L'homélie du dimanche (prochain)

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28 février 2021

Assumer notre colère

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Assumer notre colère

Homélie pour le 3° Dimanche de Carême / Année B
07/03/2021

Cf. également :
Le Corps-Temple
De l’iconoclasme aux caricatures
Une Loi, deux tables, 10 paroles
La prière et la loi de l’offre et de la demande

Les coups de gueule célèbres
La colère a mauvaise presse dans notre inconscient collectif. On en fait un défaut, voire un péché capital. On dit qu’elle est mauvaise conseillère. On lui attribue un aveuglement fait de haine, de revanche, de violence, donc incompatible avec une vie moralement saine.

Pourtant, dans l’histoire, bien des choses n’auraient pas changé s’il n’y avait pas eu quelques cris de colère devant l’injustice ou l’absurde. Sans remonter à Moïse brisant les tables de la Loi ou Clovis cassant le vase de Soissons, on peut se souvenir que les cahiers de doléances préparant les États généraux de 1789 étaient de véritables condensés de la colère populaire qui grondait depuis des décennies contre les inégalités, la famine, le manque de liberté. Ensuite, s’il n’y avait pas eu le fameux « J’accuse » d’Émile Zola dans le journal L’Aurore en 1898, l’antisémitisme français n’aurait pas été démasqué. Plus tard, quand l’Abbé Pierre en l’hiver 1954 voit à Paris le corps gelé d’une femme morte dans la rue, son sang ne fait qu’un tour ; il va crier sa révolte dans le micro de radio Luxembourg :  »Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… » En septembre 1985, Coluche lui emboîtera le pas en s’indignant, qu’on puisse encore crever de faim dans le cinquième pays le plus riche du monde à l’époque : « Je lance l’idée comme ça ». « On est prêts à recevoir les dons de toute la France. Quand il y a des excédents de bouffe et qu’on les détruit pour maintenir les prix sur le marché, nous on pourrait peut-être les récupérer… »

Ces coups de gueule célèbres – et il y en a eu tant d’autres ! – ont comme vertu de ne pas accepter l’inacceptable, de réveiller la conscience de l’opinion publique, d’enclencher une action immédiate.
Voilà déjà de quoi nous faire voir la colère sous un jour plus sympathique !

Dans l’Évangile de ce dimanche des marchands chassés du Temple de Jérusalem (Jn 2, 13-25), la colère de Jésus se faisant un fouet avec des cordes est devenue légendaire elle aussi, au point d’incarner ce qu’on français on appelle « une sainte colère », en référence à celle de Jésus.

 

Les colères de Jésus
Car le « doux Jésus » est capable de pousser lui aussi des coups de gueule fort dérangeants ! Ici, c’est pour préserver la gratuité de la relation à Dieu, contre ceux qui font de la religion – quelle qu’elle soit – un trafic d’avantages, un marchandage de grâces. Mais ce n’est pas la seule fois, visiblement ! Les évangélistes nous ont transmis au moins six situations où la colère de Jésus se manifestait (c’est donc qu’il y en a eu beaucoup d’autres…) :

contre l’endurcissement des pharisiens, pour la liberté de faire passer l’esprit de la Loi avant sa lettre, en vue de guérir, dans l’épisode rapporté par Mc 3,5 : « Alors, promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs, il dit à l’homme : “Étends la main.” Il l’étendit, et sa main redevint normale ».

- contre l’hypocrisie, Jésus explose de colère avec ses « Malheureux êtes-vous ! » si rarement lus en liturgie (Mt 23,13-22).

- contre le figuier qui ne produit pas de fruits alors qu’il est visité par le Messie : « il dit au figuier : “Que jamais plus personne ne mange de tes fruits !” Et ses disciples avaient bien entendu » (Mc 11, 12 14).

- contre le lépreux qui va l’obliger à s’exposer trop tôt : « Avec colère, Jésus le renvoya aussitôt » (Mc 1, 43)

- contre ceux qui veulent écarter les enfants de Jésus : « Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : Laissez les enfants venir à moi… » (Mc 10, 14)

- contre le trafic se substituant à la religion, dans notre évangile d’aujourd’hui.

Ces saintes colères n’ont évidemment rien à voir avec la haine, la revanche ou la volonté de faire du mal. C’est une preuve d’amour de pouvoir se mettre en colère ainsi : enfin un homme qui témoigne que Dieu est Dieu, que la personne est le sommet de toute la création, que les dispositifs liturgiques et sociaux les mieux huilés ne sauvent pas et ne suffisent pas ! En les émondant pour qu’elles portent du fruit, Jésus pratique l’assistance à personnes en danger…

Par contre ses colères utilisent bien la violence (verbale comme contre les pharisiens, ou même physique contre les marchands) pour sortir les concernés de leur torpeur morale ou spirituelle. Le royaume de Dieu ne demande-t-il pas qu’on emploie parfois ce type de violence afin qu’il advienne ? « La Loi et les Prophètes vont jusqu’à Jean le Baptiste ; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé, et chacun met toute sa force (violence) pour y entrer » (Lc 16, 16).

Comme toute la Bible, Jésus se révèle ainsi paradoxal : il est « doux et humble de cœur », il appelle à la non-violence : « heureux les doux ! », mais il sait discerner quand la violence est utile, et quel type de violence.

Il souligne que se mettre en colère contre son frère est très grave, passible du tribunal (Mt 5,22). Et pourtant il n’hésite pas à laisser éclater sa colère lorsqu’elle peut sauver l’autre en le réveillant. Il respecte infiniment le Temple de Jérusalem, au point de vouloir le purifier de ses trafics ; et en même temps il le relativise au point d’annoncer qu’il n’en restera pas pierre sur pierre (Lc 21, 5-11), et que finalement le vrai Temple, c’est son corps, bientôt détruit par la croix, relevé au bout de trois jours par la résurrection.

Impossible d’enfermer Jésus dans tel ou tel comportement seulement ! Ce qui devrait nous rassurer sur nous-mêmes…

Paul en recueillera quelque chose dans son conseil en Ep 4,26 : « Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas. Que le soleil ne se couche pas sur votre colère ». Ce verset ne nous demande pas d’éviter la colère, encore moins de la refouler ou de l’ignorer, mais de l’exprimer avec justesse (« sans pécher »), au bon moment, et de la mettre au service de la suite.

 

Assumer nos propres colères
Car la complexité de l’être humain est également sa chance. S’il n’était que douceur, où trouverait-il l’énergie pour secouer les jougs qui l’oppriment ? S’il n’était que colère, comment éviterait-t-il de prendre la place des dictateurs renversés ? La colère de la révolution française a débouché sur la Terreur. Celle de l’Abbé Pierre ou de Coluche sur Emmaüs et les Restos du cœur. La colère de Jésus au Temple de Jérusalem est une réforme religieuse en actes : purifier la foi et ses pratiques de ce qui la dénature.

Nos propres colères ont cette ambivalence. Certaines sont destructrices : elles entraînent des ruptures irréparables, elles infligent des blessures indélébiles. D’autres sont pleines de promesses : elles nous libèrent de la soumission, elles crient à l’autre un besoin vital non respecté, elles affirment une valeur qui nous est chère, elles renversent les comptoirs de ceux qui nous maintiennent en leurs calculs. Pour devenir saintes, nos colères doivent se mettre au service d’une cause juste et grande. Ce dimanche, c’est le culte au Temple qui est en jeu. Notre colère serait mesquine si elle ne poursuivait que des objectifs superficiels ou égoïstes. La première question à se poser quand notre colère monte est donc : qu’est-ce qui vaut vraiment la peine que je me mette en colère ? Si vous arrivez à répondre à cette question, alors votre colère vous apportera une foule d’éléments positifs :

– une alarme (très physique : rougeur, grosse voix, tremblements, taper du poing sur la table etc.). Il se passe quelque chose d’important on vous, et vous devez y accorder de l’attention en laissant s’exprimer ce qui veut sortir.

Assumer notre colère dans Communauté spirituelle 51ZcSamNjTL._SX347_BO1,204,203,200_- un message : le plus souvent, le message porte sur un de vos besoins fondamentaux non satisfait (ex : ‘je ne me sens pas reconnu dans cette discussion qui me met en colère’), sur une valeur très importante que vous sentez bafouée en cette occasion (ex : ‘où est la justice dans ce que tu me dis ?’). Le message peut également toucher à vos limites, à ce que vous n’arrivez plus à supporter (ex : ‘j’explose de colère parce que je n’en peux plus que tu m’en demandes toujours plus’). Enfin le message peut être objectivement une vraie prise de conscience adressée à l’autre : (ex : ‘ne vois-tu pas que ce que tu es en train de faire est… ?’).

– une énergie : de couleur rouge, l’émotion–colère libère une énergie incroyable pour faire changer les choses ! Elle permet de soulever des fardeaux dix fois plus lourds que d’ordinaire ; elle bouscule les habitudes, les complicités établies. En se calmant (la ‘descente en pression’), elle invite à trouver de nouveaux chemins pour tenir compte de ce qu’elle a exprimé.

Certains tempéraments sanguins devront se méfier des fausses colères qui envahissent leurs réactions au point de brouiller leur communication aux autres. Le piège des colériques est de prendre pour une atteinte personnelle le désaccord des autres : se croyant remis en cause personnellement, ils réagissent comme une bête blessée, sans voir qu’ils s’infligent le mal à eux-mêmes.

D’autres tempéraments plus empathiques (ou soumis) devront travailler au contraire à s’autoriser la colère : ‘oui, j’ai le droit de dire à l’autre ce qui me blesse, et la colère peut m’y aider. Elle peut me donner le courage de savoir dire non’. Le piège des faux-calmes est de mettre un couvercle sur leur colère, jusqu’à ce que la cocotte-minute émotionnelle explose de façon meurtrière.

Parvenir à la sainte colère du Christ est un long travail, pour chacun, avec beaucoup d’essais et d’erreurs…

Reste que l’épisode du fouet chassant les marchands du Temple peut nous aider à nous réconcilier avec nos propres colères : l’indignation qui bout en nous devant le mal, l’injustice ou l’absurde peut transformer l’inacceptable en changement salutaire !

Que l’Esprit du Christ nous apprenne à discerner les justes colères que nous assumerons avec amour…

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
La Loi fut donnée par Moïse (Ex 20, 1-17)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, sur le Sinaï, Dieu prononça toutes les paroles que voici : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi. Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux, pour leur rendre un culte. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération ; mais ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur montre ma fidélité jusqu’à la millième génération. Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque en vain son nom.
Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. »

 

PSAUME
(18b (19), 8, 9, 10, 11)
R/ Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle. (Jn 6, 68c)

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le cœur ;
le commandement du Seigneur est limpide,
il clarifie le regard.

La crainte qu’il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables :

plus désirables que l’or,
qu’une masse d’or fin,
plus savoureuses que le miel
qui coule des rayons.

DEUXIÈME LECTURE
« Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les hommes, mais pour ceux que Dieu appelle, il est sagesse de Dieu » (1 Co 1, 22-25)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient juifs ou grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

 

ÉVANGILE
« Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 13-25)

Gloire au Christ,Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle.
Gloire au Christ,Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (Jn 3, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.
 Patrick BRAUD

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21 février 2021

Compagnons d’éblouissement

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Compagnons d’éblouissement

Homélie pour le 2° Dimanche de Carême / Année B
28/02/2021

Cf. également :

Abraham, comme un caillou dans l’eau
Transfiguration : le phare dans la nuit
Transfiguration : la métamorphose anti-kafkaïenne
Leikh leikha : Va vers toi !
Le sacrifice interdit
Dressons trois tentes…
La vraie beauté d’un être humain
Visage exposé, à l’écart, en hauteur
Figurez-vous la figure des figures
Bénir en tout temps en tout lieu

L'extase musicale dans la danse d'un derviche tourneur soufiLa Transfiguration du Christ au sommet du Mont Thabor (Mc 9, 2-10) nous aide à déchiffrer nos propres expériences de transfiguration. Tous ces moments indicibles où notre cœur s’est dilaté à l’infini, où le temps était tout autre, où le ravissement nous transportait ailleurs…
Ces éclaboussures de lumière jalonnent notre parcours sur terre. Qui n’a jamais connu une extase devant la beauté d’un être, d’un paysage, d’une musique, d’une œuvre d’art, d’une contemplation intérieure, d’une découverte intellectuelle intense ? Nos transfigurations  trouvent dans celle du Christ un archétype, c’est-à-dire à la fois un modèle, une source, une structure.

Arrêtons-nous aujourd’hui sur une des caractéristiques de la Transfiguration de Jésus, pour qu’elle inspire les nôtres. Jésus ne monte pas seul au Thabor : il emmène avec lui trois de ses douze disciples. Pourquoi s’encombrer de compagnons alors que ce qu’il va vivre est si intime ? Et pourquoi Pierre, Jacques et Jean, et pas les autres ?
Tentons de répondre en suggérant trois raisons qui nous pousseront nous aussi à nous entourer de tels compagnons d’éblouissement.

 

Pour partager et multiplier l’éblouissement

Compagnons d’éblouissement dans Communauté spirituelle PreobrazhenieUne expérience spirituelle solitaire certes a de la valeur. Jésus prenait soin de s’isoler régulièrement du groupe de ses disciples ; il allait à l’écart pour prier, seul. Ces moments-là nous sont absolument nécessaires pour dire « je », pour être nous-mêmes sans dépendre toujours des autres. Les ermites (une centaine en France encore actuellement) nous le rappellent à travers les siècles. Mais là, Jésus veut partager cette expérience lumineuse de la Transfiguration avec quelques-uns de ses amis, qu’il choisit pour cela. C’est donc que d’une part ce partage fait partie de l’expérience elle-même, et que d’autre part il nous faut bien choisir avec qui la partager.

Déjà, symboliquement, Marc prend soin de noter que Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus pendant sa Transfiguration : ce dialogue et la révélation de l’identité lumineuse de Jésus sont indissociables. C’est en accomplissant la Loi de Moïse et les prophètes comme Elie que Jésus revêt sa face de lumière. Chez lui, identité et mission vont de pair. C’est parce qu’il est cohérent – « aligné », diraient les théoriciens du management – que son être irradie de puissance et de beauté, telle la lumière cohérente d’un laser contrairement à la lumière diffuse ordinaire s’éparpillant en quelques mètres. Cohérence entre ses actes et ses paroles, entre la première et la nouvelle Alliance, entre ce qu’il est et ce qu’il fait : dans l’entretien qu’il met en scène avec Moïse et Elie, l’évangéliste Marc nous invite à pratiquer ce même type de cohérence avec la Loi et les prophètes, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui.

En s’associant des compagnons de Transfiguration, Jésus nous invite également à ne pas garder pour nous les éblouissements qui jalonnent notre histoire personnelle. Ces moments nous deviendront vraiment lumineux – c’est-à-dire capables d’éclairer notre route et de réchauffer notre cœur – si nous savons les partager avec de vrais amis, choisis avec soin, protégés par leur capacité à garder le secret sur les confidences ainsi partagées. C’est que le fait de confier ainsi à d’autres nos éblouissements nous permet de les multiplier ! C’est comme un bon repas : tout seul, il est déjà excellent ; avec de bons amis, il acquiert une saveur incomparable !

Un bénéfice collatéral de ce partage est qu’il suscitera souvent un partage similaire en retour : si vous confiez à de vrais compagnons vos éblouissements intérieurs, ils vous feront ce cadeau de leurs propres sources de lumière…

Voilà pourquoi la voix se fait entendre, ici au Thabor pour la Transfiguration comme au Jourdain pour le baptême : « celui-ci est mon fils bien-aimé ; écoutez-le ». Car la Transfiguration est pour les disciples tout autant que pour Jésus. Autrement dit : en Jésus, l’être-soi et l’être-pour sont liés et font système.

Pas d’existence sans pro-existence, et réciproquement ! Le caractère dialogal de notre vraie beauté d’être humain est ainsi dévoilé dans sa radicalité la plus lumineuse…

 

Pour que je n’oublie pas

Nous le savons d’expérience : ces flashs lumineux ne durent pas longtemps. Après une retraite dans un monastère, après un moment de communion intense, après une extase mystique, artistique, amoureuse, intellectuelle, il nous faut redescendre de ces hauteurs et affronter à nouveau la grisaille de nos combats ordinaires. Pour Jésus, c’est pire encore : il redescend du Thabor pour affronter sa Passion. Dans les accusations lancées contre lui, où trouvera-t-il la force de ne pas douter de son identité filiale ? Immergé dans le mépris et la dérision de son procès, comment fera-t-il pour tenir bon malgré tout ? Couronné d’épines, qui va lui dire qu’il est bien le Messie annoncé par les Écritures ? Crucifié comme un esclave, comment va-t-il repousser l’ultime tentation de croire que tout a échoué ?

artfichier_777966_5160800_201509300603467 disciples dans Communauté spirituelle

Eh bien, arrimé à sa lumière intérieure du mont Thabor mieux qu’un navire à son ancre de fond, Jésus pourra subir toutes les défigurations de sa Passion sans perdre de vue l’horizon réel de son intimité avec Dieu. Ayant à l’oreille la voix du Thabor, Jésus pourra endosser la laideur du condamné supplicié et son infamie sans rien perdre de sa dignité d’enfant de Dieu. Ces quelques instants d’éblouissement sur la montagne l’aideront à garder le cap dans les ténèbres du Vendredi Saint.

Mettons donc en mémoire nos éblouissements pour nous sauver du doute sur nous-mêmes ! Si cela nous arrivait quand même, nous aurions alors pour nous réassurer dans l’existence nos compagnons à qui nous les avons confiés. Puisque nous les avons faits témoins, ils deviendront nos alliés. Alliés pour ne pas oublier la lumière intérieure qui nous habite. Ils diront aux autres de plonger leur regard au-delà des apparences : derrière le prisonnier, il y a le fils bien-aimé ; derrière le supplicié ensanglanté, il y a le corps inondé de beauté ; derrière le crucifié repose le Sauveur du monde…

Ainsi de nous : nos compagnons d’éblouissement attesteront de notre dignité lorsqu’elle disparaîtra aux yeux des autres. Précieux alliés que ces amis de confiance entre les mains de qui nous avons remis les traces de nos illuminations les plus intenses !

 

Pour qu’ils n’oublient pas

Pourtant, ces compagnons eux-mêmes seront soumis au doute. Dans son Évangile, Marc note que Pierre, Jacques et Jean sont également les seuls disciples associés à la résurrection de la fille d’un chef de synagogue nommé Jaïre, comme pour leur confirmer le pouvoir de Jésus sur la mort. Ce sont à nouveau les seuls trois disciples que Jésus prend dans le jardin des oliviers à Gethsémani pour prier avec lui. Là, défiguré par l’angoisse devant la Passion qui approche au point d’en suer du sang et de l’eau, il voudrait que ces trois compagnons du Thabor l’aident à traverser l’horreur de la croix qui approche. Mais ils dormaient… Du coup, Pierre le reniera, Jacques s’enfuira, Jean sera muet au pied du gibet. S’ils avaient réveillé en eux le souvenir du Thabor, ils ne se laisseraient pas appesantir par le sommeil, ils n’auraient pas peur de prendre parti pour celui qu’on accuse, ils ne fuiraient pas leur déposition en faveur de Jésus.

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Nous partageons nos éblouissements à nos compagnons de route les plus chers afin qu’ils ne désespèrent pas de nous lorsque nous leur montrerons un visage plus sombre, abîmé ou sali, que ce soit par la vieillesse, la maladie, le péché ou la mort. Derrière les crachats et les outrages dégradant Jésus en loque humaine, Pierre, Jacques et Jean auraient pu voir s’imprimer en filigrane la gloire du Transfiguré. C’est ce que ferons nos témoins désormais, si du moins nous savons leur confier cette mission.

 

Pour les multiplier, pour que je ne les oublie pas, pour qu’ils ne les oublient pas : voilà au moins trois raisons de partager à des compagnons choisis nos éblouissements les plus intenses.

Qui allez-vous choisir ? Pour leur confier quelle transfiguration ?

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
Le sacrifice de notre père Abraham (Gn 22, 1-2.9-13.15-18)

Lecture du livre de la Genèse

En ces jours-là, Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il lui dit : « Abraham ! » Celui-ci répondit : « Me voici ! » Dieu dit : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai. » Ils arrivèrent à l’endroit que Dieu avait indiqué. Abraham y bâtit l’autel et disposa le bois ; puis il lia son fils Isaac et le mit sur l’autel, par-dessus le bois. Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. Mais l’ange du Seigneur l’appela du haut du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! » L’ange lui dit : « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » Abraham leva les yeux et vit un bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils.
Du ciel, l’ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham. Il déclara : « Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance occupera les places fortes de ses ennemis. Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. »

 

PSAUME
(115 (116b), 10.15, 16ac-17, 18-19)

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants. (114, 9)

Je crois, et je parlerai,
moi qui ai beaucoup souffert.
Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !

Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple,
à l’entrée de la maison du Seigneur,
au milieu de Jérusalem !

 

DEUXIÈME LECTURE
« Dieu n’a pas épargné son propre Fils » (Rm 8, 31b-34)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains

Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste : alors, qui pourra condamner ? Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous.

 

ÉVANGILE
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé » (Mc 9, 2-10)
Gloire au Christ,Parole éternelle du Dieu vivant.Gloire à toi, Seigneur.De la nuée lumineuse, la voix du Père a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ,Parole éternelle du Dieu vivant.Gloire à toi, Seigneur. (cf. Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
Patrick BRAUD

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17 février 2021

Ce déluge qui nous rend mabouls

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 10 h 30 min

Ce déluge qui nous rend mabouls

Homélie pour le 1° dimanche de Carême / Année B
21/02/2021

Cf. également :

Gravity, la nouvelle arche de Noé ?
Poussés par l’Esprit
L’île de la tentation
Ne nous laisse pas entrer en tentation
L’homme ne vit pas seulement de pain
Une recette cocktail pour nos alliances
Nous ne sommes pas une religion du livre, mais du Verbe
Et plus si affinité…

Noé au Mont-Saint-Michel

Mt St MichelEntre deux confinements cet été, j’en avais profité pour visiter à nouveau cette merveille qu’est le Mont-Saint-Michel, improbable monastère fortifié entouré de mer et de sables. La vue depuis la terrasse de pierres de l’abbaye est splendide. À marée basse, le regard se perd dans les circonvolutions des sables mouvants tout autour, la rêverie se dilate à l’infini le long des sillons de vase transformant la laisse de mer en un vaste désert marron. Puis vient le flot de la marée montante, spectacle magnifique et angoissant à la fois. Même si l’eau ne monte pas à la vitesse d’un cheval au galop comme l’affirme la légende (6 à 8 km/h quand même !), elle submerge rapidement le désert de vase, et ceinture très vite les murailles du Mont. Impossible au fond de soi de ne pas avoir peur d’être englouti par cette puissance que rien n’arrête ! Et là, sur le caillou coiffé par l’abbaye, on se sent tout petit, protégé par seulement quelques mètres de hauteur… Les récentes crues de la Garonne et de la Charente suite aux pluies diluviennes nous ont hélas fait expérimenter à nouveau la puissance de l’eau qui monte sans que rien ne puisse l’arrêter.

Toutes proportions gardées, c’est à un mini-déluge que s’expose le pèlerin de marée montante au Mont-Saint-Michel ! Être cerné par l’eau, chercher un refuge, échapper à la submersion : Noé et sa famille ont dû eux aussi ressentir cette frayeur, à la puissance deux car l’eau venait aussi du ciel avec la pluie ! L’Arche fut leur Mont-Saint-Michel : bien au sec au sommet des vagues, protégés de la violence des flots par le bois de ce bateau étrange comportant un condensé du règne animal avec quelques humains.

Noé est le personnage central de notre première lecture (Gn 9, 8-15) ; il est cité à l’appui de la seconde.
Mais de quoi Noé est-il le nom ?

 

La promesse de l’arc-en-ciel

Ce déluge qui nous rend mabouls dans Communauté spirituelle rainbow-67902_960_720Bien des civilisations antiques ont raconté de tels phénomènes de submersion que nous appellerions aujourd’hui tsunamis. Les mésopotamiens, les perses, les babyloniens et tant d’autres ont connu de tels événements dramatiques depuis 5000 ans avant notre ère. Leurs nombreux récits – dont l’épopée de Gilgamesh est la plus connue – relataient déjà comment un héros a su échapper à ces flots meurtriers. Les chapitres de la Genèse sur Noé s’inspirent directement de ces textes plus anciens, perpétuant dans l’humanité le souvenir de sa fragilité : tout peut être englouti, balayé en quelques jours ! Des collapsologies avant le mot en quelque sorte.

La différence avec la Bible est que, avec Noé, Dieu promet de ne jamais recommencer ! Il s’engage – unilatéralement – à ne plus jamais détruire l’humanité : « Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre » (Gn 9, 11). Nous n’avons donc plus à vivre sous la menace d’une extinction globale, malgré les peurs contemporaines. La Bible a cette espérance chevillée au corps. Il est de la responsabilité humaine – et de sa compétence – désormais de ne pas provoquer d’autre déluge, et l’humanité a reçu l’intelligence et l’éthique pour cela. Il n’y a pas de menaces que nous ne puissions écarter : l’arc-en-ciel scintille de cette promesse divine, source de force et d’inspiration dans l’épreuve.

 

L’Arche, notre humanité enfin réconciliée

arche_de_noe-69bd8 arc en ciel dans Communauté spirituelleLes Pères de l’Église interprètent de façon allégorique la composition animale de l’Arche de Noé. Ils notent que les bêtes sauvages ne s’entredévorent pas, que de farouches  adversaires dans la nature vivent pacifiquement ensemble pendant des semaines au sein de l’Arche. Alors ils y ont vu l’image des passions bestiales qui se déchaînent d’habitude en l’être humain. Dans l’Arche, ces passions s’apaisent, la violence s’efface, les ennemis d’hier vivent en paix. L’Arche est donc la figure de notre humanité enfin réconciliée avec elle-même, avec ses passions. En elle, nous pouvons accueillir les lions et les serpents, les colombes et les gazelles qui peuplent notre personnalité et jadis la déchiraient. Le psychologue Carl Jung dirait que l’Arche nous permet d’apprivoiser notre part d’ombre, en la nommant, en lui permettant de monter à bord, en l’inscrivant dans un projet plus grand.

Aujourd’hui, nous pourrions prolonger en voyant dans l’arche le symbole de la réconciliation de l’humanité avec la Création qui l’entoure. Dans l’Arche, l’homme lui-même est pacifique : il ne tue ni par besoin ni par plaisir, il apprend à vivre en symbiose avec toutes les espèces. Le monde nouveau qu’annoncera un vol de colombe sera habité de cette autre promesse : il est possible de vivre en paix entre nous avec toutes nos différences, en paix avec les animaux dans leur diversité, en paix avec la nature qui devient une alliée après avoir été une menace (la pandémie actuelle nous rejoue la même partition…).

 

L’Arche figure de l’Église

1759 ArcheLa comparaison s’est imposée tout de suite aux premiers chrétiens : l’Église est la nouvelle arche que Dieu nous envoie, avec Jésus comme nouveau Noé pour nous sauver du déluge du péché et de la mort. L’analogie est facile : le bois de la croix renvoie à celui de l’Arche, les flots du baptême à ceux du déluge, la barque de Pierre au vaisseau de Noé, le baptême comme l’Arche nous gardent la tête hors de l’eau après avoir failli nous noyer etc. C’est cette image qui a inspiré Jean Vanier (malgré ses autres travers inacceptables) pour créer des foyers où des personnes handicapées mentales et physiques seraient accueillies pour vivre avec des bénévoles comme dans une famille. Dans ces maisonnées aujourd’hui encore, ces handicapés échappent au déluge de mépris, de dérision, d’incompréhensions ou de maltraitance qui serait leur lot autrement.

C’est un peu cela notre Église : une arche où il nous est donné d’expérimenter une communion venant de Dieu lui-même. Communion trinitaire entre nous – si juxtaposés, si séparés d’ordinaire – ; avec nos compagnons animaux dont on redécouvre la sensibilité, l’intelligence, et ce n’est que justice ; avec le monde créé qui nous entoure et dont les chrétiens partagent avec les écologistes de tous bords l’amour, le respect, la volonté de protection.

 

Les huit personnes sauvées dans l’Arche

La Menorah : histoire et signification du chandelier juifL’Arche est donc lieu de salut, pour tous les vivants. Notre deuxième lecture (1 P 3, 18-22) l’affirme à travers le nombre symbolique des personnes sauvées grâce à l’Arche : 8. « Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées à travers l’eau ». Car il y a Noé et sa femme, ainsi que ses trois fils et leurs femmes, donc 8 personnes en tout. Or 8 est le chiffre messianique par excellence : le Messie viendra le huitième jour car c’est le premier jour de la nouvelle Création, après les sept jours de l’ancienne. Le chandelier de la fête juive de Hanoucca a 8 branches, car la fiole d’huile retrouvée dans les ruines du premier Temple a permis d’allumer les lampes pendant huit jours, le temps de fabriquer les nouvelles pour le nouveau Temple. Les chrétiens se sont appropriés cette symbolique messianique du 8 : Jésus est ressuscité un dimanche, le huitième jour de la semaine juive. Nos clochers et nos baptistères s’en souviennent, grâce à leur forme octogonale qui ne doit rien au hasard ni à l’architecture.

Bref : souligner que 8 personnes ont été sauvées grâce à l’Arche, c’est voir en Noé la figure de Jésus instaurant les temps messianiques pour toute l’humanité à travers sa résurrection. Efficace et convaincant pour les lecteurs familiers de la Genèse !

 

Le déluge à la lettre

silvioL’hébreu biblique est une langue merveilleuse, autant imagée que le français est conceptuel. En hébreu le mot déluge s’écrit מַּבּוּל et se prononce… « maboul » ! En français, le mot « Maboul » est un mot familier signifiant « fou ». Il vient de l’arabe ma’hbul, « fou, sot, stupide ». Mais en hébreu, Maboul, sans H, c’est le Déluge, selon Gn 6, 17 : « Et Moi, Je vais faire venir le déluge d’eaux (הַמַּבּוּל מַיִם, HMBWL MYM, HaMaboul Mayim) sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle de vie sous le ciel; tout ce qui est sur la terre périra ».

On pourrait d’ailleurs traduire ce terme par confusion d’eaux, folie furieuse de flots déchaînés, plutôt que par le latin diluvium = inondation. En effet, la confusion est à son comble pendant le déluge, car l’eau d’en-haut (la pluie) se joint à l’eau d’en-bas (la mer) pour faire disparaître tout horizon et tout repère. Sans GPS, impossible de se repérer dans cette confusion liquide ! Or le fou est celui qui vit dans la confusion et a perdu tout repère. L’homme devient maboul lui-même dans cette folie destructrice. Car la folie est la perte des repères, alors que la création est l’acte de séparer le ciel de la terre, la mer du sol  ferme etc. (Gn 1). Ne plus distinguer le bien du mal, l’homme de la femme, le juste de l’injuste, le droit du devoir, voilà un déluge qui à toutes les époques rend l’homme maboul de se laisser submerger par l’indifférenciation…

L’épisode de la tour de Babel sera à ce titre une reviviscence du déluge : les hommes – devenus fous à vouloir prendre la place de Dieu grâce à cette tour montant vers le ciel – s’élancent, comme les flots montant autour de Noé ou du Mont-Saint-Michel, engendrant une confusion meurtrière de l’humain et du divin. Du coup, Dieu répond par un anti-déluge en quelque sorte : la pluralité des langues, qui fait redescendre les bâtisseurs de la tour en d’un immense mascaret humain dispersant les nations à la surface de la terre pour les obliger à se parler à travers leurs différences.

Décidément, il y a mille manières de devenir maboul !

Les autres étymologies de notre récit du déluge sont elles aussi éclairantes.

- Le nom de Noé signifie : repos, tranquillité, en hébreu, selon Gn 5, 29 : « Il (Lamek) l’appela du nom de Noé, en disant : “Celui-ci nous soulagera de nos labeurs et de la peine qu’impose à nos mains un sol maudit par le Seigneur” »
La vocation de Noé et donc d’être le repos, non pas du guerrier mais de son père, Lameck, dans le nom signifie « puissant ». La puissance n’est pas tout : elle a besoin de s’apaiser. D’ailleurs, c’est vrai aussi de Dieu lui-même, car le terme Noé est utilisé pour décrire le Temple de Jérusalem : « Et maintenant, monte, Seigneur Dieu, vers le lieu de ton repos, toi, et l’arche de ta force ! Que tes prêtres, Seigneur Dieu, soient vêtus de salut, que tes fidèles exultent dans le bonheur ! » (2 Ch 6, 41). Tiens ! Dans la traduction française l’arche d’alliance est associée au repos–Noé, comme l’arche du déluge….

- Le seul autre usage du mot désignant l’Arche (הַתֵּבָ֔הcf. Gn 9,18) du déluge est… pour Moïse, sauvé des eaux lui aussi grâce au panier d’osier posé sur le Nil que la Bible appelle arche : « La fille de Pharaon descendit au fleuve pour s’y baigner, tandis que ses suivantes se promenaient sur la rive. Elle aperçut la corbeille (הַתֵּבָ֔ה) parmi les roseaux et envoya sa servante pour la prendre. » (Ex 2, 5).
Les figures de Noé et de Moïse se superposent ainsi, annonçant Jésus en filigrane comme le Messie du huitième jour venant accomplir les promesses de l’arc-en-ciel et de l’Exode.

Quant aux fils de Noé, leurs prénoms sont riches de signification.

Fils de Noé: Japhet, Cham, Sem à l'origine des ethnies de la terre- Cham signifie : chaud, bouillant. Autant son père Noé est calme et reposant, autant Cham  est « chaud-bouillant », tempérament que les Égyptiens incarneront dans l’histoire, « au pays de Cham » : « Alors Israël entre en Égypte, Jacob émigre au pays de Cham. » (Ps 105, 23).

- Japhet est « celui qui s’étend » : la Bible lui attribue une expansion sur les bords de la Méditerranée, vers le nord en Europe et une partie de l’Asie.

- Sem quant à lui porte un nom qui atteste de la grandeur de Dieu : Sem signifie « le nom, la renommée » en hébreu, et on sait que le nom de Dieu – YHWH – est imprononçable dans la tradition juive. « Béni soit son nom » (Sem) accompagne toute mention de l’Éternel. Sem est l’incarnation de ce respect du Nom de Dieu, le Tout-Autre, qui a donné aux hommes le pouvoir de nommer tout être, toute chose, excepté Dieu lui-même, plus grand que tout, échappant à toute mainmise. Les peuples sémites se reconnaissent de la descendance de Sem.

Évidemment, il manque dans cette liste les noms des quatre femmes qui accompagnaient ces quatre hommes aux noms si symboliques… La Genèse est encore très patriarcale !
Reste que les étymologies employées, par notre récit du déluge nous mettent sur la piste de notre vocation chrétienne pour nous aujourd’hui : être un lieu de repos, chaud-bouillant pour agir dans l’histoire, être celui qui s’étend au-delà des frontières connues, nommer  toutes choses… le tout pour ne pas devenir maboul !

En ce début de Carême, la liturgie nous remet en mémoire la figure de Noé pour y déchiffrer celle du Christ qui devient la nôtre par le baptême. En quoi me parle-t-elle ?

En outre, la liturgie fait le parallèle entre les tentations des 40 jours déserts et le déluge des 40 jours dans l’arche ! Mais ceci est une autre histoire…


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
Alliance de Dieu avec Noé qui a échappé au déluge (Gn 9, 8-15)

Lecture du livre de la Genèse

Dieu dit à Noé et à ses fils : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche. Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. » Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc apparaîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance qui est entre moi et vous, et tous les êtres vivants : les eaux ne se changeront plus en déluge pour détruire tout être de chair. »

PSAUME
(24 (25), 4-5ab, 6-7bc, 8-9)
R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance. (cf. 24, 10)

Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.

Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Dans ton amour, ne m’oublie pas,
en raison de ta bonté, Seigneur.

Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

DEUXIÈME LECTURE
Le baptême vous sauve maintenant (1 P 3, 18-22)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre

Bien-aimés, le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair, mais vivifié dans l’Esprit. C’est en lui qu’il est parti proclamer son message aux esprits qui étaient en captivité. Ceux-ci, jadis, avaient refusé d’obéir, au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées à travers l’eau. C’était une figure du baptême qui vous sauve maintenant : le baptême ne purifie pas de souillures extérieures, mais il est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite et il sauve par la résurrection de Jésus Christ, lui qui est à la droite de Dieu, après s’en être allé au ciel, lui à qui sont soumis les anges, ainsi que les Souverainetés et les Puissances.

ÉVANGILE
« Jésus fut tenté par Satan, et les anges le servaient » (Mc 1, 12-15)
Ta Parole, Seigneur, est vérité,et ta loi, délivrance.
L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Ta Parole, Seigneur, est vérité,et ta loi, délivrance. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
 Patrick BRAUD

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14 février 2021

Cendres : « Revenez à moi ! »

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Cendres : « Revenez à moi ! »

Homélie pour le Mercredi des Cendres/ Année B
17/02/2021

Cf. également :

Cendres : une conversion en 3D
Cendres : soyons des justes illucides
Mercredi des Cendres : le lien aumône-prière-jeûne
Déchirez vos cœurs et non vos vêtements
Mercredi des cendres : de Grenouille à l’Apocalypse, un parfum d’Évangile
La radieuse tristesse du Carême
Carême : quand le secret humanise
Mercredi des Cendres : 4 raisons de jeûner
Le symbolisme des cendres

L’homélie du pape François pour le Mercredi des Cendres 2019 n’a rien perdu de sa force, dans sa simplicité. Nous pouvons la relire, en attendant celle de 2021…:

« Sonnez du cor, prescrivez un jeûne sacré » (Jl 2, 15), dit le prophète dans la Première Lecture. Le Carême s’ouvre avec un son strident, celui d’une corne qui ne caresse pas les oreilles, mais organise un jeûne. C’est un son puissant, qui veut ralentir notre vie qui va toujours au pas de course, mais souvent ne sait pas bien où. C’est un appel à s’arrêter, à aller à l’essentiel, à jeûner du superflu qui distrait. C’est un réveil pour l’âme.
Au son de ce réveil est joint le message que le Seigneur transmet par la bouche du prophète, un message bref et pressant : « Revenez à moi » (v. 12).
Revenir.
Voltemos ao Evangelho
Si nous devons revenir, cela signifie que nous sommes allés ailleurs. Le Carême est le temps pour retrouver la route de la vie. Parce que dans le parcours de la vie, comme sur tout chemin, ce qui compte vraiment est de ne pas perdre de vue le but. Lorsqu’au contraire dans le voyage, ce qui intéresse est de regarder le paysage ou de s’arrêter pour manger, on ne va pas loin. Chacun de nous peut se demander : sur le chemin de la vie, est-ce que je cherche la route ? Ou est-ce que je me contente de vivre au jour le jour, en pensant seulement à aller bien, à résoudre quelques problèmes et à me divertir un peu ? Quelle est la route ? Peut-être la recherche de la santé, que beaucoup disent venir avant tout mais qui un jour ou l’autre passera ? Peut-être les biens et le bien-être ? Mais nous ne sommes pas au monde pour cela. Revenez à moi, dit le Seigneur. À moi. C’est le Seigneur le but de notre voyage dans le monde. La route est fondée sur Lui.

Pour retrouver la route, aujourd’hui nous est offert un signe : des cendres sur la tête. C’est un signe qui nous fait penser à ce que nous avons en tête. Nos pensées poursuivent souvent des choses passagères, qui vont et viennent. La légère couche de cendres que nous recevrons est pour nous dire, avec délicatesse et vérité : des nombreuses choses que tu as en tête, derrière lesquelles chaque jour tu cours et te donne du mal, il ne restera rien. Pour tout ce qui te fatigue, de la vie tu n’emporteras avec toi aucune richesse. Les réalités terrestres s’évanouissent, comme poussière au vent. Les biens sont provisoires, le pouvoir passe, le succès pâlit. La culture de l’apparence, aujourd’hui dominante, qui entraîne à vivre pour les choses qui passent, est une grande tromperie. Parce que c’est comme une flambée : une fois finie, il reste seulement la cendre. Le Carême est le temps pour nous libérer de l’illusion de vivre en poursuivant la poussière. Le Carême c’est redécouvrir que nous sommes faits pour le feu qui brûle toujours, non pour la cendre qui s’éteint tout de suite; pour Dieu, non pour le monde ; pour l’éternité du Ciel, non pour la duperie de la terre ; pour la liberté des enfants, non pour l’esclavage des choses. Nous pouvons nous demander aujourd’hui : de quel côté suis-je ? Est-ce que je vis pour le feu ou pour la cendre ?

Cendres : « Revenez à moi ! » dans Communauté spirituelle slide_8Dans ce voyage de retour à l’essentiel qu’est le Carême, l’Évangile propose trois étapes que le Seigneur demande de parcourir sans hypocrisie, sans comédie : l’aumône, la prière, le jeûne. À quoi servent-elles ? L’aumône, la prière et le jeûne nous ramènent aux trois seules réalités qui ne disparaissent pas. La prière nous rattache à Dieu ; la charité au prochain ; le jeûne à nous-mêmes. Dieu, les frères, ma vie : voilà les réalités qui ne finissent pas dans le néant, sur lesquelles il faut investir. Voilà où le Carême nous invite à regarder : vers le Haut, avec la prière qui nous libère d’une vie horizontale, plate, où on trouve le temps pour le ‘je’ mais où l’on oublie Dieu. Et puis vers l’autre avec la charité qui libère de la vanité de l’avoir, du fait de penser que les choses vont bien si elles me vont bien à moi. Enfin, il nous invite à regarder à l’intérieur, avec le jeûne, qui nous libère de l’attachement aux choses, de la mondanité qui anesthésie le cœur. Prière, charité, jeûne : trois investissements pour un trésor qui dure.

Jésus a dit : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21). Notre cœur regarde toujours dans quelque direction : il est comme une boussole en recherche d’orientation. Nous pouvons aussi le comparer à un aimant : il a besoin de s’attacher à quelque chose. Mais s’il s’attache seulement aux choses terrestres, tôt ou tard, il en devient esclave : les choses dont on se sert deviennent des choses à servir. L’aspect extérieur, l’argent, la carrière, les passe-temps : si nous vivons pour eux, ils deviendront des idoles qui nous utilisent, des sirènes qui nous charment et ensuite nous envoient à la dérive. Au contraire, si le cœur s’attache à ce qui ne passe pas, nous nous retrouvons nous-même et nous devenons libres. Le Carême est un temps de grâce pour libérer le cœur des vanités. C’est un temps de guérison des dépendances qui nous séduisent. C’est un temps pour fixer le regard sur ce qui demeure.

Où fixer alors le regard le long du chemin du Carême ? Sur le Crucifié. Jésus en croix est la boussole de la vie, qui nous oriente vers le Ciel. La pauvreté du bois, le silence du Seigneur, son dépouillement par amour nous montrent les nécessités d’une vie plus simple, libre de trop de soucis pour les choses. De la Croix Jésus nous enseigne le courage ferme du renoncement. Parce que chargés de poids encombrants, nous n’irons jamais de l’avant. Nous avons besoin de nous libérer des tentacules du consumérisme et des liens de l’égoïsme, du fait de vouloir toujours plus, de n’être jamais content, du cœur fermé aux besoins du pauvre. Jésus sur le bois de la croix brûle d’amour, il nous appelle à une vie enflammée de Lui, qui ne se perd pas parmi les cendres du monde ; une vie qui brûle de charité et ne s’éteint pas dans la médiocrité. Est-il difficile de vivre comme lui le demande ? Oui, mais il conduit au but. Le Carême nous le montre. Il commence avec la cendre, mais à la fin, il nous mène au feu de la nuit de Pâques ; à découvrir que, dans le tombeau, la chair de Jésus ne devient pas cendre, mais resurgit glorieuse. Cela vaut aussi pour nous, qui sommes poussière : si avec nos fragilités nous revenons au Seigneur, si nous prenons le chemin de l’amour, nous embrasserons la vie qui n’a pas de couchant.

Et nous serons dans la joie.

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (Jl 2, 12-18)

Lecture du livre du prophète Joël

Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Qui sait ? Il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment, et laisser derrière lui sa bénédiction : alors, vous pourrez présenter offrandes et libations au Seigneur votre Dieu. Sonnez du cor dans Sion : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une fête solennelle, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! Entre le portail et l’autel, les prêtres, serviteurs du Seigneur, iront pleurer et diront : « Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” »
Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays, il a eu pitié de son peuple.

PSAUME
(50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17)
R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché ! (cf. 50, 3)

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.

DEUXIÈME LECTURE
« Laissez-vous réconcilier avec Dieu. Voici maintenant le moment favorable » (2 Co 5, 20 – 6, 2)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. En tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui. Car il dit dans l’Écriture : Au moment favorable je t’ai exaucé,au jour du salut je t’ai secouru. Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut.

ÉVANGILE
« Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 1-6.16-18)
Ta Parole, Seigneur, est vérité,et ta loi, délivrance.
Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur.
Ta Parole, Seigneur, est vérité,et ta loi, délivrance. (cf. Ps 94, 8a.7d)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »
Patrick BRAUD

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