L'homélie du dimanche (prochain)

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24 octobre 2021

Sorcières ou ingénieurs ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Sorcières ou ingénieurs ?

Homélie du 31° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
31/10/2021

Cf. également :

Conjuguer le verbe aimer à l’impératif
Simplifier, Aimer, Unir
J’ai trois amours
Aime ton Samaritain !
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
Boali, ou l’amour des ennemis
Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde

Jeter des sorts ou bâtir des EPR ?
« Le monde crève de trop de rationalité, de décisions prises par les ingénieurs. Je préfère des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR (réacteurs nucléaires) ».
Cette déclaration lapidaire (interview à « Charlie Hebdo » du 25 Août 2021) de Sandrine Rousseau, qui a obtenu 49% à la primaire écologiste pour l’élection présidentielle de 2022, est sans doute révélatrice de notre époque. Mais d’où vient cette référence ? La « sorcière » est devenue une figure populaire dans le féminisme actuel. L’auteure Mona Chollet l’a notamment popularisée dans son livre paru en 2018 : « Sorcières. La puissance invaincue des femmes ». Dans son ouvrage, elle écrit : « La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie ». L’éco-féminisme se veut ici à la pointe de la contestation de la rationalité occidentale.

La magie séduit même les membres du gouvernement. « Lorsque tu vas sur une ligne de production, c’est pas une punition. C’est pour ton pays, c’est pour la magie. » « J’aime l’industrie car c’est l’un des rares endroits au 21° siècle où on trouve encore de la magie », déclarait Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, lors de l’événement BIG 2021 le 7 octobre. « La magie du ballet des robots, du ballet des hommes. La magie de l’atelier où on ne distingue pas le cadre de l’ouvrier. » Ce lyrisme ensorceleur oublie pourtant que le salaire de l’ouvrier dans l’industrie est la moitié de celui du cadre, avec une espérance de vie de 6 ans de moins, et un travail autrement pénible… L’incantation magique ne supprime pas la dure réalité !

Les Désillusions du progrèsAprès des années d’avancées scientifiques et technologiques ébouriffantes, voilà que ce qui faisait le bonheur des peuples se transforme en une obscure menace. Le climat se réchauffe, les ressources naturelles s’épuisent, la déforestation bat son plein, les inégalités s’accroissent… Raymond Aron avait pointé très tôt - dès 1969 - ce qu’il avait appelé « les désillusions du progrès », dont Sandrine Rousseau témoigne à sa façon. Après un quart de siècle de croissance économique, la société moderne devait dans les années 60  affronter de nouveaux assauts : les uns, disciples fidèles ou infidèles de Marx, dénonçaient ses échecs relatifs ou partiels, les îlots de pauvreté au milieu de la richesse, l’inégalité excessive de la répartition des revenus ; les autres, dont l’inspiration remonte à Jean-Jacques Rousseau, voire aux romantiques, vitupèraient contre la barbarie de la « civilisation industrielle », la dévastation de la nature, la pollution de l’atmosphère, l’aliénation des individus manipulés par les moyens de communication, l’asservissement par une rationalité sans frein ni loi, l’accumulation des biens, la course à la puissance et à la richesse vaine.

Le pessimisme ambiant, diffus à travers l’Occident, accentué en France par le choc des événements de Mai 1968, imprégnait déjà l’analyse de la modernité esquissée dans ce livre de Raymond Aron. Tout se passe comme si les désillusions du Progrès, créées par la dialectique de la société moderne, et, à ce titre, inévitables, étaient éprouvées par la jeune génération des années 60 avec une telle intensité que l’insatisfaction endémique s’exprimait en révolte. Du même coup, l’observateur s’interroge sur le sens de cette explosion, sur la direction dans laquelle la société moderne pourrait répondre aux désirs qu’elle suscite, apaiser la faim, peut-être plus spirituelle que matérielle, qu’elle fait naître.
Les Occidentaux éprouvent-ils une sourde mauvaise conscience pour s’être réservé la meilleure part des profits de la science et de la technique, ou tendent-ils à se renier eux-mêmes, faute de trouver un sens à leurs exploits ? Ce qui est en jeu, c’est le destin d’une civilisation, révoltée contre ses œuvres et rêvant d’un paradis perdu ou à reconquérir. La jeunesse de Mai 68 s’est révoltée contre le rationalisme en rêvant de Mao et en scotchant des posters de Che Guevara dans leur chambre. Les jeunes générations de ce début de siècle protestent en rêvant d’une nature harmonieuse et en affichant Greta Thunberg sur leurs téléphones….

Oui la croissance économique déçoit, parce qu’elle n’est pas régulière ni partagée, parce qu’elle engendre la précarité, ou parce qu’elle détruit la planète.
Oui le progrès se révèle être un mythe hérité du XIX° siècle, avec ses machines à vapeur et ses usines produisant jour et nuit.
Oui l’avenir de l’humanité s’obscurcit, à cause des nuages provoqués par ce qui aurait dû éclairer l’horizon.
Oui les Lumières nous ont menti en caricaturant la nature, le vivant, et en idolâtrant la raison humaine.
Oui l’EPR coûte 3 fois plus cher qu’annoncé, et le problème des déchets n’est pas encore résolu.
Faut-il pour autant jeter le bébé-Raison avec l’eau du bain-crise écologique ? Le remède pourrait bien s’avérer pire que le mal. Jeter des sorts ou revenir à une vision magique du monde ferait renaître la peur de l’invisible et la soumission aveugle aux événements (épidémies, climat, raretés etc.).

Les Ecologistes contre la modernitéUn essai récent (Ferghane Azihari, Les Écologistes contre la modernité. Le procès de Prométhée, Ed. La Cité, 2021) nous met en garde contre cette tentation anti-Lumières, qui deviendrait vite… obscurantiste. Voilà deux siècles que la civilisation industrielle libère les hommes de la misère. Mais les apôtres de l’écologie radicale accusent les sociétés modernes d’avoir acheté leur confort au détriment de l’environnement, quitte à dépeindre le passé comme le paradis perdu qu’il n’a jamais été. Mêlant histoire, philosophie et analyses sociopolitiques, Ferghane Azihari déconstruit les raisonnements de ces antimodernes qui, de Pierre Rabhi à Greta Thunberg en passant par Nicolas Hulot, crient à la catastrophe climatique mais font la guerre aux solutions les plus crédibles aux défis actuels, comme l’énergie nucléaire. Le progrès technique reste pourtant selon l’auteur le moyen le plus juste de sauvegarder notre planète sans renoncer à améliorer le sort de l’humanité. Mais l’écologie politique est-elle encore animée par la philanthropie (l’amour de l’humain) ?

 

Les deux ailes de l’esprit humain
L’évangile de ce dimanche (Mc 12, 28-34) n’a évidemment pas pour objet de prendre position pour ou contre cette tentation antimoderne ! Pourtant, tous les commentateurs ont remarqué que Marc met sur les lèvres de Jésus un mot de plus que le texte original de du Deutéronome. Dt 6,5 mentionne en effet 3 dimensions de l’amour que nous portons à Dieu : le cœur / l‘âme / la force. Jésus y ajoute librement un 4e terme : l’intelligence (διανοας, dianoia). « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur (καρδας), et de toute ton âme (ψυχς), et de toute ton intelligence (διανοας), et de toute ta force (σχος) ». Il y a une douzaine d’occurrences de ce terme dans le Nouveau Testament, allant dans le même sens du lien foi-intelligence, comme l’écrit par exemple Jean : « Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu nous donner l’intelligence pour que nous connaissions Celui qui est vrai » (1 Jn 5, 20).

Jésus ajoute un nouveau terme, celui de l’intelligence à ce pilier de la religion qu’est le Shema Israël. Jésus fait ainsi de la réflexion personnelle un devoir de base, quotidien, pour toute personne, le devoir d’appliquer son intelligence dans toutes les dimensions de sa vie, à commencer dans sa recherche de Dieu, mais aussi dans sa religion, dans sa façon de faire de la théologie, dans sa façon d’aimer les autres et d’agir. L’intelligence est donc selon Jésus une alliée de la foi, qui n’a rien à craindre de l’intelligence, au contraire. La foi n’a rien à craindre des sciences physiques ou humaines, ni de la recherche biblique, elle n’a rien à craindre des débats philosophiques ou théologiques. Au contraire. Lorsque les religieux ont privilégié l’obéissance aveugle au détriment de la raison, c’était hélas pour servir les intérêts des puissants. Jésus anéantit cette hiérarchie et rend à chacun la liberté de penser par lui-même.
Le philosophe Emmanuel Lévinas a une superbe formule : la lettre est « l’aile repliée de l’Esprit ». Le travail de la pensée sur la Bible contribue à déployer les ailes de la lettre, afin qu’elles nous frôlent et nous inspirent des perspectives sur nous-mêmes.
Au détour de l’un de ses innombrables sermons, Calvin se laisse aller à une affirmation surprenante: « La Bible est une chose morte, sans aucune vigueur ». Ce n’est ni un lapsus, ni un dérapage. Le réformateur considère que, matériellement, la Bible est un livre parmi d’autres, sans plus. Elle ne devient Parole de Dieu que sous l’action du Saint-Esprit. […]
J’en déduis que le Saint-Esprit, ce n’est pas de l’excitation nerveuse mais de la pensée. Notre pensée est rendue amoureuse de Dieu et du coup capable de déployer les ailes de la lettre pour soi et pour autrui.
La Parole de Dieu ne vient pas de façon passive. Elle exige un investissement total de nos forces mentales et intellectuelles. Imaginez que nous ne préparions plus nos cultes, par exemple. Que nous laissions libre cours à la seule spontanéité, au happening, à l’improvisation permanente… Ce serait dramatique. Le Saint-Esprit n’est pas un kit de secours pour les paresseux [1].

Mobiliser son intelligence pour aimer Dieu est donc une composante indispensable de la foi chrétienne. Jean-Paul II écrivait en 1998 une encyclique : Fides et ratio, pour ancrer le nécessaire dialogue entre ce qu’il appelle les deux ailes de l’esprit humain :
« La foi et la raison (fides et ratio) sont comme deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité ».

Il s’appuie en cela sur une longue tradition philosophique, de saint Augustin à saint Anselme, montrant combien la foi cherche à comprendre, et combien chercher à comprendre est éclairé par la foi.

« ‘Acquiers la sagesse, acquiers l’intelligence’ (Pr 4,5).
Saint Anselme souligne le fait que l’intellect doit se mettre à la recherche de ce qu’il aime: plus il aime, plus il désire connaître. Celui qui vit pour la vérité est tendu vers une forme de connaissance qui s’enflamme toujours davantage d’amour pour ce qu’il connaît, tout en devant admettre qu’il n’a pas encore fait tout ce qu’il désirerait : ‘J’ai été fait pour te voir et je n’ai pas encore fait ce pour quoi j’ai été fait’ » (Fides et ratio n° 42).

Sorcières ou ingénieurs ? dans Communauté spirituelle B_science_cognitive_religionsUne foi purement irrationnelle serait de la superstition, de la magie. Blaise Pascal écrivait en substance : ce n’est pas la raison qui me fait croire, mais ce n’est pas sans raison(s) que je crois. Symétriquement, une raison purement athée se priverait elle-même d’explorer d’autres profondeurs de l’homme et de l’univers. Jean-Paul II employait fort justement le terme de circularité pour parler des relations entre foi et raison :

A la lumière de ces considérations, la relation qui doit opportunément s’instaurer entre la théologie et la philosophie sera placée sous le signe de la circularité. […]
Il est clair que, en se mouvant entre ces deux pôles – la Parole de Dieu et sa meilleure connaissance -, la raison est comme avertie, et en quelque sorte guidée, afin d’éviter des sentiers qui la conduiraient hors de la Vérité révélée et, en définitive, hors de la vérité pure et simple; elle est même invitée à explorer des voies que, seule, elle n’aurait même pas imaginé pouvoir parcourir. De cette relation de circularité avec la Parole de Dieu, la philosophie sort enrichie, parce que la raison découvre des horizons nouveaux et insoupçonnés (n° 73).

Comprendre pour croire, croire pour comprendre ont toujours été les deux mouvements distincts et indissociables de la quête humaine vers Dieu.

« Si tu ne peux comprendre, crois afin de comprendre.
Si tu ne crois pas tu ne pourras pas comprendre.
La foi te purifie, afin qu’il te soit possible d’arriver à la pleine intelligence » [2].

Il nous faut donc cultiver notre intelligence pour aimer Dieu [3]. Et nul doute qu’aimer Dieu peut en retour illuminer notre intelligence.
L’esprit, c’est-à-dire la raison elle-même, devra reconnaître la nécessité de ce dépassement en se désavouant.  Pascal osait le paradoxe :

« Il n’y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison. La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle n’est que faible si elle ne va pas jusque-là. Que si les choses naturelles la surpassent, que dira-t-on des surnaturelles ? »

En s’humiliant, la raison triomphe d’elle-même, en se niant elle s’affirme. Cette négation, en effet, n’est pas un reniement. Ce désaveu est l’acte le plus raisonnable qu’elle pouvait réaliser. Car, en reconnaissant qu’elle ne peut rendre raison d’elle-même, elle convient de ce qui la dépasse. Ce dépassement n’est pas destructeur, il s’effectue dans le sens d’une vision contemplative qui est l’œuvre d’une faculté supérieure : le cœur.

 

Mais que veut dire aimer Dieu de toute son intelligence ?
Les fondamentalistes religieux de tous poils ne font pas jouer leur intelligence : ils récitent, ils répètent les textes de façon mécanique, sans les remettre dans leur contexte, sans étudier leurs contradictions internes, sans étudier les manuscrits, les genres littéraires etc. Comment pourraient-ils aimer Dieu, puisqu’ils tuent son Esprit qui fait vivre la lettre ?
Du fait de leur littéralisme, ils en viennent à adopter des croyances parfaitement irrationnelles (Dieu aurait fait un miracle sans aucune médiation) ou des pratiques contraires à la raison (organiser des processions pour faire pleuvoir, lapider les adultères etc.). Comment pourraient-ils aimer l’homme, puisqu’ils éliminent ce qui fait sa dignité ?

Les deux amours sont liés : le respect de l’humain est un critère sur pour discerner si une foi est vécue intelligemment ou non. La bêtise religieuse se traduit toujours hélas par des oppressions humaines.
« Si quelqu’un dit : ‘J’aime Dieu’, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère » (1 Jn 4, 20 21).
Aimer Dieu de toute son intelligence va de pair avec la promotion de l’homme, tout l’homme, tous les hommes.

L’intelligence que donne la foi s’applique à la foi elle-même : interpréter les Écritures avec sagesse et discernement, expliciter le contenu de la foi en termes clairs et culturellement compréhensibles, mettre la vie de l’Église en cohérence avec l’Évangile etc.

Un amour intelligent cherchera donc à utiliser les sciences humaines pour approfondir le mystère de la foi : exégèse, philosophie, théologie, histoire, psychologie, économie, archéologie etc. Au titre du principe de circularité entre foi et raison, ce même amour intelligent laissera la foi éclairer sa compréhension de l’humain et du créé.
D’où une certaine orientation anthropologique, avec une vision de l’être humain fait pour la communion, appelé à être co-créateur de l’univers, à tisser l’unité dans la différence à l’image de Dieu Trinité.
D’où également une certaine orientation économique, qui ne peut réduire l’homme à ses seuls besoins matériels, ni à un individu séparé (néolibéralisme) cherchant à maximiser ses intérêts, ni à collectif mû par le conflit et les rapports de force (socialisme, communisme). Parce que notre foi évoque la dignité humaine à travers le concept de personne (une personne, deux natures / une nature, trois personnes), notre économie aura inévitablement des actions personnalistes, au service de la personnalisation de chacun en société. Elle prendra en charge de façon responsable la gestion de la nature, sans séparer la nature humaine de la nature créée.
Aimer Dieu de toute son intelligence aura encore bien des répercussions dans le domaine de l’art, comme l’ont déjà amplement montré les chefs-d’œuvre des musiciens, sculpteurs, peintres, poètes et autre artistes chrétiens depuis 2000 ans.

Un amour intelligent devra réfuter les visions magiques et superstitieuses du monde qui ressurgissent de toutes parts en ce siècle qui voudrait ré-enchanter l’univers. Il y a plus de 8000 guérisseurs ou charlatans en France à avoir la réputation de soigner sans diplôme ! Le monde est si complexe que beaucoup renoncent à le comprendre, et veulent seulement se concilier des soi-disant forces invisibles pour aller mieux…

L’intelligence demande à la fois de tenir compte de la culture environnante et de la contester. Il s’agit du conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde actuel, car inculturer l’Évangile fait partie de l’Évangile, alors qu’épouser son époque rend très vite veuf… Celui qui s’épuise à courir après les idoles du moment aura toujours une mode de retard. Saint Jean parle de « vaincre le monde », tout en l’aimant au point de lui donner ce qu’on a de plus cher…

Pour aimer Dieu de toute notre intelligence, il nous faudra lire, étudier, faire silence, réfléchir, prier.

Cela ne suffira pas. D’ailleurs, notre passage de ce dimanche nous rappelle au moins trois autres dimensions indispensable pour aimer Dieu : le cœur / l‘âme / la force. Le ‘cœur’ n’est pas ici l’origine des sentiments, mais le lieu des décisions humaines (pour ou contre la justice, pour ou contre Dieu, en faveur des riches ou des pauvres etc.). ‘L’âme’ n’est pas un principe éthéré, mais le souffle de vie (nephesh en hébreu, pyschè en grec) qui anime l’humain jusqu’à en faire une icône divine. La ‘force’ (dynamis en grec) est la puissance dynamique que nous mettons en œuvre pour agir, avancer, grandir, vaincre l’adversité.

C’est donc que l’intelligence seule ne suffit pas pour aimer Dieu en vérité. Impossible normalement de sombrer dans un rationalisme desséché et desséchant si on prend en compte toute la phrase de Mc 12,6. Être intelligent n’implique pas automatiquement d’aimer Dieu en vérité. Par contre aimer Dieu ne peut se faire sans convoquer l’intelligence.

Voilà de quoi préférer les ingénieurs aux jeteurs de sorts, l’interprétation au fondamentalisme, la culture à la soumission docile !

Que chacun d’entre nous s’examine :
Quel rôle joue l’intelligence dans ma foi ?
Comment ma foi éclaire-t-elle mon intelligence ?
Que veut dire aimer Dieu de toute mon intelligence pour moi actuellement ?

 

 


[2]. Saint Augustin, Sur l’évangile de Jean, Tr. 36, n. 7

[3]. « Croire est un acte de l’intellect consentant à la vérité divine par l’ordre de la volonté mue par Dieu par la grâce », St Thomas d’Aquin, Somme Théologique 2-2,2,9.

Lectures de la messe

Première lecture
« Écoute, Israël : Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur » (Dt 6, 2-6)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu. Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ses décrets et ses commandements, que je te prescris aujourd’hui, et tu auras longue vie. Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité, dans un pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a dit le Seigneur, le Dieu de tes pères.
Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.
Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. »

Psaume
(Ps 17 (18), 2-3, 4, 47.51ab)
R/ Je t’aime, Seigneur, ma force.
(Ps 17, 2a)

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon ro ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !

Louange à Dieu !
Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !

Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire,
Il donne à son roi de grandes victoires,
il se montre fidèle à son messie.

Deuxième lecture
« Jésus, parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas » (He 7, 23-28)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, dans l’ancienne Alliance, un grand nombre de prêtres se sont succédé parce que la mort les empêchait de rester en fonction. Jésus, lui, parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas. C’est pourquoi il est capable de sauver d’une manière définitive ceux qui par lui s’avancent vers Dieu, car il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur.
C’est bien le grand prêtre qu’il nous fallait : saint, innocent, immaculé ; séparé maintenant des pécheurs, il est désormais plus haut que les cieux. Il n’a pas besoin, comme les autres grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses péchés personnels, puis pour ceux du peuple ; cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même. La loi de Moïse établit comme grands prêtres des hommes remplis de faiblesse ; mais la parole du serment divin, qui vient après la Loi, établit comme grand prêtre le Fils, conduit pour l’éternité à sa perfection.

Évangile
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Tu aimeras ton prochain » (Mc 12, 28b-34) Alléluia. Alléluia.

Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia. (Jn 14, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger.
Patrick BRAUD

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