L'homélie du dimanche (prochain)

27 mars 2022

Une spiritualité zéro déchet

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Une spiritualité zéro déchet

Homélie du 5° Dimanche de Carême / Année C
03/04/2022

Cf. également :
La première pierre
Lapider : oui, mais qui ?
L’adultère, la Loi et nous
L’oubli est le pivot du bonheur
Le Capharnaüm de la mémoire : droit à l’oubli, devoir d’oubli
Comme l’oued au désert
Jésus face à la violence mimétique
Les sans-dents, pierre angulaire

TZDZG

La production de déchets municipaux par région en 2016, 2030 et 2050. © Céline Deluzarche, d’après Banque Mondiale

San Francisco fut l’une des premières. La ville a voté en 2002 l’objectif d’atteindre le 100% recyclé ou composté. Mobilisation générale des élus, associations, quartiers et habitants : en 2012, le seuil de 80 % est dépassé. La ville vise 90% en 2030 et 100% à terme. En comparaison, les autres villes américaines ont environ 35% seulement de déchets recyclés ou compostés. C’est donc possible de vivre sans déchets !

En France, le Ministère de l’Environnement a lancé en 2014 un appel à projet « Territoires Zéro Déchet Zéro Gaspillage », affectueusement nommé TZDZG par nos technocrates gourmands d’acronymes étranges. Plus de 135 intercommunalités ont répondu à l’appel. Miramas et Roubaix par exemple font figure de villes prototypes pour avancer sur cette voie.

C’est donc possible de vivre sans déchets !

Il y a derrière cette démarche une belle possibilité de spiritualité écologique : devenir les bons gestionnaires de la Création que Dieu nous a confiée, ne pas dilapider l’héritage naturel ni mépriser le vivant. On se souviendra avec malice que Jésus lui-même a voulu ramasser ce qui restait de la multiplication des pains, remplissant ainsi 12 paniers symboliques de l’Église (Jn 6,13). « Faut pas gâcher ! » comme disaient nos grands-parents qui avaient connu les tickets de rationnement d’après-guerre. La tâche est lourde, car chaque habitant produit en moyenne 0,74 kg de déchets par jour (un chiffre qui cache de fortes disparités, de 0,11 kg au Lesotho à 4,50 kg aux Bermudes).

 

La voirie spirituelle selon Paul

Gérard et Cédric, les deux rippers de la tournée du centre-ville  qui a débuté à 5 heures du matin. Ils ont ramassé 4,5 tonnes de sacs jaunes.

La deuxième lecture de ce dimanche (Ph 3,8-14) peut nous donner l’opportunité d’inverser la proposition : si le zéro déchet peut s’appuyer sur une démarche spirituelle, pourquoi la spiritualité ne pourrait-elle pas s’inspirer du zéro déchet ? Paul nous met sur la voie en employant un vocabulaire lié à la gestion des ordures pour évoquer son attachement au Christ. Il fait la liste des avantages et privilèges que sa naissance lui a octroyés : il est juif, circoncis, de la tribu de Benjamin, hébreu fils d’hébreux, de la race d’Israël, pharisien irréprochable, élève du prestigieux Gamaliel (Ph 3,4-8). Il aurait pu ajouter comme il le fera devant le procureur : citoyen romain, donc dispensé du châtiment des esclaves (la Croix), ayant le droit d’être jugé à Rome selon le droit romain. Cette liste de privilèges est facile à actualiser et chacun de nous peut énumérer les avantages qui ont été conférés par sa famille, le hasard, la nature (intelligence, force, habilité…) ou la société de son pays (éducation, santé, vieillesse…).

Eh bien, tout cela pour Paul c’est du déchet ! Des surplus qui filent tout droit à la poubelle ! Voire des obstacles à éliminer pour progresser dans la connaissance du Christ !

Paul parle de pertes (ζημία = zēmia en grec) par 3 fois, c’est-à-dire non seulement de déchets inutiles mais aussi d’obstacles qui font régresser. « Tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte. Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ » (Ph 3,7-8).

C’est donc que les avantages dont les hommes sont friands d’habitude deviennent en réalité des pièges pour celui qui désire accueillir la grâce du Christ. Observez autour de vous : le ruban rouge porté au revers des vestes signale la ‘distinction’ de quelques-uns parmi les meilleurs ; les médailles militaires assoient l’autorité des gradés ; les innombrables avantages en nature des politiques les mettent à l’écart du peuple ; les Bac + 8 font sentir aux autres combien ils manquent de culture ; les riches héritiers ne comprennent pas comment on peut vivre avec moins de 5 000 € par mois etc.

Paul : naufrage et échouage à MalteTout ce que l’orgueil social considère comme une distinction (au sens de Bourdieu) devient vite un piège spirituel, une perte (zēmia) pour qui se fie au Christ et non à lui-même. Un vrai naufrage spirituel guette ceux qui n’auraient pas le courage de traiter ces avantages comme des déchets à recycler ! Naufrage est d’ailleurs le sens des 2 autres usages du mot zēmia dans le Nouveau Testament : un naufrage en mer, navire en perdition, équipage en détresse. Ainsi Paul lors de la tempête qui met son bateau en péril vers la Crète : « Mes amis, je vois que la navigation ne se fera pas sans dommages ni beaucoup de pertes, non seulement pour la cargaison et le bateau, mais encore pour nos vies » (Ac 27,10). Le centurion responsable de ce prisonnier hors du commun fait plus confiance au pilote du bateau qu’à Paul, et le naufrage dû à ce manque de foi-confiance devient inévitable (ce qui vaudra à Paul d’échouer sur une plage de Malte, posant ainsi les fondations de la future Église maltaise si vivante encore aujourd’hui !) : « Les gens n’avaient plus rien mangé depuis longtemps. Alors Paul, debout au milieu d’eux, a pris la parole : Mes amis, il fallait m’obéir et ne pas quitter la Crète pour gagner le large : on aurait évité ces dommages et ces pertes ! » (Ac 27,21)

Pertes, naufrage : Paul emploie un autre terme pour désigner ses privilèges de naissance : σκβαλον (skubalon) qu’on peut traduire par boue, ordures. « Je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ » (Ph 3,8). Comme c’est le seul usage de ce mot dans toute la Bible, il a ici une force singulière : courir après les hochets du pouvoir et de la gloire, c’est se rouler dans la boue comme un porc, c’est habiter au milieu d’une décharge d’ordures pire que celles des chiffonniers du Caire ou les latrines de Calcutta…
Quelle folie de dépenser son énergie et ses talents pour ce que les Anglais appellent garbage, bulshitt !

 

Les bousillés

Un bousillé

Une bonne politique écologique vise à recycler les déchets, mais surtout à en diminuer le volume le plus possible. Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. Ce principe pourrait s’appliquer également à la vie spirituelle. Ne pas se rouler dans la boue, c’est éradiquer de son cœur le désir d’être supérieur, la convoitise qui rend jaloux, le mimétisme qui abrutit et rend violent, l’orgueil de la trop grande confiance en soi seul. Refuser les honneurs, se concentrer sur l’unique nécessaire, attendre tout du Christ et s’y engager pleinement : le zéro déchet spirituel ressemble davantage à Gandhi en sandales et sari qu’à Bokassa harnaché de diamants !

L’idéal de la sainteté est de ne produire aucune de ces scories. Vous objecterez - à juste titre – qu’il est impossible de ne pas hériter d’avantages ou de privilèges physiques, sociaux, intellectuels, familiaux, nationaux etc. Alors, pour qu’il y ait bien zéro déchet au final, il nous faut transformer les inévitables déchets en sources d’énergie reconvertible pour brûler de l’amour du Christ.

Allez visiter la ‘salle des bousillés’ du Musée de verre de Sars-Poteries (en Thiérache). On y admire le savoir-faire des 800 ouvriers de l’importante usine de verrerie du village, de 1802 à 1937. Les déchets de verre tombaient des machines et des cuves. Les ouvriers pendant leur temps de pause s’amusaient - par passion de leur métier qui était un art - à transformer ces chutes de verre en objets décoratifs fins et travaillés. Rivalisant de créativité, de fantaisie et de virtuosité, les ouvriers faisaient de ces bousillés de véritables œuvres d’art. Un tour de main, et ce verre qui allait être jeté devenait une figurine, une lampe, un vase, un petit bijou de finesse ! Le curé du village - tiens, ce n’est pas anodin - découvrait chez ses paroissiens ces trésors de récupération. En 1967, 30 ans après la fermeture de l’usine, il a eu l’idée de les rassembler pour créer un musée associatif, aujourd’hui Mus’Verre en pleine expansion.

Voilà peut-être une allégorie du double rôle social et spirituel de l’Église : comme les verriers, transformer nos déchets en chef-d’œuvre, nos chutes en créations nouvelles ; comme le curé Louis Mériaux, valoriser ces transformations de déchets opérées par les gens pour redonner espoir et fierté.

Récupérer les chutes pour les transformer : le Livre de la Sagesse connaît cet usage des artisans, autrefois dédié aux idoles :

Une spiritualité zéro déchet dans Communauté spirituelle gland-jeux-toupies-bois-jouet« Malheureux, car ils espèrent en des choses mortes, ceux qui ont appelé ‘divinités’ des ouvrages de mains humaines, de l’or et de l’argent travaillés avec art, figurant des êtres vivants, ou une pierre quelconque, ouvrage d’une main d’autrefois ! Ainsi un bûcheron, qui a scié un arbre facile à transporter, il en a raclé toute l’écorce selon les règles, et, avec tout l’art qui convient, il a fabriqué un objet, pour les besoins de la vie courante. Les chutes de son ouvrage, il les a fait brûler pour préparer sa nourriture, puis il s’est rassasié. Quant à la chute qui ne pouvait servir à rien, ce bout de bois tordu et plein de nœuds, il s’est mis à le tailler pour occuper ses loisirs, et, en amateur, il l’a sculpté, il lui a donné une figure humaine ou la ressemblance d’un quelconque animal. Il l’a recouvert de vermillon, en passant la surface au rouge ; tous les défauts du bois, il les a recouverts. Il lui a fait une digne résidence et l’a installé dans le mur, bien fixé avec du fer. Il a pris grand soin qu’il ne tombe pas, le sachant incapable de se soutenir lui-même : ce n’est en effet qu’une image qui a besoin de soutien. Et pourtant, quand il prie pour acquérir des biens, pour se marier et avoir des enfants, il n’a pas honte de s’adresser à cet objet inanimé ; pour obtenir la santé, il invoque ce qui est faible » (Sg 13,10-17).

Au lieu de fabriquer des idoles en bois figées, les artisans chrétiens mettront tout leur savoir-faire à transformer les chutes en icônes…

La matière première des bousillés de nos parcours spirituels sont les inévitables chutes jalonnant notre vie chrétienne : qui peut prétendre un parcours sans rien à jeter ? La salle des bousillés du Mus’Verre nous dit qu’il est pensable de recycler nos déchets spirituels en merveilles de finesse et de transparence !

Prenez l’orgueil de Paul : il est bien servi de ce côté-là ! Eh bien, il réussit à le transformer en revendication de justice pour faire valoir ses droits à Rome et ainsi faire de la publicité (rendre publique) à sa foi chrétienne. Ou bien il se targue de sa naissance et de son éducation pharisienne pour clouer le bec aux nostalgiques de la Loi juive. Il devait être assez insupportable de caractère, au point que Barnabas se fâchera avec lui ! Ils seront obligés de se séparer : « L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Barnabé emmena Marc et s’embarqua pour Chypre » (Ac 15,39). Même ce trait de caractère servira finalement l’Évangile, puisque Barnabas deviendra un apôtre infatigable de son côté à Chypre, jusqu’au martyr.

Paul est conscient qu’une écharde est fichée dans sa chair (handicap ? maladie ?) : « ces révélations dont il s’agit sont tellement extraordinaires que, pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime » (2Co 12,7). Ce qui aurait pu conduire à sa perte devient finalement la source de son entière remise entre les mains de Dieu : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.’ C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure » (2Co 12,9).

Des bousillés, des échardes, qui n’en a pas ?
Plutôt que de nous lamenter, utilisons-les en les recyclant pour nous abandonner à Dieu.
Plutôt que de les nier, transformons-les en rappels de nos limites et freins à notre orgueil.
Plutôt que de nous y habituer, traitons-les comme nous traitons nos déchets : en triant nos poubelles spirituelles, en compostant nos ordures, en recyclant nos chutes…

 

L’inversion des ordures

20112472-entladen-lkw-in-einem-berg-von-m%C3%BCll bousillés dans Communauté spirituelle

Terminons par un phénomène étonnant. Selon Paul, plus nous évitons les déchets spirituels, plus nous sommes nous-mêmes considérés comme des déchets. Ainsi aux yeux du monde, nous devenons des balayures, des ordures, le rebut de l’humanité : « On nous calomnie, nous réconfortons. Jusqu’à présent, nous sommes pour ainsi dire l’ordure du monde, le rebut de l’humanité » (1Co 4,13).

Ordure et rebut : les mots sont forts ! Paul parle d’expérience : il est arrêté comme un criminel, méprisé comme un hérétique, traîné de geôle en geôle avec humiliation, puis décapité comme un citoyen déchu. Il incarne cette étrange inversion de perspective que tout chrétien rencontrera tôt ou tard : moins vous produirez de déchets spirituels, plus on vous regardera vous-même comme un déchet ! Car ne pas courir après la richesse peut paraître folie ; délaisser les honneurs c’est être très vite méprisé ; renoncer à ses privilèges est incompréhensible aux yeux du monde.

La source de bien des persécutions antichrétiennes aujourd’hui est en partie dans le rayonnement spirituel des baptisés qui gêne considérablement les pouvoirs en place. Les Romains caricaturaient les premiers chrétiens des catacombes en les décrivant adorer un crucifié à tête d’âne. Les régimes autoritaires de ce siècle les accusent de trahison à la patrie, à la religion nationale, et les menacent, les déportent, les éliminent comme on élimine les détritus.

Que la grâce du Christ nous soutienne pour progresser dans ce double dépouillement : ne plus produire de déchets spirituels ou du moins les recycler, affronter courageusement le mépris de ceux qui alors nous traiteront comme le rebut de l’humanité.

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Voici que je fais une chose nouvelle, je vais désaltérer mon peuple » (Is 43, 16-21)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur, lui qui fit un chemin dans la mer, un sentier dans les eaux puissantes, lui qui mit en campagne des chars et des chevaux, des troupes et de puissants guerriers ; les voilà tous couchés pour ne plus se relever, ils se sont éteints, consumés comme une mèche. Le Seigneur dit : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Les bêtes sauvages me rendront gloire – les chacals et les autruches – parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi. Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. »

Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
 (Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Deuxième lecture
« À cause du Christ, j’ai tout perdu, en devenant semblable à lui dans sa mort » (Ph 3, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
Frères, tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.

Évangile
« Celui d’entre-vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre » (Jn 8, 1-11)
Gloire à toi, Seigneur.
 Gloire à toi. Maintenant, dit le Seigneur, revenez à moi de tout votre cœur, car je suis tendre et miséricordieux. Gloire à toi, Seigneur. Gloire à toi. (cf. Jl 2, 12b.13c)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Patrick BRAUD

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20 mars 2022

Une parabole contre le séparatisme

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Une parabole contre le séparatisme

Homélie du 4° Dimanche de Carême / Année C
27/03/2022

Cf. également :
Souper avec les putains
Servir les prodigues
Réconciliation verticale pour réconciliation horizontale
Ressusciter, respirer, se nourrir…
Changer de regard sur ceux qui disent non
Fréquenter les infréquentables
La commensalité du Jeudi saint

Zone interdite
Le documentaire de M6 le 23 janvier 2022 sur l’islamisme radical a fait grand bruit. À cause notamment de deux reportages à Marseille et à Roubaix, dans des quartiers où le séparatisme musulman se fait conquérant et dominateur. Comme toujours, les réactions à ces reportages oscillent entre deux extrêmes :

- le déni.
Il s’exprime par des protestations indignées : le vrai problème est d’abord la pauvreté, la concentration de logements sociaux, le chômage, la discrimination sociale etc. Il n’y aurait pas de problème de séparatisme islamique, mais des questions sociales à l’abandon. Consciemment ou non, ces arguments relèvent d’une analyse marxiste, où le religieux n’est qu’une superstructure déterminée par des fondamentaux relevant de l’économie et du politique. Or bien des minorités subissent ces discriminations sans tomber dans le séparatisme. Nier qu’il existe des dérives d’ordre essentiellement religieux, c’est être aveugle, au nom d’une idéologie qui empêche de voir que l’islam rigoriste isole et replie ses fidèles sur leur communauté, qu’il cherche à étendre géographiquement et démographiquement.

- l’instrumentalisation.
Ce deuxième excès veut à l’inverse faire peur, en généralisant à outrance les dérives de quelques-uns, en diabolisant toute affirmation d’identité religieuse. Or instrumentaliser l’islam rigoriste c’est presque lui rendre service en lui donnant plus de force qu’il en a réellement, et en le posant comme alternative crédible au mode de vie occidental. C’est le biais de ce genre de documentaire : ne rechercher que ce qui va dans le sens du séparatisme, en oubliant de décrire tout le reste, tout le positif de ces quartiers de Marseille ou de Roubaix en matière de vie associative, culturelle et sociale où la fraternité entre origines différentes est vécue avec bonheur.

Reste que l’islam radical existe bel et bien, et tente d’imposer dès qu’il le peut ses mœurs et ses coutumes autour de lui. Ces musulmans ne font d’ailleurs que reproduire sans le savoir l’intégralisme juif, qui pousse les juifs ultras (les hassidim) à se regrouper dans le quartier de Mea Shéarim à Jérusalem par exemple pour y imposer leurs coutumes. Car la Torah juive et le Coran avec la charia ont en commun d’être d’abord une orthopraxie et non une orthodoxie : ce qui compte, c’est la pratique, la soumission à la loi religieuse et non ce que vous pensez ou croyez. Ne pas manger de porc, voiler les femmes et les filles, ne pas mélanger hommes et femmes, faire ses prières, laissez pousser la barbe ou porter des pantalons courts, manger uniquement casher ou halal, ne pas contracter d’impureté rituelle en fréquentant ceux qui sont dans le péché, jouer avec des poupées sans visage… : la liste est longue de ce qu’il faut faire ou ne pas faire pour être un bon juif ou un bon musulman. Alors qu’être chrétien est d’abord croire, pas faire. Le pape François a raison de rappeler qu’il faut remettre la morale à sa « juste place » : « L’annonce de l’amour salvifique de Dieu est première par rapport à l’obligation morale et religieuse. Aujourd’hui, il semble parfois que prévaut l’ordre inverse ».

« C’est péché » (haram) est le refrain des musulmans qui ne veulent pas boire d’alcool, manger de porc, toucher ou voir le corps des femmes, jouer avec des poupées à visage humain. Et logiquement, il leur faut donc ne pas se joindre à ceux – les pécheurs, les infidèles – qui s’adonnent à ce type de pratiques, sous peine de devenir impurs. Répétons-le : les interdits alimentaires, vestimentaires ou culturels islamiques ou juifs ne sont pas hygiéniques, mais religieux. Il s’agit d’obéir à la Loi (charia), d’être un bon musulman en étant soumis au Coran, à ses obligations et ses interdits qui concernent tous les domaines de la vie de chacun.

En abolissant la circoncision, les interdits alimentaires et autres obligations de la loi de Moïse, le christianisme est devenu la seule religion des trois monothéismes à abolir le séparatisme dans ses textes (pas toujours dans son histoire hélas !).

 

L’enjeu de la parabole de ce Dimanche

C’est bien l’enjeu de la parabole du fils prodigue de ce dimanche (Lc 15, 1-3.11-32). On en fait trop souvent une parabole de la miséricorde, alors que c’est d’abord une parabole de la fraternité religieuse. Pourquoi en effet Jésus invente-t-il cette histoire des 2 fils ? Parce que les pharisiens – l’équivalent des hassidim ou des salafistes d’aujourd’hui – lui reprochent de se mélanger avec tout le monde, même les pécheurs scandaleusement connus comme tels : « cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et va manger avec eux ! » Les pharisiens – dont le nom signifie séparés - sont ainsi dénommés parce qu’ils se coupent des autres et vivent entre eux au nom de la pureté rituelle. Luc alignera trois paraboles de suite (la brebis perdue, la pièce d’argent perdue, le fils perdu) pour justifier ce scandale de la fréquentation des pécheurs ! C’est donc que c’était un gros morceau, difficile à faire avaler aux gens religieux de l’époque…

Fréquenter les pécheurs est encore le reproche de Simon le pharisien à Jésus invité à manger chez lui. Une prostituée ose s’approcher de Jésus en plein repas, pire encore : lui laver les pieds avec ses larmes et les essuyer de ses cheveux. Le bon accueil fait par Jésus à cette putain notoire scandalise les pharisiens : « En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : ‘Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse’ » (Lc 7,39)… 

Dans notre parabole, le repas est révélateur de la fracture opérée par le fils aîné : il refuse de se mettre à table avec son frère pécheur, et se scandalise que le veau gras soit offert au rebelle, revenu par intérêt, et non au fils fidèle. Comme quoi la pureté religieuse tue la convivialité, et l’observance de la Loi nous prive des repas les plus fraternels…

Voilà bien le scandale : Jésus ose se mettre à table avec les mauvais juifs, avec les païens, les voleurs, les collabos et les prostituées ! Or, pour les juifs comme pour les musulmans, on ne peut se mettre à table qu’avec ceux qui observent la Loi, on ne doit pas être vu en mauvaise compagnie sinon on devient impur. Exactement le contraire de ce que fait Jésus ostensiblement ! Il suffit de feuilleter l’Évangile de Luc pour voir ce singulier prophète en compagnie de bergers, de mauvaise réputation, avec des mages – des païens idolâtres venus d’Orient - dès sa naissance. Question séparatisme, ça commence mal aux yeux des pharisiens… Ça finira encore plus mal avec l’accueil inconditionnel que le crucifié offrira à son compagnon d’infortune criminelle maudit par la Loi juive : « ce soir, tu seras avec moi en paradis ». Drôle de compagnon au ciel ! Le paradis de Jésus est peuplé de pécheurs repentis, là où le paradis du Coran est réservé aux croyants obéissants…

Entre naissance et crucifixion, le Messie d’Israël ne va pas cesser de faire bon accueil aux pécheurs. Dans l’ordre mentionné par Luc, on le voit fréquenter des possédés, des lépreux, des paralysés, des collabos comme Lévi ou Zachée, des centurions romains, on le voit toucher un cadavre (le fils de la veuve de Naïn) ou se laisser toucher par une prostituée (avec son flacon de parfum), une femme hémorroïsse, des samaritains, des pauvres invités au festin des noces, des aveugles, etc. Souper avec les putains (selon la formule du dominicain Jacques Pohier) semble être le passe-temps favori de cet homme de Dieu ! Pas étonnant que les pharisiens voient les chrétiens comme des transgresseurs de la Loi, et que les Romains voient l’Église naissante comme un ramassis d’esclaves et de moins que rien !

Mais voilà, Jésus n’en démord pas : « je suis venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus ». Et malheureux sont ceux qui se croient sauvés par eux-mêmes : ils se privent de la compagnie du Christ !

Faire bon accueil aux pécheurs, c’est ne pas juger l’autre sur son avis, sa nourriture ou sa prière. C’est se mélanger avec tous, sans ostracisme, sans prosélytisme non plus (Jésus a toujours laissé libre de le suivre ou non). C’est ne pas pratiquer l’entre-soi, que ce soit au club de golf, au Rotary, à Auteuil ou à Barbès, dans les commerces musulmans de la rue de Lannoy ou dans le quartier cossu de Barbieux à Roubaix… Car le séparatisme n’est pas que religieux : les riches notamment savent depuis longtemps se regrouper à l’écart des pauvres, souvent à l’ouest des villes, dans des quartiers sécurisés où le mètre carré est trop cher pour y croiser des familles différentes…

 

La commensalité nourrit la convivialité

Une parabole contre le séparatisme dans Communauté spirituelleUn des signes emblématiques de ce mélange – ou du refus du mélange – social est le repas. En français, se mettre à table, c’est quelque chose ! C’est le lieu de la convivialité, puisque justement nous devenons convives dès lors que nous acceptons de manger ensemble. C’est le lien de la commensalité (cum mensa = table commune en latin), dont la communion eucharistique est l’accomplissement : nous communions au même corps du Christ autour de la même table de l’hôtel eucharistique. Dieu est d’ailleurs le premier à se mélanger à notre humanité, comme l’eau se mélange au vin dans le calice de la messe (rite de l’immixtion). « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité » : comment mieux exprimer que le Dieu de Jésus ne vit pas séparé, mais en communion ?!
Et Saint Jean Chrysostome a raison de prier ainsi au moment de recevoir la communion :
« Seigneur mon Dieu ! […] De même que Tu as bien voulu entrer et manger avec les pécheurs dans la maison de Simon le Lépreux, daigne entrer dans la maison de mon âme, lépreuse et pécheresse. De même que Tu n’as pas rejeté celle qui était semblable à moi, la courtisane et la pécheresse, quand elle s’approcha de Toi et Te toucha, de même sois-moi miséricordieux, à moi pécheur qui m’approche et qui Te touche… »

 

Le coup de gueule de Paul contre Pierre

 islam dans Communauté spirituelleCe mélange à table est l’objet d’une dispute célèbre entre Paul et Pierre. Malgré l’épisode à Joppé où l’Esprit Saint a montré à Pierre qu’aucune nourriture n’est impure et qu’il peut donc aller manger chez le centurion Corneille sans pécher (Ac 10), Pierre reste un juif un peu scrupuleux. Aussi, lorsque des juifs de Jérusalem liés à Jacques viennent visiter les disciples d’Antioche, Pierre s’autocensure en quelque sorte, puisqu’il arrête de manger avec les païens de sa communauté par peur du regard des judéo-chrétiens : « En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive. Tous les autres fidèles d’origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu. Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : ‘Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païens à suivre les coutumes juives ?’ » (Ga 2,12–14).
On réalise combien fut difficile pour Pierre et les premiers chrétiens – qui étaient juifs – d’abandonner le séparatisme religieux lié à l’observation de la Torah ! Paul a courageusement et publiquement dénoncé cette régression : refuser de se mélanger à table, c’est mettre la Loi au-dessus de la grâce, c’est faire comme si le Christ était mort pour rien (Ga 2,21) puisqu’il n’aurait pas fait tomber les murs séparant les hommes.

On le voit : il y a dans le séparatisme juif ou musulman une dimension proprement religieuse – et pas seulement sociale ou économique – qui tient aux textes fondateurs ou du moins à leurs interprétations actuelles, sans qu’on sache très bien si cette impossibilité est structurelle ou pourra évoluer avec le temps.

 

Les murs murent les murmures

Critique-Comme-un-murmure JésusHabilement, Luc a recours à l’Écriture pour disqualifier la protestation pharisienne. En effet, il emploie à dessein le verbe murmurer pour décrire les pharisiens en train de s’indigner contre Jésus ami des pécheurs. Or ce verbe murmurer (διαγογγζω = diagonguzō en grec, לוּן = lun en hébreu) est celui que l’Ancien Testament utilise de très nombreuses fois pour fustiger les rébellions des hébreux au désert, « peuple à la nuque raide » qui refuse de se laisser conduire par un Dieu qui n’agit pas comme les hommes, fussent-ils les plus religieux du monde : « Et le peuple murmura contre Moïse… » (Ex 15,24). Ce terme murmurer est repris une vingtaine de fois [1] dans ce sens de rébellion contre un Dieu qui n’agit pas selon nos représentations : « ils murmurent sous leurs tentes sans écouter la voix du Seigneur » (Ps 106,25). En disant que les pharisiens murmurent contre Jésus, Luc en fait les dignes héritiers de la génération du désert qui a résisté à Dieu pendant 40 ans, se privant ainsi d’entrer en Terre promise.

Isaïe nous avertit : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées » (Is 55, 8-9). En Jésus, Dieu se montre aussi libre de se mêler aux pécheurs que YHWH de se manifester au désert comme il le voulait ! « N’ai-je pas le droit de disposer de mon argent comme je le veux ? », dira le patron de la parabole des ouvriers de la 11° heure à ceux qui s’indignent de sa libéralité envers les derniers arrivés.
Et Luc emploie 3 fois ce terme murmurer pour qualifier l’attitude des pharisiens refusant la fraternité avec les pécheurs : lors du grand festin donné par le collecteur d’impôts romains Levi après son appel par Jésus (Lc 5,30) ; ici dans notre parabole des deux fils ; et enfin lorsque Jésus s’invite chez le riche Zachée, lui aussi collabo (Lc 19,7).

Bref, murmurer contre Jésus parce qu’il fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux, c’est projeter sur Dieu nos images de ce que devrait être la pureté, la justice, la religion, au lieu de laisser Dieu se révéler tout autre que nos représentations humaines, trop humaines. Le peuple à la nuque raide pourrait bien être aujourd’hui tous ces ultras religieux de tous bords qui s’indignent et protestent contre ceux qui abattent les murs entre les gens.

 

Quant à nous, suivons le Christ en nous réjouissant que le veau gras soit offert aux prodigues en tous genres, dont nous sommes !
Faisons bon accueil aux pécheurs de ce temps, et mangeons avec eux, loin de tout séparatisme.

 


[1]. Ex 15,24 ; 16,2.7.8.9.12 ; 17,3 ; Nb 11,1 ; 13,30 ; 14,2.27.29.36. ; 16,11.41 ; 17,5.10 ; Dt 1,27 ; Jo 9,18 ; Ps 59,15 ; 106,25

 

Vidéo du Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR)
cf.  https://www.cipdr.gouv.fr/

 

LECTURES DE LA MESSE

1ère lecture : L’arrivée du peuple de Dieu en Terre Promise et la célébration de la Pâque (Jos 5, 9a.10-12)

Lecture du livre de Josué
En ces jours-là, le Seigneur dit à Josué :
« Aujourd’hui, j’ai enlevé de vous le déshonneur de l’Égypte. »
Les fils d’Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, en ce jour même, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. À partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient des produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan.

Psaume : Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! (cf. Ps 33, 9a)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses.

2ème lecture : « Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2 Co 5, 17-21)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu.

Evangile : « Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie » (Lc 15, 1-3.11-32)

Acclamation :
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.
Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (Lc 15, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’ Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’ Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer. Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Patrick BRAUD

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16 mars 2022

Ukraine : de quoi être rempli de larmes…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 17 h 43 min

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13 mars 2022

Dieu au détour

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Dieu au détour

Homélie du 3° Dimanche de Carême / Année C
20/03/2022

Cf. également :
À quoi bon ?
Le malheur innocent
Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent
Les résistances de Moïse… et les nôtres

La DCC - Délégation Catholique Pour la Coopération

1. Le détour par l’autre
« Ces 13 mois sont passés à une vitesse folle. Rien ne s’est déroulé comme je l’avais imaginé. J’ai géré de ‘l’imprévu’ (pénurie d’eau, panne d’ordinateurs, conflits entre les jeunes etc.) quotidiennement. J’ai surtout été bousculée positivement dans mes habitudes de vie, de penser et de travailler. Dans les moments de doute, j’ai trouvé l’énergie et le réconfort en partie grâce aux jeunes que j’accompagnais. Frappée par leur capacité de résilience, émue et fière de leurs progrès fulgurants, ce sont elles qui ont été mes professeures de vie ! J’ai souvent été surprise de recevoir dans des moments où je m’y attendais le moins. J’ai appris à me satisfaire des plaisirs simples. D’ailleurs, mes plus beaux souvenirs resteront ceux passés à rire, en partageant un chai (thé indien) à leurs côtés. J’étais convaincue que le volontariat ne serait qu’une parenthèse, aujourd’hui je réalise qu’il s’agit plutôt d’une transition vers un autre chemin de vie » (Aurélie, volontaire à Bangalore, en Inde, Délégation Catholique à la Coopération).
Presque tous les coopérants pourraient écrire un témoignage comme celui-là ! Le choc de la rencontre d’une autre culture, radicalement différente ; la découverte d’autres manières de s’habiller, de se nourrir, de penser le monde ; la pratique d’autres langues véhiculant des sagesses si étrangères… : le dépaysement de celui qui quitte sa patrie pour aller voir ailleurs n’est pas que géographique !

C’est donc que le détour par l’autre peut nous enrichir. Et, comme un choc en retour, nous prenons conscience avec plus d’acuité de notre identité particulière lorsque nous la confrontons à celle des autres. Un occidental ne connaît pas l’Occident tant qu’il n’a pas rencontré l’Afrique ou l’Asie. Il faut faire l’éloge du détour par l’autre (son pays, sa cuisine, sa langue…) qui nous révèle à nous-mêmes.

Mieux encore : faire ce détour peut nous révéler Dieu le Tout-Autre, comme l’écrivait si bien le Père Varillon : « Il est possible, à partir de l’autre relativement autre que nous voyons, de pressentir l’Autre absolument autre que nous ne voyons pas et appelons Dieu » [1].

On écoute alors notre première lecture (Ex 3,1-15) avec plus d’attention : lorsque Moïse fait un détour pour voir ce buisson étrange, nous devinons que c’est bien des détours de notre propre parcours qu’il s’agit. Lorsque Dieu valide ce déroutement de Moïse pour lui faire découvrir son Nom ineffable YHWH (« Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela… »), nous devinons également que c’est là un encouragement divin à chercher dans nos détours la révélation de lui-même qu’il veut nous y communiquer.

Quel est le buisson ardent qui nous fait signe à l’écart ?

Même si notre route actuelle semble bien tracée, quels phénomènes bizarres ou gens étranges nous font signe sur le côté pour nous détourner un instant, pour dé-railler (sortir des rails) comme Moïse au désert ?

 

2. Le détour par le désert

Dieu au détour dans Communauté spirituelle carte-moise-sinai-canaanLe deuxième détour célèbre dans la Bible est celui du peuple en route vers Canaan. Au lieu de foncer tout droit vers la Terre promise en sortant d’Égypte, il lambine, traînasse, zigzague comme la Seine autour de Paris. « Dieu fit donc faire au peuple un détour par le désert de la mer des Roseaux » (Ex 13,18).

Les méandres des Hébreux pendant 40 ans au désert toujours étonné les rabbins. Ils y ont vu là encore la marque de la pédagogie divine : faire un détour par le Sinaï obligeait ce peuple à mûrir, à se déprendre de ses idoles, à compter sur Dieu d’abord et non sur ses propres forces. En s’éloignant de la mer, ils évitaient ainsi les dangereux Philistins du littoral, mais surtout ils apprenaient à quitter l’Égypte - son esclavage, son idolâtrie - dans leur cœur après l’avoir quittée à pied. Or cet affranchissement demande du temps : on ne rompt pas les anciens liens en claquant des doigts ! Un peu comme une cure de désintoxication,…

Ce détour par les cailloux, la soif, la faim, le froid permettra à Israël de découvrir la manne, les cailles, les tables de la Loi, l’Arche d’Alliance.

Qui serions-nous pour nous plaindre de ces détours imposés ou choisis ? Pourquoi ne pas y voir des opportunités pour grandir, tel Israël dé-routé par le désert ?


3. Le détour de Dieu par notre humanité

Fichier:Hieronymus Bosch - The Garden of Earthly Delights - The Earthly Paradise (Garden of Eden).jpgDieu est le premier à pratiquer ce détour hors de lui-même. Il aurait pu se suffire à lui-même, de toute éternité, en restant seul. La Création est ce premier risque divin, car quelque chose qui n’est pas Dieu sort de Dieu, sans aucune nécessité. Puis l’émergence de l’humanité au sein de cette Création redouble son altérité : voilà qu’il y a un sujet parlant face au ‘Je’ divin ! Et Dieu fera souvent le détour par cette humanité, comme il se promenait dans le jardin de la Genèse pour aller voir où en était Adam. « Qui donc aura compassion de toi, Jérusalem ? Qui aura pour toi un geste de pitié ? Qui fera un détour pour demander de tes nouvelles ? » (Jr 15,5).

Le détour suprême fut l’Incarnation. Dieu sortit de lui-même pour prendre chair de notre chair : sacré détour ! C’est vraiment ce qui s’appelle sortir de ses rails, emprunter une autre route que celle qui était prévue et qui semblait naturelle.

Si Dieu le premier s’est appliqué cette pédagogie du détour, comment pourrions-nous refuser de la pratiquer ? Sortir un instant de son rôle social pour aller voir l’autre à égalité. Découvrir un milieu associatif inconnu et s’efforcer de le comprendre de l’intérieur. Partager un repas avec des artistes, des traders ou des SDF… Plusieurs patrons ou hauts responsables racontent avoir voulu sentir l’atmosphère de leur entreprise en se faisant embaucher incognito au bas de l’échelle. En quelques mois ou semaines, ce détour par la condition ordinaire leur en avait appris sur l’entreprise plus que bien des réunions empesées au plus haut niveau !

Oui, le détour est une pédagogie divine, au sens premier du terme pédagogue : celui qui conduit l’enfant sur le chemin. Nous sommes l’enfant que Dieu guide en lui faisant changer de chemin pour un moment, afin qu’il revienne grandi et transformé, comme Moïse deviendra le libérateur de son peuple après avoir fait ce crochet par le buisson ardent. Cela vaut bien le détour ..


4. Le détour du samaritain
Dans le Nouveau Testament, il y a également quelques détours célèbres, dont celui du samaritain de la parabole (Lc 10,25-37) pour dévier de sa route un instant et prendre soin d’un blessé laissé pour mort. Il fait un crochet là où les autres continuent tout droit sans s’arrêter. Il suspend son voyage le temps de trouver une auberge à qui confier le malheureux. Puis il reprend sa route, sans savoir que ce geste l’a irréversiblement transformé en juste, lui l’hérétique interdit de Temple à Jérusalem.

Refuser de faire un détour, à l’image du prêtre et du lévite de la parabole, c’est être tellement devenu l’homme (ou la femme !) de l’institution que les gens hors-normes en deviennent invisibles. Refuser de se laisser dérouter, ne serait-ce qu’un instant, pour aller voir de près ce blessé–buisson-ardent, c’est suivre sa propre logique imperturbablement (logique professionnelle, conjugale, associative, amicale, ecclésiale) sans jamais dévier. Refusé de dérailler opportunément, c’est se priver de découvertes enrichissantes, de l’imprévu novateur ; c’est prendre le Transsibérien sans descendre aux escales…

Le détour du samaritain par le blessé sur la route sera doublement salutaire : l’homme à terre sera relevé, l’hérétique sera justifié. Et qui peut dire qu’il n’est pas l’hérétique de quelqu’un d’autre ?


5. Le détour de Paul à Athènes
L’éloge de la pédagogie du détour vaut également pour la stratégie missionnaire. Si l’apôtre ne se laisse étonner par rien chez ceux vers qui il est envoyé, comment pourrait-il leur annoncer le Christ ? Suivez Paul débarquant à Athènes (Ac 17). Il connaît mal cette culture grecque, lui le citoyen romain d’un coin perdu de l’Empire. Alors avant de prêcher, il se tait et regarde. Il prend le temps de se promener parmi les monuments d’Athènes (il a de quoi visiter !). Il se renseigne sur les coutumes, les croyances, les penseurs, les attentes de ce peuple si fier de sa démocratie. Il cherche les braises sur lesquels souffler pour que la ville grecque devienne un buisson ardent qui brûle d’ardeur pour le Christ sans se consumer. Et il va trouver : une statue au Dieu inconnu témoigne de la curiosité des Grecs pour ce qui leur échappe. Grâce à ce détour par leur culture, dont témoignent ses citations de philosophes, Paul va pouvoir appuyer sa prédication (son kérygme) sur la soif des Grecs à apprendre du neuf sur Dieu ! Au-delà du demi-échec apparent de cette approche, Paul aura planté la graine qui s’épanouira dans l’orthodoxie grecque, si féconde au cours des siècles et encore actuellement.

La pédagogie du détour est pour le missionnaire un non-chemin (puisqu’il s’agit de se laisser dé-router !) indispensable pour que l’évangélisation parle au cœur. Sans détour, la mission n’est plus qu’une conquête, une tactique, un plan à exécuter, hélas.


6. Éloge de la curiosité
Pas de détour sans curiosité ! Si Moïse n’avait pas été intrigué par le buisson en flammes, il aurait continué son chemin sans rien changer. Mais il est curieux, intrigué, interrogé par ce qu’il perçoit et ne comprend pas. Savoir se poser des questions est le propre de l’homme.

« Les maîtres du judaïsme explicitent ce rapport en expliquant que l’homme est un être potentiel, inachevé, qui va se construire, s’épanouir, exactement comme une graine que l’on plante dans la terre. L’humain signifie terre car il est le lieu de sa propre germination. En hébreu, Adam a pour valeur numérique 45 qui se lit Mah qui veut dire « Quoi ? ». L’homme est une question perpétuelle. Question sur soi, sur son passé et son avenir. Le questionnement est la parole fondamentale de l’humain, mise en question de la conscience » [2].

Moise-- buisson dans Communauté spirituelleSavoir se laisser étonner est pour nous un grand défi. Avec l’âge c’est bien connu on devient blasé, on croit avoir tout vu. Ou bien au jeune âge, on croit voir clairement la ligne à suivre radicalement sans dévier. La maturité pourrait bien être quelque part entre les deux : avoir certes une ligne de vie bien tracée (pour éviter l’éparpillement, l’incohérence, la dispersion, la vanité de bien des parcours), mais se laisser détourner de temps à autre, en acceptant de ne pas maîtriser ce que cela va changer après. 

On en revient à nos coopérants du début. Ils retournent en Europe pour la plupart, et reprendront une trajectoire assez semblable aux autres. Mais ces quelques mois ailleurs les auront marqués au fer rouge. Loin d’être une parenthèse, ils s’y référeront longtemps pour contester ou relativiser leur mode de vie ici, les évidences de la culture d’ici, et finalement habiter autrement le rôle social qu’on veut leur faire jouer ici. D’où l’importance spirituelle des détours comme Erasmus, la coopération, un stage ouvrier, un service civique, une maraude avec Médecins du Monde, le Volontariat International en Entreprise etc. De grosses entreprises organisent des « vis ma vie » entre leurs différents métiers pour donner des envies d’évolution et éveiller des talents : elles ont raison ! D’autres organisent des visites d’entreprises avec leurs équipes pour aller voir ailleurs comment ils produisent, avec quel type de management etc. Et elles ont raison !

Le détour de Moïse par le buisson ardent peut prendre aujourd’hui tant de formes et se traduire par tant d’expériences innovantes ! Cultivons donc la pédagogie du détour de YHWH au désert, pour nous-mêmes, pour ceux dont nous sommes chargés : il y a sûrement un buisson qui nous attend quelque part, flambant neuf, qui mérite le détour ! Ce pourrait bien être le sens de la parole énigmatique de Jésus : « si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui » (Mt 5,41)…

 


[1]. VARILLON F., L’humilité de Dieu, Le Centurion, Paris, 1974, p. 39.

[2]. Marc-Alain Ouaknin et Dory Rotnemer, Le livre des prénoms bibliques et hébraïques, Albin Michel, 2000, p.64.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis » (Ex 3, 1-8a.10.13-15)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en d’âge. »

Psaume
(Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
 (Ps 102, 8a)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur fait œuvre de justice,
il défend le droit des opprimés.
Il révèle ses desseins à Moïse,
aux enfants d’Israël ses hauts faits.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint.

Deuxième lecture
La vie de Moïse avec le peuple au désert, l’Écriture l’a racontée pour nous avertir (1 Co 10, 1-6.10-12)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. Cependant, la plupart n’ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. Ces événements devaient nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l’ont fait ces gens-là. Cessez de récriminer comme l’ont fait certains d’entre eux : ils ont été exterminés. Ce qui leur est arrivé devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber.

Évangile
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13, 1-9)
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Convertissez-vous, dit le Seigneur, car le royaume des Cieux est tout proche. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (Mt 4, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : ‘Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?’ Mais le vigneron lui répondit : ‘Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.’ »
Patrick BRAUD

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