L'homélie du dimanche (prochain)

28 août 2022

La vie est courte…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La vie est courte…

Homélie pour le 23° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
04/09/2022

Cf. également :

La docte ignorance
Pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?
S’asseoir, calculer, aller jusqu’au bout
Quel sera votre sachet de terre juive ?
Les cimetières de la Toussaint

Des cailloux sur les tombes

Les dernières images du film « La liste de Schindler » sont belles : on voit les descendants des juifs sauvés par l’industriel allemand Oskar Schindler pendant la seconde guerre mondiale venir lui rendre hommage, en déposant silencieusement chacun une petite pierre sur sa tombe.

À quoi correspond cette coutume ashkénaze ?
Une des réponses possibles est liée au psaume 89 (90) que nous lisons ce dimanche : les hommes sont comme l’herbe des champs. « Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ; dès le matin, c’est une herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée » (Ps 89,5-6).
Pour rappeler cette brièveté de l’existence humaine et la confier à Dieu, les juifs cueillent un peu de l’herbe des champs proche d’une tombe et le cale sur la pierre tombale en le coinçant avec de petits cailloux. Avec le vent et les oiseaux, l’herbe est vite dispersée, et il ne reste plus que les cailloux, témoins muets de l’herbe éphémère [1]. Pour les enfants juifs dont les parents ont été sauvés par Schindler qui les employait dans son usine en tant qu’ouvriers allemands, ces cailloux déposés avec respect étaient un hommage plein de gratitude, et une prière remplie d’espérance : cet homme qui a fait le bien, ce ‘juste parmi les nations’ qui a risqué sa vie pour protéger des innocents est désormais entre les mains de YHWH, capable de faire refleurir l’herbe des champs qu’on croyait desséchée.

 

Méditer sur la brièveté de la vie

Les mélomanes auront reconnu là une puissante inspiration qui a conduit Brahms dans la composition de son Requiem allemand (1868). Le deuxième mouvement de cette œuvre symphonique majestueuse commence par ces mots du psaume 89 (et de Is 40,6 ; 1P 1,24) que le chœur fait gronder comme l’orage qui approche : « car toute chair est comme l’herbe des champs… »

Car toute chair est comme l’herbe,
et toute la gloire de l’homme
comme les fleurs de l’herbe.
L’herbe s’est desséchée et la fleur est tombée.

Denn alles Fleisch ist wie Gras,
und alle Herrlichkeit des Menschen
wie des Grases Blumen.
Das Gras ist verdorret und die Blume abgefallen.
(Texte de Martin Luther)

Plaque en émail Marie Madeleine Vanité - Epoque XVIIIe SiècleLes amateurs de peinture se souviendront quant à eux des ‘vanités’ du XVII° siècle, ces tableaux où la beauté d’une jeune femme côtoyait un miroir et un crâne humain : la beauté est vaine si elle oublie qu’elle ne fait que passer, éphémère herbe des champs.

Les poètes à leur manière suivaient cette méditation universelle sur le caractère éphémère de toutes choses. Par exemple, la charogne que Baudelaire dépeint à son amante au détour du chemin a jadis été pleine de grâce : toute belle mondaine devrait s’en souvenir… « Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, à cette horrible infection, étoile de mes yeux, soleil de ma nature, vous, mon ange et ma passion ! »

La Bible en tout cas reprend souvent l’image de l’herbe des champs pour inviter l’homme à méditer sur la brièveté de son existence :
« Une voix dit : ‘Proclame !’ Et je dis : ‘Que vais-je proclamer ?’ Toute chair est comme l’herbe, toute sa grâce, comme la fleur des champs : l’herbe se dessèche et la fleur se fane quand passe sur elle le souffle du Seigneur. Oui, le peuple est comme l’herbe : l’herbe se dessèche et la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu demeure pour toujours » (Is 40,6-8).
« L’homme ! Ses jours sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit : dès que souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore » (Ps 103,15-16).
Devant ce constat facile à faire par chacun, quelle attitude adopter ? Plusieurs choix sont possibles.

 

1) Vis ta vie comme si tu ne devais jamais mourir

La vie est courte… dans Communauté spirituelle 50227C’est par exemple la position du Marquis De Vauvenargues (artiste, écrivain, moraliste du XVIII° siècle) : « Pour exécuter de grandes choses, il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir ». Nos contemporains l’utilisent plutôt pour éliminer la mort de leur paysage. Devant le côté désespérant ou terrifiant de cette réalité à laquelle on ne peut rien changer, beaucoup préfèrent en effet oublier la question. Vivre sans penser à la mort devient un comportement assez répandu dans notre culture européenne sécularisée. D’ailleurs, la mort devient de plus en plus virtuelle, car 90 % des décès se font à l’hôpital, loin des familles, des collègues, des amis. L’historien Philippe Ariès constate ainsi que la mort est devenue un tabou [2], comme l’était le sexe autrefois : on la cache, on n’en parle pas, on ne montre pas son deuil, on doit très vite reprendre la vie comme avant, comme si de rien n’était.

Malgré tout, les médias, l’actualité, voire les jeux vidéo ultraviolents nous informent régulièrement des vies écourtées en Ukraine, en Syrie, dans telle catastrophe ou tel fait divers. Mais c’est une perspective virtuelle, désincarnée. À tel point que nombre de jeunes adultes n’ont jamais ni vu ni touché un cadavre jusqu’au décès d’un parent, et encore ! Pour oublier que la vie est courte, il faut alors se noyer dans l’action (le boulot, une œuvre) ou dans ce que Pascal appelait à juste titre le divertissement (s’étourdir dans les plaisirs, les loisirs, les ivresses en tous genres).

Les avantages de ce choix sont apparemment séduisants : plus besoin de se torturer sur ce qu’est la mort ou ce qu’il y a après (« on verra bien ! ») ; plus besoin d’avoir peur du lendemain, puisqu’on n’y pense pas. Du coup, on peut concentrer son énergie sur le présent, et le vivre pour lui-même. Et on peut s’engager dans un travail de longue haleine, sur des années, sans être paralysé par l’incertitude de la durée. Ne pas se poser de questions sur le caractère éphémère de toutes choses permet d’en jouir comme si elles étaient éternelles.

Les inconvénients de ce choix sont en nombreux. On peut y voir une certaine lobotomisation à l’œuvre, car la conscience d’être mortel est ce qui nous humanise. C’est elle qui nous a fait émerger de l’animalité : les rites funéraires sont une des marques distinctives très nettes entre notre espèce et les autres. Nous savoir éphémères nous grandit ; l’oublier nous ravale au rang d’insectes ou de robots écervelés programmés pour consommer et travailler, s’étourdir et disparaître. Et puis, dès que la maladie grave survient, ou l’handicap de la vieillesse, ou la mort des proches, nous sommes démunis devant cette perspective de la fin que nous n’avions pas envisagée…

Ne pas se poser de questions sur la durée et la fin fait de nous des sujets dociles, voyageant à la surface de nous-mêmes dans le flux des divertissements de ce siècle.

 

2) Vis comme si tu devais mourir demain

 herbe dans Communauté spirituelleCette citation est extraite de la Bhagavad-Gîtâ ; elle a été traduite et commentée par Gandhi.

a) puisque tout passe si vite, profitons de l’instant présent car demain il sera peut-être trop tard. Cela peut prendre la forme du divertissement pascalien comme plus haut, mais également d’un certain hédonisme où seul le présent compte puisque demain je ne serai plus. Carpe diem, vous répéteront inlassablement tous ceux qui ont conscience de n’être que de passage sans autre avenir que de disparaître.

b) puisque la vie est courte, essayons d’en faire quelque chose de grand qui nous survivra. Celui qui sait devoir mourir bientôt voudra laisser une trace derrière lui, dans laquelle il aura l’impression de survivre (alors qu’en fait seul son souvenir perdurera, pour très peu de temps, chez ceux qui verront cette trace). Cette trace peut être une famille, une descendance, une œuvre, une renommée, une gloire réputée impérissable. Des pyramides de Gizeh aux 8000 soldats de terre cuite du premier empereur de Chine Qin Shi Huang, des opéras de Mozart aux conquêtes de Gengis Khan, chacun veut laisser quelque chose derrière lui qui maintiendra un reflet de lui pour ceux qui restent. Double illusion ! Ces traces s’effaceront très vite à l’échelle de l’histoire de l’univers (13,5 milliards d’années !) ; et elles ne pourront en aucun cas assurer l’immortalité à leur auteur !

Jésus contestait radicalement cette pathétique frénésie de survie, en restant lui-même célibataire, sans famille derrière lui, en n’écrivant aucun livre sacré, en ne possédant aucune richesse matérielle à léguer en héritage. Pire encore : en mourant comme le dernier des esclaves, en subissant l’infamie et la malédiction juive liée au gibet de la croix (Dt 21,23 ; Ga 3,13), Jésus à 33 ans meurt sans aucune assurance, dans un grand cri de déréliction qui déchire toujours les voiles de tous les sanctuaires : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?… »

 

3) Fais Téchouva

41dZI2eqiGL._SX362_BO1,204,203,200_ mortUn troisième choix devant l’éphémère de l’existence est ce que la Bible et la tradition judaïque appellent « faire Téchouva », c’est-à-dire retourner vers Dieu, se convertir (se tourner vers lui), revenir à lui. Chaque année, lors des 7 jours de la fête de Yom Kippour, chaque juif est invité à faire Téchouva en confessant ses péchés, en les regrettant, en s’engageant à lutter contre leur répétition, et à réparer les torts commis. Or c’est ce verbe revenir à Dieu (שׁוּב = shuv en hébreu) que notre psaume 89 met sur les lèvres de YHWH lorsqu’il voit l’éphémère humain : Ps 89,3. La plupart des traductions interprètent le texte comme un rappel de Gn 3,19 : « C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes (שׁוּב) à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras (שׁוּב) ». Elles y lisent donc le rappel de notre finitude voulue par Dieu : « Tu fais retourner l’homme à la poussière ; tu as dit : ‘Retournez, fils d’Adam !’ » (Ps 89,3).

C’est dommage, car c’est faire de l’éphémère humain une volonté (un peu sadique !) d’un Dieu jaloux. Alors que ce n’est qu’une condition de la Création : créer, c’est faire du  différent (sinon c’est de l’émanation). Si Dieu crée, il crée du non-Dieu : la mort n’est pas une punition ou un décret jaloux, c’est la condition même de l’altérité homme–Dieu, notre condition de créatures. Et cela s’impose à Dieu lui-même !

Le texte hébreu ne dit pas que Dieu fait retourner l’homme à la poussière. Il ne parle pas de poussière (le mot עָפָר = aphar n’y est pas), mais de retour (שׁוּב = shuv en hébreu), donc de Téchouva. Loin d’être une condamnation à l’éphémère, notre psaume est une promesse divine : « revenez à moi et vous vivrez ». D’ailleurs, le terme traduit par poussière en grec est ταπείνωσις (tapeinōsis), ce qui en fait désigne la pauvreté, l’humiliation, la misère, comme celle de Marie déshonorée aux yeux de la société de son époque : « YHWH a jeté les yeux sur la bassesse (ταπείνωσις) de sa servante (Lc 1,48).

D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.
Avant que naissent les montagnes, que tu enfantes la terre et le monde,
de toujours à toujours, toi, tu es Dieu.
Tu fais retourner [שׁוּב (shuv)] l’homme [texte grec : ‘à la poussière’ (ταπείνωσις ; tapeinōsis)];
tu as dit : « Retournez [שׁוּב (shuv)], fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.
Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ; dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée.

La version grecque de la LXX de notre verset 3 s’éloigne ainsi fortement du texte hébreu : « revenez à Dieu » (shuv, Téchouva) est remplacé par « retournez à la poussière », ce qui plaît davantage au sens tragique de la dramaturgie grecque, mais qui met en scène un Dieu punitif conduisant à la mort, au lieu de YHWH promettant la vie en communion avec lui ! « Tu reviendras (שׁוּבau) au Seigneur ton Dieu, toi et tes fils, tu écouteras sa voix de tout ton cœur et de toute ton âme, tu observeras tout ce que je te commande aujourd’hui. Alors le Seigneur changera ton sort, il te montrera sa tendresse, et il te rassemblera de nouveau du milieu de tous les peuples où il t’aura dispersé » (Dt 30,2-3).
Comme quoi traduire, c’est bien souvent trahir…

Ceux qui lisent dans le psaume 89 un appel à revenir à Dieu découvrent dans la brièveté de la vie sur terre un chemin pour être en communion avec lui, sur qui l’éphémère n’a pas de prise, en qui intensité et durée sont intimement mêlées.

Téchouva

 

Méditer sur notre éphémère nous rend courageux et libres

Terminons avec une note très politique : prendre conscience que nous sommes éphémères est une source de courage pour lutter contre toutes les injustices. Car les tyrans, les oppresseurs eux aussi sont éphémères ! Ils ne font que passer dans l’histoire, et leur tyrannie est comme l’herbe des champs…

staline-300x197 psaumeLe communisme n’a fleuri que 70 ans en Russie, il s’est écroulé sur lui-même. Tôt ou tard, Poutine lui aussi mourra et son despotisme n’est pas éternel. Il y aura un lendemain sans Poutine et son impérialisme nostalgique d’une grande Russie fantasmée. De même pour les anciennes tyrannies : la domination sumérienne est passée ; les pharaons d’Égypte ne sont plus des rois-dieux ; la décadence de l’empire romain a provoqué sa chute ; les sacrifices sanglants des Aztèques ont cessé ; et même Hitler se sera fané en une décennie : son Reich de 1000 ans s’est évaporé plus vite que le brouillard du matin…

Certes les tyrans provoquent le malheur et l’injustice parmi les peuples, mais tôt ou tard ils passeront : lutter pour préparer l’après est un combat gagné d’avance si l’on y réfléchit bien !
Les méchants, les violents, les injustes n’auront pas le dernier mot. C’est pour nous une source de courage afin de résister, une source de liberté afin de dire non.

Là encore, les citations bibliques sont nombreuses pour encourager le peuple à résister aux méchants qui ne font que passer dans l’histoire :
84986237-paysage-d-hiver-avec-chardon-fan%C3%A9-dans-un-champ-d-herbe-gel%C3%A9e Schindler
« C’est moi, c’est moi qui vous console. Qui es-tu pour craindre l’homme qui doit mourir, un fils d’homme périssable comme l’herbe ? » (Is 51,12)
« Leurs habitants (des villes puissantes comme l’Égypte) ont la main trop courte, ils sont effrayés, confondus ; ils ressemblent à l’herbe des champs, à la verdure des prés, à l’herbe des toits et au blé qui se consume avant d’avoir levé » (2R 19,26 ; Is 37,27).
« Le jonc croît-il sans marais ? Le roseau croît-il sans humidité ? Encore vert et sans qu’on le coupe, il sèche plus vite que toutes les herbes. Ainsi arrive-t-il à tous ceux qui oublient Dieu, et l’espérance de l’impie périra » (Jb 8,11-13).
« Ne t’irrite pas contre les méchants, N’envie pas ceux qui font le mal. Car ils sont fauchés aussi vite que l’herbe, Et ils se flétrissent comme le gazon vert » (Ps 37,1-2).
« Qu’ils soient tous humiliés, rejetés, les ennemis de Sion ! Qu’ils deviennent comme l’herbe des toits, aussitôt desséchée ! Les moissonneurs n’en font pas une poignée, ni les lieurs une gerbe » (Ps 129,5-7).
« Que le frère de condition humble se glorifie de son élévation. Que le riche, au contraire, se glorifie de son humiliation (ταπείνωσις = tapeinōsis) ; car il passera comme la fleur de l’herbe » (Jc 1,9-10).

D’ailleurs, de la même manière que Dieu est capable de faire fleurir à nouveau l’herbe des champs, il saura également nous redonner un « corps » glorieux adapté au monde de la Résurrection : « nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres (ταπείνωσις tapeinōsis) corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir » (Ph 3,20-21). L’herbe des champs devient ainsi une métaphore de la Résurrection à venir…

Relisons cette semaine le psaume 89 en entier, à tête reposée : quelles conséquences l’éphémère de mon existence peut-il avoir sur moi ?

 


[1]. Autre explication : selon Gn 35, Rachel mourut en mettant au monde Benjamin, son onzième enfant sur le chemin d’Éfrath. Jacob, son mari, érigea sur sa tombe un monument fait de pierres. Ce monument devait servir de signe de reconnaissance aux enfants d’Israël sur le chemin de l’exil. Le tombeau de Rachel est aujourd’hui un rocher surmonté de onze pierres symbolisant ses onze enfants. Il est situé à côté de Bethléem sur le territoire biblique de Judée, en actuelle Cisjordanie. Mettre une pierre sur une tombe est donc faire ce que Jacob a fait pour sa bien-aimée Rachel.

[2]. Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours, Seuil, 1974.


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » (Sg 9, 13-18)

Lecture du livre de la Sagesse
Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées, instables ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées. Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.

PSAUME
(Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc)
R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.
 (Ps 89, 1)

Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.

DEUXIÈME LECTURE
« Accueille-le, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé » (Phm 9b-10.12-17)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Philémon
Bien-aimé, moi, Paul, tel que je suis, un vieil homme et, qui plus est, prisonnier maintenant à cause du Christ Jésus, j’ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, en prison, j’ai donné la vie dans le Christ. Je te le renvoie, lui qui est comme mon cœur. Je l’aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu’il me rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l’Évangile. Mais je n’ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce qui est bien, non par contrainte mais volontiers. S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. Si donc tu estimes que je suis en communion avec toi, accueille-le comme si c’était moi.

ÉVANGILE
« Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple » (Lc 14, 25-33)
Alléluia. Alléluia. 
Pour ton serviteur, que ton visage s’illumine : apprends-moi tes commandements.
Alléluia. (Ps 118, 135)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : ‘Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !’ Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Patrick BRAUD

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21 août 2022

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

Homélie pour le 22° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
28/08/2022

Cf. également :
Recevoir la première place
Plus humble que Dieu, tu meurs !
Dieu est le plus humble de tous les hommes
Un festin par-dessus le marché
Le je de l’ouie

Le U4 d’Uckange

Uckange - Parc du haut-fourneau U4Des hauts-fourneaux à l’abandon. Ce complexe industriel en Moselle près de Florange et Thionville aurait pu devenir une friche insalubre et lugubre comme le XX° siècle nous en a tant laissé dans la région. Mais lorsque vous arrivez sur site, des bénévoles en bleu de travail vous attendent pour vous faire visiter. Ce sont d’anciens fondeurs, à la retraite, qui ont connu le démarrage, l’apogée, le déclin puis la fermeture de l’usine dans les années 90. Ils racontent leur labeur quotidien d’autrefois en vous emmenant de la réception du minerai et du charbon au chargement des fours, à l’écoulement du métal fondu, jusqu’aux quais d’expédition. Avec leur témoignage, les machines reprennent vie, les postes de travail sont peuplés de visages en sueur, les armoires des vestiaires parlent encore un peu de l’intimité de chaque ouvrier, et on devine comment des centaines de familles ont été marquées pendant un siècle par les cheminées et les sirènes de ces hauts-fourneaux.

Ces bénévoles du musée du haut-fourneau n°4 d’Uckange cherchent donc un public capable d’entendre leur histoire, collective et personnelle. Ils ont la juste intuition que transmettre cette histoire est un devoir, une nécessité. Ils racontent leur passé ouvrier pour que la sagesse forgée à nourrir la gueule béante des fours jour et nuit ne soit pas perdue.

 

Ben Sirac le Sage

St BenoîtNotre première lecture (Si 3,17-29) vieille de 3000 ans prônait déjà cette nécessité impérieuse qui s’impose aux sages : transmettre, par la parole.

« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute ».

Le texte écrit : « une oreille attentive, voilà le désir du sage ». On pourrait croire que le sage cherche à être une oreille attentive, ce qui n’est déjà pas si mal. En fait, la traduction plus proche de l’original serait plutôt : « trouver une oreille attentive est le désir du sage » (καὶ οὖς ἀκροατοῦ ἐπιθυμία σοφοῦ). Autrement dit : l’idéal du sage n’est pas d’abord d’être une oreille attentive (ça c’est le boulot du disciple), mais à l’inverse de trouver quelqu’un qui sache l’écouter avec une qualité d’attention qui lui permette de recevoir la sagesse ainsi transmise.

Et cela passe d’abord par la parole. La 2e lecture (He 12,18-24) nous rappelle que le Dieu d’Israël est à entendre et non à voir : « Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes… »
Circulez, il n’y a rien à voir ! L’écoute nous libère de ce que la pulsion scopique contient de possession, domination, asservissement. L’interdit de représenter Dieu ou les visages dans le judaïsme et dans l’islam est la trace de cette importance première de l’ouïe sur la vue : « Écoute Israël ! » « Shema Israël ! » (Dt 6,4). Tu ne te feras aucune représentation de Dieu. Car Dieu n’est pas à voir, mais à entendre.

En christianisme, l’Esprit atteste de l’invisibilité de Dieu, et c’est cet Esprit de sagesse qui parle à nos cœurs dans la prière, l’étude de l’Écriture, les évènements, la nature… : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises ! », ne cesse de répéter l’Apocalypse.
La Règle de St Benoît depuis des siècles invite les moines à être d’abord une grande oreille face à Dieu, dont le père abbé a la charge de transmettre la voix : « écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur… » (Prologue de la Règle de St Benoît)

 

Quel sage êtes-vous ?

ConfuciusVous objecterez : cela concerne les sages, mais je ne suis pas sage ! Erreur ! Tout être humain avec les années accumule des expériences de vie et une forme de réflexion sur son existence. Les retraités en bleu de travail du haut-fourneau n° 4 d’Uckange ne savent pas qu’en racontant leur usine ils transmettent en même temps une philosophie de leur métier, des solidarités vécues, de l’œuvre accomplie… Mais, en créant ce musée à force de passion, ils sont bel et bien devenus des maillons vivants de la chaîne de transmission du caractère d’une région, de ses familles, de ses fiertés, échecs et réussites mêlées.

Qui n’est pas sage en tel domaine, sur tel point précis ? Il faudrait être fou pour ne pas croire déceler quelque once de sagesse ! Sagesse pratique (artisanat, bricolage), artistique, intellectuelle, humaine, technique. Même les plus démunis ne sont pas démunis de sagesse ! J’ai rencontré des SDF manifestant une bienveillance étonnante ; des personnes isolées en EHPAD qui sourient à la vie alors qu’elles ne quittent pas leur fauteuil ni leur établissement etc.
La première invitation de Ben Sirac, est alors d’identifier le Sage qui est en nous, la part de sagesse qui s’est accumulée – souvent à notre insu – limon de toutes les alluvions des événements et personnes marquantes de notre parcours humain.
Que serait un père ou une mère de famille qui n’aurait rien à dire à ses enfants de ce qu’il ou elle a traversé ? Une réussite professionnelle n’apporte-t-elle pas une sagesse de vie ? Et un échec encore davantage ?
Personne n’est si pauvre qu’il n’ait rien à transmettre. C’est sur cette conviction qu’ATD a lancé ses Universités populaires du Quart-Monde, soirées de parole et d’écoute où chacun est invité à raconter, sur un thème précis, ce que les galères de la misère lui ont appris.

 

Cherchez votre oreille attentive

Chacun, découvrant en en soi ce trésor de sagesse, a alors le choix entre 3 attitudes :

– le garder pour soi.

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ? dans Communauté spirituelleNe rien dire, ne rien transmettre. Sous prétexte parfois de fausse humilité. Ou de paresse. Ou par manque de confiance en soi. On appelle d’ailleurs syndrome de l’imposteur la culpabilité qu’éprouve quelqu’un à occuper un poste ou à prendre la parole alors qu’il ne s’en croit pas capable ou pas digne.
On peut également se taire par misanthropie, en désespérant de la capacité des autres à recevoir. Car certains vous diront que l’expérience ne se partage pas, et qu’on n’apprend que par soi-même. La Bible parie sur le contraire : c’est en écoutant l’autre que l’on devient soi-même. Et d’abord le Tout-Autre. Le premier commandement de la Torah ne commence-t-il pas par ce verbe écouter, à l’impératif : « Écoute Israël ! » « Shema Israël ! ». Dieu le premier cherche en Israël une oreille attentive à sa sagesse. Il ne peut se taire, car partager la sagesse fait partie de la sagesse.
Si vous taisez la sagesse qui est en vous, vous l’empêchez d’atteindre sa plénitude, car elle s’accomplit en se disant, et vous en priverez ceux qui en ont absolument besoin. Ce genre de mutisme est une forme de non-assistance à personne en danger.
Par égoïsme ou par orgueil, par jalousie par dépit, le Sage qui ne cherche pas d’oreille attentive se condamne lui-même à l’inachevé ; et condamne d’autres à se dessécher à côté d’une source.
Même les ermites épris de solitude dans les déserts d’Égypte ne refusaient pas leur enseignement au visiteur cherchant des appuis dans sa quête spirituelle.

le galvauder en l’éparpillant à tout vent.

carrementfleurs_pissenlit2 maître dans Communauté spirituelleSelon l’adage populaire, parler de ce trésor de sagesse à n’importe qui n’importe quand, c’est « donner de la confiture à des cochons ». Devant certains, à certains moments, il vaut mieux se taire et attendre. Le maître doit choisir avec discernement les disciples capables et désireux de recevoir son enseignement, ainsi que les moments où il le fera.
Jésus a su choisir les Douze pour leur confier ses paroles et son secret. Même le choix de Judas était un acte de sagesse, car il avait l’enthousiasme et le courage des révolutionnaires à mettre au service du royaume de Dieu. Il a été une oreille attentive à l’enseignement du Christ. Malheureusement prisonnier de sa grille de lecture idéologique du conflit juifs vs romains, il a dilapidé ce trésor en cherchant à l’instrumentaliser.
Jésus quant à lui savait quand parler et quand se taire, quand secouer la poussière de ses sandales ou quand demeurer à enseigner longuement. Il se réjouit de trouver en Marie de Béthanie une oreille attentive qui boit ses paroles. Il est bouleversé par les foules qui l’écoutent au désert le ventre vide ou pendant des heures autour du lac de Tibériade.
Discerner si l’autre face à moi aura l’oreille attentive à ce que je peux lui confier fait partie de la sagesse.

choisir une oreille attentive.

Marthe-Marie oreilleC’est le 3e choix possible quand on prend conscience de la sagesse qui est en nous : discerner avec soin à qui livrer notre enseignement, et quand.
Sans imposer de certitudes, mais au contraire en apprenant à poser les bonnes questions, les questions essentielles, les questions puissantes.
Sans pathos excessif, sinon l’amitié spirituelle grandissante entre maître et disciple.
Sans autre motif que le partage, car ce sont les gourous qui sont intéressés à multiplier les adeptes, pour leur argent et tous les abus imaginables sur ceux qu’on domine. Le sage ne domine personne : par ses questions, ses récits, ses paraboles, ses métaphores, il éveille la liberté de l’écoutant, il l’invite à chercher en lui-même.

Rien de plus pénible que la suffisance de ceux qui veulent faire la leçon à tout le monde à la moindre occasion ! Comme dans la partition musicale d’une œuvre symphonique, les silences du sage rendent possible sa parole. Les mélomanes savent bien que pour apprécier pleinement un chef-d’œuvre musical, l’écouter attentivement allongé dans le noir est la meilleure manière de mobiliser toute leur énergie au service d’un seul sens, l’ouïe, les autres étant au repos.

« Une oreille attentive, voilà le désir du sage ».
Pourquoi le texte biblique dit-il une oreille, et pas deux ? Peut-être parce que dormir sur ses deux oreilles c’est ne plus rien entendre. Ou parce que deux oreilles présentent le risque que la parole entre par une oreille et ressorte par l’autre… Alors que tendre l’oreille est le signe d’une quête, d’un désir, comme celui du peuple écoutant attentivement Esdras proclamer la Loi retrouvée au Temple : « sur la place située devant la porte des Eaux, Esdras lut dans le livre, depuis l’aube jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes et de ceux qui avaient l’âge de raison : tout le peuple tendait l’oreille au livre de la Loi » (Ne 8,3).

Quelles sont les oreilles attentives que vous pourriez choisir afin d’être écouté ?
Un parent livre facilement son expérience à un enfant qui partage avec lui une même passion (sport, loisirs, discipline). Un professeur ressent tout de suite la connivence qu’il établit envers tel élève plutôt que tel autre. Un grand professionnel repère assez rapidement parmi ses jeunes collègues celui ou celle qui reprendra le flambeau. Un grand malade saura choisir à qui confier ce que sa maladie lui a enseigné.

Allez-vous garder pour vous ce que la vie vous a appris ?
Quelle graine de sagesse devez-vous semer autour de vous ?
Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur » (Si 3, 17-18.20.28-29)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage
Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

Psaume
(Ps 67 (68), 4-5ac, 6-7ab, 10-11)
R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
 (cf. Lc 1, 52)

Les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.

Père des orphelins, défenseur des veuves,
tel est Dieu dans sa sainte demeure.
À l’isolé, Dieu accorde une maison ;
aux captifs, il rend la liberté.

Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse,
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais.
Sur les lieux où campait ton troupeau,
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.

Deuxième lecture
« Vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant » (He 12, 18-19.22-24a)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes ni de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre. Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle.

Évangile
« Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 1.7-14)
Alléluia. Alléluia. 
Prenez sur vous mon joug, dit le Seigneur ; devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. Alléluia. (cf. Mt 11, 29ab)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : ‘Cède-lui ta place’ ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Patrick BRAUD

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15 août 2022

Les premiers et les derniers

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Les premiers et les derniers

Homélie pour le 21° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
21/08/2022

Cf. également :

Maigrir pour la porte étroite
Qui aime bien châtie bien ?
Dieu aime les païens
Chameau et trou d’aiguille
Les sans-dents, pierre angulaire
À quoi servent les riches ?
Où est la bénédiction ? Où est le scandale ? dans la richesse, ou la pauvreté ?
Premiers de cordée façon Jésus

Un Évangile anti réussite ?

Récemment, avec un ami chirurgien, on discutait de la thèse du politologue Jérôme Fourquet sur ce qu’il appelle « la sécession des riches », cette tendance sociologiquement observable de se regrouper entre gens aisés (quartier, immeuble, clubs, loisirs, écoles etc.) en se coupant ainsi des neufs dixièmes de la population restante. Soudain, mon ami a explosé de colère : «  J’en ai marre que sous prétexte d’avoir de l’argent on me traite comme un pestiféré et qu’on me classe d’office parmi les suppôts de Satan. La bonne conscience catho qui désigne les élites à la vindicte populaire, ça suffit !  » De fait, après 11 années d’études, des journées de 10 heures à opérer, consulter, accompagner, former, il avait sauvé des centaines de vies tout au long de sa carrière. Son dur et délicat travail et son savoir-faire lui avaient valu un train de vie très confortable, statistiquement dans les 5% des revenus les plus élevés… Était-il pour autant condamné par la sentence de Jésus devenu proverbiale : « les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers » ? Si oui, il faudrait reconnaître une certaine injustice à ce renversement révolutionnaire systématique. Pourquoi des gens de bien, même riches et importants, ne pourraient-ils pas faire partie de l’autre élite, celle des proches du Christ dans l’autre vie ?

 

Les 4 paroles sur les premiers et les derniers

À bien y regarder, il n’y a pas 1 mais 4 façons dans les Évangiles de parler de ce renversement de perspective entre les premiers et les derniers. Le passage lu ce dimanche (Lc 13,22-30) nous livre la version de Luc, très nuancée : « il y a des premiers qui seront derniers, et des derniers qui seront premiers ». Marc nous en livre une autre, et Matthieu encore deux autres, avec des différences notables. On peut classer ces 4 citations dans l’ordre, de la plus radicale (Matthieu) à la plus bienveillante (Luc), selon le tableau suivant :

CONTEXTE Radicalité INTERPRÉTATION


« 
C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers » (Mt 20,16)

 


Perspective eschatologique : « quand le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire… »

 

 

++++

 


À la fin des temps, le renversement des hiérarchies habituelles humaines sera total. Les païens passeront avant les Juifs, les pauvres avant les riches, les humbles avant les puissants. Dieu ne juge pas comme les hommes.

 


« Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront les premiers » (Mc 10,31)


Pierre dit à Jésus :
« nous avons tout laissé pour te suivre ». 

 

+++

 


Pierre a tout quitté pour suivre Jésus ; il recevra au centuple. Jésus annonce alors l’élévation des derniers au premier rang, mais nuance le mouvement inverse : seulement  ‘beaucoup’ de premiers seront rétrogradés, ce qui laisse la possibilité à quelques-uns de rester parmi le Top 10.

 


« Beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers » (Mt 19,30)

 


Parabole des ouvriers de la 11° heure

 

++

 


La parabole vise l’arrivée des païens dans la vigne du Seigneur, c’est-à-dire l’expansion de l’Église naissante. Ils seront admis au même titre que les Juifs,  premiers ouvriers de cette vigne (le même salaire leur est versé par le maître de la vigne). La modération concerne les deux mouvements du renversement : ‘beaucoup’ (pas tous) seront élevés ou abaissés, ce qui laisse la possibilité à quelques-uns de rester parmi le Top 10,  mais également laisse planer une incertitude sur le sort des derniers, avertissement sans doute lancé aux baptisés qui croiraient que leur sort est assuré par le seul baptême. Rien n’est automatique, ni le salut, ni la chute.

 


« Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers » (Lc 13,30)

 


Appel des Douze

 

+

 


Comme pour les disciples qui ont tout quitté pour suivre Jésus, la promesse est faite aux nouveaux baptisés de rejoindre la multitude des saints. Mais là encore, rien n’est automatique, ni dans un sens ni dans un autre, pas même le ‘beaucoup’ : il se peut que seuls quelques-uns soient élevés ou abaissés. Ce qui souligne l’enjeu de la responsabilité de chacun. La miséricorde chère à Luc s’applique au traitement des premiers de cordée, alors que son exigence de conversion s’applique aux derniers.

 

Le fonds commun à ces passages est le chassé-croisé qui se produit dès ici-bas – et encore plus dans l’au-delà – entre ceux qui étalent leur réussite apparente et ceux qui galèrent en bas de l’échelle sociale. Dans son Magnificat, Marie le chantait pour elle-même, comme tant de femmes de l’Ancien Testament avant elle : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » (Lc 1,52). Jésus en a fait un fil rouge de ses paraboles : ne pas choisir les premières places lorsqu’on est invité ; fêter le fils prodigue plus que l’aîné fidèle ; donner le même salaire aux ouvriers de la 11° heure qu’à ceux de la première ; bâtir en s’appuyant sur les exclus, pierres angulaires de la construction divine ; reconnaître l’hérétique samaritain comme le véritable observateur de la Loi et non le prêtre ou le lévite etc.

Ses actions publiques opèrent ce même renversement spectaculaire : la prostituée montre plus d’amour que le pharisien ; le lépreux étranger guéri montre plus de reconnaissance que les neuf autres qui sont juifs ; la foi d’un centurion romain – cet occupant impur – est la plus grande en Israël ; la femme adultère est rétablie dans son honneur ; Zachée le riche collabo redevient un enfant bien-aimé d’Abraham ; le bon larron devient le premier à entrer au paradis avec le Christ etc.
Et finalement c’est Jésus lui-même, rabaissé au dernier rang parmi les derniers par l’infamie de la croix, qui va surgir Premier-né d’entre les morts.
« La pierre rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux (Ps 117,22-23) ».

Notons que la radicalité ne va jamais jusqu’à exclure automatiquement les premiers du Royaume de Dieu : ils seront derniers, derrière les petits et les humbles, mais pas jetés dehors ici dans ces paroles sur les renversements des hiérarchies.

Notons également que tous les verbes de ces 4 passages sont au futur : ce n’est pas en cette vie ici-bas que nous connaîtrons ce chamboule-tout des hiérarchies humaines !

Si ce fonds commun de renversement des hiérarchies humaines est très clair, les nuances de leur mise en forme dans les 4 sentences sont plus subtiles.
Matthieu écrit pour des chrétiens issus du judaïsme, donc toujours tentés de revenir à la lettre de la Loi, comme le montre le conflit au sujet de la circoncision et de la nourriture lors du concile de Jérusalem (Ac 15). Ils étaient aussi tentés de se considérer comme les aînés, comme le montre la plainte des baptisés d’origine grecque dénonçant l’inégalité de traitement entre leurs veuves et les autres d’origine hébreu (Ac 7). Matthieu est donc obligé de taper du poing sur la table en quelque sorte, en avertissant ses lecteurs que se considérer comme premier dans la foi à cause de sa judéité ou à cause de son antériorité dans le baptême, c’est se condamner à être dernier aux yeux du Seigneur (Mt 19,30).
Quelques versets plus loin, il adoucit cependant sa sentence pour encourager les quelques notables de sa communauté à ne pas désespérer, et pour avertir les autres que rien ne sera fait sans eux (Mt 21,16).

Entre ces deux positions, Marc, sans doute assez proche de la parole historique de Jésus comme toujours, assure aux petits une promotion évangélique pleine d’espoir, alors que la menace pèse lourdement sur l’élite. Certains cependant peuvent y échapper en mettant leur réussite, leur notabilité, leur richesse au service des derniers.

En bas de l’échelle de la radicalité, c’est-à-dire en haut de l’échelle de la bienveillance, la version lucanienne de ce dimanche, rédigée à l’intention de lecteurs non juifs et n’habitant pas en Israël, laisse à la responsabilité de chacun le choix de monter avec l’ascenseur christique ou de descendre, lesté par le poids de son orgueil.

On a donc au total 4 cas de figures : des premiers qui deviennent derniers ou qui restent  premiers, des derniers qui deviennent premiers au qui restent derniers. On peut les disposer selon le carré magique suivant :

 Carré magique Premiers Derniers


Quelques premiers et derniers historiques

Parcourons les 4 cases de ce carré magique en les illustrant par quelques figures connues. L’histoire en effet fourmille de ces personnages qui illustrent le chassé-croisé spectaculaire entre premiers et derniers.

Les notables précipités en bas de leur piédestal par la proclamation de l’Évangile sont légion : Hérode, Néron, les pharisiens et autres savants ou chefs en Israël, les anciens cultes païens, les tyrans de toutes les époques etc.

Il se peut que les puissants semblent triompher encore longtemps, et les petits subir sans fin. À nous cependant d’anticiper le jugement final en regardant tout dernier comme un premier potentiel et en le promouvant comme tel. À nous de ne pas nous laisser impressionner par le pouvoir des gens importants promis à retrouver une juste place en Dieu…

Heureusement, comme dirait Luc, il y a des premiers qui sont restés premiers grâce à leur humilité et leur sens du service : les mages ; Gamaliel ; le centurion romain à la foi si grande ; Lydie la riche notable soutenant l’action de Paul ; Paul lui-même, énarque mettant sa culture et ses relations au service de la mission etc.
Plus tard, des rois et des reines seront canonisés, témoignant qu’il est possible à l’élite de passer par la porte étroite : Charles d’Autriche, Louis IX de France, Sigismond de Burgondie, Dagobert II d’Austrasie, Adélaïde (impératrice du Saint Empire Romain Germanique), Vladimir Ier de Russie, Étienne Ier et Ladislas Ier de Hongrie, Henri II de Germanie, Édouard le martyre et Édouard le confesseur en Angleterre, Canut IV de Danemark, Olav II de Norvège, Éric IX de Suède, Ferdinand III de Castille, Marguerite d’Écosse, Edwige de Pologne, Isabelle du Portugal etc. Cette liste un peu hétéroclite montre en tout cas que la politique peut-être un chemin de sainteté malgré la complexité des personnages !
« Jésus-Christ parlait de la sorte afin que les uns ne se découragent point par le désespoir d’avoir part à ce royaume; et que les autres ne se relâchent point, pour être trop assurés de le posséder »  (Chrysostome sur Mt 26).
Jésus ne disait-il pas : « À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance » (Mt 13,12) ?

Du côté des derniers, les humbles élevés au plus haut encouragent ceux qui souffrent du rejet par les hommes. Ainsi Bernadette Soubirous n’était-elle qu’une petite bergère pauvre parlant le patois d’un petit bourg perdu des Pyrénées ; mais elle devint une sainte extraordinaire, et à cause d’elle des foules immenses de plusieurs millions de pèlerins se déplacent à Lourdes bien plus que pour des présidents, des reines ou des Jeux Olympiques !
Ainsi Benoît Joseph Labre n’était-il qu’un SDF un peu illuminé dont on se moquait (« l’illustre  crasseux »), mais il est devenu le saint promettant à ses compagnons de misère de tous les temps une demeure en Dieu.

La 4e case du carré magique est plus douloureuse : il y a des derniers… qui resteront derniers lors du Jugement, et dès maintenant. Car pauvreté ne vaut pas canonisation : les Thénardier des Misérables de Victor Hugo incarnent ce paradoxe de la misère qui exploite la misère, de la déchéance qui crée de la déchéance, du vice se surajoutant à la basse condition. Les exploités ne sont pas automatiquement des saints, loin s’en faut. La misère est un piège qui peut faire tomber dans la cupidité, l’intolérance, la violence, l’injustice. Canoniser trop vite les couches populaires sous prétexte que ces derniers de cordée seraient les seuls à détenir la vérité reviendrait à annuler la parole rapportée par Luc entre les lignes : il y aura des derniers qui resteront derniers. Comme disait Jésus : « À celui qui n’a rien, on enlèvera même ce qu’il a » (Mt 13,12). Le communisme façon XX° siècle en Russie (ou façon France Insoumise actuellement !) est tombé dans ce piège du messianisme social, faisant d’une catégorie le salut de l’humanité, en déniant en pratique toute responsabilité personnelle.


Conclusion : traiter les gueux comme des rois et les rois comme des gueux

Terminons par une anecdote telle que l’avait retenue mon ami chirurgien du début : la célèbre fistule anale de Louis XIV le faisait souffrir atrocement, et dégradait aussi bien son organisme que son image royale. Devant l’impuissance des médecins officiels, il se résolut à faire appel à un chirurgien inconnu, Charles-François Félix de Tassy, pour tenter une opération inédite. Ledit chirurgien sentait bien qu’il jouait là sa carrière et sa vie. Il s’entraîna sur de nombreux malheureux indigents à l’hôpital de Versailles, afin de mettre au point un bistouri spécial adapté à la délicate intervention royale. Au moment fatidique, le Roi-Soleil, les fesses en l’air, l’anus écarté, aurait dit à son chirurgien : « Monsieur, n’oubliez pas que vous avez affaire à votre roi. Ne me traitez pas comme vos gueux ». Félix de Tassy aurait répondu : « Sire, je traite tous mes gueux comme des rois » [1].
Magnifique réplique ! Outre le fait qu’elle peut inspirer une éthique médicale réellement évangélique, elle nous habitue à ce renversement de perspective auquel Luc nous appelle aujourd’hui : regardez les gueux comme des rois et les rois comme des gueux, car « il y a des premiers qui seront derniers et des derniers qui sont premiers ».

 


[1]. En réalité, le roi aurait dit : « Est-ce fait, messieurs ? Achevez et ne me traitez pas en roi ; je veux guérir comme si j’étais un paysan ». Pour l’anecdote, signalons que l’air du « God save the King » du Te Deum composé par Lully pour célébrer cette guérison de la fistule royale a ensuite traversé la Manche pour devenir le « God save the Queen » ! Les supporters britishs qui chantent leur hymne national au stade ne se doutent pas qu’ils glorifient la guérison très frenchie d’une illustre fistule anale…

 

Lectures de la messe

Première lecture
« De toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères » (Is 66, 18-21)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur : connaissant leurs actions et leurs pensées, moi, je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire : je mettrai chez elles un signe ! Et, du milieu d’elles, j’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont rien entendu de ma renommée, qui n’ont pas vu ma gloire ; ma gloire, ces rescapés l’annonceront parmi les nations. Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur, sur des chevaux et des chariots, en litière, à dos de mulets et de dromadaires, jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem, – dit le Seigneur. On les portera comme l’offrande qu’apportent les fils d’Israël, dans des vases purs, à la maison du Seigneur. Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux, – dit le Seigneur.

Psaume
(Ps 116 (117), 1, 2)
R/ Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile. ou : Alléluia !
 (Mc 16, 15)

Louez le Seigneur, tous les peuples ;
fêtez-le, tous les pays !

Son amour envers nous s’est montré le plus fort ;
éternelle est la fidélité du Seigneur !

Deuxième lecture
« Quand Dieu aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons » (He 12, 5-7.11-13)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, vous avez oublié cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils : Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils. Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice. C’est pourquoi, redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent, et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux. Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d’entorse ; bien plus, il sera guéri.

Évangile
« On viendra de l’orient et de l’occident prendre place au festin dans le royaume de Dieu » (Lc 13, 22-30)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, dit le Seigneur ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Alléluia. (Jn 14, 6)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.’ Alors vous vous mettrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.’ Il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.’ Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »
Patrick BRAUD

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7 août 2022

Le grand dragon rouge feu de l’Assomption

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le grand dragon rouge feu de l’Assomption

Homélie pour la fête de l’Assomption / Année C
15/08/2022

Cf. également :

Assomption : entraîne-moi !
Marie et le drapeau européen
Le Magnificat de l’Assomption : exalter / exulter
Quelle place a Marie dans votre vie ?
Assomption : Ne vous faites pas voler votre espérance
L’Assomption : Marie, bien en chair
Assomption : les sentinelles de l’invisible
L’Assomption de Marie, étoile de la mer
L’Assomption de Marie : une femme entre en Résistance
Marie, parfaite image de l’Église à venir
Marie en son Assomption : une femme qui assume !

Néron 666

Le grand dragon rouge feu de l’Assomption dans Communauté spirituelle 51VvT4YxOGL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_Rome est en feu. Rome brûle. En ce mois de juillet caniculaire de 64 ap. J.C., l’empereur Néron est sur la côte dans sa villa au bord de la mer. Un incendie accidentel se déclare du côté du marché et embrase bientôt les deux tiers de la ville. Il y a des milliers de morts. Plus de 12 000 immeubles consumés. 200 000 habitants se retrouvent sans-abris (à cette époque, Rome compte près de 800 000 habitants).

Néron revient en hâte et met tout en œuvre pour voler au secours des sinistrés, mais le peuple gronde. Il veut des coupables. Alors Néron leur désigne les chrétiens, boucs émissaires tout désignés pour canaliser la colère du peuple. Ne raconte-t-on pas des rumeurs atroces sur les mœurs de cette secte nouvelle ? On dit qu’ils mangent de la chair et boivent du sang lors de leurs rassemblements. Ils refusent d’adorer l’empereur et contestent sa divinité. Ces athées sont subversifs et dangereux. D’ailleurs ce n’est qu’un ramassis d’esclaves et de gens de basse condition : dockers, prostituées, esclaves, le lumpenprolétariat romain, le Quart-Monde de l’époque en quelque sorte. Ce sont des nuisibles qu’il est donc sain et légitime d’éradiquer de la Cité. Alors, tel Hitler désignant les juifs après l’incendie du Reichstag en 1933, Néron désigne les chrétiens à la vindicte populaire comme coupables de l’incendie de la Ville éternelle. Ils sont arrêtés, crucifiés, livrés aux fauves dans les arènes romaines, ou transformés en torches vivantes le soir pour des exécutions publiques qui consolent les Romains après l’incendie : ceux qui ont répandu le feu doivent périr par le feu, c’est bien ainsi.

On comprend que Néron soit devenu pour les communautés chrétiennes de cette époque le symbole de l’opposition au Christ, l’Antéchrist de l’Apocalypse. Dans la tradition juive chaque lettre avait une valeur numérique en hébreu ; or l’addition des lettres de César-Néron en hébreu forme un total de 666, et Jean s’est empressé de coder son allusion au tyran avec ce nombre devenu maudit (Ap 13,18), d’autant plus symbolique qu’il comporte 3 fois – summum de plénitude négative – le chiffre 6, symbolique de l’inachevé puisque coincé entre le 5 de la Torah et le 7 de la Création.
666, c’est le comble de l’inachevé, de l’informe.

 

L’Apocalypse façon Jean Moulin

 666 dans Communauté spirituelleLe livre de l’Apocalypse, première lecture de notre fête de l’Assomption (Ap 11,19a ; 12,1-6a.10ab), est un livre de la Résistance face aux persécuteurs : Jean l’a écrit en pleines persécutions romaines et juives, afin de soutenir la foi et le courage de ceux qui savaient marcher vers leur supplice en demandant le baptême. En ces temps-là, devenir chrétien était risqué, très risqué ; les discriminations étaient nombreuses contre eux dans la fonction publique, les menaces également : perdre son métier, être muté ailleurs, ne jamais être promu, perdre son logement, et dans son quartier être à la merci d’une dénonciation anonyme etc. Il fallait être discret. Le Dominicum - ce rassemblement eucharistique du dimanche caractéristique de l’Église naissante – devait être clandestin. Les messages entre baptisés circulaient sous le manteau, codés et cryptés pour ne pas tomber entre les mains de la police ou de l’armée. À la façon de Jean Moulin coordonnant et unissant les réseaux la Résistance en France, Jean veut par l’Apocalypse encourager les chrétiens de la clandestinité, fortifier leur espérance, les assurer de la victoire finale au bout des persécutions. Voilà pourquoi l’Apocalypse est truffée de symboles réservés aux initiés, d’images codées, d’allusions compréhensibles par les seuls convertis au Christ. Contrairement aux délires des Témoins de Jéhovah ou autre groupes plus ou moins illuminés, l’Apocalypse de Jean n’a jamais voulu prédire l’avenir, annoncer des catastrophes de fin des temps ni se mêler de la politique du XX° siècle ! C’est un livre pour résister en temps d’oppression, un livre pour continuer à espérer alors que l’Église semble mise à mort.

 

Le dragon rouge feu

alors-que-la-femme-c%C3%A9leste-l-organisation-spirituelle-de-dieu-est-sur-le-point-de-donner-naissance-aux-futurs-dirigeants-de-la-terre-appara%C3%AEt-un-dragon-couleur-rouge-feu-avec-7-t%C3%AAtes-et-10-cornes-comme-les-b%C3%AAtes-d-apocalypse-13-et-17 ApocalypseC’est dans ce contexte que notre lecture met en scène deux signes grandioses dans le ciel : une femme et un dragon. On a déjà longuement commenté la figure de la femme couronnée d’étoiles, qui peut être Marie, Israël, l’Église ou l’humanité tout entière.

Intéressons-nous aujourd’hui à la bête extraordinaire des versets 3 à 18.
Ici, c’est un dragon. L’Ancien Testament utilisait déjà ce bestiaire fantastique, par exemple : « Dieu, mon roi dès l’origine, vainqueur des combats sur la face de la terre, c’est toi qui fendis la mer par ta puissance, qui fracassas les têtes des dragons sur les eaux ; toi qui écrasas la tête de Léviathan pour nourrir les monstres marins » (Ps 74, 12-15). Ce Léviathan est décrit dans des poésies cananéennes comme un monstre marin à 7 têtes, qui n’est pas sans rappeler la multicéphale Hydre de Lerne vaincue par Héraclès, créature mythologique ressemblant, encore, au serpent.

D’autres passages évoquent le combat contre le mal incarné par ces bêtes effrayantes :
« Ce jour-là, le Seigneur châtiera de son épée dure et grande et forte, Léviathan, le serpent fuyard, Léviathan, le serpent tortueux ; il tuera le dragon de la mer » (Is 27,1).
« Éveille-toi, éveille-toi, revêts-toi de force, bras du Seigneur ! Éveille-toi comme aux jours anciens, au temps des générations d’autrefois. N’est-ce pas toi qui taillas en pièces Rahab, qui transperças le Monstre marin ? » (Is 51,9)
« Jérusalem dit : Il m’a dévorée, avalée, Nabuchodonosor, le roi de Babylone ; il m’a laissée telle un plat vide. Comme un dragon, il m’a engloutie, il a rempli son ventre de mes délices ; il m’a rejetée » (Jr 51,34).
« Parle. Tu diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Me voici contre toi, Pharaon, roi d’Égypte, grand dragon tapi parmi les bras du Nil ; tu as dit : il est à moi, le Nil, c’est moi qui l’ai fait. » (Ez 29,3)

Tel Philippe Druillet et son univers BD onirique et fantastique, Jean prolonge cette tradition et imagine un bestiaire qui inspirera longtemps encore des artistes de toutes disciplines, dont les tapisseries de Lurçat à Angers sont un joyau.
Ce dragon est rouge feu. Le feu évoque immédiatement l’incendie de Rome dont Néron s’est servi pour accuser les chrétiens et les pourchasser dans tout l’empire. Sans le vouloir, l’Apocalypse offre un effet de miroir – tragique – à l’Évangile de dimanche dernier (Lc 12,49-53) : « je suis venu allumer un feu sur la terre… ». L’incendie désiré par le Christ est celui de l’amour de Dieu venant embraser le cœur de chacun. Le pouvoir politique idolâtre répond à ce brasier intérieur en transformant le croyant en torche vivante, supplicié dans la liesse générale…

118 Assomption« Avant tout, il y a le dragon rouge, très puissant, avec une manifestation impressionnante et inquiétante du pouvoir sans grâce, sans amour, de l’égoïsme absolu, de la terreur, de la violence. Au moment où saint Jean écrivit l’Apocalypse, pour lui ce dragon était la représentation du pouvoir des empereurs romains anti-chrétiens, de Néron à Domitien. Ce pouvoir apparaissait illimité ; le pouvoir militaire, politique, propagandiste de l’empire romain était tel que devant lui, la foi, l’Église, apparaissait comme une femme sans défense, sans possibilité de survivre, encore moins de vaincre. Qui pouvait s’opposer à ce pouvoir omniprésent, qui semblait capable de tout? Et toutefois, nous savons qu’à la fin, la femme sans défense a vaincu ; ce n’est pas l’égoïsme, ce n’est pas la haine ; mais c’est l’amour de Dieu qui l’a emporté et l’empire romain s’est ouvert à la foi chrétienne » (Homélie du Pape Benoît XVI, 15 Août 2007).

Le rouge du dragon est la couleur du sang, le sang des martyrs qui selon Tertullien est semence de chrétiens lorsqu’il coule à flots sans renier l’amour des ennemis et le pardon des offenses. Mais ce dragon élargit l’image d’un pouvoir sanguinaire à la plupart des empires qui ont dominé le monde connu jusqu’alors. Car il a 7 têtes, et 7 est le chiffre désignant toute la Création (les 7 jours de la semaine, que les Babyloniens avaient adopté pour leur mois lunaire = 4×7 jours). Il n’y a pas que Rome à vouloir se faire adorer comme divinité devant laquelle se prosterner et à qui tout sacrifier. Il y a également l’Égypte, l’Assyrie, Babylone, les Mèdes, la Perse, la Grèce, Rome, 7 empires au moins qui ont ensanglanté la terre, conquis des territoires en incendiant leurs villes. L’ours russe en Ukraine pourrait succéder au dragon rouge feu : rien de nouveau sous le soleil hélas…

Chacune des 7 têtes du dragon était ceinte d’un diadème, ce qui confirme l’interprétation politique de cette bête. Curieusement, elle a 10 couronnes et non 7, ce qui est peu pratique pour les porter sur 7 têtes ! C’est donc là encore une signification cachée : ces 10 diadèmes constituent comme un anti Décalogue, comme un anti miniane, ce groupe de 10 fidèles juifs minimum pour pouvoir célébrer le culte. La Loi à l’envers en quelque sorte.
Jean avertit ainsi les nouveaux convertis que, plus ils brûlent du désir du Christ en eux, plus ils seront haïs, rejetés par les pouvoirs en place : ‘Si vous voulez suivre le Christ, soyez forts, préparez-vous au déchaînement du mal et de la violence sur vous et sur vos proches’.
Sacrée douche froide pour ceux qui n’auraient pas perçu l’enjeu existentiel du baptême ! Soyons réalistes : ils étaient nombreux du coup ceux qui reniaient leur foi devant de tels dangers pesant sur eux et leurs familles. On les appelle les lapsi, ceux qui ont chuté (lapsus) en latin, et il y aura un grand débat dans l’Église ensuite pour savoir s’il faut ou non réintégrer les lapsi qui demandait à revenir après avoir renié.

Les cornes portées par le dragon étaient le symbole de la puissance, celle du taureau encornant tout sur son passage, celle de l’orage grondant dans l’obscurité comme le meuglement du taureau en colère. Il y avait 4 cornes aux 4 coins de l’autel des sacrifices du Temple de Jérusalem, et c’est avec une corne remplie d’huile que Samuel fit l’onction messianique sur la tête de David. Les cornes du dragon font allusion à tous les envahisseurs qui ont causé la ruine d’Israël au cours des exodes et déportations successives, selon Za 2,2 par exemple : « Je dis à l’ange qui me parlait : ‘Ces cornes, que sont-elles ?’ Il me répondit : ‘Ce sont les cornes qui ont dispersé Juda, Israël et Jérusalem’ ».
Avec ses 10 cornes, le dragon de l’Apocalypse semble étendre sa domination sur toute la terre.

Ainsi couronné de 7 têtes, 7 diadèmes, 10 cornes, le grand dragon rouge feu avait de quoi effrayer quiconque voulait naître de la femme-Église, car il est posté devant elle, prêt à dévorer dès leur naissance les baptisés qui sortent du ventre de la mère-Église. Avertissement à ceux qui voudraient devenir chrétiens : dès leur conversion au Christ, le pouvoir les guettera pour détruire leur réputation, les enfermer, les supplicier, en leur enjoignant de renier leur foi pour se prosterner devant César.

 

Les dragons d’aujourd’hui

M02266086111-large dragonLes pouvoirs politiques ou religieux n’ont pas manqué au cours des siècles de poursuivre cette guerre faite aux croyants lorsqu’ils osent contester la prétention totalitaire des régimes en place. De Néron à Poutine en passant par Mao, Pol Pot ou Pinochet, les totalitarismes de tous poils se transforment en dragon rouge feu contre ceux qui, par la seule affirmation de leur foi, les empêchent d’être tout-puissants. Les talibans afghans, les partis communistes encore au pouvoir, les ultranationalistes hindous, les djihadistes de Boko Haram, du Yémen ou du Pakistan, et même l’orthodoxie alliée à Poutine ou le christianisme façon Bolsonaro : la liste des dragons contemporains est trop longue…

« Puissent les chrétiens de cette nation être une force généreuse de renouveau spirituel en chaque milieu de la société. Qu’ils combattent l’attrait du matérialisme qui étouffe les authentiques valeurs spirituelles et culturelles, ainsi que l’esprit de compétition débridée qui génère égoïsme et conflits. Qu’ils rejettent également les modèles économiques inhumains qui créent de nouvelles formes de pauvreté et marginalisent les travailleurs, ainsi que la culture de la mort qui dévalue l’image de Dieu, le Dieu de la vie, et viole la dignité de chaque homme, femme et enfant » (Homélie du Pape François en Corée du Sud pour la fête de l’Assomption, 15 Août 2014).

Le combat contre ces dragons modernes fait partie de notre mission de baptisés :

« La prière avec Marie, en particulier le Rosaire, a aussi cette dimension ‘agonistique’, c’est-à-dire de lutte, une prière qui soutient dans la bataille contre le malin et ses complices » (Homélie du Pape François, 15 Août 2013).

Le livre de l’Apocalypse est là pour que nous ne soyons pas effrayés par ces tyrans rouge feu.
Gardons en tête cet hymne de l’Apocalypse que la Liturgie des Heures nous fait chanter au temps pascal (Ap 12,10–13) :

Maintenant voici le salut +
et le règne et la puissance de notre Dieu, *
voici le pouvoir de son Christ !

L’accusateur de nos frères est rejeté, *
lui qui les accusait, jour et nuit,
 devant notre Dieu.

Ils l’ont vaincu par le sang de l’Agneau, +
par la parole dont ils furent les témoins : *
renonçant à l’amour d’eux-mêmes, jusqu’à mourir.

Soyez donc dans la joie, *
cieux, et vous, habitants des cieux !

 

MESSE DU JOUR

PREMIÈRE LECTURE
« Une Femme, ayant le soleil pour manteau et la lune sous les pieds » (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire.
Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »

PSAUME
(Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16)
R/ Debout, à la droite du Seigneur,se tient la reine, toute parée d’or.(cf. Ps 44, 10b)

Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté.

Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
Alors, les plus riches du peuple,
chargés de présents, quêteront ton sourire.

Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffes d’or ;
on la conduit, toute parée, vers le roi.

Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ;
on les conduit parmi les chants de fête :
elles entrent au palais du roi.

DEUXIÈME LECTURE
« En premier, le Christ ; ensuite, ceux qui lui appartiennent » (1 Co 15, 20-27a)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, caril a tout mis sous ses pieds.

ÉVANGILE
« Le Puissant fit pour moi des merveilles : il élève les humbles » (Lc 1, 39-56)
Alléluia. Alléluia.Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Patrick BRAUD

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