L'homélie du dimanche (prochain)

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5 mars 2018

À chacun son Cyrus !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

À chacun son Cyrus !


Homélie pour le 4° Dimanche de Carême / Année B
11/03/2018

Cf. également :

Démêler le fil du pêcheur
L’identité narrative : relire son histoire
Jésus et les « happy few » : une autre mondialisation est possible

Y a-t-il un étranger qui vous a un jour sorti d’un mauvais pas ? Une personne inconnue grâce à qui tout a changé pour vous ? Un adversaire d’autrefois est-il finalement devenu un de vos alliés ?

Si oui, vous savez d’expérience ce que raconte l’histoire du retour de l’Exil à Babylone telle que le chroniqueur de notre première lecture la raconte (2Ch 36).

Captifs juifs en exil vers Babylone

Le livre des Chroniques - le bien nommé - met par écrit la relecture de l’histoire d’Israël que le peuple fait des années après les événements en jeu. La chronique des drames tels que la déportation à Babylone en -586 demande beaucoup de finesse. Qui est responsable d’un tel désastre comparable à la Shoah pour l’époque ? Pourquoi Dieu a-t-il laissé faire ? Comment sommes-nous miraculeusement revenus sur notre terre alors que notre peuple était apparemment rayé de la carte pour toujours ?
Le chroniqueur mobilise le sens religieux de ses lecteurs : c’est à cause de nos infidélités, parce que nous imitions les abominations païennes qu’il était juste finalement d’en subir les conséquences. Pourtant Dieu envoyait des prophètes pour avertir les rois, pour ouvrir les yeux du peuple avant qu’il ne soit trop tard. Mais ces prophètes, nous les avons rejetés, méprisés, éliminés, parce qu’ils remettaient en cause notre mode de vie païen.
Que d’erreurs !

Avouez que si nous pratiquions une telle relecture de nos histoires personnelles, il y aurait de quoi raconter…

سال ها دل طلب جام جم ازما می کرد!

Heureusement, la pointe du texte n’est pas le malheur mérité. Car un événement imprévisible va changer le cours des choses : un nouveau roi en perse, Cyrus, renverse l’infâme Nabuchodonosor et prend la ville de Babylone. Willy Brandt succède à Hitler, pour ainsi dire… Cyrus, qu’Isaïe ose appeler ‘Christ’ (‘Oint’) tant il paraît inspiré par l’Esprit de Dieu [1], inaugure une nouvelle politique : plus de déportations, mais chacun sur sa terre ; plus de conversions forcées aux idoles, mais chacun choisit son culte librement. Cyrus, ou l’intelligence politique de s’attacher les peuples vaincus en les respectant, eux et leurs coutumes, leurs temples, leur mode de vie. La pax romana prolongera cette intuition dans les colonies romaines, en faisant de l’empire romain la somme des particularités culturelles plutôt qu’une domination unique.

Difficile pour nous d’imaginer la joie des ex-déportés rentrant chez eux, retrouvant leur parenté restée au pays, reconstruisant le Temple symbole leur identité, goûtant à nouveau une relative liberté.
La « montée » des juifs de tous pays vers Jérusalem en 1948 après les camps nazis nous donne une idée de cette immense espérance (mais dans un contexte de guerre totalement différent). Cyrus s’appelait alors la Société des Nations, avec la résolution de Lord Balfour mettant fin au mandat britannique en Palestine.
On peut penser également à la joie des Allemands de l’Est lorsque, contre toute attente, le mur de Berlin a pu être démoli un beau matin de 1989 par quelques militants audacieux de la réunification allemande. Cyrus s’appelait alors Gorbatchev, et sa Glasnost – politique de « transparence » – a fini de dissiper l’illusion communiste soviétique. Elle aura duré 70 ans, comme l’Exil à Babylone…
Aux yeux des exilés, véritables réfugiés politiques réduits en esclavage, on comprend que le miracle Cyrus ait suscité une immense gratitude ! Le génie d’Israël est d’avoir apporté cette gratitude à Dieu et pas seulement à son Christ-Cyrus. Derrière la nouvelle politique perse, ils ont vu l’action du Maître de l’Univers, capable de conduire même les puissants de la Terre à mettre en œuvre sa justice.

 À chacun son Cyrus ! dans Communauté spirituelle Lapinbleu516C-Ps94_11Cette relecture croyante des événements vaut également pour nos histoires personnelles.
Peut-être n’avez-vous jamais connu d’exil intérieur, d’esclavage humiliant ? Peut-être n’avez-vous jamais perdu d’être cher, de maison de famille, de travail ou de liberté d’aller et venir ? Avec les années, il est rare de ne pas traverser de tels moments, plus ou moins douloureux. Qui vous a alors tendu une main secourable ? Qui a été pour vous une aide inestimable, que ce soit pour sortir du chômage, de la dépression, de la solitude ou toute autre forme d’exil social ou intérieur ? Comme Israël, vous avez sans doute fait l’expérience que ce n’est pas du premier cercle – celui de la famille, des coreligionnaires, des proches – qu’est venu le salut. C’est souvent par ricochets, par rebonds successifs, un peu comme au billard : des amis d’amis, des professionnels recommandés par un tiers, des inconnus venant d’horizons nouveaux, des personnes du troisième ou quatrième cercle.
Cyrus  était un roi étranger, pire : païen aux yeux des hébreux. Et pourtant, ils ont appris à reconnaître en lui un Christ, c’est-à-dire quelqu’un qui se laisse inspirer (même sans le savoir) par l’Esprit de Dieu.
Cette inspiration emprunte la voix de la conscience, ou la réflexion de la sagesse, ou le visage de l’humanisme…
Toujours est-il que c’est un étranger païen qui a sauvé Israël de l’Exil.

Et si nous étions plus attentifs aux Cyrus de qui peut venir notre propre salut ?

En entreprise, c’est le collègue d’une autre division ou d’un autre service…
Pour nos difficultés de couple et de famille, c’est une session, une retraite, un thérapeute…
Pour nos traversées du désert intérieur, c’est une autre lecture, conférence ou pratique spirituelle.
Pour nos déprimes, c’est une invitation venue d’ailleurs, une sollicitation surprenante etc.

Apprenons à ouvrir les yeux sur les non-familiers qui peuvent changer le cours de notre existence.

Apprenons à entendre les décisions prises hors de notre univers et qui pourraient nous ouvrir de nouveaux possibles…

Mais vous, quels sont vos Cyrus d’hier et d’aujourd’hui ?

 


[1] . « Je dis de Cyrus : Il est mon berger, et il accomplira toute ma volonté ; Il dira de Jérusalem : Qu’elle soit rebâtie ! Et du Temple : Qu’il soit fondé ! Ainsi parle l’Éternel à son Christ (Oint), à Cyrus, qu’il tient par la main, pour terrasser les nations devant lui, et pour relâcher la ceinture des rois, pour lui ouvrir les portes, afin qu’elles ne soient plus fermées » (Is 44,28).

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
La colère et la miséricorde du Seigneur manifestées par l’exil et la délivrance du peuple (2 Ch 36, 14-16.19-23)

Lecture du deuxième livre des Chroniques

En ces jours-là, tous les chefs des prêtres et du peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les abominations des nations païennes,et ils profanaient la Maison que le Seigneur avait consacrée à Jérusalem. Le Seigneur, le Dieu de leurs pères,sans attendre et sans se lasser,leur envoyait des messagers,car il avait pitié de son peuple et de sa Demeure.Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu,méprisaient ses paroles,et se moquaient de ses prophètes ;finalement, il n’y eut plus de remède à la fureur grandissante du Seigneur contre son peuple.Les Babyloniens brûlèrent la Maison de Dieu,détruisirent le rempart de Jérusalem,incendièrent tous ses palais,et réduisirent à rien tous leurs objets précieux. Nabucodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé au massacre ;ils devinrent les esclaves du roi et de ses filsjusqu’au temps de la domination des Perses.Ainsi s’accomplit la parole du Seigneur proclamée par Jérémie :La terre sera dévastée et elle se reposera durant 70 ans, jusqu’à ce qu’elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés.
Or, la première année du règne de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole du Seigneur proclamée par Jérémie,le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse.Et celui-ci fit publier dans tout son royaumeet même consigner par écrit – : « Ainsi parle Cyrus, roi de Perse :Le Seigneur, le Dieu du ciel,m’a donné tous les royaumes de la terre ;et il m’a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, en Juda. Quiconque parmi vous fait partie de son peuple,que le Seigneur son Dieu soit avec lui,et qu’il monte à Jérusalem ! »

PSAUME (136 (137), 1-2, 3, 4-5, 6)
R/ Que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir ! (cf. 136, 6a)

Au bord des fleuves de Babylone
nous étions assis et nous pleurions,nous souvenant de Sion ;
aux saules des alentours
nous avions pendu nos harpes.

C’est là que nos vainqueurs
nous demandèrent des chansons,
et nos bourreaux, des airs joyeux :
« Chantez-nous, disaient-ils,quelque chant de Sion. »

Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ?
Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie !
Je veux que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir,
si je n’élève Jérusalem au sommet de ma joie.

DEUXIÈME LECTURE
« Morts par suite des fautes, c’est bien par grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2, 4-10)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères,Dieu est riche en miséricorde ;à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ :c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux,dans le Christ Jésus. Il a voulu ainsi montrer, au long des âges futurs, la richesse surabondante de sa grâce,par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi.Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions.

ÉVANGILE
« Dieu a envoyé son Fils pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 14-21)
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus !
Dieu a tellement aimé le mondequ’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! (Jn 3, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème :« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas,mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière,de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »
Patrick BRAUD

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