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27 décembre 2020

Signes de reconnaissance épiphaniques

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Des signes de reconnaissance épiphaniques

Homélie pour la fête de l’Épiphanie/ Année B
03/01/2021

Cf. également :

L’épiphanie du visage
Épiphanie : tirer les rois
Épiphanie : êtes-vous fabophile ?
Épiphanie : l’économie du don
Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations

Les signes de reconnaissance

Est-ce que vous encouragez souvent vos collègues ou vos proches ? Aimez-vous recevoir un compliment ? En donner ? Faites-vous régulièrement des feed-backs positifs aux membres de votre équipe ou de votre famille ? Êtes-vous plutôt très sobre, très neutre – voire indifférent – dans vos paroles et vos gestes sur les actions des autres ?
Vous avez sûrement remarqué qu’il suffit d’un : « Bravo, c’est super ! » ou d’un : « Good job ! »  adressé à un salarié pour voir ses yeux s’allumer et sa motivation se renforcer. Le baiser déposé sur le front de l’enfant avant qu’il ne s’endorme dans son lit, l’assurance d’un amour inconditionnel (« quoi que tu fasses, tu seras toujours chez toi à la maison ») font partie des provisions de confiance en soi qui lui permettront plus tard de traverser les crises.

Toutes ces paroles et gestes rassurent l’autre dans l’existence, l’aident à grandir (à tout âge), le conforte dans sa capacité à tenir sa place au milieu de nous. Éric Berne, le fondateur de l’Analyse Transactionnelle, a appelé signes de reconnaissance (stroke en anglais, qui est plus proche de caresse) ces retours – verbaux ou non verbaux – adressés à quelqu’un. Il appelle signe de reconnaissance « tout acte impliquant la reconnaissance de la présence d’autrui » [1]. C’est un message verbal ou non, positif ou négatif, que j’envoie à l’autre pour lui signifier qu’il existe à mes yeux.

Impossible d’évoluer, de grandir, de progresser sans recevoir ces signes de reconnaissance ! L’enfant-loup en manque au point de ne pas émerger de l’animalité. Le petit d’homme que personne n’a jamais dorloté, consolé, embrassé, félicité, risque de devenir une brute ou une épave.

 

1° effet : discerner le vrai visage de l’autre

Comment reconnaître des poux ?Fort heureusement, ce n’est pas le cas du bébé de la crèche ! À peine sorti du ventre de sa mère, il a les anges pour chanter à tue-tête la merveille de sa naissance, les bergers pour se réjouir de l’événement, et aujourd’hui les mages pour lui offrir des cadeaux somptueux.

Pleinement homme, Jésus commence sa vie terrestre en recevant des signes de reconnaissance dont il a aussi soif que du lait de sa mère ! Il accueille inconsciemment ces marques d’affection, de respect, de vénération comme la confirmation de sa mission. Tel  est d’ailleurs le premier sens du mot reconnaissance en français : reconnaître en l’autre ce qu’il est vraiment. Les anges reconnaissent en lui la gloire de Dieu se manifestant aux hommes. Les bergers rapportent à Marie et Joseph ce qu’on leur a dit : « Jésus est Sauveur, Christ et Seigneur », et ils s’en vont tout joyeux d’avoir ainsi reconnu en ce tout-petit au plus bas dans la mangeoire la manifestation (l’épiphanie) du grand Dieu « au plus haut des cieux ». Les mages reconnaissent à travers leurs présents que Jésus est vraiment le Grand Prêtre par excellence (encens), le Roi des rois (or), et le Prophète qui devait venir (myrrhe) [2].

À vrai dire, les signes de non-reconnaissance sont hélas eux aussi terriblement efficaces. L’aubergiste ignore ces étrangers et prétexte qu’il n’y a pas place pour eux à l’auberge. Hérode – « ce renard » - fait semblant d’appeler « roi des juifs » ce rival potentiel qu’il veut éliminer. Nous sommes nous aussi capables hélas d’envoyer des signes négatifs autour de nous !

Tels sont les signes de reconnaissance : positifs, ils aident celui qui sait les recevoir à discerner son identité profonde, sa vocation la plus personnelle ; négatifs, ils le découragent, le révoltent ou le désespèrent. Le pire est encore l’indifférence : ne pas envoyer de signes du tout…

 

2° effet : s’ancrer dans la gratitude

Du coup, le deuxième sens du mot reconnaissance en français s’applique également dans la logique du don (comme dirait Marcel Mauss) que les mages pratiquent à l’Épiphanie : être reconnaissant, c’est accepter avec gratitude les cadeaux reçus, et témoigner auprès de leurs donateurs de leur effet positif en retour.

Ne croyez pas trop vite que cette reconnaissance-là est plus facile que la première ! Par humilité, par pudeur, à cause d’une éducation où l’on n’exprime pas ses émotions, nous avons souvent du mal à dire simplement : « le compliment que tu me fais me touche. Merci », ou bien : « ton retour m’encourage et me donne de l’énergie ». Nous avons du mal parfois à nous laisser étreindre affectueusement, à consentir à la bienveillance de l’autre, à accueillir simplement les marques d’admiration qui nous sont envoyées. Peut-être parce que nos parents ont été sévères, avares de compliments, réprimant leurs émotions. Peut-être parce que nous voulons être si parfaits que seules comptent à nos yeux les améliorations à faire et pas les progrès réalisés.

Heureux ceux qui peuvent se laisser toucher par les signes de reconnaissance offerts par leurs compagnons de route ! Il y a alors un échange réel : l’un reconnaît le positif en l’autre qui en retour est reconnaissant de ce feed-back.

Le Christ ne cessera de pratiquer cette pédagogie de la reconnaissance sur les chemins de Palestine. Il se réjouit de ce que les pécheurs, les femmes, les lépreux disent de lui. Il encourage le centurion (« jamais je n’ai vu une fois si grande en Israël ! »), les malades guéris (« ta foi t’a sauvé »), le criminel repenti (« ce soir, tu seras avec moi en paradis »), Zachée perché dans l’arbre (« aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison »), la prostituée en pleurs versant un rare parfum sur ses pieds (« elle a montré beaucoup d’amour »).

Pour les chrétiens, la source de la reconnaissance est en Dieu même : c’est la circulation de la louange trinitaire d’une Personne à l’Autre. Le Fils reconnaît le Père comme son origine, et son infinie reconnaissance est l’Esprit, don vivant qui unit les deux. En pratiquant la reconnaissance, les humains participent – même sans le savoir - à la vie trinitaire dont ils proviennent et vers laquelle ils tendent.

 

3° effet : devenir ce que nous offrons

D’où le troisième effet de cette circulation des cadeaux épiphanique que sont les signes de reconnaissance dans nos vies : ceux qui offrent sont transformés en ce qu’ils offrent, ou plutôt en celui à qui ils donnent. Si l’évangile de Luc précise que les mages sont repartis par un autre chemin, ce n’est pas seulement à cause d’Hérode, mais également parce qu’ils sont transformés grâce à l’offrande qu’ils viennent de faire. Ils ne sont plus les mêmes. L’or  offert au roi du monde les a rendus participant de cette royauté-là. L’encens offert fumant devant le Grand Prêtre par excellence les associe au culte nouveau, qui n’a plus besoin de Temple parce qu’il est « en Esprit et en vérité ». La myrrhe déposée en vue de l’ensevelissement les rend prophètes avec le Christ accomplissant les Écritures et déchiffrant chaque moment présent comme le moment de la grâce divine.

De même que nous finissons par nous assimiler à ce que nous mangeons, aux images que nous fréquentons, à la musique que nous écoutons, les mages finiront par devenir les prêtres, prophètes et rois que leurs cadeaux symbolisaient, et que l’enfant de la crèche incarnait.

Celui qui n’offre rien n’a rien.
Qui ne reconnaît jamais l’autre dans sa positivité ne sera pas lui-même reconnu.
Qui n’accueille pas la reconnaissance de l’autre se prive de provisions essentielles pour sa route.
 

De Bethléem au Golgotha Jésus ne cessera de reconnaître et de manifester en chaque visage rencontré l’étincelle divine qui s’y cache. Des mages au bon larron, il accueillera avec reconnaissance les marques de vénération qu’on lui adressera.

Il ne tient qu’à nous de devenir ce que nous offrons.
Il ne dépend que de nous de communier au Christ, afin de devenir - par lui avec lui et en lui - prêtre, prophète et roi avec l’encens, la myrrhe et l’or déposés au pied de la mangeoire de Bethléem.
Cela commence par l’humble pratique des signes de reconnaissance à donner aux autres, à accepter joyeusement pour soi-même…

 

[1]. Erice Berne, Des jeux et des hommes : psychologie des relations humaines, Stock, 1984.

[2]. Les mages offrent la myrrhe comme la femme l’onction à Béthanie : « Si elle a versé ce parfum sur mon corps, c’est en vue de mon ensevelissement » (Mt 26, 12). Ils prophétisent ainsi la mort de Jésus, car la myrrhe sert à l’embaumement des corps, ainsi que le mentionne Jean : « Nicodème  vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts » (Jn 19, 39 40).

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

 

PSAUME

(71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. (cf. 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

 

ÉVANGILE
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12)
Alléluia. Alléluia.Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda,tu n’es certes pas le dernierparmi les chefs-lieux de Juda,car de toi sortira un chef,qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

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