L'homélie du dimanche (prochain)

29 mars 2020

Rameaux : la Passion hallucinée de Jérôme Bosch

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Rameaux : la Passion hallucinée de Jérôme Bosch

Homélie du dimanche des Rameaux / Année A
05/04/2020

Cf. également :

Rameaux : le conflit ou l’archipel
Comment devenir dépassionnés
Rameaux : assumer nos conflits
Rameaux, kénose et relèvement
Briser la logique infernale du bouc émissaire
Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux
Le tag cloud de la Passion du Christ
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
C’est l’outrage et non pas la douleur
Il a été compté avec les pécheurs
Sortir, partir ailleurs…

Si un jour vous passez en Belgique, faites un détour pour aller à Gand, non seulement pour admirer le sublime triptyque des frères Van Eyck sur l’Agneau mystique, ou pour flâner en bateau le long des canaux de cette ville-splendeur des 16°-18° siècles, mais également pour aller vous camper devant un tableau absolument inoubliable que vous découvrirez au musée de Gand. Parmi les innombrables interprétations de la Passion que nous venons de lire en ce dimanche des Rameaux, suivons celle – géniale – de Jérôme Bosch (1450–1516). Ce peintre hollandais fut le premier à imaginer des personnages et paysages oniriques fantastiques, surréalistes avant l’heure. Son tableau «  Le portement de la croix  » (vers 1505) rassemble 19 têtes exactement sur 77×84 cm, ce qui est unique dans la peinture européenne. Déchiffrons ensemble cette exégèse de la Passion du Christ, essentiellement vue comme sérénité au milieu de la dérision et de la violence.

Bosch Portement de croix

Impression globale

La composition du tableau apparaît dense, et même touffue (seuls deux petits espaces noirs échappent à la surcharge des visages omniprésents). Un sentiment d’étouffement nous prend à la gorge si l’on se projette au milieu de cette foule : on est un peu perdu, agressé, emprisonné, affolé. Le danger est partout. Puis nos yeux s’habituent. Ce n’est pas tout à fait le chaos primitif. Une diagonale évidente structure le rectangle : le bois de la poutre portée par Jésus, et toute une série de visages s’aligne sur cette diagonale. Cette poutre semble immense : on n’en voit pas le bout ni en haut ni en bas. On devine ensuite une deuxième diagonale, perpendiculaire, qui serait celle de l’autre poutre de la croix (le patibulum, qui sera à l’horizontale sur le Golgotha) épousant la ligne des épaules de Jésus. Toute une autre série de visages s’aligne sur cette deuxième diagonale, qui relie d’ailleurs les deux visages du Christ ainsi que celui du moine en haut à droite. À l’intersection des deux diagonales, le centre de la scène est bien sûr occupé par le visage de Jésus, couronné d’épines, les yeux clos.

Les couleurs et l’éclairage

Le marron et le noir prédominent, contrastant avec toutes les autres couleurs (rouge, jaune orangé, bleu, blanc). Les sources de lumière sont multiples, ce qui est très original pour l’époque, issues des couleurs claires. C’est comme s’il y avait une multitude de spots pointant sur des détails du tableau. On remarque tout de suite la lumière centrale sur le front du Christ, comme une auréole émanant de l’intérieur de son visage (et non à l’extérieur comme sur les icônes). Cette lumière se retrouve sur le front de l’autre visage de Jésus, imprimé sur le linge que tient une femme elle aussi les yeux clos, éclaboussée de cette clarté qui remonte, réfléchie par le linge blanc. Les autres spots de lumière pointent des visages de protagonistes dont on reparlera, notamment un curieux cône bleu arc-en-ciel servant de chapeau un homme les yeux mi-clos.

L’impression d’ensemble est celle d’un réel malaise devant un tel déferlement de violence exprimé par des faces grotesques, édentées, caricatures d’humains déformés par la haine et l’accusation.

Seuls trois visages échappent à cette déferlante de haine : celui de Jésus et de la femme en pleine lumière, celui d’un homme portant la croix à deux mains le long de la première diagonale, et peut-être également celui au chapeau cône de lumière bleu arc-en-ciel.

Notons que nulle part la violence n’est physique ici : pas de sang, pas de fouet ni de torture. S’il n’y avait le bois diagonal, on pourrait croire que Jésus passe son chemin tranquillement au milieu de cette foule déchaînée.

Quand on contemple le tableau dans son unité, à distance, on est oppressé par ce plan unique sans profondeur ni perspective, surpeuplé, qui nous empêche d’échapper à la pression des 19 personnages. L’absence de perspective génère une sensation d’emprisonnement provenant d’un espace trop petit, sans échappatoire possible. Les liens qui enserrent Jésus prisonnier ne sont pas ici des menottes ou des chaînes, ni même des cordes, mais une ronde infernale de visages grimaçants et menaçants (à deux ou trois exceptions notables).

La croix subliminale structurant la composition avec ses deux diagonales orthogonales renforce ce sentiment d’écartèlement et d’impuissance. Les multiples spots de source lumineuse se baladent sur toute la scène provoquant le vertige, à la manière des boules à facettes des boîtes de nuit. Les faciès horribles de cette cour des miracles sont effrayants et macabres. Le visage du Christ au milieu, couleur jaune–ocre douce, n’en est que plus impressionnant : serein et tranquille, il va son chemin (de croix !) sans se laisser déformer par l’océan de haine déferlant autour de lui.

Bosch Structure


Les personnages

La bande horizontale en haut du tableau

Bosch Haut 

·      Un premier groupe de personnages en haut de la toile est facilement repérable. Un homme au teint livide et quasi cadavérique est cerné par un visage accusateur à gauche, visiblement un riche bourgeois avec une belle boucle d’oreille de valeur et un chapeau de fourrure. Son nez fortement busqué, à l’excès, peut faire penser aux caricatures de juifs qui hélas étaient monnaie courante et ont perduré jusque sous Hitler… À droite, un moine édenté à la tonsure hirsute, un doigt crochu menaçant vers l’homme livide. Cet homme est donc le bon larron, qui marche à la mort avec Jésus, accusé par la synagogue à sa droite et l’Église à sa gauche. Bosch a l’audace d’associer l’Église grimaçante au déferlement de haine qui s’abat sur le condamné, sinistre prophétie annonciatrice des massacres et des flots de sang qui vont bientôt couler dans les Pays-Bas comme dans toute l’Europe suite au déchirement de la Réforme [1] (à partir de 1517). Le condamné est le seul à garder visage humain, avec le Christ et la femme, mais sa lividité indique qu’il prend conscience de ce qu’il attend.

L’accusation religieuse (juive et catholique) est renforcée par celle émanant des trois autres visages en haut à gauche, visiblement des notables citadins dont les regards convergent dans la même réprobation vers le larron.

Ce premier groupe de six personnages nous dit d’emblée que la Passion du Christ n’est pas que celle de Jésus : c’est également de celles de tous les pauvres hères de tous les temps condamnés par les pouvoirs religieux et civils heureux de s’unir grâce à cette violence – que  René Girard qualifiait de mimétique – autour d’un bouc émissaire.

·      Un visage est à part, à demi renversé vers le haut, dans l’obscurité (coin supérieur gauche du tableau). On devine que ce sont ses mains qui agrippent la croix tout en haut de la diagonale. C’est Simon de Cyrène, réquisitionné pour aider Jésus à porter sa croix. Mais ici il semble contraire renversé par la foule, s’agrippant à la croix comme à une bouée de  sauvetage, ce qui pourrait d’ailleurs alourdir le poids de la poutre au lieu de soulager Jésus. Comme quoi on est plutôt porté par la croix du Christ que forcé à porter celle des autres…

Le Christ n’en semble nullement affecté. Il se pourrait bien que nos velléités d’aider le Christ se transforment en fait en notre propre sauvetage, à notre insu. Tant mieux ! D’ailleurs, Simon de Cyrène garde un visage humain «  normal  » là où les autres (sauf la femme et Jésus) sont déformés par des rictus effrayants.

 

Les visages de l’arc médian

Bosch Arc médian

De gauche à droite, au milieu, se détache d’abord le visage lumineux d’une femme avec une belle coiffe ornée de trois perles de fils (allusion trinitaire ?) qui tranche sur tous les autres en se détournant de la scène et en gardant les yeux clos en parallèle avec la deuxième diagonale, à l’orthogonale donc des yeux de Jésus s’alignant sur la première diagonale. C’est bien sûr Véronique, ayant recueilli sur un linge l’empreinte de la face du Christ qui nous regarde, les yeux ouverts, comme pour nous prendre à témoin de ce qu’on lui fait subir ainsi qu’au bon larron. Véronique semble en fermant les yeux vouloir rester fixée sur la beauté intérieure de celui qu’elle a rencontré et qu’elle emporte avec elle. Elle en sourit de façon un peu énigmatique, îlot de beauté refusant la vague de laideur qui submerge tous de gauche à droite. C’est donc qu’il est possible de ne pas se laisser déformer par la haine ambiante, de ne pas participer à la violence mimétique entrainant la foule dans son chaos.

À côté d’elle, une autre femme la regarde, triste, peut-être une allusion aux femmes allant vers le tombeau embaumer le corps de Jésus. Le véritable embaumement n’est pas de statufier un mort, mais de graver au fond de soi l’éblouissant visage du transfiguré que même la laideur de sa Passion ne peut défigurer.

À droite du Christ, un ogre avec des piercings aux joues et au menton semble vouloir nous dévorer en nous regardant avec une étrange férocité. Salutaire avertissement : le spectateur ne peut se croire hors du tableau. Les deux regards du Christ sur le linge et celui de l’ogre sur la deuxième diagonale nous empêchent de rester neutres. La menace est sur nous ; le salut aussi.

Cette deuxième diagonale – invisible – du tableau relie d’ailleurs l’empreinte sur le linge au visage de Jésus et à celui du moine édenté. La couronne d’épines du Christ est ainsi opposée à la couronne de cheveux hirsutes du moine tonsuré : l’Église est ici figurée comme l’Antéchrist, capable à l’opposé de son Seigneur d’accuser et de condamner sans se voir elle-même couronnée de faux atours (richesses, pouvoir temporel etc.), ayant perdu son mordant évangélique comme les mâchoires du moine hideux ont perdu leurs dents !

À droite de cet arc médian, un soldat même la marche vers le calvaire. Sa bouille joufflue, son casque de travers, sa bouche dents dehors, ses yeux exorbités lui donnent un air stupide mais résolu à accomplir sa mission. L’obéissance militaire peut transformer n’importe qui en brute idiote plus soucieux d’obéir que de comprendre ce qu’elle exécute…

 

L’autre larron

Bosch Bas

Un dernier groupe de trois personnages constitue une scène en soi. La corde au cou du  visage retourné contre les deux autres – comme la corde autour du bon larron – nous fait reconnaître le mauvais larron ici. Sa trogne haineuse se retourne dans sa marche pour faire face à ses accusateurs, deux hommes terrifiants. Il leur ressemble. Il est à l’image de la haine qui l’accuse. Répondre au mal par le mal nous rend semblable à lui. Un emplâtre sur la tempe du criminel témoigne de son état de santé mental défaillant [2], car c’est folie de persévérer dans son crime. Répondre à la haine par la haine nous enlaidit. Ne pas pratiquer le pardon ou l’amour des ennemis nous fait ressembler à nos bourreaux. Voilà ce qui nous arrive lorsque nous vengeons œil pour œil, dent pour dent : nous finissons par ressembler au mal que nous combattons si nous utilisons les mêmes armes que lui…

Puis vient un visage énigmatique : aligné sur la première diagonale, chapeau cône bleu arc-en-ciel, ses yeux semblent regarder vers le sol. Il ressemble à un mage comme on s’attend à en trouver en Orient, plein de sortilèges dans son chapeau paré d’étoiles. Que représente-t-il ? Serait-il une échappatoire à ce chaos de laideur, faisant fi de ce monde violent et se soustrayant à l’actualité ambiante grâce à sa magie et ses pouvoirs occultes ? Même en retrait, il est cependant associé aux deux autres accusateurs grimaçants en bas du tableau.

Le bouclier

À propos d’armes, la seule qui se trouve dans le tableau est l’énorme bouclier rouge qui attire l’œil. À qui est-il ? Pas au soldat qui est trop loin. Et sa couleur rouge montre que c’est un bouclier symbolique. Comme il est dans le prolongement du corps de Jésus, on n’en déduit qu’il est là pour le protéger. Et on pense au fameux bouclier de la foi dont Paul équipe l’armure du croyant : (Ep 6). C’est cette foi–confiance sereine et paisible de Jésus envers son Père qui lui sert de bouclier, pour fendre la foule déchaînée sans lui ressembler ni se laisser atteindre par les insultes, à l’image du serviteur d’Isaïe :

« Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche » (Is 53,7).
« Le Seigneur DIEU me vient en aide : dès lors je ne cède pas aux outrages, dès lors j’ai rendu mon visage dur comme la pierre, j’ai su que je n’éprouverais pas de honte. Il est proche, celui qui me justifie ! Qui veut me quereller ? Comparaissons ensemble ! Qui sera mon adversaire en jugement ? Qu’il s’avance vers moi ! Oui, le Seigneur DIEU me vient en aide : qui donc me convaincrait de culpabilité ?  (Is 50, 7-9)
D’ailleurs deux mains appartenant à d’autres personnages semblent être celles de Jésus entre son visage et le bouclier, deux mains d’orant, levées vers le ciel en offrande…

De façon surprenante, seuls deux visages au final accusent Jésus en direct. Alors que cinq sont tournés vers le bon larron et trois vers l’autre larron. La Passion du Christ est surtout celle des larrons de tous les temps, bandits à châtier jusqu’à l’excès, criminels à exclure de l’humanité.

L’impressionnant carnaval de haine peint par Jérôme Bosch est un appel à la méditation, car chacun de ces 19 visages peut être le nôtre ou nous parler en direct.

Dans la prière de cette Semaine Sainte, attardons-nous silencieusement sur chaque visage et sur l’ensemble, jusqu’à ce que leur message s’imprègne en nous mieux que sur le linge de Véronique…

 


[1]. Brueghel l’Ancien s’en souviendra pour dépeindre la situation des Flandres sous domination espagnole pendant les guerres de religion au travers de son tableau :  » le portement de croix  » (1564). Le martyr du Christ sur la toile de Brueghel sera à l’image de la population flamande sous la terreur des catholiques exterminant les protestants hérétiques…

[2]. On pense à l’excision de la  » pierre de folie  » sur les tableaux de Bosch, reflétant la croyance de son temps selon laquelle la folie était due à un corps étranger logé dans le cerveau comme une tumeur à extraire.


LECTURES DE LA MESSE

ENTRÉE MESSIANIQUE
(Mt 21, 1-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent en vue de Bethphagé, sur les pentes du mont des Oliviers. Alors Jésus envoya deux disciples en leur disant : « Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle. Détachez-les et amenez-les moi. Et si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : ‘Le Seigneur en a besoin’. Et aussitôt on les laissera partir. » Cela est arrivé pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète : Dites à la fille de Sion :Voici ton roi qui vient vers toi,plein de douceur,monté sur une ânesse et un petit âne,le petit d’une bête de somme.
Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et son petit, disposèrent sur eux leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient criaient : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » Comme Jésus entrait à Jérusalem, toute la ville fut en proie à l’agitation, et disait : « Qui est cet homme ? » Et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

PREMIÈRE LECTURE
« Je n’ai pas caché ma face devant les outrages, je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50, 4-7)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

PSAUME

(Ps 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a)
R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps 21, 2a)

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Il s’est abaissé : c’est pourquoi Dieu l’a exalté » (Ph 2, 6-11)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
 Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

 

ÉVANGILE

Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 26, 14 – 27, 66)

Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (cf. Ph 2, 8-9)

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Matthieu

Les sigles désignant les divers interlocuteurs son les suivants :
X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages

L. En ce temps-là, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres et leur dit : D. « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? »

L. Ils lui remirent trente pièces d’argent. Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : D. « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? » L. Il leur dit : X. « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : ‘Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.’ » L. Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze. Pendant le repas, il déclara : X. « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. » L. Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : D. « Serait-ce moi, Seigneur ? » L. Prenant la parole, il dit : X. « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » L. Judas, celui qui le livrait, prit la parole : D. « Rabbi, serait-ce moi ? » L. Jésus lui répond : X. « C’est toi-même qui l’as dit ! »
L. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : X. « Prenez, mangez : ceci est mon corps. » L. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : X. « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »
L. Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Alors Jésus leur dit : X. « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger,et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » L. Prenant la parole, Pierre lui dit : D. « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. » L. Jésus lui répondit : X. « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » L. Pierre lui dit : D. « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » L. Et tous les disciples dirent de même.

 Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : X. « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. » L. Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse. Il leur dit alors : X. « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi. » L. Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : X. « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. » L. Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : X. « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » L. De nouveau, il s’éloigna et pria, pour la deuxième fois ; il disait : X. « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » L. Revenu près des disciples, de nouveau il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil. Les laissant, de nouveau il s’éloigna et pria pour la troisième fois, en répétant les mêmes paroles. Alors il revient vers les disciples et leur dit : X. « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »
L. Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, et avec lui une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. Celui qui le livrait leur avait donné un signe : D. « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le. » L. Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : D. « Salut, Rabbi ! » L. Et il l’embrassa. Jésus lui dit : X. « Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » L. Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. L’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille. Alors Jésus lui dit : X. « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? » L. À ce moment-là, Jésus dit aux foules : X. « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, dans le Temple, j’étais assis en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. » L. Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent.
Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens. Quant à Pierre, il le suivait à distance, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait. Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort. Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux, qui déclarèrent : A. « Celui-là a dit : ‘Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.’ » L. Alors le grand prêtre se leva et lui dit : A. « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? » L. Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : A. « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu. » L. Jésus lui répond : X. « C’est toi-même qui l’as dit ! En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez lFils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. » L. Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : A. « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ! Quel est votre avis ? » L. Ils répondirent : F. « Il mérite la mort. » L. Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups en disant : F. « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »
L. Cependant Pierre était assis dehors dans la cour. Une jeune servante s’approcha de lui et lui dit : A. « Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen ! » L. Mais il le nia devant tout le monde et dit : D. « Je ne sais pas de quoi tu parles. » L. Une autre servante le vit sortir en direction du portail et elle dit à ceux qui étaient là : A. « Celui-ci était avec Jésus, le Nazaréen. » L. De nouveau, Pierre le nia en faisant ce serment : D. « Je ne connais pas cet homme. » L. Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : A. « Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit. » L. Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : D. « Je ne connais pas cet homme. » L. Et aussitôt un coq chanta. Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement.
Le matin venu, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mettre à mort. Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate, le gouverneur.
Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : D. « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » L. Ils répliquèrent : A. « Que nous importe ? Cela te regarde ! » L. Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre. Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : A. « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. » Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers. Voilà pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang. Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : Ils ramassèrent les trente pièces d’argent,le prix de celui qui fut mis à prix,le prix fixé par les fils d’Israël,et ils les donnèrent pour le champ du potier,comme le Seigneur me l’avait ordonné.
L. On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus déclara : X. « C’est toi-même qui le dis. » L. Mais, tandis que les grands prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit : A. « Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ? » L. Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné. Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait. Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas. Les foules s’étant donc rassemblées, Pilate leur dit : A. « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus, appelé le Christ ? » L. Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on avait livré Jésus. Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : A. « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. » L. Les grands prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus. Le gouverneur reprit : A. « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » L. Ils répondirent : F. « Barabbas ! » L. Pilate leur dit : A. « Que ferai-je donc de Jésus appelé le Christ ? » L. Ils répondirent tous : F. « Qu’il soit crucifié ! » L. Pilate demanda : A. « Quel mal a-t-il donc fait ? » L. Ils criaient encore plus fort : F. « Qu’il soit crucifié ! » L. Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : A. « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! » L. Tout le peuple répondit : F. « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! » L. Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié. Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde. Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : F. « Salut, roi des Juifs ! » L. Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.
En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus. Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire), ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire. Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder. Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. » Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.
Les passants l’injuriaient en hochant la tête ; ils disaient : F. « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! » L. De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant : A. « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : ‘Je suis Fils de Dieu.’ » L. Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.
A partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : X. « Éli, Éli, lema sabactani ? », L. ce qui veut dire : X. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » L. L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : F. « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! » L. Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire. Les autres disaient : F. « Attends ! Nous verrons bien si Élie vient le sauver. » L. Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit
(Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant)
Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens. À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : A. « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »
L. Il y avait là de nombreuses femmes qui observaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir. Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.
Comme il se faisait tard, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu, lui aussi, disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna qu’on le lui remette. Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé, et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla. Or Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre.
Le lendemain, après le jour de la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate, en disant : A. « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : ‘Trois jours après, je ressusciterai.’ Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité d’entre les morts.’ Cette dernière imposture serait pire que la première. » L. Pilate leur déclara : A. « Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez ! »
L. Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du sépulcre en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.
Patrick BRAUD

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LE SAMEDI DE LA TERRE

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 11 h 16 min

LE SAMEDI DE LA TERRE

 

Précipitez-vous sur la collection « Tracts de crise » de Gallimard, offerts en temps de confinement. Chaque jour, quelques pages d’auteurs nous apportent des clés d’interprétation de notre temps de crise, si précieuses pour échapper à la doxa ambiante…

À télécharger gratuitement sur https://tracts.gallimard.fr/fr/pages/tracts-de-crise

Pour vous mettre l’eau à la bouche, voici la réflexion de l’écrivain italien Erri de Luca sur ce que révèle le confinement de notre rapport à la nature.

 

Tracts de crise (N°02) - Le samedi de la terreJ’ai une définition personnelle de la nature : elle est là où n’existe aucune présence humaine ou bien là où celle-ci est négligeable et de passage. Quand je vais en montagne dans des endroits éloignés, je me trouve alors dans un bout de monde tel qu’il était avant nous et tel qu’il continuera à être après.

La nature est un espace totalement indifférent à nous, où percevoir sa propre mesure infime et intrusive. Ce n’est pas un terrain de jeu ni une aire de pique-nique hors de la ville. La peur qu’inspire son immensité dominante est un préliminaire au respect et à l’admiration. La beauté de la nature n’est pas une mise en scène, c’est un état d’équilibre provisoire entre d’énormes énergies, éruptions, tremblements de terre, ouragans, incendies.

Naples, mon origine, possède un golfe légendaire pour sa beauté, œuvre de cataclysmes qui l’ont formée. La beauté de la nature est un entracte entre des bouleversements. Il ne s’agit pas là d’une conclusion philosophique, mais seulement de ma perception physique. C’est pourquoi, pour moi, la nature est l’espace de notre absence.

Là où existe une zone de peuplement, j’utilise le terme de milieu ambiant. Le latin « ambire » signifie entourer. Le participe présent « ambiens » est ce qui entoure. Depuis ses débuts, l’espèce humaine s’est sentie entourée, établissant avec le territoire des rapports de force alternant entre défense et conquête. De nos jours, il est évident que «ambiens » n’entoure plus, mais qu’il est entouré par l’expansion numérique de l’espèce et de ses moyens d’exploitation. Le milieu ambiant submergé se soumet.

Et soudain une épidémie de pneumonies interrompt l’intensité de l’activité humaine. Les gouvernements instaurent des restrictions et des ralentissements. L’effet de pause produit des signes de réanimation du milieu ambiant, des cieux aux eaux. Un temps d’arrêt relativement bref montre qu’une pression productive moins forte redonne des couleurs à la face décolorée des éléments.

La pneumonie meurtrière qui étouffe la respiration est un effet miroir de l’expansion humaine qui étouffe le milieu ambiant. Le malade demande de l’air et de l’aide en son nom et au nom de la planète tout entière.

Celui qui lit beaucoup reconnaît, ou croit reconnaître, des symboles et des paradigmes dans les événements. Le monothéisme a institué le Samedi qui littéralement n’est pas un jour de fête mais de cessation. La divinité a prescrit l’interruption de toute sorte de travail, écriture comprise.

Et elle a imposé des limites aux distances qui pouvaient   être parcourues à pied ce jour-là. Le Samedi, est-il écrit,   n’appartient pas à l’Adam : le Samedi appartient à la terre.   Cette injonction à la laisser respirer en s’imposant   un arrêt a été ignorée. Je ne crois pas que la terre puisse   récupérer ses Samedis dont elle a été privée. Je crois en   revanche que piétiner les Samedis produit les brutales   suspensions de notre occupation de la planète. C’est une   trêve pour la terre.

Pour la première fois de ma vie, j’assiste à ce renversement : l’économie, l’obsession de sa croissance, a sauté   de son piédestal, elle n’est plus la mesure des rapports ni   l’autorité suprême. Brusquement, la santé publique, la   sécurité des citoyens, un droit égal pour tous, est l’unique   et impératif mot d’ordre. Dans le cas de l’Italie, l’idolâtrie de l’économie s’est   donné la liberté de se moquer des conséquences d’activités   nocives. De la dispersion de l’amiante dans le percement   du tunnel du Val de Susa à l’intoxication de Tarante, la   santé publique est traitée comme une variable secondaire.   Les morts dues aux problèmes environnementaux sont   considérées comme des dommages collatéraux d’activités   légitimes et impunies. Ce sont au contraire des crimes de  guerre accomplis en temps de paix au détriment de populations réduites au rang de vassales.

Tel est le brusque retournement de situation, l’économie tombée de cheval et soumise à une nouvelle priorité : la vie pure et simple. Les médecins et non les économistes sont les plus hautes autorités. C’est une conversion. Elle améliore le rapport entre citoyens et État, les gouvernements passent de garants du PIB en vaillants défenseurs de la communauté.

Certes, il s’agit d’un état d’exception et on a hâte d’arrêter l’épidémie et de revenir au plein régime précédent. Mais le Samedi de la terre sème en même temps que les deuils une lueur de vie différente pour les survivants. Car, dorénavant, chacun est un rescapé provisoire. C’est un sentiment qui me rapproche le plus de tous ceux auxquels je ne peux serrer la main.

Une autre inversion est à relever dans le cas de l’Italie. Depuis son unité, des flux migratoires ont eu lieu du sud vers le massif alpin. Aujourd’hui, on assiste à un retour massif en flux inversé, jusqu’au récent blocage des retours. Le spécialiste de l’environnement Guido Viale remarquait que l’épicentre des contaminations en Chine, en Allemagne, en Italie, coïncide avec les zones de très forte pollution atmosphérique, signe d’une prédisposition à l’agression des voies respiratoires.

Le sud perçu comme terre de refuge, asile sanitaire, recommence à accueillir ses enfants. La parabole du fils prodigue n’est pas valable ici. Ils ne sont pas partis pour dilapider, mais par nécessité. Ils ne reviennent pas repentis, mais désespérés d’affronter des isolements loin de leurs attaches familiales, impatients d’entendre un peu de dialecte, affectueuse langue maternelle. Peut-être que le système immunitaire s’améliore avec l’humeur. Une fois les priorités redéfinies, c’est l’urgence de sauver qui compte et aussi celle de purger une quarantaine indéterminée dans des lieux familiers. Le sud, perçu comme plus sain, est certainement un milieu ambiant plus cordial pour calmer l’angoisse d’un état de siège.

«Basta che ce sta ‘o sole, basta che ce sta ‘o mare…» Il suffit qu’il y ait le soleil, il suffit qu’il y ait la mer. Ce n’est pas une thérapie reconnue, mais c’est bon pour l’âme de se mettre au balcon et de se laisser baigner de lumière.

 

ERRI DE LUCA
LE SAMEDI DE LA TERRE
Tracts de crise – Gallimard 19/03/2020 ISBN : 9782072909368
19 MARS 2020 / 10H / N° 2
OFFERT EN PÉRIODE DE CONFINEMENT
© ÉDITIONS GALLIMARD, 2020.

 

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22 mars 2020

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue

Homélie du 5° dimanche de Carême / Année A
29/03/2020

Cf. également :

Reprocher pour se rapprocher
Et Jésus pleura
Une puanteur de 4 jours

La part d’ombre de Jean Vanier

Samedi 22 février 2020. Les responsables de l’Arche communiquent longuement à la presse en faisant une révélation gravissime et douloureuse : leur fondateur Jean Vanier a abusé sexuellement pendant des années de six femmes au moins qu’il accompagnait spirituellement (et qui n’étaient pas des personnes handicapées comme celles accueillies à l’Arche). Stupéfaction et choc immense pour tous les admirateurs de Jean Vanier et de son œuvre (l’Arche, mais aussi Foi et Lumière). La prise de parole des responsables est calme, courageuse : ils enquêtent depuis des mois avec l’aide d’un organisme extérieur, et leur conclusion est sans appel. L’influence néfaste sur Jean Vanier de l’ex-dominicain Thomas Philippe et de sa pseudo-mystique est manifeste (son frère Marie-Dominique Philippe lui aussi dominicain et fondateur des frères de Saint-Jean a également commis viols et agressions révélées en 2013). Ils veulent la vérité. Leur déception est immense. Ils sont effondrés et touchés au plus profond. Par leur parole publique, ils veulent préserver le formidable élan de l’Arche qui permet à des centaines d’adultes handicapés mentalement et physiquement de vivre une vie de famille et de communauté dans les 150 foyers de l’Arche de par le monde. Leur réaction est salutaire. Il leur faudra des mois, des années pour digérer cette terrible nouvelle, et en tirer toutes les conséquences, tant organisationnelles que spirituelles ou ecclésiales.

Sans le savoir, ils rejoignent ainsi les amis de Lazare dans l’Évangile de ce cinquième dimanche de carême, pleurant avec Marthe et Marie sur la mort de leur frère. Ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont dit peut aujourd’hui encore nous inspirer pour traverser les graves crises qui affectent régulièrement nos communautés ou nos vies personnelles.

 

Pleurer avec

Les juifs sont venus réconforter Marthe et Marie dans leur deuil. Comme les amis de Job venus le soutenir [1], ils n’assènent pas de discours bondieusards prônant des explications ou des consolations trop faciles. Non : ils pleurent avec Marie et la réconfortent par leur simple présence plus que par leur parole. C’est cela la compassion : souffrir avec (cum-patire en latin).

Lorsque quelque chose de mortel fait irruption dans nos vies, que ce soit la révélation sur Jean Vanier pour l’Arche ou le deuil pour Marthe, il est important de se laisser blesser, d’accepter d’être vulnérable, d’en pleurer de douleur, de déception, de dégoût ou de tristesse, de remords ou de rage, comme Pierre sur son reniement ou comme la pécheresse versant ses larmes sur les pieds de Jésus à Béthanie. D’ailleurs Jésus lui-même ne retient pas son émotion devant les pleurs de Marie et de ses amis. Il en est bouleversé. Et devant le tombeau, il pleure. Au lieu de se durcir pour paraître fort, le Christ nous invite à accueillir nos émotions devant les catastrophes qui nous dévastent, à ne pas retenir nos larmes. Mieux vaut pleurer sur les abus de Jean Vanier que de nier ou de faire comme si on allait vite passer à autre chose. Mieux vaut pleurer avec ceux qui sont dévastés par une épreuve que de leur faire la morale ou de leur dire tout de suite ce qu’ils devraient faire. Rilke conseillait à un jeune poète de prendre le temps d’habiter ses questions, d’y demeurer, avant de leur apporter une réponse.

« Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. » [2]

Il en va de même pour les coups mortels que nous subissons : prendre le temps d’habiter notre douleur est indispensable ; ne pas trop vite passer à autre chose est vital.
Et si nous voulons accompagner ceux qui souffrent, commençons par nous asseoir à leurs côtés. Pleurer avec ceux qui pleurent est le premier signe de l’amitié touchée par le malheur de l’autre.


« Où l’avez-vous mis ? »

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue dans Communauté spirituelle RsurrectiondeLazare2Jésus demande alors : « Où l’avez-vous mis ? »

« Excellente question. Qu’avons-nous fait de notre frère souffrant ? L’avons-nous enterré dans un coin pour qu’il ne nous dérange pas avec son odeur de mort ? Qu’avons-nous fait de cette part de nous-même qui est souffrante et que nous laissons pourrir dans un coin ? Qu’avons-nous fait de nos injustices passées, les nôtres et celles de notre peuple, celles de notre parti, de notre église, de notre famille ? Les voilons-nous sous de faux prétextes pour nous justifier à nos propres yeux : il y a là un risque de gangrène, un poison de mort. « Où l’avez-vous mis ? » nous dit Jésus, dans quels placards avez-vous caché vos cadavres ? […] Cela demande une double confiance, confiance dans la capacité de Dieu à faire quelque chose, et confiance dans sa capacité à nous aimer malgré cette puanteur, comme seul un véritable ami peut le faire. « Seigneur, viens voir » et je serai ressuscité » [3].

Chaque famille a ses secrets, chaque personne sa part d’ombre, chaque paroisse sa face cachée, chaque Église ses turpitudes… : autant de cadavres dans le placard qui finissent par sentir mauvais à la longue à force de vouloir les dissimuler. Le Christ nous demande où sont nos Lazare morts. Non pas pour nous juger ou nous accabler. Mais un médecin ne peut soigner une plaie sans qu’on la lui expose, même nue, souillées et dangereuse. Avec une compassion et une douceur infinies, le Christ nous demande de lui dévoiler nos cachettes honteuses, les non-dits qui nous empoisonnent, les secrets malsains qui nous gangrènent, les cadavres qui hantent nos placards. Il le demande en ami pleurant sur notre mal et non en inquisiteur cherchant une preuve.
Comment ne pas être bouleversé à notre tour de son désir de rejoindre même le côté le plus obscur de nous-mêmes ?

 

« Seigneur, viens et vois ! »

Au début, sur les bords du lac de Galilée, c’est Jésus qui avait formulé cette invitation à Jean et André : « venez et voyez » (Jean 1,34). La demande ici s’inverse : ce sont les amis de Lazare qui invitent Jésus à venir voir son tombeau. Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue et le chemin pour nous ouvrir à sa puissance de résurrection. Plutôt que de cacher nos morts spirituelles ou morales, (comme on cache aujourd’hui les corps des défunts dont on a peur, qu’on ne touche plus et qu’on ne veille plus), le Christ nous donne le courage de lui révéler publiquement les recoins où la mort nous taraude, les puanteurs que bientôt nous ne pourrons plus contenir, à l’image du tombeau de Lazare au quatrième jour.

« Viens ! » : Jean n’emploie ce verbe (ρχου en grec) que neuf fois : 2 fois dans son Évangile (Jn 1,46 ; 11,34) et 7 fois dans l’Apocalypse [4].
Dans l’Apocalypse, par 4 fois un animal du Tétramorphe crie : « viens ! » lorsqu’un sceau est ouvert [5]. Le sceau symbolise une nouvelle étape dans l’histoire personnelle ou collective ; cela signifie donc qu’à chaque impulsion nouvelle de notre histoire nous pouvons crier « viens ! »  pour que le Seigneur visite, guérisse et féconde ce jalon de notre parcours, qu’il soit joyeux ou douloureux. « Viens ! » est donc le cri du désir humain attendant activement la visite de l’amour divin dans tout son être, bon grain et ivraie inextricablement mêlés. « Viens ! » est le dernier cri de l’Apocalypse, et donc le désir ultime ponctuant toute la Bible en ce point d’orgue :

« L’Esprit et l’épouse disent: Viens ! Que celui qui entend dise : Viens ! »  (Ap 22,17)
« Celui qui atteste cela dit : Oui, je viens bientôt. Amen, viens Seigneur Jésus ! » (Ap 22,20).

C’est bien un cri d’amour : inviter Dieu à visiter ce qui nous tue est l’élan vital de l’épouse se languissant de l’union à son bien-aimé par qui la santé et le salut lui sont donnés. De manière étonnante, Jésus répond au « viens et vois ! » des amis de Lazare par un « viens dehors ! » adressé à Lazare. Désirer que Dieu visite notre part d’ombre nous permet d’entendre son appel à sortir de nos tombeaux : ce qui lui a été exposé sera guéri, la mort qui ne lui est plus cachée sera vaincue, la puanteur qui n’est plus enfermée sera dissipée à l’air libre. Si nous voulons nous relever des crises qui nous abattent, mieux vaut s’en ouvrir au Christ sans rien cacher. Si nous voulons aider les autres comme les amis de Lazare pour Marthe et Marie, mieux vaut ne pas avoir peur de ce qui sent mauvais.

Ouvrir les tombeaux plutôt que de sceller nos secrets malsains : voilà la démarche courageuse qu’ont choisie les responsables de l’Arche en révélant la face obscure de Jean Vanier, plutôt que de dissimuler ou d’excuser ou de minimiser. Nul doute que l’Arche pourra, à l’issue d’une cure longue et difficile, se libérer des liens à Jean Vanier qui obstrueraient sa marche comme les bandelettes enserraient le corps réanimé de Lazare…

Chacun de nous peut inviter le Christ à visiter ce qui le tue : « Seigneur, viens et vois ! »
Viens visiter mes secrets malodorants, mes cadavres dans le placard, les liens qui m’empêchent de « sortir dehors ».
Collectivement, en paroisse, dans une équipe de partage de vie ou de bénévolat solidaire, nous devons également crier vers le médecin suprême : « viens et vois ce qui nous tue ! ».

 

 


[1]. « De loin, fixant les yeux sur lui, ils ne le reconnurent pas. Alors ils éclatèrent en sanglots. Chacun déchira son vêtement et jeta de la poussière sur sa tête. Puis, s’asseyant à terre près de lui, ils restèrent ainsi durant sept jours et sept nuits. Aucun ne lui adressa la parole, au spectacle d’une si grande douleur. » (Job 2, 12-13)

[2]. R.M. Rilke, Lettres à un jeune poète, 1929.

[3]. Extrait de la très belle prédication du pasteur Marc Pernot lors d’un culte le 5 juin 2011, à qui j’emprunte son titre et son inspiration. Cf. : https://oratoiredulouvre.fr/libres-reflexions/predications/inviter-dieu-a-visiter-ce-qui-nous-tue-jean-11

[4]. Le symbolisme de ces chiffres est connu : 2 renvoie à l’unité homme-femme ou homme-Dieu, 7 aux sept jours de la Création, 4 aux quatre points cardinaux signifiant l’universalité.

[5]. Quand l’agneau ouvrit le premier des sept sceaux, j’entendis le premier des quatre animaux s’écrier d’une voix de tonnerre: Viens !  (Ap 6,1)
Quand il ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième animal s’écrier: Viens !  (Ap 6,3)
Quand il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième animal s’écrier: Viens ! (Ap 6,5)
Quand il ouvrit le quatrième sceau, j’entendis le quatrième animal s’écrier: Viens ! (Ap 6,7)

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez » (Ez 37, 12-14)

Lecture du livre du prophète Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.

PSAUME

(Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)
R/ Près du Seigneur est l’amour, près de lui abonde le rachat. (Ps 129, 7bc)

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière !

Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera ?
Mais près de toi se trouve le pardon
pour que l’homme te craigne.

J’espère le Seigneur de toute mon âme ;
je l’espère, et j’attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.

Oui, près du Seigneur, est l’amour ;
près de lui, abonde le rachat.
C’est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.

 

DEUXIÈME LECTURE

« L’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en vous » (Rm 8, 8-11)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

 

ÉVANGILE

« Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 1-45)
Gloire à toi, Seigneur,gloire à toi.Moi, je suis la résurrection et la vie, dit le Seigneur. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Gloire à toi, Seigneur,gloire à toi. (cf. Jn 11, 25a.26)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
Patrick Braud

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15 mars 2020

Témoin, à la barre !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Témoin, à la barre !

Homélie du 4° dimanche de Carême / Année A
22/03/2020

Cf. également :

Rousseur et cécité : la divine embauche !
Faut-il shabbatiser le Dimanche ?
La barre de fraction de la foi
Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous
Le témoin venu d’ailleurs


Castle : Le témoin Rick Castle est appelé à la barre ! (8.10)Témoigner

Avez-vous déjà été convoqué comme témoin à la barre d’un tribunal ? La première fois, c’est impressionnant, et cela marque pour longtemps. Pour ma part, je me souviens d’avoir été appelé à témoigner en faveur d’une femme à qui la justice voulait enlever son enfant, avec déchéance de ses droits parentaux. J’ai rassemblé du mieux que je pouvais les événements, les souvenirs, les attitudes de cette mère démunie matériellement et intellectuellement qui se battait pourtant pour son enfant, à sa manière. On ne m’a pas laissé développer tout cela plus de quelques minutes, et j’étais triste et frustré de n’avoir pas pu tout dire, et mieux le dire. Mon témoignage a-t-il été utile ? Je n’en ai aucune idée, mais je devais à cette mère-courage de prendre position pour elle face à ses juges.

L’importance du témoignage est capitale dans notre évangile de l’aveugle-né. Les interrogatoires s’y succèdent en série, comme au tribunal. Les disciples interrogent Jésus sur le lien cécité-péché ; les voisins questionnent l’ex-aveugle, une fois, puis deux, avec des accusations qui vont crescendo, non sans interroger les parents également. Le dernier interrogatoire – salvateur celui-là – émane de Jésus qui sollicite la profession de foi de l’aveugle guéri.

Cette cascade d’interrogatoires, serrés et menaçants, s’enchaînent selon le schéma suivant, avec pour effet surprenant de faire jouer au non-témoignage des parents le rôle de pivot du récit :

Étape   Interro-     Interrogé     Question     Réponses
              gateurs          

 Aveugle-né

La question du comment ? est obsédante, lancinante dans le texte : le mot revient six fois et semble bloquer toute progression spirituelle des voisins et des pharisiens. Peut-être est-ce l’indice que se focaliser trop sur le comment empêche de voir le pourquoi ?!

Il se produit également un chassé-croisé, un renversement surprenant entre le début et la fin du texte, puisque les disciples demandent au début à Jésus : « est-ce lui le pécheur ? », alors que les pharisiens-disciples demandent à Jésus à la fin : « est-ce nous qui sommes aveugles ? » La culpabilité est renversée, de même que les causalités habituelles : ce n’est plus l’aveugle qui le mérite à cause de son péché, mais les pharisiens qui sont pécheurs à cause de leur refus de s’accepter aveugles !

 

Les différentes stratégies en présence

Reprenons le fil rouge du témoignage (quasi-judiciaire).

Certains voisins acceptent de témoigner publiquement en faveur de l’ex-aveugle en proclamant publiquement : « c’est lui ». D’autres ne veulent pas l’admettre, et contre toute évidence inventent une explication un peu bricolée : « c’est quelqu’un qui lui ressemble ». Pseudo-explication que l’on retrouve d’ailleurs dans la tradition musulmane, qui prétend que c’est un sosie de Jésus et non Jésus lui-même qui a été cloué sur la croix, sort trop infamant pour un prophète d’Allah. « C’est quelqu’un qui lui ressemble » qui a été crucifié à sa place, affirment-ils en cœur depuis des générations… [1]

La nécessité du témoignage qui s’impose divise donc les voisins : certains assument publiquement, d’autres se défaussent en inventant une version plus ou moins plausible. Ils cherchent à faire rentrer l’évènement de la guérison de l’aveugle dans un cadre qui soit acceptable pour la raison humaine. Ils veulent trouver une explication qui tienne la route : l’homme qui était aveugle n’est pas celui qui voit maintenant. Ce dernier n’a donc pas été guéri parce qu’il n’a jamais été aveugle. Dieu n’a rien à voir avec cette histoire.

De la même manière aujourd’hui, dans notre culture tellement marquée par la science, nous nous méfions – et nous n’avons pas tort – de toute lecture un peu magique ou surnaturelle des événements. Nous n’aimons pas – et nous avons raison – laisser intervenir Dieu trop rapidement dans nos histoires. Nous cherchons des explications à tout. Mais c’est au risque quelquefois de devenir des esprits étroits et matérialistes qui ne savent plus accueillir la part de mystère dans nos vies ni voir l’impact de Dieu dans l’existence d’un homme.

Nous sommes ces voisins : le devoir du témoignage au sujet de l’action du Christ nous divise. Certains osent, d’autres n’osent pas ; à tel moment ce courage nous est donné, et à tel autre non.

Refus de témoigner. Une jeunessePuis vient le non-témoignage des parents, peut-être le pire. En effet, quel père ou quelle  mère ne voudrait pas prendre parti pour son enfant afin de le tirer d’un mauvais piège tendu par des accusateurs assez fourbes pour déformer la réalité ? Eh bien, ceux-là ne veulent pas prendre de risques. Le risque, c’est celui d’être exclu de la synagogue, donc de la communauté (et du salut), comme le sont les disciples du Christ depuis la décision du grand Sanhedrin à Jamnia vers 70, comme le fils jeté « hors de la vigne » dans la parabole des vignerons  homicides, comme Jésus jeté « hors de la ville » pour être crucifié à l’extérieur de Jérusalem sur le mont Golgotha. Ils ont peur ces parents-là, pas pour leur fils mais pour eux-mêmes. On les comprend. Rares étaient ceux qui, soumis à l’interrogatoire des nazis,  refusaient de livrer un ami, un proche, un camarade. Ce faisant, les parents de l’ex-aveugle  le jettent symboliquement dehors, hors de leur famille : « il est assez grand pour s’expliquer tout seul. Nous ne voulons plus être mêlés à cette affaire ».

Nous sommes ces parents, tremblant de peur prendre des risques pour le Christ, n’osant  pas déposer publiquement en sa faveur. Le non-témoignage est presque pire que l’accusation, surtout de la part de proches. C’est la lâcheté ordinaire, discrète, apparemment insignifiante, qui participe pourtant de cette réaction en chaîne conduisant les innocents à être  injustement accusés, condamnés, « jetés dehors »…

Nous avons tant à perdre que détourner la tête des injustices est plus prudent. Nous tenons tant à notre tranquillité que témoigner pour le Christ nous paraît exagéré, presque fanatique, surtout en ces temps où les religions sont priées de se taire dans l’espace public. Mais c’est impossible ! « Si eux se taisent, les pierres crieront ! » a prévenu le Christ (Lc 19,40).

Témoigner à la barre du procès Jésus – qui est toujours en cours aujourd’hui – fait partie intégrante de notre vocation de baptisés.

 

Trois dimensions du témoignage

Trois aspects, trois conditions de notre témoignage en faveur du Christ méritent d’être détaillés :

1) – avoir quelque chose à raconter

2) – se risquer à prendre parti

3) – assumer les conséquences de son témoignage


1) Avoir quelque chose à raconter

M Truc, dites-nous pourquoi le Christ est vraiment lumière pour votre existence ?
Mme Machin, racontez-nous ce qui vous amène à croire que ce Jésus a traversé la mort ? …
Si M. Truc bredouille deux ou trois formules toutes faites du genre: « Dieu est lumière », on va lui répondre: « baratin, tout çà ».
Si Mme Machin bégaie que c’est ce qu’on lui a appris depuis toujours, on va lui dire : « libérez-vous de votre éducation ». Par contre, s’ils peuvent dire : « à tel moment il s’est passé telle chose dans ma vie, et voilà ce que l’Évangile a changé dans ma manière de vivre à partir de là ». « Telle personne, telle discussion, tel livre, telle musique m’ont profondément bouleversé et dans la prière, dans la Bible, dans l’Église, j’ai trouvé une signification, une énergie, un dynamisme nouveau ».

La force du témoignage, c’est qu’il passe par des évènements concrets, en partie vérifiables, objectifs, et que c’est une parole au singulier. L’aveugle guéri peut raconter sa rencontre de Jésus, la piscine de Siloé etc. « Voilà ce qui m’est arrivé » (à moi, personnellement, ce qui laisse libre l’autre d’interpréter autrement). Par exemple: « avant de connaître le Christ, ma vie n’avait pas de sens. Depuis que je l’ai découvert, je ne vis plus pour l’argent, ni pour le pouvoir ou le confort : ma vie a changé ».

Bien sûr, ce n’est pas toujours aussi net. Bien sûr, il y a des périodes où on ne peut pas citer des transformations spectaculaires. Mais à l’échelle d’une vie, il y a bien quelques évènements-clés qui continuent à imprimer leur marque des années après. A bien y réfléchir, il y a eu quelques tournants dont je me souviens, quelques éblouissements en forme de comète, dont la queue d’étoiles continue à scintiller, même dans la nuit…

Rendre témoignage au Christ demande de pouvoir faire le récit de ce que j’ai vécu avec lui, de ce qu’il me permet aujourd’hui d’expérimenter…et ce témoignage peut s’élargir à celui d’une communauté, d’un groupe, d’une équipe, de notre Église qui raconte comment dans sa propre histoire elle a expérimenté la puissance du Christ à travers sa faiblesse.

Et vous, quels passages de votre histoire avez-vous à verser au dossier de la défense de Jésus, dans son procès qui reste encore ouvert dans ce monde ?

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2) Se risquer à prendre parti

Femme Débardeur sans Manche Amour Jésus Christ, Religion Chrétienne - Pâques, Résurrection, Nativité, Idées Cadeaux Religieux (Small Blanc Bleu)Le témoin du Christ ne peut rester extérieur à ce qu’il raconte.
Il s’implique, et il est impliqué par les autres. Impossible de déposer pour la Résurrection de Jésus sans être classé parmi les partisans du Christ. Le témoin est obligé à un moment donné de s’engager, dans le respect de la liberté des autres. Comme le dit l’aveugle-né guéri par Jésus : « vous avez beau l’accuser. Moi je sais ce que j’ai vécu : j’étais aveugle; grâce à lui je vois. Pour moi il est la lumière du monde. »
Il y a quelquefois des discussions mondaines où il vaut mieux ne pas témoigner plutôt que d’en rester à un discours superficiel où personne ne dit « je ».
Témoigner, c’est prendre un risque, se risquer.
Impossible de rester neutre. Mais prendre le parti du Christ demande de le faire avec infiniment de respect et de douceur…


3) Assumer les conséquences de son témoignage

Si mon témoignage m’implique, je dois me préparer à en assumer les conséquences. Si c’est du Christ dont je témoigne, je reconnais aussitôt mes contradictions, mes décalages personnels par rapport à Celui que je défends. Comme le reconnaît Jean-Baptiste, « je ne suis pas la lumière, mais je rends témoignage à la lumière ».

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Deux conséquences :

- Ne pas attendre d’être parfaits pour témoigner, car c’est un autre que moi-même que j’annonce.
C’est une fausse humilité de se défausser de sa propre indignité pour échapper au devoir de témoignage.
C’est une erreur de croire que nos contradictions nous interdisent de parler.
Si un fou a été en Chine et en parle abondamment, ce n’est pas parce qu’il est fou qu’on doit en déduire que la Chine n’existe pas…

Un siècle de témoins par Rance- Se souvenir que le témoignage se dit « martyr » en grec.
C’est toujours un choc lorsque les parents d’un baptême s’aperçoivent que le prénom qu’ils ont donné à leur enfant est la plupart du temps le prénom de quelqu’un qui a été martyrisé : Pierre (crucifié la tête en bas), Paul (décapité), Agnès (égorgée), Laurent (grillé vif)… Loin de protéger, le baptême de ces témoins les a au contraire exposés au martyr, et c’est là finalement une dimension logique de la condition chrétienne.

Rassurez-vous, le martyr actuel chez nous n’est pas de sang (ce qui n’est pas le cas, hélas, dans bien d’autres pays du monde). Mais c’est un martyr soft, fait d’indifférence polie, de dérision médiatique, de marginalisation folklorique, de faux procès historiques…

Un témoin appelé à la barre peut facilement être traité comme l’accusé qu’il défend. Le Christ avait prévenu ses disciples : « ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront également », « le monde vous haïra », « les pères livreront leurs fils, les fils leurs pères »…
Il y a beaucoup d’époques de l’histoire de l’Église où demander le baptême était synonyme d’emprisonnement, de représailles familiales, de carrière brisée, de prison, de torture même. Hélas, c’est toujours vrai dans de nombreuses contrées du monde.

Réjouissons du beau risque de la foi de notre baptême, et reprenons conscience de la force du témoignage en faveur du Christ, de son urgence pour aujourd’hui…

 

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[1]. « Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié ; mais ce n’était qu’un faux semblant ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude : ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué Mais Allah l’a élevé vers lui, et Allah est puissant et sage » (Sourate 4, 157-158).

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

David reçoit l’onction comme roi d’Israël (1 S 16, 1b.6-7.10-13a)

Lecture du premier livre de Samuel

En ces jours-là, le Seigneur dit à Samuel : « Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! Je t’envoie auprès de Jessé de Bethléem, car j’ai vu parmi ses fils mon roi. » Lorsqu’ils arrivèrent et que Samuel aperçut Éliab, il se dit : « Sûrement, c’est lui le messie, lui qui recevra l’onction du Seigneur ! » Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. » Alors Samuel dit à Jessé : « N’as-tu pas d’autres garçons ? » Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. » Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. » Jessé le fit donc venir : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau. Le Seigneur dit alors : « Lève-toi, donne-lui l’onction : c’est lui ! » Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’Esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là.

 

PSAUME

(Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer. (cf. Ps 22, 1)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

 

DEUXIÈME LECTURE

« Relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière – or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité – et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur. Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt. Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même d’en parler. Mais tout ce qui est démasqué est rendu manifeste par la lumière, et tout ce qui devient manifeste est lumière. C’est pourquoi l’on dit : Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.

 

ÉVANGILE

« Il s’en alla et se lava ; quand il revint, il voyait » (Jn 9, 1-41)
Gloire et louange à toiSeigneur Jésus. !Moi, je suis la lumière du monde, dit le Seigneur. Celui qui me suit aura la lumière de la vie. Gloire et louange à toiSeigneur Jésus ! (Jn 8, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé, tant qu’il fait jour ; la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler. Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Cela dit, il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé. L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.

Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui disait : « C’est bien moi. » Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? » Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit : ‘Va à Siloé et lave-toi.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. » Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »

 On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir. Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. » Parmi les pharisiens, certains disaient : « Cet homme-là n’est pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres disaient : « Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés. Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. » Or, les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’à présent il voie ? » Les parents répondirent : « Nous savons bien que c’est notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir maintenant, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. » Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, ceux-ci s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de leurs assemblées tous ceux qui déclareraient publiquement que Jésus est le Christ. Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »

Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. » Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? » Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? » Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-là, nous ne savons pas d’où il est. » L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.

 Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors. Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui.

Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’, votre péché demeure. »
Patrick Braud

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