L'homélie du dimanche (prochain)

28 mai 2018

Les deux épiclèses eucharistiques

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Les deux épiclèses eucharistiques


Homélie pour la fête du Corps et du Sang du Christ / Année B
03/06/2018

Cf. également :

Les trois blancheurs
Emmaüs : mettre les 5 E dans le même panier
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédek
 

- « Elle était bien, votre messe, M. l’Abbé ! »
Le paroissien enthousiaste croit faire plaisir au prêtre qui présidait l’eucharistie de dimanche.
Une autre paroissienne renchérit :
- « J’aime bien quand c’est vous qui célébrez. »
La mine renfrognée, le prêtre se dit qu’il est temps de se lancer dans une catéchèse solide  sur l’eucharistie… Car qui célèbre, sinon l’Église tout entière ? Qui consacre, sinon l’Esprit Saint lui-même ? Qui fait l’eucharistie sinon l’Église !

Alors, en cette fête du Saint-Sacrement, dite également du Corps et du Sang du Christ, reprenons quelques éléments théologiques fondamentaux sur l’eucharistie.

 

La théologie des trois corps

Où est le corps du Christ ?
Nous en avons perdu l’habitude, mais le Moyen Âge avait popularisé une très belle conception du corps du Christ appelé théologie des trois corps.

Les deux épiclèses eucharistiques dans Communauté spirituelle 119299804_oEn effet, il y a d’abord le corps personnel de Jésus ressuscité.

Celui avec lequel il a été élevé dans la gloire du père. Ce corps glorieux, ou spirituel, est ajusté au monde de la Résurrection. Il est à la fois radicalement nouveau (les apôtres ne le reconnaissent pas tout de suite) et fidèlement hérité de sa vie humaine (cf. les traces des clous qu’exige de voir Thomas). Ce corps-là du Christ ressuscité est absent, invisible. Il échappe à notre espace-temps car il appartient au monde nouveau à venir.

Il y a ensuite le corps ecclésial du Christ.

« Vous êtes le corps du Christ » ne cesse de répéter Saint-Paul, plaçant le Christ à la Tête de cet organisme vivant dont nous sommes membres les uns des autres, reliés par le lien de la paix et de la charité dans l’Esprit. Ce corps ecclésial a pour vocation d’être uni au Christ-Tête pour rayonner de son amour à travers le monde.

Il y a enfin le corps sacramentel du Christ, sous les espèces eucharistiques du pain et du vin. C’est ce corps que nous fêtons aujourd’hui. Notons au passage qu’au Moyen Âge, on appelait corps vrai le corps ecclésial, et corps mystique le corps eucharistique. Puis, sous l’influence de crises successives contestant la transformation eucharistique, on a (malheureusement) inversé les deux termes.

On peut par exemple lire chez Guillaume de St Thierry (XI°-XII° siècles) :

Chaque fois que le prudent lecteur trouvera dans les livres quelque chose concernant la chair ou le corps du Dieu Jésus, qu’il ait recours à cette triple définition de sa chair ou de son corps, telle que je ne l’ai pas trouvée dans ma présomption ni forgée par mon sens propre, mais telle que je l’ai tirée des sentences des Pères…
Il faut en effet se représenter autrement cette chair ou ce corps qui pendit au bois et est sacrifié sur l’autel, – autrement sa chair ou son corps qui est Vie demeurant en celui qui l’a mangé, – autrement enfin sa chair ou son corps, qui est l’Église : car l’Église est dite la chair du Christ…  […]
Car le corps du Christ pour autant qu’il est en lui, se livre à tous en nourriture de vie éternelle, et il fait que ceux qui le reçoivent fidèlement vivent en unité avec lui, et par l’amour spirituel et par le partage de sa propre nature, à lui qui est la Tête du Corps de l’Église [1].

L’eucharistie sym-bolise, c’est-à-dire met ensemble, réunit les deux autres corps du Christ, personnel et ecclésial, de façon à ce que le Christ soit réellement présent en plénitude dans notre humanité sans quitter pour autant sa divinité.

On peut voir une trace de ce travail sacramentel de l’eucharistie dans les deux épiclèses  des prières eucharistiques. On appelle épiclèse une invocation de l’Esprit au-dessus de personnes ou d’objets. Or, écoutez bien : il y a deux épiclèses dans les prières eucharistiques (sauf le canon romain, la Prière eucharistique n° 1, qui illustre ainsi le déficit d’importance accordée à l’Esprit en Occident pendant des siècles).

La 1° épiclèse est faite sur le pain et le vin : « Dieu notre Père, nous te prions : Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit ; qu’elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur » (Prière Eucharistique n° 2).

La 2°est faite sur l’assemblée (sur l’ekklèsia = l’Église) : « Humblement, nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps » (PE n° 2).

On a donc la structure suivante pour les prières eucharistiques, où se joue liturgiquement l’union du Christ et de son Église :

a) 1° épiclèse sur les dons (épiclèse consécratoire)

b) récit de l’Institution (+ anamnèse)

c) 2° épiclèse, sur l’assemblée – ekklèsia (épiclèse de communion)

d) intercession-supplication dans la communion de toute l’Église, du ciel et de la terre.

On pourrait faire une lecture ecclésiologique de cette structure fondamentale, en se souvenant de la théologie des trois corps qui présidait à la compréhension de l’Église.

3 corps 2 épiclèses

d) intercession

a) La première épiclèse invoque l’Esprit pour sanctifier les dons, le pain et le vin, « afin que le Christ Jésus réalise au milieu de nous la présence de son corps et de son sang ». Le repas va « prendre corps », grâce à l’Esprit, afin que l’offrande de Jésus, son unique sacrifice accompli une fois pour toutes, continue de s’actualiser dans et par son Église, l’ekklèsia localement rassemblée. En rigueur de termes, c’est donc l’Esprit-Saint qui est l’acteur principal de la transformation des espèces eucharistiques. Le lien Église-Esprit est ici évident, et le sera encore plus en c), soulignant la dimension épiclétique de l’assemblée qu’est l’Église.

b) le récit de l’Institution est bâti comme une sorte de contraction et d’arrangement des quatre textes principaux (Mt, Mc, Lc, 1Co). Il fait donc partie intégrante de la PE. Impossible d’être chrétien sans cet ancrage historique.

c) la deuxième épiclèse a une portée ecclésiologique capitale. L’Église invoque le Christ pour qu’elle devienne une seule offrande avec le Christ. Elle désire être envahie par l’Esprit, afin de se laisser entraîner dans l’offrande sacrificielle de son Sauveur, dans la communion avec le Père. L’Église, par la puissance de l’Esprit, devient une seule offrande, dans le Christ, à la louange de la gloire du Père. C’est l’enlacement symbolique du Christ et de l’Église qui s’effectue ainsi dans l’eucharistie, selon la si belle formule de St Augustin: « soyez ce que vous voyez, recevez ce que vous êtes ». C’est l’Esprit qui fait de l’Église le corps ecclésial du Christ, « rassemblée par l’Esprit-Saint en un seul corps, pour qu’ils soient eux-mêmes dans le Christ une vivante offrande à la louange de ta gloire » (PE 4). On ne peut donc séparer le corps eucharistique du corps ecclésial : celui-ci est fait pour celui-là, celui-là devient lui-même grâce à celui-ci. Les conséquences, notamment pour le culte de l’eucharistie en-dehors de la messe, sont énormes : toute césure entre l’eucharistie et l’Église serait « meurtrière », pour reprendre l’expression du Père de Lubac.

19237_apercu corps dans Communauté spirituelle

 Qui consacre, qui célèbre ?

L’épiclèse souligne avec une précision superbe l’humilité du ministère sacerdotal. Parfois on dit que le prêtre consacre. En rigueur de termes, l’affirmation ne tient pas. L’épiclèse révèle en tout cas très exactement ce que fait le prêtre : il dit la prière par laquelle la communauté célébrante demande au Père d’envoyer son Esprit Saint sur le pain et sur le vin pour qu’ils deviennent le corps et le sang de Jésus.

La Prière eucharistique III dit explicitement : « Nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons. Sanctifie-les par ton Esprit pour qu’elles deviennent le corps et le sang de ton Fils. » C’est donc le Père qui consacre par son Esprit. Il revient au prêtre de dire la prière, au nom de la communauté, pour qu’il en soit ainsi.

Pie XII, citant Bellarmin dans Mediator Dei (20/11/1947), redit la foi commune de l’Église depuis les origines : « le sacrifice est offert principalement dans la personne du Christ. C’est pourquoi l’offrande qui suit la consécration atteste en quelque sorte que toute l’Église consent à l’oblation faite par le Christ et offre avec Lui ». L’hésitation de la Prière eucharistique n° 1 (« nous t’offrons pour eux, ou ils t’offrent pour eux-mêmes ») est la trace de cette conviction, malgré la survalorisation sacrificielle du rôle du prêtre.

D’ailleurs, le « nous » de la PE n’est pas un pluriel de majesté : même s’il est seul ministre ordonné, le prêtre dit « nous » pour exprimer qu’il dit la prière de l’Église, au nom de l’Église et avec elle. Encore une fois; répétons que tous célèbrent, mais pas de la même manière. Le Catéchisme de l’Église catholique est là-dessus très clair : « La liturgie est ‘action’ du ‘Christ tout entier’ (Christus totus). Ceux qui dès maintenant la célèbrent au-delà des signes sont déjà dans la liturgie céleste, là où la célébration est totalement communion et Fête. » (CEC n° 1136, question : Qui célèbre ?)

Les numéros suivants développent l’argumentation, qui est eschatologique : parce que la liturgie anticipe la louange finale, tous y sont associés, et tous célèbrent.

« C’est à cette liturgie éternelle que l’Esprit et l’Église nous font participer lorsque nous célébrons le mystère du salut dans les sacrements. C’est toute la Communauté, le Corps du Christ uni à son Chef (Caput = sa Tête) qui célèbre. ‘Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église, qui est le ‘sacrement de l’unité’, c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des évêques. C’est pourquoi elles appartiennent au Corps tout entier de l’Église, elles le manifestent et elles l’affectent; mais elles atteignent chacun de ses membres, de façon diverse, selon la diversité des ordres, des fonctions et de la participation effective’ (SC 26).

C’est pourquoi aussi ‘chaque fois que les rites, selon la nature propre de chacun, comportent une célébration commune, avec fréquentation et participation active des fidèles, on soulignera que celle-ci, dans la mesure du possible, doit l’emporter sur leur célébration individuelle et quasi privée’ (SC 27).

L’assemblée qui célèbre est la communauté des baptisés qui, ‘par la régénération et l’onction de l’Esprit Saint, sont consacrés pour être une maison spirituelle et un sacerdoce saint, en vue d’offrir des sacrifices spirituels’ (LG 10).

Ce ‘sacerdoce commun’ est celui du Christ, unique Prêtre, participé par tous ses membres. » (CEC nos 1139-1141)

« Ainsi, dans la célébration des sacrements, c’est toute l’assemblée qui est ‘liturge’, chacun selon sa fonction, mais dans ‘l’unité de l’Esprit’ qui agit en tous. ‘Dans les célébrations liturgiques, chacun, ministre ou fidèle, en s’acquittant de sa fonction, fera seulement et totalement ce qui lui revient en vertu de la nature de la chose et des normes liturgiques’ (SC 28). » (CEC n° 1144)

Au Moyen-Âge, on affirmait avec audace: « Le prêtre ne sacrifie pas seul, ne consacre pas seul, mais toute l’assemblée des fidèles qui assistent consacre avec lui, sacrifie avec lui [2] ». Le Père Congar confirme : « Toute l’assemblée liturgique est célébrante et consacrante. » Et il ajoute : « Mais ce serait une erreur ecclésiologique et une hérésie liturgique de faire dire les paroles de la consécration par toute l’assemblée. Elle a son président, qui y fonctionne comme président. Et cependant elle est tout entière sacerdotale et célébrante [3]. »

Fêtons donc le Saint Sacrement, en ne séparant pas l’eucharistie de l’Eglise, en nous impliquant dans chaque messe en tant que concélébrants, grâce au prêtre qui préside…

 

 


[1]. Guillaume de Saint-Thierry, Sur le sacrement de l’Autel, ch. 12 (P. L. 180, 361-362) in Catholicisme, Les aspects sociaux du dogme, Œuvres complètes VII, pp. 345-346, tr. fr. Henri de Lubac, Cerf, Paris, 2003.

[2]. Attribué à Guerric d’Igny, Sermo 5,15; PL 185,87 AB : cité par CONGAR Y., Vatican II, Cerf, coll. Unam Sanctam 66, Paris, 1967, p. 252.

[3]. CONGAR Y., Le Concile de Vatican II, Cerf, coll. Théologie Historique 71, Paris, 1984, p. 113.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Dieu t’a donné cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue » (Dt 8, 2-3.14b-16a)

Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple d’Israël : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. C’est lui qui t’a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif. C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure. C’est lui qui, dans le désert, t’a donné la manne – cette nourriture inconnue de tes pères. »

PSAUME
(Ps 147 (147 B), 12-13, 14-15, 19-20)
R/ Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! (Ps 147, 12a)

Glorifie le Seigneur, Jérusalem !
Célèbre ton Dieu, ô Sion !
Il a consolidé les barres de tes portes,
dans tes murs il a béni tes enfants.

Il fait régner la paix à tes frontières,
et d’un pain de froment te rassasie.
Il envoie sa parole sur la terre :
rapide, son verbe la parcourt.

Il révèle sa parole à Jacob,
ses volontés et ses lois à Israël.
Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ;
nul autre n’a connu ses volontés.

DEUXIÈME LECTURE
« Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps » (1 Co 10, 16-17)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, la coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.

SÉQUENCE
Cette séquence (ad libitum) peut être dite intégralement ou sous une forme abrégée à partir de : « Le voici, le pain des anges ».
Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants. Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer. Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges. Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères. Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs ! C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution. À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne. L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit. Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui. Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut. C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang. Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature. L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin. Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces. On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier. Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître. Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort. Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent ! Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout. Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué. * Le voici, le pain des anges, il est le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens. D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères. Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants. Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

ÉVANGILE
« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 51-58)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement.

Alléluia. (Jn 6, 51.58)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
 En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs :  « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »  Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »  Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous.  Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.  En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.  Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.  De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi.  Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Patrick BRAUD

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21 mai 2018

Vivre de la Trinité en nous

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Vivre de la Trinité en nous


Homélie pour la fête de la Trinité / Année B
27/05/2018

Cf. également :

La Trinité, icône de notre humanité

L’Esprit, vérité graduelle

Trinité : Distinguer pour mieux unir

Trinité : ne faire qu’un à plusieurs

Les bonheurs de Sophie

Trinité : au commencement est la relation

La Trinité en actes : le geste de paix

La Trinité et nous

Une fois n’est pas coutume, laissons la parole à un commentaire trouvé sur le Net [1] pour commenter le mystère de la Trinité avec des mots lumineux et d’une réelle profondeur.

LA TRINITÉ : QU’EST-CE À DIRE ?

La Trinité : nous en a-t-on suffisamment parlé, alors que pourtant, notre destinée éternelle, notre avenir certain, c’est d’être un jour éternellement des contemplatifs de la Trinité ? On pense plus à l’avenir de nos enfants, à leurs études qu’à notre fin dernière : la vie éternelle qui sera la participation à la vie trinitaire, participation à cette circulation d’amour entre les personnes divines, à ce brasier incandescent !

La fête de la très Sainte Trinité est en outre souvent escamotée par une autre fête qui nous est chère, celle des mères. Pourtant la Trinité est un mystère central de notre foi : si Dieu est amour, c’est parce qu’il ne se regarde pas narcissiquement, mais est un être de relations, une famille !

Dieu : un mystère insondable

Un musulman en comptant les 99 noms nom d'Allah sur son chapelet Photo StockDieu est l’inaccessible, l’inconnaissable, l’insondable par définition. L’Ancien Testament le dit magistralement : « Je suis Dieu, et non pas homme » (Os 11, 9). Il est le Tout-puissant dont l’univers clame la grandeur. « Allah est grand ! » répètent inlassablement les musulmans. Le Coran donne d’ailleurs à Dieu 99 autres noms plus sublimes et plus riches les uns que les autres. Ils disent ces 99 noms comme nous disons le chapelet.

C’est Grégoire de Naziance, un évêque du IVème siècle, qui en a peut-être parlé avec le plus de justesse dans une hymne que l’on reprend à l’office de Laudes, le mercredi :

Ô Toi l’au-delà de tout,
Comment t’appeler d’un autre nom ? Quel hymne peut te chanter ?
Aucun mot ne t’exprime. Quel esprit peut te saisir ?
Nulle intelligence ne te conçoit. Seul, tu es ineffable.
Tu as tous les noms.
Comment t’appellerai-je ?
Toi le seul qu’on ne peut nommer.

Dieu est le mystère innommé, l’Absolu, la Transcendance souveraine, le Tout-Autre : « Tout ce que nous disons de Dieu apparaît aussitôt dérisoire en comparaison de ce qu’il est » (Jean Daniélou). La théologie qui use parfois de la voie négative, pour ce que n’est pas le mystère, dit de Dieu qu’il est : l’indiscernable, l’indéchiffrable, l’inexplicable, l’impeccable, l’inexprimable, l’insondable, l’ineffable, l’inestimable, l’innommable, l’inimaginable, l’impensable, l’inaltérable, l’inconnaissable, l’inclassable, l’indéfinissable, l’insaisissable, l’inépuisable, l’impénétrable, l’inconcevable. En définitive, Dieu est celui qui ne se définit que par ce qu’il n’est pas !

Jésus-Christ : le dévoilement du Père, son visage

Dieu est inaccessible et pourtant, grâce à Jésus-Christ, au mystère de l’Incarnation, un coin du voile a été soulevé, un coin du mystère a été révélé. Par Jésus-Christ Dieu est devenu quelque peu accessible, son intimité a été percée, mais seul le Fils Éternel a pu nous introduire dans son mystère.

Le Christ est venu nous dire clairement que Dieu est amour. L’amour n’est pas une qualité de Dieu, une propriété, c’est sa nature même : Dieu n’a pas l’amour, mais il est l’amour, et sa toute-puissance dont nous avons parlé en début d’année dans ce parcours, est une toute-puissance d’amour. Comment ne pas citer le père jésuite François Varillon :

Joie de croire, joie de vivre: Varillon François« Dieu n’est qu’amour ! Tout est dans le « ne que »… Dieu est-il tout-puissant ? Non, Dieu n’est qu’amour ! Dieu est-il infini ? Non, Dieu n’est qu’amour, ne me parlez pas d’autre chose ! La toute- puissance de Dieu c’est la toute-puissance de l’amour, c’est l’amour qui est tout-puissant ! »

Dieu est amour, or l’amour ne peut se vivre seul : il faut quelqu’un à aimer, l’amour ne va pas sans relation. En conséquence Dieu est en lui-même une relation d’amour, il est fondamentalement relation, il est famille avec un Père, un Fils et un échange, une vie partagée, un « nous » entre ce Père et ce Fils que l’on appelle l’Esprit Saint. Dieu est Trinité !  Voilà la révélation la plus étonnante que les hommes n’auraient pas pu deviner : l’existence d’un Dieu unique en trois personnes !

Le couple humain peut nous permettre d’approcher ce mystère trinitaire présent dès le commencement de la Bible, au livre de la Genèse puisque Dieu déclare : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance : Homme et femme il les fit ». La réalité du couple, tout comme ce « faisons », première personne du pluriel suivi d’un singulier disent quelque chose de cette unique nature divine en trois personnes ; mystère que l’on retrouve un peu plus loin dans la Genèse au moment de la visite des trois anges au chêne de Mambré qui a inspiré l’icône de Roublev ! Le problème de tout couple, son rêve jamais résolu c’est de n’être qu’un en restant deux, et même en restant trois, car il y a un troisième dans la relation homme-femme : l’amour. Le couple recherche l’unité dans le respect des différences, dans la diversité des personnes, chacun voulant garder sa personnalité, sa liberté, voire une certaine indépendance. En Dieu l’unité est réalisée dans la distinction des personnes divines : le Père, don ; le Fils, accueil du don ; l’Esprit, l’échange amoureux ! Voilà qui fonde d’ailleurs le sacrement de mariage, le visible du couple, doit dire l’invisible de l’amour trinitaire. Il n’y a que dans l’infini que l’on peut être un en restant trois.

La contemplation des trois personnes divines

Le Père n’existe que dans ce don de lui-même qu’il fait éternellement à son Fils. Le Père n’est que don, rien d’autre. Il n’existe que pour se donner éternellement à son Fils. Il cesserait d’être s’il cessait de donner, et son Fils cesserait d’exister ! Il est le don à l’état pur. Il est le pur diamant du don qui, sans calcul, ne vit que pour le Fils de son amour. Le Père ne se regarde pas narcissiquement : une véritable paternité est pauvreté (dépouillement), en ce sens qu’elle est acceptation de sortir de soi pour se donner à un autre. C’est du même amour qu’il fait exister son Fils, qu’il fait aussi exister le monde, que le Père nous aime comme fils adoptifs dans le Fils Éternel.

Avec l’image du Père on peut employer aussi celle de la source :

Fichier:Salles-La-Source Cascade.jpg- comme la source est au commencement de tout, du filet d’eau, de la rivière, du fleuve, le Père est au commencement de tout.

- comme la source qui ne fait que jaillir et se donner dans un chant qui est celui de la joie du don, le Père se donne éternellement à son Fils, dans une joie ineffable de contempler ce Fils bien-aimé qu’il engendre de toute éternité.

- comme la source si discrète au fond d’une vallée, au point qu’il faut être à l’écoute de son murmure pour souvent la découvrir, le Père laisse épancher vers son Fils cet amour inlassable que les hommes ignorent pour la plupart.

- comme la source qui ne garde rien pour elle, qui ne calcule pas, ne fait pas de provision pour les jours de sécheresse, le Père est le don totalement gratuit, désintéressé : « Mon Fils, tout ce qui est à moi est à toi ».

Le Fils est le reflet le plus parfait du Père, mais pas son double. Il existe par et pour le Père. Sa joie c’est d’accueillir, c’est de le contempler dans le don qu’il lui fait de lui-même. Il est le Parole du Père faite personne, le Verbe qui exprime parfaitement la plénitude de l’amour du Père. Il se reçoit éternellement du Père, accueillant le don du Père. Il est tout élan d’amour vers lui. Le Père est sa passion, et sa vie se consume dans la recherche de lui plaire.

Mais Dieu le Père n’a pas voulu en rester là : comme des époux qui s’aiment éprouvent le besoin d’être un foyer, de devenir une famille, de faire partager leur joie à des êtres issus de leur chair, Dieu le Père a voulu que des créatures spirituelles connaissent aussi la joie d’être aimés de ce même amour qu’il a porté à son Fils Éternel. Et pour réaliser cette communication, cette « transfusion » d’amour aux hommes il a envoyé son Fils sur la terre pour faire de nous ses fils adoptifs ! Jésus devient alors le « premier de cordée » chargé de montrer à ses frères en humanité ce qu’ils ont à vivre : une vie de fils de Dieu. Jésus est venu nous indiquer le chemin qui mène au Père.

Par son obéissance au Père, qui est allé jusqu’à l’offrande de sa vie pour nous, il est venu rétablir la communication entre les hommes et le Père, communication qui avait été coupée par le péché. Dans sa mort et sa résurrection il a réconcilié l’homme pécheur avec le Père, il est devenu le sauveur, du genre humain, comme signifie le nom même de « Jésus ». Cette œuvre de la croix manifeste aussi la pauvreté du Fils, parfait reflet du Père : Jésus se dépouille entièrement sur la croix, il se vide pour nous (au sens spirituel et physique du terme : l’eau et le sang coulèrent de son côté et il s’écria « J’ai soif » ce faisant mendiant du cœur de l’homme) ; dépouillement jusque dans le sacrement de l’Eucharistie, d’une pauvreté extrême qui actualise ce mystère pascal. Un théologien écrivait : « La mort de Jésus sur la croix nous révèle l’éternel et absolu dépouillement du Fils de Dieu au sein de la Trinité. »

Mieux encore, dans l’homme Jésus Dieu le Père a déversé cet amour qu’il a pour son Fils Éternel de toute éternité. L’humanité du Jésus est devenu le réceptacle de la divinité, et avec Jésus cette toute l’humanité qui est habitée par cette vie divine, qui reçoit cet amour infini issu de la source. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » s’écriait saint Irénée.

Vivre de la Trinité en nous dans Communauté spirituelle Chagall-Abraham-3Visiteurs-p

L’Esprit Saint n’est pas le gêneur venant troubler l’intimité du Père et du Fils, mais leur amour réciproque fait personne, le trait d’union de leur échange éternel. L’amour réciproque du Père et du Fils fait exister l’Esprit. Il est la communion amoureuse faite personne du Père et du Fils. Dans la Trinité, il est le baiser du Père et du Fils, le trait d’union de leur amour échangé. Il n’est pas un observateur curieux de l’intimité du Père et du Fils : il est le témoin émerveillé de cet amour mutuel qui s’exhale dans un soupir, dans un souffle embrase, l’Esprit. Deux époux qui s’aiment parlent de leur amour comme s’il s’agissait d’une personne. Ils disent : notre amour a grandi ; notre amour se porte bien. Et bien quand le Père et le Fils contemplent leur amour, cet amour devient personne : c’est l’Esprit. Il est la respiration de Dieu, le souffle de l’amour divin, le sceau de leur communion. Il est le lien d’amour qui scelle l’unité de Dieu, la « personne-Amour » selon l’expression de Jean-Paul II. Un théologien, Jean Galot, écrivait : « Il est le jaillissement de leur bonheur de se donner l’un à l’autre, ou encore l’éblouissement de leur fusion ».

Comment vivre de la Trinité Sainte en nous ?

Catherine de Sienne s’écriait :

Ô Trinité éternelle, tu es une mer sans fond où plus je me plonge, plus je te trouve, et plus je te cherche encore. De toi on ne peut jamais dire assez ! L’âme qui se rassasie dans tes profondeurs te désire sans cesse, parce que toujours elle est affamée de toi, toujours elle souhaite voir sa lumière dans ta lumière.

Comment vivre du Père ?
Nous qui récitons si souvent le « Notre Père » sommes-nous conscients que cette paternité divine, dont toute paternité humaine n’est qu’une faible image, est un immense jaillissement d’amour, une source vive, un geyser impressionnant que nous sommes invités à contempler ? Réalisons-nous suffisamment qu’être parfait comme notre Père céleste est parfait, ce n’est pas autre chose que de tenter de vivre cette pauvreté inlassable du don, goûter cette joie du don ? Si Dieu est Père laissons-nous aimer comme des fils ! Arrêtons de considérer Dieu comme un juge à l’affût de nos égarements. Regardons le père de l’enfant prodigue, riche en miséricorde qui attend obstinément le fils perdu. Il nous faut nous comporter en fils ayant les yeux tournés vers le Père et son regard d’amour qui espère toujours en nous.

Comment vivre du Fils ?
N’est-ce pas en découvrant sa façon d’aimer ? Le Christ n’a-t-il pas été l’icône parfaite de la générosité du Père qui n’est que don ? : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » ; icône aussi de cet amour qui se vit dans la Trinité où chaque personne divine vit un dépouillement infini puisqu’elle ne vit que pour les autres personnes. De fait, le Christ a vécu une vie pauvre et effacée jusqu’à 33 ans : son silence discret à Nazareth ne révélait-il pas la discrétion du Père. Sa relation égalitaire avec ses apôtres qu’il considère non comme des subalternes, mais comme des amis, son geste fou de laver les pieds de ses disciples n’étaient-ils pas l’image de l’humilité, de la simplicité du Père ? Peut-être avons-nous à redécouvrir la façon d’aimer de Dieu à travers tous les gestes terrestres du Christ ? Lui seul sait vraiment aimer et nous apprendre à aimer.

Si Jésus est venu pour nous c’est pour nous sauver, alors laissons-nous sauver par lui. Nous avons à nous approcher du Christ comme de l’intermédiaire, le médiateur obligé entre Dieu et nous, car il a capté cette source d’amour du Père pour nous en révéler sa splendeur grâce à son humanité, mais aussi et surtout pour nous la communiquer. Se laisser sauver par le Christ exige que nous reconnaissions notre pauvreté. Dieu ne vient que s’il est appelé par une misère, un besoin (cf. le cheminement des confirmands adultes marqué par la pauvreté). Ceci suppose d’avoir conscience de notre péché. Aujourd’hui on est plus dans le relativisme morale, dans la sincérité et non dans la reconnaissance d’une vérité objective. Sauvés devenons enfin des sauveurs pour nos frères, des sources vives jaillissant en vie éternelle. Si notre amour est greffé branché sur l’amour du Christ, ceux que nous aimerons seront transformés, vivifiés par cette eau vive qui vient de la même source, par la mystérieuse médiation du Christ. Le chrétien se doit d’irriguer de l’amour de Dieu sa famille, ses amis, ceux qu’il rencontre sur sa route, son milieu de travail, sa paroisse… Les chrétiens sont « sel de la terre », « lumière du monde », « âme du monde » selon l’épître A Diognète.

Comment vivre de l’Esprit ?
Il faut d’abord l’identifier dans nos vies, « faire connaissance » :

- cette soif de Dieu et d’absolu qui monte parfois dans notre cœur, c’est l’action de l’Esprit ;

- ce remords, ce pincement de la conscience, c’est l’action purifiante de l’Esprit ; cette saveur que prend tout à coup la prière la plus banale, c’est l’action de l’Esprit ;

- cette paix qui s’empare tout à coup de notre cœur au milieu de turbulences, c’est l’Esprit ;

- ce pardon qui monte dans notre cœur et sur nos lèvres, c’est le miracle de l’Esprit ;

- cette illumination en lisant  l’Évangile mille fois connu, c’est l’action de l’Esprit de Jésus.

Alors laissons-nous transformer par ce maître intérieur qui nous conduit à la vérité par l’amour, « par ce sculpteur qui discrètement, et par petites touches, essaie de nous fabriquer une tête de fils de Dieu, la tête du fils de Celui qui est l’Amour » (Denis Sonet).

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En conclusion :

Vivre de la Trinité sainte c’est descendre dans la « crypte de notre cœur », à la recherche de cette Présence plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes :

- « Ô toi, sublime créature, participante de la nature divine, pourquoi chercher hors de toi Celui qui est en toi, plus toi-même que toi ? » (saint Augustin).

- « Croire qu’un être qui s’appelle l’Amour, habite en nous à tout instant du jour et de la nuit, cela élève l’âme au-dessus de ce qui se passe, et la fait reposer dans la paix » (Élisabeth de la Trinité).


Lectures de la messe

Première lecture
« C’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre » (Dt 4, 32-34.39-40)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple : « Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants – comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? Sache donc aujourd’hui, et médite cela en ton cœur : c’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre. Tu garderas les décrets et les commandements du Seigneur que je te donne aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu, tous les jours. »

Psaume
(32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22)
R/ Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu. (32, 12a)

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Le Seigneur a fait les cieux par sa parole,
l’univers, par le souffle de sa bouche.
Il parla, et ce qu’il dit exista ;
il commanda, et ce qu’il dit survint.

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !

Deuxième lecture
« Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; en lui nous crions “Abba !”, Père ! » (Rm 8, 14-17)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains

Frères, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.

Évangile
« Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28, 16-20)
Alléluia. Alléluia.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (cf. Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Patrick BRAUD

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14 mai 2018

Pentecôte, ou l’accomplissement de Babel

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Pentecôte, ou l’accomplissement de Babel


Homélie pour la fête de Pentecôte / Année B
13/05/18

 cf. également :

La sobre ivresse de l’Esprit
Les trois dimensions de Pentecôte
Le scat de Pentecôte
Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie
Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons
Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?
La paix soit avec vous
Parler la langue de l’autre

 

Pharmacie

- Enlève ta main, malheureux ! Tu vas te faire du mal !

Le gamin avait escaladé le tabouret et tendait les mains vers l’armoire à pharmacie, en visant le flacon d’éther qui l’attirait sans savoir pourquoi. Surpris, il dégringole de son échafaudage improvisé et court se réfugier dans sa chambre. Ce n’est que plus tard, bien plus tard, qu’il comprit l’avertissement parental et l’interdiction qui s’en était suivie : pas touche à ces produits dangereux !

Il nous arrive ainsi, par ignorance ou par dépit, d’avoir de ces envies soudaines extrêmement périlleuses et d’autant plus attirantes. Cela frôle parfois la tentation suicidaire (cf. les addictions aux drogues diverses). S’il n’y a pas la voix adulte pour énoncer l’interdit et protéger l’enfant malgré lui, l’expérience peut vite tourner très mal.

C’est un peu ce que Dieu fait à Babel en intervenant avant qu’il ne soit trop tard, avant que les hommes ne se détruisent eux-mêmes en construisant cette tour. Car vouloir être comme des dieux en montant toujours plus haut ne peut conduire qu’à l’inhumanité des régimes totalitaires qui ont essayé cela. Des pharaons exploitant des milliers d’esclaves pour bâtir leur demeure funéraire jusqu’aux nazis rêvant d’unifier l’Europe sous la domination aryenne, la tour de Babel symbolise toutes les tentatives de l’histoire où l’homme a voulu se faire l’égal de Dieu en imposant un pouvoir unique.

Nos manuels d’histoire sont pleins de ces tentatives finalement suicidaires.

La liturgie de Pentecôte met en parallèle les deux événements de Pentecôte et Babel. La plupart du temps, on commente en opposant les deux textes. Babel c’est une langue unique, contre plusieurs langues à Pentecôte. Un projet humain de monter par ses seules forces (symbolisé par la tour), contre un projet divin de faire descendre l’Esprit sur toute chair. Bref, Pentecôte serait l’anti-Babel par excellence.

Pentecôte, ou l'accomplissement de Babel dans Communauté spirituelle 41QXWTTMZBLPas si sûr ! L’exégète François Marty a bien montré que la dispersion des bâtisseurs de la tour, munissant désormais chaque peuple de sa langue propre, était peut-être la bénédiction accordée par Dieu à ceux qui le cherchent comme ils le peuvent.

Comme pour le gamin tenté par la pharmacie en hauteur, Dieu est obligé d’intervenir pour empêcher la catastrophe. Il introduit le pluralisme, si cher au cœur de nos démocraties occidentales, par le passage d’une langue unique aux multiples langues vernaculaires. Il introduit l’échange, le commerce, les voyages, en dispersant l’humanité en une myriade de pays et de villes, au lieu de la seule Babel. Bref, il met  de l’altérité là où l’homme voulait le régime du même [1], à ses dépens. Dieu le Tout-Autre sauve sa créature faite à son image pour vivre de l’autre et non du même. C’est pourquoi la dispersion de Babel est une bénédiction et non un châtiment. L’apparition simultanée de langues multiples est une mesure de salut, non de confusion. La multiplication des peuples, des villes, nations et cultures préserve l’humanité du stérile entre-soi.

415cLR02uSL._SX301_BO1,204,203,200_ Babel dans Communauté spirituellePentecôte apparaît alors comme le prolongement, l’accomplissement de cette bénédiction de Babel. Toutes les langues de la Terre sont parlées par les apôtres. Toutes les cultures chantent les louanges de Dieu, chacune selon son génie propre. L’Esprit Saint assure lui-même la diversité de ces langues tout en les maintenant dans l’unité. Il prolonge ainsi entre les hommes sa mission au cœur de Dieu : unir les peuples et les cultures tout en les différenciant, comme il unit le Père et le Fils, sans séparation ni confusion.

Célébrer Pentecôte nous engage donc à rompre avec la tentation du même.

Aujourd’hui, cette tentation peut prendre le visage séduisant de l’hégémonie américaine : l’anglais omniprésent, le hamburger comme plat international, l’information sur les chaînes en continu… Ou bien de l’hégémonie numérique : l’obligation d’exister sur et par les réseaux sociaux, la dépendance aux écrans… Ou bien encore les effets de mode après lesquels tout le monde se rue : telle musique, tels vêtements etc. Il n’y a pas jusqu’à la morale qui ne devienne elle aussi monolithique : la pensée unique impose d’avoir les mêmes avis préfabriqués sur les grands sujets de société, et les dissidents sont vite accusés d’anti-modernisme s’ils osent émettre d’autres avis que la position officielle.

Les chrétiens sont pentecôtistes en ce sens qu’ils ne se résoudront jamais à une unité imposée d’en haut aux dépens des libertés individuelles ou locales. Se réclamer de Pentecôte, c’est combattre le règne du même pour faire advenir celui de la communion entre pairs, différents et égaux. Accomplir Babel, c’est détruire les tours qui veulent étouffer la diversité et le pluralisme. C’est restaurer la possibilité du débat, de l’échange, de la communion, en cultivant les points de vue différents. C’est orchestrer la symphonie des cultures en l’orientant vers la louange du Créateur.

Pentecôte !

Parce que nous sommes pentecôtistes, nous ne serons jamais les serviteurs serviles d’une pensée unique, d’un régime sans opposition, d’une religion d’État sans acceptation des différences religieuses… Des rois « très chrétiens » ont cru obéir à Dieu en éliminant les pensées différentes. Des États se disent encore musulmans, ou hindous, et tolèrent à peine – sinon pas du tout – les autres religions minoritaires chez eux. Des patrons peuvent se croire tout-puissants et imposer une vision unique dans leur entreprise. Des parents seront eux-mêmes despotiques en dissuadant leurs enfants de vivre autrement qu’eux ou en excluant les déviants. Bref, il y a mille et une manières de ne pas vivre selon l’Esprit de Pentecôte…

Soyons de ceux qui combattent le règne du même, pour promouvoir une authentique communion des langues, des cultures, des modes de vie légitimement différents dans nos familles, nos entreprises, et le monde entier.

 


[1]. Dans l’identité humaine, Paul Ricœur distinguait l’ipséité (ipse= soi-même en latin) de la mêmeté (idem = identique). L’ipséité est évolutive, souple, adaptative. La mêmeté est figée, rigide, s’arc-boutant sur la tradition et l’autorité descendante. Le règne du même est meurtrier car il empêche l’ipséité de déployer tous ses possibles.

 

 

Messe de la veille au soir

Première lecture
« On l’appela Babel, car c’est là que le Seigneur embrouilla la langue des habitants de toute la terre » (Gn 11, 1-9)

Lecture du livre de la Genèse

Toute la terre avait alors la même langue et les mêmes mots. Au cours de leurs déplacements du côté de l’orient, les hommes découvrirent une plaine en Mésopotamie, et s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! fabriquons des briques et mettons-les à cuire ! » Les briques leur servaient de pierres, et le bitume, de mortier. Ils dirent : « Allons ! bâtissons-nous une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. Faisons-nous un nom, pour ne pas être disséminés sur toute la surface de la terre. » Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et le Seigneur dit : « Ils sont un seul peuple, ils ont tous la même langue : s’ils commencent ainsi, rien ne les empêchera désormais de faire tout ce qu’ils décideront. Allons ! descendons, et là, embrouillons leur langue : qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres. » De là, le Seigneur les dispersa sur toute la surface de la terre. Ils cessèrent donc de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela Babel, car c’est là que le Seigneur embrouilla la langue des habitants de toute la terre ; et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la surface de la terre.

Psaume

(103 (104), 1-2a, 24.35c, 27-28, 29bc-30)
R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
ou : Alléluia !  (Ps 103, 30)

Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Revêtu de magnificence,
tu as pour manteau la lumière !

Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur !
Tout cela, ta sagesse l’a fait ;
la terre s’emplit de tes biens.

Bénis le Seigneur, ô mon âme !
Tous, ils comptent sur toi
pour recevoir leur nourriture au temps voulu.

Tu donnes : eux, ils ramassent ;
tu ouvres la main : ils sont comblés.

Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre. 

Deuxième lecture
« L’Esprit intercède par des gémissements inexprimables » (Rm 8, 22-27)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains

Frères, nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance ; voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer encore ? Mais nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles.

Évangile

« Des fleuves d’eau vive couleront » (Jn 7, 37-39)
Alléluia. Alléluia.
Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia.  (.)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Au jour solennel où se terminait la fête des Tentes, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié.
Patrick BRAUD

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10 mai 2018

Les saints de la porte d’à côté

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 01 min

Les saints de la porte d’à côté


Homélie pour le 7° dimanche de Pâques / Année B
13/04/2018

Cf. également :

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde
Dieu est un trou noir
Quand Dieu appelle
Le dialogue intérieur
Poupées russes et ruban de Möbius…
Amoris laetitia : la joie de l’amour
Sans condition, ni délai
Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses dures
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?

Soyez dans la joie et l'allégresse, Gaudete et exsultate : exhortation apostolique du Saint-Père FrançoisLe pape François emploie cette belle expression dans sa dernière exhortation apostolique, Gaudete et exultate, du 19/03/2018.

« J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire. Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent, la sainteté ‘‘de la porte d’à côté’’, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, ‘‘la classe moyenne de la sainteté’’ [1] » (n° 7).

Cette sainteté ‘ordinaire’ donne un relief particulier aux paroles de Jésus dans notre Évangile de ce dimanche (Jn 17, 11b-19) :

« Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité ».

Être sanctifié dans la vérité n’est donc pas réservé aux héros de la foi, aux martyrs glorieux des persécutions, aux seuls premiers de cordée. Être sanctifié est ce qui arrive  sans cesse à ceux qui nous entourent, « notre propre mère, une grand-mère ou d’autres personnes proches (cf. 2Tm 1,5) comme aime à les décrire le pape François (n° 3). Il enracine la sainteté chrétienne dans la réalité ordinaire.

Les saints de la porte d’à côté dans Communauté spirituelle ob_f10caf_bp7lapinbleu773c-1jn4-12

Cette sainteté vient de l’Esprit qui nous unit au Dieu seul saint et nous fait vivre l’amour mutuel où se révèle la présence de Dieu en nous, comme l’écrit Jean dans la deuxième lecture (1 Jn 4, 11-16) :

« Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection. Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné part à son Esprit. »

 

1026471247 amour dans Communauté spirituelleLes saints de la porte d’à côté nous redisent qu’il nous est également possible d’emprunter cette voie, humble et toute simple, où demeurer dans l’amour et demeurer en Dieu se nourrissent mutuellement l’un de l’autre (1Jn 4,16).

Le secret de cette sainteté d’à côté n’en est pas un : chacun pressent qu’aimer jour après jour, en paroles et en actes, est le vrai critère d’une vie réussie. Plus qu’une Roleix à 40 ans ou une start-up à 30 ans, l’amour familial et amical transforme une existence ordinaire en un parcours qui vaut la peine. C’est un témoignage quasi-sacramentel rendu à la communion d’amour qu’est Dieu en lui-même. C’est pourquoi le concile Vatican II (dans le document Lumen Gentium = LG) n’a pas reculé devant l’audace théologique de définir l’Église, l’assemblée (ekklèsia) des fidèles, comme une communion d’amour dont la source directe est l’amour trinitaire :

LG 1: « sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ».
LG 9: « sacrement visible de cette unité salutaire » (l’unité de ceux qui regardent avec foi vers Jésus, auteur du salut, principe d’unité et de paix).
LG 48: « sacrement universel du salut ».

Répondant à l’appel du Christ, l’Église est sacrement de la communion trinitaire (Catéchisme de l’Église Catholique n° 747, 837, 950, 1108, 1126, 1301, 1469, 1522, 1532), lorsqu’elle permet à des hommes et des femmes de faire l’expérience d’une unité dans la foi aussi forte que celle qui unit le Christ à son Père dans l’Esprit. Rien moins que cela ! La foi n’est donc pas une aventure individuelle, privée, n’en déplaise aux néolibéraux ou aux partisans d’une laïcité ultra-stricte. C’est par nature une aventure sociale, où les liens vécus dans la cité, l’entreprise, la famille, le quartier sont des sacrements des liens d’amour trinitaires. Le pape François réaffirme tranquillement cette dimension populaire du salut offert dans et par l’Église :

« L’Esprit Saint répand la sainteté partout, dans le saint peuple fidèle de Dieu, car « le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » (Lumen Gentium n° 9). Le Seigneur, dans l’histoire du salut, a sauvé un peuple. Il n’y a pas d’identité pleine sans l’appartenance à un peuple. C’est pourquoi personne n’est sauvé seul, en tant qu’individu isolé, mais Dieu nous attire en prenant en compte la trame complexe des relations interpersonnelles qui s’établissent dans la communauté humaine : Dieu a voulu entrer dans une dynamique populaire, dans la dynamique d’un peuple. (n° 6).

 Augustin

Les saints de la porte d’à côté nous portent, et nous relient à ce réseau spirituel bien plus puissant que Facebook ou Twitter. Souvent à notre insu : tel voisin de palier, tel collègue de travail, tel cousin ou neveu… se révéleront un jour être de vrais amis de Dieu, consciemment ou non, à travers qui circulent l’unité et l’amour dont nous profitons à côté d’eux.

Apprenons à reconnaître ces saints et saintes « d’à côté », non pour les mettre en avant – ce que leur humilité ne supporterait pas – mais pour se plugger sur la bonté et la vérité qui émanent simplement de leur vie.

Ils nous ramènent à l’essentiel. Ils nous aident à simplifier nos modes de vie. Ils nous feront entendre en nous-mêmes des désirs plus forts. Ils nous élèveront vers Dieu par le  témoignage de leurs responsabilités assumées avec amour. Ils nous invitent à expérimenter nous aussi cette petite voie chère à Thérèse de l’enfant Jésus.

« Pour être saint, il n’est pas nécessaire d’être évêque, prêtre, religieuse ou religieux. Bien des fois, nous sommes tentés de penser que la sainteté n’est réservée qu’à ceux qui ont la possibilité de prendre de la distance par rapport aux occupations ordinaires, afin de consacrer beaucoup de temps à la prière. Il n’en est pas ainsi. Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve.
Es-tu une consacrée ou un consacré ? Sois saint en vivant avec joie ton engagement.
Es-tu marié ? Sois saint en aimant et en prenant soin de ton époux ou de ton épouse, comme le Christ l’a fait avec l’Église.
Es-tu un travailleur ? Sois saint en accomplissant honnêtement et avec compétence ton travail au service de tes frères.
Es-tu père, mère, grand- père ou grand-mère ? Sois saint en enseignant avec patience aux enfants à suivre Jésus.
As-tu de l’autorité ? Sois saint en luttant pour le bien commun et en renonçant à tes intérêts personnels (n° 14) ».

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Si Dieu est amour, si demeurer en Dieu et demeurer dans l’amour ne sont qu’une seule et même chose, alors saint Augustin à raison de nous appeler à tout essentialiser autour de ce roc solide, pour en faire la fondation de notre maison commune :

« Ce court précepte t’est donné une fois pour toutes :
Aime et fais ce que tu veux.
Si tu te tais, tais-toi par amour,
Si tu parles, parle par amour,
Si tu corriges, corrige par amour,
Si tu pardonnes, pardonne par amour.
Aie au fond du cœur la racine de l’amour :
De cette racine, rien ne peut sortir de mauvais. »

St Augustin, Homélie sur la première épître de saint Jean VII, 7-8

 


[1]. Cf. Joseph Malègue, Pierres noires. Les classes moyennes du Salut, Paris 1958.

 

Lectures de la messe
Première lecture
« Il faut que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de la résurrection de Jésus » (Ac 1, 15-17.20a.20c-26)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des frères qui étaient réunis au nombre d’environ cent vingt personnes, et il déclara : « Frères, il fallait que l’Écriture s’accomplisse. En effet, par la bouche de David, l’Esprit Saint avait d’avance parlé de Judas, qui en est venu à servir de guide aux gens qui ont arrêté Jésus : ce Judas était l’un de nous et avait reçu sa part de notre ministère. Il est écrit au livre des Psaumes : Qu’un autre prenne sa charge. Or, il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous. Il faut donc que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de sa résurrection. » On en présenta deux : Joseph appelé Barsabbas, puis surnommé Justus, et Matthias. Ensuite, on fit cette prière : « Toi, Seigneur, qui connais tous les cœurs, désigne lequel des deux tu as choisi pour qu’il prenne, dans le ministère apostolique, la place que Judas a désertée en allant à la place qui est désormais la sienne. » On tira au sort entre eux, et le sort tomba sur Matthias, qui fut donc associé par suffrage aux onze Apôtres.

Psaume
(102 (103), 1-2, 11-12, 19-20ab)
R/ Le Seigneur a son trône dans les cieux. ou : Alléluia ! (102, 19a)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint ;
aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés.

Le Seigneur a son trône dans les cieux :
sa royauté s’étend sur l’univers.
Messagers du Seigneur, bénissez-le,
invincibles porteurs de ses ordres !

Deuxième lecture
« Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » (1 Jn 4, 11-16)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection. Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné part à son Esprit. Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

Évangile
« Qu’ils soient un, comme nous-mêmes » (Jn 17, 11b-19)
Alléluia. Alléluia. Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur ; je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira. Alléluia. (Jn 14, 18 ; 16, 22)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie. Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.
Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. »
Patrick BRAUD

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