Non, ce n’est pas ça. La prière est toujours indissolublement liée à la charité. Ce n’est que lorsque nous unissons la prière avec l’amour des enfants, pour le cas que je viens d’évoquer, ou avec l’amour pour notre prochain que nous pouvons comprendre les messages du Seigneur. Joseph priait, travaillait et aimait, – trois belles choses pour les parents : prier, travailler et aimer – et pour cela il a toujours reçu ce dont il avait besoin pour affronter les épreuves de la vie. Confions-nous à lui et à son intercession :
Saint Joseph, tu es l’homme qui songe,
apprends-nous à retrouver la vie spirituelle
comme le lieu intérieur où Dieu se manifeste et nous sauve.
Éloigne de nous la pensée que prier soit inutile ;
aide chacun de nous à correspondre à ce que le Seigneur nous indique.
Que nos raisonnements soient irradiés de la lumière de l’Esprit,
notre cœur encouragé par sa force
et nos peurs sauvées par sa miséricorde.
« Voici que la vierge est enceinte » (Is 7, 10-16)
Lecture du livre du prophète Isaïe
En ces jours-là, le Seigneur parla ainsi au roi Acaz : « Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton Dieu, au fond du séjour des morts ou sur les sommets, là-haut. » Acaz répondit : « Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve. » Isaïe dit alors : « Écoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). De crème et de miel il se nourrira, jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien. Avant que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre dont les deux rois te font trembler sera laissée à l’abandon. »
PSAUME
(Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6)
R/ Qu’il vienne, le Seigneur : c’est lui, le roi de gloire ! (cf. Ps 23, 7c.10c)
Au Seigneur, le monde et sa richesse,
la terre et tous ses habitants !
C’est lui qui l’a fondée sur les mers
et la garde inébranlable sur les flots.
Qui peut gravir la montagne du Seigneur
et se tenir dans le lieu saint ?
L’homme au cœur pur, aux mains innocentes,
qui ne livre pas son âme aux idoles.
Il obtient, du Seigneur, la bénédiction,
et de Dieu son Sauveur, la justice.
Voici le peuple de ceux qui le cherchent !
Voici Jacob qui recherche ta face !
DEUXIÈME LECTURE
Jésus-Christ, né de la descendance de David, et Fils de Dieu (Rm 1, 1-7)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Paul, serviteur du Christ Jésus, appelé à être Apôtre, mis à part pour l’Évangile de Dieu, à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome. Cet Évangile, que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans les saintes Écritures, concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et, selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur.
Pour que son nom soit reconnu, nous avons reçu par lui grâce et mission d’Apôtre, afin d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes, dont vous faites partie, vous aussi que Jésus Christ a appelés. À vous qui êtes appelés à être saints, la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
ÉVANGILE
Jésus naîtra de Marie, accordée en mariage à Joseph, fils de David (Mt 1, 18-24) Alléluia. Alléluia.Voici que la Vierge concevra : elle enfantera un fils, on l’appellera Emmanuel, « Dieu-avec-nous ». Alléluia. (Mt 1, 23)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ». Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.