L'homélie du dimanche (prochain)

  • Accueil
  • > Archives pour novembre 2019

3 novembre 2019

D’Amazonie monte une clameur

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

D’Amazonie monte une clameur

Homélie du 32° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
10/11/2019

Cf. également :

Mourir pour une côtelette ?
Aimer Dieu comme on aime une vache ?
N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ?
Sur quoi fonder le mariage ?

document préparatoire synode Amazonie spiritualités païennes anticolonialismeAmazonie, Allemagne : de ces deux immenses régions du monde - l’une par sa taille, l’autre par son poids historique et économique - monte une immense clameur qui retentit jusqu’à Rome : donnez-nous la possibilité d’ordonner des hommes mariés et de confier des ministères ordonnés à des femmes ! Le synode de l’Amazonie qui s’est conclu au Vatican les 26 et 27 octobre dernier a remis au pape François cette demande express (avec d’autres demandes concernant l’écologie, la déforestation, les inégalités sociales etc.) : « établir des critères et des dispositions par l’autorité compétente, d’ordonner des prêtres appropriés et reconnus de la communauté qui ont un diaconat permanent fécond et reçoivent une formation adéquate pour le sacerdoce, pouvant avoir une famille légitimement constituée et stable, pour soutenir la vie de la communauté chrétienne par la prédication de la Parole et la célébration des sacrements dans les zones les plus reculées de la région amazonienne ». Ce Document final a recueilli 128 voix pour et 40 contre.

L’une des raisons de ce vote est la dispersion géographique des communautés chrétiennes dans l’immense territoire amazonien : beaucoup ne voient un prêtre qu’une fois par an, de passage. Sauf à dire que le ministère ordonné n’est pas essentiel à la croissance d’une communauté chrétienne, on voit mal comment cette situation pourrait durer sans compromettre l’avenir de cette Église particulière. D’autant que - et c’est la deuxième raison - la concurrence des évangéliques se fait pressante. Ils pourraient devenir majoritaires en quelques décennies si rien n’est décidé.

En Allemagne, c’est le départ massif des catholiques qui inquiète, suite notamment aux scandales sexuels. En 2018, 216078 catholiques ont quitté l’Église. Ordonner des hommes mariés est un enjeu de santé affective pour le clergé selon les Allemands. La place des femmes dans l’animation et la vitalité des paroisses/aumôneries etc. est si importantes que l’opinion publique ne comprend plus qu’elles soient exclues des ministères et donc des prises de décision au plus haut niveau de l’Église. Ordonner des femmes diacres serait pour une majorité d’Allemands une juste réponse à la légitime aspiration à l’égalité hommes/femmes.

À vrai dire, il n’y a pas que l’Amazonie et l’Allemagne pour désirer une réforme des ministères ordonnés et du gouvernement de l’Église…

La dispute de Jésus avec les Sadducéens en ce dimanche peut nous aider à réfléchir sur cette brûlante question d’actualité. Bien sûr la pointe de cette controverse porte sur la résurrection des morts. Mais au passage, nous en apprenons beaucoup sur le statut conjugal et son avenir en Dieu. En nous appuyant sur ce texte, développons un raisonnement en trois temps : le mariage dit l’intensité de l’amour divin ; le célibat annonce l’universalité de cet amour ; les ministères ordonnés ont donc besoin des deux.

 

1. Le mariage dit l’intensité de l’amour divin.

page_le_mariageDe la création du monde au Cantique des cantiques, l’alliance homme/femme s’enracine dans la communion d’amour trinitaire. C’est ensemble et diiférents que l’homme et la femme sont « à l’image de Dieu », l’Unique et le Tout-Autre (d’où d’ailleurs la réticence biblique envers l’homosexualité qui ne peut porter cette symbolique d’altérité). Parce qu’ils sont différents et pourtant appelés à s’unir, l’homme et la femme dans le mariage disent quelque chose de cette intensité de relation qui unit le Père au Fils dans l’Esprit. Saint Paul élèvera cette union au rang de mystère (mysterion en grec = sacramentum en latin), c’est-à-dire de symbole désignant et rendant présent l’amour qui unit le Christ à son Église :

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne seront qu’une seule chair. Ce mystère est grand : moi, je déclare qu’il concerne le Christ et l’Église » (Ep 5,31-32).

L’incarnation de l’amour divin dans le couple est si forte qu’elle débouche naturellement sur la fécondité. Être ensemble à l’image de Dieu se traduit naturellement par cette générosité divine de donner la vie. D’où la loi du lévirat (Dt 25, 5-10) que les Sadducéens utilisent fort habilement dans l’Évangile de ce dimanche pour tendre un piège à Jésus. Laisser la femme de son frère sans enfant après son veuvage serait un affront, une humiliation, reléguant la veuve à une grande précarité matérielle et sociale. Le frère se devait donc autrefois d’assurer une descendance à la femme du défunt. Après sept tentatives infructueuses, le piège est alors en place : à la résurrection des morts, de qui cette femme sera-t-elle l’épouse puisqu’elle a eu les sept comme mari ? La réponse de Jésus est très claire : 

« Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. »

Autrement dit, le mariage est pour ici-bas. Le mariage est un sacrement de l’amour divin qui s’arrête avec la mort, ou plutôt qui sera transfiguré à travers la mort. Il ne peut donc être absolutisé. Il a besoin de l’autre état de vie - le célibat - pour signifier la plénitude de l’amour. Car la limite de l’amour humain est de devoir privilégier une relation (et une seule à la fois de préférence !) pour atteindre cette intensité. Or l’amour divin ne se limite pas à un seul peuple, ni au roi seul, ni même aux seuls juifs ou chrétiens. Il faut donc qu’une autre manière d’aimer signifie cette ouverture à tous que le mariage ne peut porter.

 

2. Le célibat annonce l’universalité de l’amour divin.

Le Célibat religieuxViendra un temps où il n’y aura plus besoin de privilégier une relation pour aimer.

Pour annoncer le monde de la résurrection, certain(e)s restent célibataires, afin de témoigner de notre espérance en un monde où « Dieu sera tout en tous » (1Co 15,28). Le célibat de Jésus - anormal pour un juif d’une trentaine d’années, rabbin de surcroît - puise ses racines dans son espérance en la résurrection. Signe eschatologique, le célibat conteste la prétention du mariage à épuiser la réalité de l’amour par sa conjugalité et sa fécondité. Il annonce un monde où il n’est plus besoin d’exclure pour aimer, d’engendrer pour survivre. D’ici là, le mariage symbolise la puissance de l’amour trinitaire, et lutte contre l’extinction de la famille humaine à travers l’engendrement de ses enfants.

Mariage et célibat ont besoin l’un de l’autre : le premier atteint une telle intensité – corporelle surtout - qu’il rend présent le feu de l’amour divin ; le second atteint une telle universalité qu’il empêche le lien amoureux de s’enclore sur lui-même. Le célibat annonce un monde où l’intensité de toutes les relations sera élevée à l’intensité amoureuse, et même mille fois au-delà !

 

3. Les ministères ordonnés ont besoin des deux.

Quelle est la finalité des ministères ? C’est d’ordonner l’Église au Christ, collectivement et personnellement. C’est-à-dire de permettre à l’épouse (l’Église) d’être unie à l’Époux (le Christ) comme le corps à sa tête, selon une équation du type :

diacres/prêtres/évêques  Ξ     Christ

assemblée (ekklèsia)                Église

pere yuriy et sa famille petit

C’est un rapport d’équivalence et non d’identité : les ministres ne sont pas le Christ (ni d’autres christs) mais permettent à l’assemblée (dont ils font partie) de s’éprouver comme unie au Christ. Comme ce lien est d’amour, les ministres mariés signifient l’intensité de cette communion (dans le lien mariage/eucharistie par exemple), alors que les ministres célibataires rappellent l’universalité de ce lien, et la nécessaire ouverture à tous (catholicité) de l’assemblée.

Les orthodoxes ont gardé la tradition la plus ancienne : clergé marié et clergé célibataire coexistent (non sans tension parfois) depuis 2000 ans. Les protestants ont abandonné la sacramentalité du ministère pour en faire une simple fonction ; c’est pourquoi ils ont moins de mal à instituer des pasteurs mariés, des femmes pasteurs ou diaconesses. Si l’Église catholique franchissait le pas d’ordonner prêtres des hommes mariés/célibataires, et diaconesse des femmes mariées/célibataires, ce ne serait finalement que le retour à la tradition la plus ancienne, que l’Occident a infléchi au Moyen Âge pour des raisons essentiellement économiques (les problèmes liés à l’héritage des clercs !) mais pas de manière irréversible. D’ailleurs, les prêtres mariés des Églises catholiques de rite oriental (maronites, melkites etc. au Liban et ailleurs) en témoignent avec noblesse depuis toujours.

En outre, ce serait une autre manière d’annoncer le monde de la résurrection cher à Jésus. Car, comme le rappelle saint Paul : « en Christ, il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni l’homme ni la femme » (Ga 3,28). Ces distinctions sont pour un temps seulement ; elles seront abolies dans le monde à venir. Anticiper cette espérance en conjuguant mariage/célibat, masculin/féminin au sein de tous les ministères serait un témoignage très fort rendu à la résurrection !

 

4. Pour que les brebis du Christ ne meurent pas de faim…

Un dernier argument pour l’ordination d’hommes (et de femmes) mariés pourrait venir… du Concile de Trente ! En effet, ce concile au XVI° siècle a réaffirmé la célébration en latin (et non en langue vernaculaire) pour l’Occident - à l’exception notable des Églises ayant déjà l’autorisation de célébrer en langue locale - . Pourtant, il a introduit l’obligation pour les prêtres d’expliquer fréquemment en langue locale au cours de la messe et même de prononcer l’homélie en cette langue. L’argument était le besoin des fidèles de se nourrir des paroles de la messe et de ses lectures bibliques :

Bien que la messe contienne un grand enseignement pour le peuple fidèle, il n’a pas cependant paru bon aux pères qu’elle soit célébrée çà et là en langue vulgaire. C’est pourquoi, tout en gardant partout le rite antique propre à chaque Église et approuvé par la sainte Église romaine, Mère et maîtresse de toutes les Églises, pour que les brebis du Christ ne meurent pas de faim et que les petits ne demandent pas du pain et que personne ne leur en donne (Lm 4,4), le saint concile ordonne aux pasteurs et à tous ceux qui ont charge d’âme de donner quelques explications fréquemment, pendant la célébration des messes, par eux-mêmes ou par d’autres, à partir des textes lus à la messe, et, entre autres, d’éclairer le mystère de ce sacrifice, surtout les dimanches et les jours de fête. (Concile de Trente, 22° session, ch8 n° 1749&1759)

Ce même argument vaut pour l’Amazonie aujourd’hui : pour que les brebis du Christ ne meurent pas de faim, pour que les communautés ne demandent le pain eucharistique sans que personne leur en donne, il est urgent d’ordonner des prêtres parmi les hommes mariés de ces communautés, afin qu’elles puissent baptiser, se nourrir de l’eucharistie et assumer leur croissance numérique et spirituelle.

D’Amazonie monte une clameur dans Communauté spirituelle

Le pape François donnera sa réponse vers Noël ou au printemps 2020 : prions pour qu’il entende la clameur qui monte des fidèles d’Amazonie, d’Allemagne et d’ailleurs, avant qu’ils ne se détournent de l’Église catholique, engendrant une déforestation ecclésiale dramatique…

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle » (2 M 7, 1-2.9-14)

Lecture du deuxième livre des Martyrs d’Israël

En ces jours-là, sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. À coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiocos voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite. L’un d’eux se fit leur porte-parole et déclara : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. » Le deuxième frère lui dit, au moment de rendre le dernier soupir : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. » Après cela, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu’on le lui ordonna et il présenta les mains avec intrépidité, en déclarant avec noblesse : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. » Le roi et sa suite furent frappés de la grandeur d’âme de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances. Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes sévices. Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. »

 

PSAUME
(Ps 16 (17), 1ab.3ab, 5-6, 8.15)

R/ Au réveil, je me rassasierai de ton visage, Seigneur. (Ps 16, 15b)

Seigneur, écoute la justice !
Entends ma plainte, accueille ma prière.
Tu sondes mon cœur, tu me visites la nuit,
tu m’éprouves, sans rien trouver.

J’ai tenu mes pas sur tes traces,
jamais mon pied n’a trébuché.
Je t’appelle, toi, le Dieu qui répond :
écoute-moi, entends ce que je dis.

Garde-moi comme la prunelle de l’œil ;
à l’ombre de tes ailes, cache-moi,
Et moi, par ta justice, je verrai ta face :
au réveil, je me rassasierai de ton visage.

 

DEUXIÈME LECTURE

« Que le Seigneur vous affermisse « en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien » (2 Th 2, 16 – 3, 5)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Frères, que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, et Dieu notre Père qui nous a aimés et nous a pour toujours donné réconfort et bonne espérance par sa grâce, réconfortent vos cœurs et les affermissent en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien. Priez aussi pour nous, frères, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, et que, partout, on lui rende gloire comme chez vous. Priez pour que nous échappions aux gens pervers et mauvais, car tout le monde n’a pas la foi. Le Seigneur, lui, est fidèle : il vous affermira et vous protégera du Mal. Et, dans le Seigneur, nous avons toute confiance en vous : vous faites et continuerez à faire ce que nous vous ordonnons. Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ.

 

ÉVANGILE

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Lc 20, 27-38)
Alléluia. Alléluia.Jésus Christ, le premier-né d’entre les morts, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Alléluia. (Ap 1, 5a.6b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurten laissant une épouse mais pas d’enfant,il doit épouser la veuvepour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

1 novembre 2019

Zachée, ou l’éloge de la curiosité

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Zachée, ou l’éloge de la curiosité

Homélie du 31° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
03/11/2019

Cf. également :

La puissance, donc la pitié
Zachée-culbuto
Zachée : le juste, l’incisé et la figue

Zachée, ou l’éloge de la curiosité dans Communauté spirituelle fg206hwBaladez-vous début septembre dans les rues du X° ou XVIII° arrondissement de Paris. Vous y entendrez des rumeurs, des sonorités étranges. Si vous continuez votre chemin, vous manquerez quelque chose ! Si vous faites un crochet de quelques rues pour voir ce qui se passe, vous tomberez sur un somptueux spectacle, haut en couleurs et en images. Des éclats de noix de coco sur la route, l’odeur de l’encens et du jasmin qui embaume les narines, le son assourdissant des tambours… Comme à son habitude, la traditionnelle fête de Ganesh a mis en éveil les sens de milliers de personnes (50 000 environ en 2019) à Paris. Le dépaysement est total. Chaque année, la communauté hindoue organise un gigantesque défilé pour rendre hommage à leur divinité la plus populaire : Ganesh, le dieu à tête d’éléphant.

Ce teasing culturel parisien vous donnera alors peut-être l’envie d’aller voir sur place d’autres façons d’honorer d’autres dieux, d’autres coutumes pour d’autres fêtes, d’autres costumes pour d’autres climats. La soif de voyager a pour aiguillon la curiosité, ce joli défaut qui nous ouvre à des horizons inconnus. Comment vivent les Africains dans leur brousse rouge latérite ? Quels  rituels pratiquent les chinois devant l’autel de leurs ancêtres à la maison ? Que disent les temples égyptiens des 3000 ans d’une civilisation éblouissante avant J.-C.  ? Avec l’abaissement du coût des voyages, le trafic aérien mondial ne cesse de croître : il est passé de quelques millions de passagers en 1950 à 3,3 milliards en 2014, la barre du milliard de passagers ayant été franchie en 1987. L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (ICAO) estime que le nombre de passagers aériens atteindra les 6 milliards d’ici 2030. Ce n’est pas sans conséquences écologiques hélas ! Mais cela reflète l’appétit de découverte qui semble bien consubstantiel à l’esprit humain.

Loin d’être le vilain défaut stigmatisé par la morale traditionnelle, la curiosité est également à l’honneur dans la Bible. Celle de Moïse par exemple est célèbre : s’il n’avait pas fait un détour, intrigué par un buisson en flammes, il n’aurait pas révélé au monde YHWH, l’Unique et le Tout-autre. Dans l’Évangile de ce dimanche (Lc 19, 1-10), c’est la curiosité de Zachée qui mérite d’être louée. Il voit la foule s’amasser à Jéricho sur le passage d’un prophète, puissant dit-on. Intrigué par ce brouhaha et la réputation de cet homme, il prend des risques pour satisfaire sa curiosité : qui est ce Jésus de Nazareth ? Pourrait-il faire quelque chose pour moi ?

Alors, « pour voir » (comme on dirait au poker !) il prend le risque de se mélanger à la foule, lui qui est mal vu du peuple à cause de sa corruption et des pots-de-vin encaissés comme fonctionnaire du Trésor public romain. Il grimpe dans un sycomore, à cause de sa petite taille, et cela l’expose encore plus aux regards de ceux qu’ils dépouillent jour après jour. N’empêche : cela vaut la peine, pense-t-il, car je suis curieux de voir et d’entendre ce prophète. La suite du texte lui donnera raison : sa curiosité risquée paiera. Jésus le distinguera entre tous, s’invitera chez lui, réalisant ainsi ses rêves de réintégration sociale au-delà de ce qu’il imaginait.

En allant au bout de sa curiosité, en s’impliquant lui-même, Zachée s’offre par avance à la transformation qui peut surgir de la découverte de l’inconnu. À la différence du roi Hérode : lui aussi était curieux de savoir qui était le nouveau-né de Bethléem, et c’est à porter à son crédit. Mais il ne bouge pas de son trône ni de Jérusalem. Il envoie les mages à sa place, et ce sont les mages qui seront transformés, repartant « par un autre chemin » qui évite Hérode. Telle est la curiosité qui reste « mondaine », qui ne s’implique pas corps et âme dans la rencontre de l’étrange. La curiosité peut rester superficielle, immobile. Celle de Zachée est active et profonde. La curiosité de salon nourrit les bavardages et fait bruisser les réseaux sociaux. La curiosité du cœur expose celui qui est intrigué et le met en mouvement.

Il y a d’ailleurs une troisième curiosité dans le Nouveau Testament, celle de Paul à Athènes : il découvre les dieux grecs à travers leurs statues dans l’Acropole et la ville ; il fait l’effort d’essayer de comprendre cette culture de l’intérieur alors que ce n’est pas la sienne. Il s’appuie sur ce qu’il a découvert du Dieu inconnu célébré par les Grecs pour leur annoncer la résurrection.

Nul doute que cette curiosité fut aussi celle de Jésus ! Pendant 30 ans à Nazareth, il a observé la nature et les hommes, les boissons et les semailles, les oiseaux du ciel et les métiers du village, les yeux grands ouverts à la manière des enfants découvrant le monde. Ses paraboles en témoignent, qui reprennent tous ces éléments pour leur donner une densité infinie.

Les enquêtes de Thomas et SophieLa Bible des curieux de DieuOù en sommes-nous de notre curiosité ? Qu’avons-nous faim et soif de découvrir encore ? Sommes-nous déjà si blasés que nul voyage ne nous tente plus, que nulle autre religion ne nous intéresse ? Avons-nous déjà fait le plein d’amis au point de ne plus ouvrir nos cercles habituels ? Le salut offert en Christ trouve dans la curiosité tous azimuts un terreau formidable, tout préparé à l’accueil de la grâce. Les catéchistes le constatent avec émerveillement : il y a des périodes de l’enfance où l’intelligence et le cœur de l’enfant ont soif de découvrir de nouveaux récits, images et rituels sur Dieu. Ils ne savent pas prier à la manière des adultes et ne demandent qu’à apprendre. Ils veulent qu’on leur raconte les histoires de la Bible, celle de Jésus, un film, une bande dessinée, un jeu… : tout ce qui leur ouvrira les portes d’univers insoupçonnés. Avec le temps, ils deviendront peut-être critiques, captifs des seuls écrans de jeu, finalement peu intéressés. Mais chacun connaît cette période où il a soif de connaître tous les possibles, de les expérimenter, d’en savoir plus sur ces questions étranges et fascinantes qu’on peut poser au caté plus qu’ailleurs. Les catéchistes aiment bien les appeler « les curieux de Dieu », tant ce moteur est le point d’appui d’une catéchèse réussie. On a même publié une « Bible des curieux de Dieu » à leur intention, où leur imaginaire pourra aller puiser des figures légendaires comme Samson ou Esther, des histoires fabuleuses comme l’Exode ou la Création, des mines pour la réflexion comme les paraboles de Jésus etc.

Zachée, par sa petite taille, n’avait sans doute pas tout à fait perdu sa curiosité d’enfant, et cela l’a sauvé !
Si Jésus nous invite à « changer pour devenir comme des enfants » (Mt 18, 1-4), c’est notamment pour maintenir vivante en nous la curiosité des enfants de Dieu.

Par la lecture, les voyages, les rencontres, ou les documentaires à la télévision, le surf sur Internet avec ses multiples découvertes inattendues (curiosité et sérendipité sont liées), les détours à effectuer pour aller voir ce qui est étrange à nos yeux sont innombrables : nous pouvons jusqu’à notre dernier souffle faire pétiller dans nos yeux la joie enfantine du cadeau-surprise à déballer avec impatience…

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Tu as pitié de tous les hommes, parce que tu aimes tout ce qui existe » (Sg 11, 22 – 12, 2)

Lecture du livre de la Sagesse
Seigneur, le monde entier est devant toi comme un rien sur la balance, comme la goutte de rosée matinale qui descend sur la terre. Pourtant, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent. Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé. Comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment serait-il resté vivant, si tu ne l’avais pas appelé ? En fait, tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes les vivants, toi dont le souffle impérissable les anime tous. Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur.

 

PSAUME
(Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14)
R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! (Ps 144, 1)

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi,
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Le nom de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui » (2 Th 1, 11 – 2, 2)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens
Frères, nous prions pour vous à tout moment afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi. Ainsi, le nom de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui, selon la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ. Frères, nous avons une demande à vous faire à propos de la venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui : si l’on nous attribue une inspiration, une parole ou une lettre prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n’allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer. »

ÉVANGILE
« Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19, 1-10)
Alléluia. Alléluia.Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle. Alléluia. (Jn 3, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie. Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. » Zachée, debout, s’adressa au Seigneur : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : ,
12