L'homélie du dimanche (prochain)

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30 juillet 2018

Faire ou croire ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Faire ou croire ?

Homélie pour le 18° dimanche du temps ordinaire / Année B
05/08/2018

Cf. également :

La capacité d’étonnement
Éveiller à d’autres appétits
« Laisse faire » : éloge du non-agir

 

« Que faire ? »

Faire ou croire ? dans Communauté spirituelle 41CABbWLTuL._SL500_SY344_BO1,204,203,200_Ce titre d’un essai de Lénine est un bon indicateur de l’état d’esprit révolutionnaire [1]. Lorsqu’il l’écrit en 1901, Lénine cherche à faire advenir cette transformation sociale que Marx avait prophétisée inéluctable quelques années auparavant. Faire l’histoire, c’est selon lui organiser un parti central, une stratégie de conquête du pouvoir et une politique pour le conserver à tout prix. Il veut forcer la main aux événements, faire accoucher l’histoire au forceps, au lieu d’attendre que la révolution arrive d’elle-même (en Angleterre ou en Allemagne comme Marx le pensait). Il veut faire entrer la réalité dans ses analyses ; il veut transformer le réel pour qu’il devienne conforme à sa vision du monde. L’obsession du faire est caractéristique de ces hommes d’action qui se définissent par les résultats, le pragmatisme et l’efficacité. On sait depuis que ce volontarisme historique est devenu le marxisme-léninisme, avec 60 à 80 millions de morts à la clé…

En religion également, l’obsession du faire guette tous les pratiquants réguliers. Les catholiques se sont longtemps définis par l’obligation d’aller à la messe, d’avoir une vie à peu près morale pour « gagner son ciel » ou « faire son salut ». En protestantisme, les puritains sont envahis de prescriptions à respecter, de conventions sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. En judaïsme, les orthodoxes se noient dans des rituels compliqués et obscurs observés à la lettre, et leur vie quotidienne est corsetée par des obligations du matin au soir. En islam, la vraie religion est d’abord de faire : faire le ramadan, le pèlerinage à la Mecque, l’aumône, la prière… Peu importe à la limite votre vie intérieure, c’est la pratique de ce qui est obligé et le refus de ce qui est interdit qui fait de vous un bon ou un mauvais musulman [2].

foi%20pilote2 croire dans Communauté spirituelleJésus s’est confronté de plein fouet à cette obsession du faire, maladive et hypocrite. Dans l’Évangile de ce dimanche, au lieu de fustiger les dérives de ceux qui lui demandent : « que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? », Jésus leur répond en indiquant une autre voie : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »

Autrement dit, croire c’est faire, alors que faire n’est pas croire.

Cette réponse est scandaleuse pour des juifs (ou des musulmans, où des chrétiens) pratiquants. Ils sont persuadés que c’est en amassant des bonnes œuvres et des prières qu’ils vont obtenir leur passeport vers le ciel. Et voilà qu’au bureau de douane, le Christ ne leur demande pas : ‘qu’as-tu fait ?’ mais : ‘as-tu cru ?’

Comment ! ? Mais alors à quoi servent tous nos efforts religieux ? À quoi sert d’aller à la synagogue (ou à la messe), de manger kasher, d’être circoncis, de respecter le shabbat etc. ? À rien, répond tranquillement Jésus. Ce n’est pas ce que tu fais qui te sauvera, mais ce que tu crois, c’est-à-dire la relation de confiance que tu nourris avec ton Dieu et tes proches. Si tu crois ainsi, le reste sera donné par surcroît.

foi%20bird3 faireCrois d’abord, et non pas : fais d’abord : voilà l’Évangile, voilà ce qui le distingue de toutes les religions humaines. Tous les systèmes religieux que l’homme a imaginés disent à celui qui cherche Dieu : « Fais et tu vivras ». Fais des pénitences, entreprends un long pèlerinage, pratique des exercices de développement personnel, impose-toi une discipline morale etc.… et tu seras sauvé. Ou bien : Fais de bonnes œuvres, assiste les pauvres, visite les malades… et tu auras le pardon de tes péchés.

Combien différent est le langage de l’Évangile : Crois ! Cesse de te consumer en efforts stériles pour accomplir toi-même ta réconciliation avec Dieu, tu n’y réussiras jamais… Il te reste un moyen d’être délivré ; accueille le salut qui t’est donné gratuitement.

Cette dialectique est subtile et demande à ne pas être aplatie à l’extrême en la réduisant à l’un de ses termes. Car quiconque en conclurait – à la manière des Quakers et autres quiétistes - que nos actions n’ont aucune importance, celui-là n’aurait pas compris le lien réel entre le croire et faire. C’est l’ordre qui est important. Croire d’abord permet de faire ensuite, sans même le vouloir, naturellement, de manière illucide. Et non à la force du poignet. Alors que faire d’abord éloignera finalement du croire (en Dieu), car ma réussite ou mes échecs m’entraînent à compter sur moi toujours plus et non sur Dieu.

Plusieurs passages de l’Écriture tournent autour de cette dialectique : faire / croire.

Laisse-faire LénineIsaïe 26,12 : Seigneur, tu nous assures la paix, et même toutes nos œuvres, tu les accomplis pour nous.

Jean 15,5 : Sans moi vous ne pouvez rien faire.

Jean 14, 12-14 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais; et il en fera même de plus grandes, parce que je vais vers le Père. Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

Actes 16, 30-31 : - Que faut-il que je fasse pour être sauvé ?
- Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé. »

Éphésiens 3,20 :  (Gloire) à Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir,

Philippiens 2,13 : Dieu est là qui opère en vous à la fois le vouloir et le faire, au profit de ses bienveillants desseins.

La clé est sans doute dans ces derniers versets : dès lors que je m’abandonne avec confiance à l’amour de Dieu en moi, cet amour-là est capable de déplacer des montagnes. Mais c’est Dieu qui l’opère en moi. Dieu fait en moi son œuvre. L’Opus Dei (œuvre de Dieu) ne relève pas d’un effort volontariste où je devrais m’améliorer sans cesse, mais d’une confiance solide dans la puissance de l’Esprit de Dieu devenu mon intime. La spiritualité jésuite a précisément décrit cette tension paradoxale :  « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu » (St Ignace de Loyola).

ou plus exactement :

« Crois en Dieu
comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu.
Cependant mets tout en œuvre en elles,
comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul. »

 opus dei

Cela nous remplit d’humilité non ?
Et de paix également, car cela enlève l’épuisante pression du « devoir faire ».

Nous sommes un peu loin de la vie de tous les jours, avec l’énergie que requièrent nos responsabilités ordinaires, me direz-vous. Oui et non. Oui, car croire avant de faire est une conviction de fond, et non un livre de recettes ; c’est un horizon sur lequel inscrire tout le reste. Non, car dès que cette priorité est posée, les choses s’enchaînent naturellement, les choix se hiérarchisent facilement, et nous sommes étonnés de l’inspiration qui nous est donnée pour agir.

Travaillons donc à l’œuvre de Dieu en croyant que lui-même agit en nous…

 


[1]. Le titre est inspiré par celui du roman « Que faire ? » publié par le révolutionnaire russe Nikolaï Tchernychevski en 1863 et qui avait marqué toute la génération révolutionnaire de la fin du XIX° siècle.

[2]. Le judaïsme comme l’islam sont dans leur essence des orthopraxies (faire ce qui est droit) alors que le christianisme est plutôt d’abord une orthodoxie (croire de manière droite).

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Psaume
(Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a)
R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

Deuxième lecture
« Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

Évangile
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
Patrick BRAUD

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