L'homélie du dimanche (prochain)

27 mars 2018

Deux prérequis de Pâques

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Deux prérequis de Pâques


Homélie pour la fête de Pâques / Année B
01/04/18

Cf. également :

Pâques : Courir plus vite que Pierre
Les Inukshuks de Pâques
Pâques n’est décidément pas une fête sucrée
Comment annoncer l’espérance de Pâques ?
Incroyable !
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
Les sans-dents, pierre angulaire


Que s’est-il passé entre la sinistre éclipse du Vendredi saint vers 15 heures et l’annonce incroyable de l’aurore de Pâques en ce dimanche matin ?

Nul ne saura jamais quelle mystérieuse alchimie opérant dans le tombeau scellé a produit ce corps transfiguré adapté à l’autre monde. Par contre, nous connaissons deux démarches qui ont préparé sans le savoir cet évènement hors normes. Deux prérequis en quelque sorte, indispensables pour que quelque chose d’inouï arrive. Sans rien enlever à la gratuité de l’événement pascal, ces deux prérequis soulignent la part humaine, notre contribution à la résurrection du Christ, rien moins que cela !

 

Réhabiliter les vaincus de l’histoire (Joseph d’Arimathie)

L’Évangile de Jean nous rapporte l’intervention courageuse de Joseph d’Arimathie auprès des autorités juives :

« Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus (Jn 19,38) ». 

Deux prérequis de Pâques dans Communauté spirituelle MaT%2B-%2BLouviers%2B27%2B%25282%2529C’est un peu comme demander le corps de Jean Moulin à la Kommandantur après qu’il ait été supplicié par la Gestapo. Alors que l’affaire Jésus s’est soldée par la défaite totale de ce faux prophète et la mise en déroute de sa bande, ce notable Joseph d’Arimathie, respecté et ayant pignon sur rue, risque sa réputation et sa sécurité pour récupérer le cadavre lamentable qui gît au pied de la croix. Il ose ainsi se dévoiler, prendre parti, et risquer l’affrontement avec les vainqueurs apparents de la confrontation.

Il fait plus encore : il place le cadavre dans un tombeau neuf prévu pour un riche. Donner une sépulture à un crucifié est déjà une transgression, car la loi juive demande de laisser les corps pendre au gibet, sans doute à titre d’exemple (barbarie assez répandue hélas), pour que la honte et l’humiliation soient portées à l’extrême avec les oiseaux et autres charognards déchiquetant les chairs… Rappelons-nous que la malédiction attachée au supplice de la croix fait du crucifié un non-juif, un maudit de Dieu, rayé du peuple, exclu de toute dignité humaine même après sa mort (Ga 3,13; Dt 21,23).

Or Joseph ose lui redonner cette dignité en lui offrant son tombeau. Et un tombeau de riche, c’est-à-dire de quelqu’un béni des dieux, admiré des hommes. Un théologien – Jean-Baptiste Metz – a appelé « souvenir des vaincus » cette démarche au cœur de Pâques : faire mémoire de la Pâque du Christ, c’est se souvenir de tous les vaincus de l’histoire qui aurait dû passer aux oubliettes de la mémoire collective, mais inoubliables en Christ.

Réhabiliter les vaincus de l’histoire, c’est raconter les millions de vies supprimées dans les goulags soviétiques, donner un nom aux ombres des camps de Pol Pot ou de Mao, réécrire l’histoire des pauvres gens et pas seulement des princes, des rois et des puissants. C’est adopter le point de vue des plus petits lorsqu’on envisage un projet d’entreprise. C’est faire attention à ceux que personne ne remarque. C’est écrire les monographies des familles du Quart-Monde avec ATD. C’est ne pas passer sous silence les existences éliminées en début ou en fin de vie sans état d’âme. C’est égrener le nom des indigents morts dans la rue et destinés à la fosse commune.

Cette réhabilitation comporte un risque majeur : être soi-même identifié à ceux dont on réclame les corps pour les honorer, et finalement subir le même sort qu’eux. C’est pourquoi les candidats ne se bousculent pas ! Mais Joseph d’Arimathie a eu ce courage. Sans lui, pas de tombeau pour Jésus le maudit.

 

Être un baume versé sur tant de plaies

Les deux Marie (mais où est la mère de Jésus ?) et la mère de Salomé incarnent le deuxième prérequis de Pâques : embaumer le corps du supplicié.

« Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller oindre le corps.  Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s’étant levé. » (Mc 16,1-2)

Toutes les familles qui ont eu recours à un thanatopracteur après un décès comprennent ce que cela signifie. Rendre à un visage aimé un peu de beauté et de sérénité après l’épreuve de la maladie et ici de la croix. Retravailler les tissus abîmés après un accident de la route, disposer les membres déformés de manière à leur redonner apparence convenable. Embaumer, c’est mettre du baume sur les plaies et préserver la dignité du corps humain le plus longtemps possible. Les embaumements égyptiens de pharaons préparaient ainsi la vie des puissants dans l’au-delà. Les trois femmes du matin de Pâques viennent embaumer un malheureux sans pouvoir imaginer que c’est lui qui leur ouvrira l’au-delà. Elles veulent faire de lui un « oint » de leurs aromates, et c’est le Christ (l’Oint de Dieu) qui les consolera.

« On voudrait être un baume versé sur tant de plaies » : c’est la dernière phrase du journal intime d’Etty Hillesum en 1942 [1], avant de partir volontairement du quartier juif d’Amsterdam vers le camp de Westerbrok où elle mourut en 1943. Etty a consacré ses mois de captivité à Westerbrok à être aux côtés de ses compagnons d’infortune, avec générosité, compassion, et même beaucoup d’humour et de gaieté. À l’image des deux Marie et de Salomé, Etty voulait comme embaumer ceux que l’extermination nazie allait gazer puis incinérer. Sans aucun doute préparait-t-elle ainsi leur résurrection, unis au sacrifice du Christ, l’un des leurs.

Être un baume versé sur tant de plaies se traduit aujourd’hui par la présence auprès des migrants, des prisonniers, des mourants, des rejetés de toutes sortes…

Entre Vendredi saint et matin de Pâques, un homme et trois femmes incarnent deux prérequis de la Résurrection : réhabiliter les vaincus de l’histoire, être soi-même comme un baume versé sur les plaies de notre entourage…

Que l’Esprit de Dieu nous souffle comment nous engager sur cette double voie : nous goûterons alors à la vraie joie de Pâques.

 


[1] . Une vie bouleversée. suivi de Lettres de Westerbork, Journal 1941-1943, Etty Hillesum, 1995, Seuil, coll. Points.

 

 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

PREMIÈRE LECTURE
« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

PSAUME
(Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! (Ps 117, 24)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ » (Col 3, 1-4)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.

SÉQUENCE
À la Victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.

L’Agneau a racheté les brebis ;
le Christ innocent a réconcilié
l’homme pécheur avec le Père.

La mort et la vie s’affrontèrent
en un duel prodigieux.
Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.

 « Dis-nous, Marie Madeleine,
qu’as-tu vu en chemin ? »

 « J’ai vu le sépulcre du Christ vivant,
j’ai vu la gloire du Ressuscité.

J’ai vu les anges ses témoins,
le suaire et les vêtements.

Le Christ, mon espérance, est ressuscité !
Il vous précédera en Galilée. »

Nous le savons : le Christ
est vraiment ressuscité des morts.

Roi victorieux,
prends-nous tous en pitié !
Amen.

 

ÉVANGILE
« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)

Alléluia. Alléluia. Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick BRAUD

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25 mars 2018

Comme un agneau conduit à l’abattoir

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 01 min

Comme un agneau conduit à l’abattoir


Homélie pour le Vendredi Saint / Année B
30/03/18

Cf. également :

Vendredi Saint : paroles de crucifié
Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ
Vendredi Saint : les morts oubliés
Vendredi Saint : la déréliction de Marie
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
La Passion du Christ selon Mel Gibson


L214 : ce groupe d’activistes de la cause animale fait régulièrement parler de lui en diffusant sur Internet des vidéos terribles d’animaux tués en abattoirs industriels 
[1]. On ne ressort pas indemne de ces images, ce qui nous révèle à nouveau notre proximité avec toute forme de vie animale. On y voit des porcs massacrés en plusieurs fois, des vaches suspendues vivantes à des crochets, des bêtes écorchées vives, des agneaux bêlant de terreur pressés dans le corridor qui les conduit à une mort certaine…

C’est ce genre d’image que prend Isaïe pour décrire la Passion mystérieuse du serviteur de YHWH dans ses chapitres 40 à 55 :

« Comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s’est inquiété de son sort ? »

Or dans ce serviteur souffrant les rabbins reconnaissent la figure collective d’Israël, peuple choisi pour témoigner de Dieu jusque dans l’horreur de la Shoah. Et les chrétiens quant à eux ont déchiffré l’horreur du gibet de la croix grâce à cette prophétie.

Comme un agneau conduit à l'abattoir dans Communauté spirituelle FlegellIsraël ou Jésus, le serviteur d’Isaïe est comme un agneau conduit à l’abattoir…
Pourquoi ne se révolte-il pas ?
Pourquoi ne pas déposer un recours en justice auprès des autorités compétentes ?
Pourquoi un tel déferlement de haine sur lui ?
Pourquoi ne pas utiliser sa puissance pour anéantir son agresseur ?

Dans le cas d’Israël, la réponse est difficile et sensible. On a accusé les juifs du ghetto de Varsovie de s’être laissés facilement déporter sans résister. On a accusé les déportés d’Auschwitz ou de Ravensbrück de se résigner trop facilement à la mort, alors qu’ils auraient pu numériquement tenter quelque chose comme dans le camp de Sobibor. Comment se fait-il que 6 millions de juifs se soient laissés conduire à l’abattoir sans lutter ? Est-ce un signe de faiblesse impardonnable ?

Les chrétiens, voyant le Christ en filigrane derrière les silhouettes faméliques des matricules dans les camps nazis, se gardent bien d’entonner de tels reproches injustifiés. Reste que la boucherie s’est accomplie sans beaucoup de protestations de victimes (ni des autres hélas !).

« Et pourtant il n’avait pas commis de violence » : on peut tenter un début d’explication par la non-violence, seule véritable arme conduisant au succès final et définitif. La violence nazie a cru réussir, mais sa ruine a été complète. Après la guerre, on s’est rendu compte que finalement les juifs auront triomphé de leur ennemi, la création de l’État d’Israël n’en étant pas le moindre signe. La non-violence vécue jusqu’au bout refuse d’exterminer l’exterminateur, car sinon le mal aurait gagné deux fois : la première en généralisant le meurtre, la seconde en transformant la victime innocente à l’image de son bourreau, la rendant égale à lui dans son inhumanité.
Le prix à payer en est le sacrifice de soi.

Isaïe savait bien que l’agneau est l’animal de Pâques, celui qu’Israël sacrifie pour recouvrer sa liberté. En comparant le serviteur souffrant à un agneau, il intériorise la notion de sacrifice. Le vrai sacrifice n’est pas d’offrir un animal à Dieu, mais de s’offrir soi-même, sans limites, jusqu’à accepter de perdre sa vie à cause de ce que l’on croit. Jésus appellera cela l’amour des ennemis. Notons à nouveau en passant – et cela réjouira L. 214 ! – que l’agneau sauve sa peau dans ce passage du sacrifice extérieur à intérieur…

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La non-violence, artisan du succès final, est sans doute la meilleure clé de lecture de notre texte d’Isaïe. Une non-violence active qui dénonce l’injustice mais refuse d’utiliser les moyens contraires à ce qu’elle annonce.

D’autres interprétations sont possibles. Notamment l’idée que la soumission inconditionnelle à la volonté de Dieu, même la plus absurde en apparence, attire finalement la récompense sur celui qui a tout enduré sans chercher à comprendre ni même à protester. Vous devinez que cette ligne d’interprétation peut très vite flirter avec le radicalisme musulman ou juif : se soumettre sans ouvrir la bouche – même dans le malheur – à la volonté de Dieu peut conduire à toutes les oppressions et tous les fatalismes. Or Job se bat contre Dieu lorsque le malheur innocent le frappe. Et Jésus sue sang et eau à Gethsémani pour entrer dans la volonté de son Père d’aller épouser les sans-Dieu. La deuxième lecture nous le montre se débattant jusqu’au bout pour échapper à la mort si c’était possible :

« Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect » (He 5,7).

Jean, rédigeant son Évangile vers 70, avait bien en tête la figure majestueuse du serviteur souffrant d’Isaïe traversant les injures et les crachats sans rien dire ou presque : « femme voici ton fils » ; « voici ta mère » ; « j’ai soif », « tout est accompli ». Et ce qui est accompli est tout particulièrement l’annonce prophétique d’Isaïe sur la réussite ultime du serviteur défiguré.

Le Christ n’a pas pris d’avocat comme l’espérait peut-être Luc ; il n’a pas levé des milices comme l’espérait Judas ; il n’a même pas ouvert la bouche pour se défendre comme l’attendait Pilate. Arrivé ce moment paroxystique de son opposition frontale aux autorités religieuses et politiques, il savait bien que la partie était déjà jouée et perdue. Ce procès n’était qu’une mascarade. Comme le sont encore les procès de tant de journalistes en Turquie, de délinquants  noirs aux USA, d’opposants politiques en Russie, de soi-disant apostats au Pakistan ou ailleurs… Tout engagé dans un combat d’idées sent le moment où les puissants ne lui feront plus de cadeau quoi qu’il arrive. À partir de là, rien ne sert plus de protester ou de gémir. La mort est inéluctable, sous les pierres de la lapidation à Téhéran ou dans les camps de rééducation communistes. Alors, autant affronter avec calme et sérénité la vague de haine et de violence qui vous broie, le mensonge qui vous déshonore, plutôt que de chercher à inspirer la pitié et de ne nourrir que le mépris des bourreaux. C’est ainsi que les martyrs chrétiens de tous temps et de tous lieux ont su trouver une manière de mourir qui a impressionné le public des cirques romains, des exécutions publiques en Corée, en Afrique, et aujourd’hui encore hélas dans tant de pays du monde.

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Le serviteur réussira : cette folle espérance d’Isaïe nous permet de tenir bon dans les vendredis saints qui sont les nôtres.
C’est la non-violence du Christ qui nous donnera ce succès, dès maintenant et au-delà de la mort.
C’est la condition de serviteur, vécu dans l’offrande de soi et non le sacrifice de quelque chose d’extérieur, qui nous identifiera au Christ élevé près du Père.
Tenons bon dans cette non-violence qui fut celle du Christ.

 

 


[1] . L’association tire son nom de l’article L214-1 du Code rural dans lequel les animaux sont pour la première fois désignés comme « êtres sensibles » dans le droit français : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».

 

 

Célébration de la Passion du Seigneur
1ère lecture : « C’est à cause de nos fautes qu’il a été broyé »(Is 52, 13 – 53, 12)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Il étonnera de même une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler.

Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.

Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s’est inquiété de son sort ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à mort pour les révoltes de son peuple. On a placé sa tombe avec les méchants, son tombeau avec les riches ; et pourtant il n’avait pas commis de violence, on ne trouvait pas de tromperie dans sa bouche. Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. S’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours : par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira.

Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. C’est pourquoi, parmi les grands, je lui donnerai sa part, avec les puissants il partagera le butin, car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs.

 

Psaume : 30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ad, 15-16, 17.25
R/ Ô Père, en tes mains je remets mon esprit. (cf. Lc 23, 46)

En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ;
garde-moi d’être humilié pour toujours.
En tes mains je remets mon esprit ;
tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.

Je suis la risée de mes adversaires
et même de mes voisins ;
je fais peur à mes amis,
s’ils me voient dans la rue, ils me fuient.

On m’ignore comme un mort oublié,
comme une chose qu’on jette.
J’entends les calomnies de la foule :
ils s’accordent pour m’ôter la vie.

Moi, je suis sûr de toi, Seigneur,
je dis : « Tu es mon Dieu ! »
Mes jours sont dans ta main : délivre-moi
des mains hostiles qui s’acharnent.

Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez le Seigneur !

 

2ème lecture : Il apprit l’obéissance et il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel (He 4, 14-16 ; 5, 7-9)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi. En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.  Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

 

Evangile : Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Jn 18, 1 – 19, 42)

Acclamation : Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur.
Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom.
Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. (cf. Ph 2, 8-9)

La Passionde notre Seigneur Jésus Christ selon saint Jean

Indications pour la lecture dialoguée : les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants :
X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.

L. En ce temps-là, après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus et ses disciples s’y étaient souvent réunis. Judas, avec un détachement de soldats ainsi que des gardes envoyés par les grands prêtres et les pharisiens, arrive à cet endroit. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils lui répondirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Il leur dit : X « C’est moi, je le suis. » L. Judas, qui le livrait, se tenait avec eux. Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre. Il leur demanda de nouveau : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils dirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Jésus répondit : X « Je vous l’ai dit : c’est moi, je le suis. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir. » L. Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. » Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. Jésus dit à Pierre : X « Remets ton épée au fourreau. La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? » L. Alors la troupe, le commandant et les gardes juifs se saisirent de Jésus et le ligotèrent. Ils l’emmenèrent d’abord chez Hanne, beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. »  Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand prêtre. Pierre se tenait près de la porte, dehors. Alors l’autre disciple – celui qui était connu du grand prêtre – sortit, dit un mot à la servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre. Cette jeune servante dit alors à Pierre : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? » L. Il répondit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Les serviteurs et les gardes se tenaient là ; comme il faisait froid, ils avaient fait un feu de braise pour se réchauffer. Pierre était avec eux, en train de se chauffer. Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement. Jésus lui répondit : X « Moi, j’ai parlé au monde ouvertement. J’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple, là où tous les Juifs se réunissent, et je n’ai jamais parlé en cachette. Pourquoi m’interroges-tu? Ce que je leur ai dit, demande-le à ceux qui m’ont entendu. Eux savent ce que j’ai dit. » L. À ces mots, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : A. « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » L. Jésus lui répliqua : X « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu? » L. Hanne l’envoya, toujours ligoté, au grand prêtre Caïphe.  Simon-Pierre était donc en train de se chauffer. On lui dit : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un de ses disciples ? » L. Pierre le nia et dit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : A. « Est-ce que moi, je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? » L. Encore une fois, Pierre le nia. Et aussitôt un coq chanta.  Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au Prétoire. C’était le matin. Ceux qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans le Prétoire, pour éviter une souillure et pouvoir manger l’agneau pascal. Pilate sortit donc à leur rencontre et demanda : A. « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » L. Ils lui répondirent : F. « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le suivant votre loi. » L. Les Juifs lui dirent : F. « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. » L. Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir. Alors Pilate rentra dans le Prétoire ; il appela Jésus et lui dit : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus lui demanda : X « Dis-tu cela de toi-même, Ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » L. Pilate répondit : A. « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » L. Jésus déclara : X « Ma royauté n’est pas de ce monde ;si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » L. Pilate lui dit : A. « Alors, tu es roi ? » L. Jésus répondit : X « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la véritéé coute ma voix. » L. Pilate lui dit : A. « Qu’est-ce que la vérité ? » L. Ayant dit cela, il sortit de nouveau à la rencontre des Juifs, et il leur déclara : A. « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais, chez vous, c’est la coutume que je vous relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Alors ils répliquèrent en criant : F. « Pas lui ! Mais Barabbas ! » L. Or ce Barabbas était un bandit.  Alors Pilate fit saisir Jésus pour qu’il soit flagellé. Les soldats tressèrent avec des épines une couronne qu’ils lui posèrent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau pourpre. Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : F. « Salut à toi, roi des Juifs ! » L. Et ils le giflaient.  Pilate, de nouveau, sortit dehors et leur dit : A. « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le manteau pourpre. Et Pilate leur déclara : A. « Voici l’homme. » L. Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : F. « Crucifie-le! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Ils lui répondirent : F. « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » L. Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte. Il rentra dans le Prétoire, et dit à Jésus : A. « D’où es-tu? » L. Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui dit alors : A. « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher, et pouvoir de te crucifier ? » L. Jésus répondit : X « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moisi tu ne l’avais reçu d’en haut ;c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi porte un péché plus grand. » L. Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais des Juifs se mirent à crier : F. « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » L. En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors; il le fit asseoir sur une estrade au lieu-dit le Dallage – en hébreu : Gabbatha. C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : A. « Voici votre roi. » L. Alors ils crièrent : F. « À mort ! À mort ! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Vais-je crucifier votre roi ? » L. Les grands prêtres répondirent : F. « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. » L. Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié.  Ils se saisirent de Jésus. Et lui-même, portant sa croix, sortit en direction du lieu-dit Le Crâne (ou Calvaire), qui se dit en hébreu Golgotha. C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix ; il était écrit : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que l’endroit où l’on avait crucifié Jésus était proche de la ville, et que c’était écrit en hébreu, en latin et en grec. Alors les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : F. « N’écris pas : “Roi des Juifs” ; mais : “Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs.” » L. Pilate répondit : A. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »  L. Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : A. « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » L. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ;ils ont tiré au sort mon vêtement.C’est bien ce que firent les soldats.  Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : X « Femme, voici ton fils. » L. Puis il dit au disciple : X « Voici ta mère. » L. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : X « J’ai soif. » L. Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : X « Tout est accompli. » L. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.  (Ici on fléchit le genou, et on s’arrête un instant.)  Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé.Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.  Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus. Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.
Patrick BRAUD

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La commensalité du Jeudi saint

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La commensalité du Jeudi saint


Homélie pour le Jeudi Saint / Année B
29/03/18

Cf. également :

Le Jeudi saint de Pierre
Jeudi Saint / De la bouchée au baiser : la méprise de Judas
Jeudi Saint : la nappe-monde eucharistique
La table du Jeudi saint
Le pain perdu du Jeudi Saint


Un fast-food comme on n’en trouve des milliers dans le monde. Affluence moyenne : des familles, des groupes d’hommes, des isolés. Entre un homme, la trentaine. Il commande une salade, des frites, un milk-shake.

- Rajoutez-moi également une bière s’il vous plaît.
- Monsieur, ici on ne sert pas d’alcool.

La commensalité du Jeudi saint dans Communauté spirituelle Le%2Bbusiness%2Bde%2Bla%2Bcr%25C3%25A9dibilit%25C3%25A9%2B-%2Bcouverture%2BBRLe client lève la tête, étonné. Il regarde autour de lui. Effectivement, il n’avait pas remarqué en entrant les sodas et les bouteilles d’eau ou le thé qui traînaient sur les tables, à l’exclusion de toute autre boisson. Il réalise qu’il était entré sans le savoir dans un restaurant hallal.

- Même pas pour des non-musulmans ?
- Ce n’est pas possible Monsieur.
- Je fais comment alors si je veux une bière avec le repas ?
- Il faut aller ailleurs Monsieur.

Les tables s’étaient tues au fur et à mesure de ce dialogue, et l’atmosphère devenait pesante.

- Eh bien, c’est ce que je vais faire.

Plantant là sa commande, cet ex-potentiel client sort, dépité et perplexe. Il me confiait quelque temps après : « à ce moment, j’ai réalisé combien la religion peut exclure autant qu’elle peut rassembler ».

C’est vrai que les interdits alimentaires, juifs et musulmans tout particulièrement, ont pour but et conséquence de préserver les coreligionnaires de l’impureté du contact avec ceux qui n’en sont pas.

Avec l’eucharistie chrétienne, il en est tout autrement. Certes, ce soir du Jeudi saint, Jésus est encore controverse-antioche_lbs cashrout dans Communauté spirituellel’héritier fidèle de la Pâque juive : son dernier repas n’était qu’avec des circoncis (d’ailleurs, les récits ne font aucune mention des femmes). Pas question encore d’inviter des païens à sa table ! Il faudra le coup de force de l’Esprit Saint à Pentecôte et après pour obliger Pierre à entrer chez Corneille l’incirconcis et manger des aliments déclarés impurs par la loi juive (Ac 10). C’était tellement peu naturel pour lui qu’il retombera plus tard dans cette vieille habitude de séparation juifs / non-juifs. Il se fera même publiquement réprimander (le terme est faible !) par Paul à ce sujet :

« Quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il s’était donné tort.  En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens; mais quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l’écart, par peur des circoncis.  Et les autres Juifs l’imitèrent dans sa dissimulation, au point d’entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux.  Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Evangile, je dis à Céphas devant tout le monde: Si toi qui es Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser ? » (Ga 2, 11-14)

Voilà donc une innovation inouïe, contenue en germe dans la Cène de ce Jeudi Saint. Toutes les nations sont invitées à la même table, hommes et femmes, esclaves et maîtres, noirs et blancs… La nourriture n’est plus un obstacle à la communion avec l’autre. Au contraire, les premiers chrétiens partageant le pain et le vin au cours d’agapes fraternelles proclamaient qu’il n’y a plus de divisions qui tiennent devant le repas du Seigneur :

« Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,28).

Le mot agapes vient de agapê = amour en grec : le repas amical qui suivait l’eucharistie des premiers chrétiens était le prolongement de l’amour reçu à la communion au corps et sang du Christ, excluant toute exclusion.

En français, quand on est invité à la même table, on parle de commensalité. Au-delà de l’homophonie bizarre avec l’étrange souci de savoir comment s’aliter, ce mot peut être très beau : il consonne avec con-vivialité, com-pagnons, co-pains… Il vient du latin : cum mensa = table commune. La commensalité eucharistique est révolutionnaire et sur-naturelle. Dans les cultures traditionnelles, les femmes et les enfants mangent généralement à part, après les hommes. Dans les sociétés riches, les riches mangent à part, sans plus s’en apercevoir, car ils fréquentent les mêmes restaurants inabordables pour les autres, ou s’invitent entre eux selon des codes qui les préservent soigneusement de toute mixité sociale trop forte. C’est d’ailleurs ce qui choquait les patriciens romains aux premiers siècles : comment ! Rejoindre une assemblée où il y a des métèques, des affranchis, des racailles de toutes sortes  et partager le repas avec eux ? Inconcevable !

La commensalité eucharistique prend l’exact contre-pied de cette tendance de l’entre soi. La consanguinité découlant du calice du Christ empêche les chrétiens d’absolutiser les liens naturels du sang, du clan, de la classe ou même de la religion. Depuis le Jeudi Saint, on célèbre la messe portes ouvertes, en demandant aux invités de ne pas se choisir, de ne pas se regrouper entre bonnes connaissances, mais de former le Corps du Christ où l’étranger de passage, le mendiant d’infortune ou le préfet de la République ont chacun leur place, unique, mélangés les uns aux autres.

Avouons que comme Pierre nous avons du mal avec cette non-séparation eucharistique… Reconnaissons que nos repas ont du mal à devenir la prolongation de nos eucharisties. Depuis ce Jeudi-là, la nourriture ne devrait plus servir à exclure.

Un indice de cette révolution en germe ce soir-là : Jésus aurait dû célébrer la Pâque en famille, comme le veut la tradition juive du Seder Pessah (rituel de Pâque). Il aurait pu y jouer le rôle de père de famille ou du rabbin invité. Après tout, il avait sa mère, des cousins et cousines, sa famille au sens large de Nazareth avec qui il aurait dû célébrer. Mais il choisit délibérément les Douze au lieu de sa mère et de ses cousins. Il proclame ainsi – et c’est révolutionnaire ! – que les liens du sang familial ne sont rien par rapport aux liens du sang eucharistique ! Sa vraie famille, c’est l’humanité tout entière rassemblée dans l’unité de son Corps. Il annonçait ainsi l’événement de Pentecôte où hommes et femmes réunis ensemble dans la prière furent enivrés de l’Esprit Saint, le vin véritable partagé au calice.

Revenons à notre fast-food du début. Il est sans aucun doute légitime d’avoir des restaurants à thème, sélectionnant leur clientèle sur une cuisine, une thématique, un chef, une particularité. Mais il est anti-eucharistique d’utiliser le prétexte de la nourriture ou de la pureté rituelle pour ne manger régulièrement qu’avec des semblables. Jésus lui-même demande à ses disciples que leur jeûne puisse passer inaperçu, car ce serait de l’orgueil que de le faire remarquer aux autres qui ne jeûnent  pas.

Parce que les identités sont aujourd’hui malmenées et en souffrance, certains voudraient exploiter la question de la nourriture pour des replis identitaires. Et c’est la violence qui se nourrit alors de ces séparations sociales, religieuses ou idéologiques.

Que ce Jeudi Saint nous aide à faire largement table ouverte. Le reste de notre temps, pratiquons la commensalité eucharistique à longueur de repas, jusqu’à inviter ceux qui ne pourront jamais nous le rendre, jusqu’à nous laisser inviter aux côtés de convives improbables que nous n’aurions jamais croisés autrement.

 

 

Messe du soir
1ère lecture : Prescriptions concernant le repas pascal (Ex 12, 1-8.11-14)
Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le pays d’Égypte, le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron : « Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il marquera pour vous le commencement de l’année. Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau, elle le prendra avec son voisin le plus proche, selon le nombre des personnes. Vous choisirez l’agneau d’après ce que chacun peut manger. Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël, on l’immolera au coucher du soleil. On prendra du sang, que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là ; je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte, depuis les hommes jusqu’au bétail. Contre tous les dieux de l’Égypte j’exercerai mes jugements : Je suis le Seigneur. Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte.  Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez. »

Psaume : 115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18
R/ La coupe de bénédiction est communion au sang du Christ. (cf. 1 Co 10, 16)

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

2ème lecture : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur » (1 Co 11, 23-26)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. »
Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Evangile : « Il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1-15)
Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus !
Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur :
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! (cf. Jn 13, 34)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.
 Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
 Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Patrick BRAUD

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19 mars 2018

Comment devenir dépassionnés

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Comment devenir dépassionnés

 

Homélie pour le dimanche des Rameaux / Année B
25/03/2018

Cf. également :

Rameaux : assumer nos conflits
Rameaux, kénose et relèvement
Briser la logique infernale du bouc émissaire
Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux
Le tag cloud de la Passion du Christ
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
C’est l’outrage et non pas la douleur
Il a été compté avec les pécheurs
Sortir, partir ailleurs…

 

La Passion du Christ que nous lisons en ce dimanche des Rameaux nous invite à devenir nous-mêmes des passionnés à sa suite.
Passionnés de Dieu, au point de préférer encourir la justice plutôt que de le renier.
Passionnés des hommes, au point d’accepter de subir la dérision des foules plutôt que de leur mentir.

Image associéeAutour du Christ traduit devant une justice corrompue, Marc nous dresse en chemin une série de portraits de gens qui eux au contraire sont dépassionnés, c’est-à-dire qui refusent de suivre le Christ dans sa Passion. De Judas à Simon, des grands prêtres à Pilate, les excuses sont nombreuses pour finalement ne pas prendre parti ou le parti adverse.

Repérons quelques-uns de ces alibis qui aujourd’hui encore nous empêchent de nous passionner avec le Christ pour la cause de Dieu et celle des hommes.

 

L’utilitarisme

Comment devenir dépassionnés dans Communauté spirituelle 41OgE6sQVNL._SX302_BO1,204,203,200_L’utilitarisme est un courant de pensée économique qui fait de l’utilité et de l’efficacité les critères ultimes de l’action humaine. Au nom de ce pragmatisme, le grand prêtre affirme sans sourciller qu’il vaut mieux qu’un seul homme meure plutôt que tout le peuple. Au nom de cette efficacité, « quelques-uns » (selon Marc, car Jean mettra ce murmure dans la bouche de Judas, hélas) s’indigne de l’onction à Béthanie : « on aurait bien pu vendre ce parfum-là plus de 300 pièces d’argent et les donner aux pauvres ». L’utilitarisme finit par ne plus voir que les effets calculables à court terme. Il se ferme au long terme, ici au gratuit, à l’adoration.

En ce siècle de fin annoncée des idéologies en Occident (car ailleurs les idéologies se renforcent, l’islam radical notamment), le péril utilitariste peut devenir mortel. Au nom des conséquences à court terme, on est prêt à rogner ses convictions et même à ne plus en avoir. On peut ainsi légitimer toute intervention militaire, financière ou politique en invoquant le pragmatisme. Judas suivra ce raisonnement pour livrer Jésus, non par amour de l’argent (il rendra les 30 pièces d’argent), mais par calcul politique à court terme, pour que l’alliance entre le mouvement de Jésus et les grands prêtres puissent enfin former la coalition capable de renverser l’occupant romain. D’ailleurs les autres disciples également rêveront d’utiliser Jésus pour leur projet d’indépendance : « et nous, nous espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël » (Lc 24,21).

Privilégier le pragmatisme aux convictions fortes, l’efficacité visible à la fidélité à soi-même nous enlève peu à peu toute capacité à nous passionner.

Le déclin du courage accompagne toujours la montée de l’utilitarisme.

 

L’alourdissement

À Gethsémani, Jésus mène son combat intérieur pour rester fidèle à son Père. Mais il constate que ses amis somnolent, « les yeux alourdis de sommeil ». Et c’est vrai qu’ils se sont alourdis, les disciples de Jésus, à force de le suivre pendant ces trois années merveilleuses. À tel point qu’ils sont pleins d’eux-mêmes, remplis des théories échafaudées entre eux en cours de route. C’est ce qui donne à Pierre sa fausse assurance : « je ne te renierai pas ». Cet alourdissement contraste avec le jeune homme court-vêtu que Marc est le seul à mentionner : lui veut suivre Jésus, et n’a qu’un drap pour se vêtir. Il préfère s’enfuir tout nu plutôt que de se laisser arrêter avec ce qu’il possède !

Avec les années, nous nous alourdissons des biens possédés, des idées arrêtées, des repos bien mérités… Accumuler, thésauriser, prendre de l’embonpoint physique, moral et spirituel : voilà qui tue la passion !

Demeurer léger et court-vêtu est peut-être une condition pour suivre Jésus dans sa Passion.

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La peur

Elle est en filigrane de tout le récit.
C’est par peur que tous les disciples s’enfuient au moment de l’arrestation.
C’est par peur d’être reconnu que Pierre renie trois fois.
C’est par peur de perdre sa place que Pilate finit par contenter les grands prêtres juifs et la foule en leur livrant Jésus.
Quelques femmes certes sont restées, mais « à distance », par peur d’être assimilées à ses disciples.

Alors qu’à l’inverse Joseph d’Arimathie ne craint pas d’affronter le grand conseil pour réclamer le corps de Jésus. D’ailleurs, la première parole de Pâques adressée aux trois femmes venues au tombeau sera le célèbre : « N’ayez pas peur ! ». Pourtant, elles sont encore tremblantes et ne diront rien à personne, « car elles avaient peur ».

La peur nous empêche d’aller au bout de nos passions. Elle nous immobilise, nous fait fuir, nous ôte la parole, nous garde à distance…

Quelles peurs actuellement nous dépassionnent ?

"Un homme digne de ce nom ne fuit jamais. Fuir, c'est bon pour les robinets." Boris Vian

La dérision

Fra Angelico - Le Christ  aux outrages - vers 1441Qui a vu le Christ aux outrages de Fra Angelico à Florence sait que la dérision est le fil rouge de la Passion du Christ. La couronne d’épines pour un roi manqué, un roseau pour se moquer de son pouvoir absent, un vêtement de pourpre pour singer sa dignité princière, les crachats, les gifles, les insultes… : le chemin de croix de Jésus est une longue litanie d’humiliations et de dérisions.

Jusqu’à la pancarte en bois : INRI, qui veut faire rire de ce roi lamentable. Mais par un de ces retournements que l’histoire aime à reproduire, cette inscription moqueuse se révélera prophétique. Jésus est vraiment le roi des juifs, même si tout le monde en ricane.

Ceux dont on se moque pourraient bien détenir la vérité de leur époque !

La dérision a un tel pouvoir de séduction qu’un des compagnons d’infortune de Jésus y succombe selon Luc. Marc mentionne que les patients hochent la tête avec mépris (cf. Ps 22,8) en voyant ce soi-disant Messie échouer lamentablement : « sauve-toi toi-même » si tu es aussi puissant que tu le prétends !

Rire de quelqu’un n’a jamais été le fort de Jésus.
Tourner en dérision les vaincus de la société, les perdants de l’économie, les pions égarés de la mondialisation ne nous permettra pas de discerner les bons combats où nous engager.
Se moquer, ironiser, rire des faibles et des vaincus, de « ceux qui ne sont rien » ou des « derniers de cordées » ne peut que nous déshumaniser.

Le mépris fait de nous des passants, indifférents au malheur des petits, incapables de nous passionner pour la cause de la justice. Nous risquons alors de devenir des cyniques, ne croyant plus en grand-chose sinon notre intérêt immédiat, ne poursuivant aucun idéal sinon l’utilité de nos actions à court terme.

 

L’utilitarisme, l’alourdissement, la peur et la dérision font de nous des dépassionnés. Rameaux à la main, prenons conscience de ce qui fait obstacle à nos passions les plus authentiques.

Ouvrons les yeux sur ce qui nous dépassionne. Alors, si nous unissons nos passions à celle du Christ, elles deviendront fécondes avec lui, par lui, et en lui…

 

 

Messe de la Passion

1ère lecture : « Je n’ai pas caché ma face devant les outrages, je sais que je ne serai pas confondu » (Troisième chant du Serviteur du Seigneur) (Is 50, 4-7)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume : 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a

R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (21, 2a)

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

2ème lecture : « Il s’est abaissé : c’est pourquoi Dieu l’a exalté » (Ph 2, 6-11)

Lecture de la lettre de Saint Paul apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

Evangile : Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Mc 14, 1 – 15, 47)

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! (cf. Ph 2, 8-9)

La Passionde notre Seigneur Jésus Christ selon saint Marc

Indications pour la lecture dialoguée : Les sigles désignant les divers interlocuteurs son les suivants :

X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.

L. La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu deux jours après. Les grands prêtres et les scribes cherchaient comment arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient : A. « Pas en pleine fête, pour éviter des troubles dans le peuple. » L. Jésus se trouvait à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle lui versa le parfum sur la tête. Or, de leur côté, quelques-uns s’indignaient : A. « À quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu, en effet, le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données aux pauvres. » L. Et ils la rudoyaient. Mais Jésus leur dit : X « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? Il est beau, le geste qu’elle a fait envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous le voulez, vous pouvez leur faire du bien ; mais moi, vous ne m’avez pas pour toujours. Ce qu’elle pouvait faire, elle l’a fait. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. » L. Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les grands prêtres pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Et Judas cherchait comment le livrer au moment favorable. Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : D. « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » L. Il envoie deux de ses disciples en leur disant : X « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » L. Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque. Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus déclara : X « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. » L. Ils devinrent tout tristes et, l’un après l’autre, ils lui demandaient : D. « Serait-ce moi ? » L. Il leur dit : X « C’est l’un des Douze, celui qui est en train de se servir avec moi dans le plat. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » L. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : X « Prenez, ceci est mon corps. » L. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : X « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. » L. Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit : X « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » L. Pierre lui dit alors : D. « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. » L. Jésus lui répond : X « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » L. Mais lui reprenait de plus belle : D. « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » L. Et tous en disaient autant. Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : X « Asseyez-vous ici, pendant que je vais prier. » L. Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : X « Mon âme est triste à mourir. Restez ici et veillez. » L. Allant un peu plus loin, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : X « Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux ! » L. Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : X « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller seulement une heure ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » L. De nouveau, il s’éloigna et pria, en répétant les mêmes paroles. Et de nouveau, il vint près des disciples qu’il trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis de sommeil. Et eux ne savaient que lui répondre. Une troisième fois, il revient et leur dit : X « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. » L. Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva et avec lui une foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres, les scribes et les anciens. Or, celui qui le livrait leur avait donné un signe convenu : D. « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. » L. À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : D. « Rabbi ! » L. Et il l’embrassa. Les autres mirent la main sur lui et l’arrêtèrent. Or un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille. Alors Jésus leur déclara : X « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais auprès de vous dans le Temple en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais c’est pour que les Écritures s’accomplissent. » L. Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour tout vêtement qu’un drap. On essaya de l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu. Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre. Ils se rassemblèrent tous, les grands prêtres, les anciens et les scribes. Pierre avait suivi Jésus à distance, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis avec les gardes, il se chauffait près du feu. Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort, et ils n’en trouvaient pas. De fait, beaucoup portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient pas. Quelques-uns se levèrent pour porter contre lui ce faux témoignage : A. « Nous l’avons entendu dire : ‘Je détruirai ce sanctuaire fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.’ » L. Et même sur ce point, leurs témoignages n’étaient pas concordants. Alors s’étant levé, le grand prêtre, devant tous, interrogea Jésus : A. « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? » L. Mais lui gardait le silence et ne répondait rien. Le grand prêtre l’interrogea de nouveau : A. « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? » L. Jésus lui dit : X « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. » L. Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : A. « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Qu’en pensez-vous ? » L. Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le giflèrent, en disant : F. « Fais le prophète ! » L. Et les gardes lui donnèrent des coups. Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une des jeunes servantes du grand prêtre. Elle voit Pierre qui se chauffe, le dévisage et lui dit : A. « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » L. Pierre le nia : D. « Je ne sais pas, je ne comprends pas de quoi tu parles. » L. Puis il sortit dans le vestibule, au dehors. Alors un coq chanta. La servante, ayant vu Pierre, se mit de nouveau à dire à ceux qui se trouvaient là : A. « Celui-ci est l’un d’entre eux ! » L. De nouveau, Pierre le niait. Peu après, ceux qui se trouvaient là lui disaient à leur tour : F. « Sûrement tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, tu es Galiléen. » L. Alors il se mit à protester violemment et à jurer : D. « Je ne connais pas cet homme dont vous parlez. » L. Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta. Alors Pierre se rappela cette parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il fondit en larmes. L. Dès le matin, les grands prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le Conseil suprême. Puis, après avoir ligoté Jésus, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate. Celui-ci l’interrogea : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répondit : X « C’est toi-même qui le dis. » L. Les grands prêtres multipliaient contre lui les accusations. Pilate lui demanda à nouveau : A. « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. » L. Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate fut étonné. À chaque fête, il leur relâchait un prisonnier, celui qu’ils demandaient. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour un meurtre qu’ils avaient commis lors de l’émeute. La foule monta donc chez Pilate, et se mit à demander ce qu’il leur accordait d’habitude. Pilate leur répondit : A. « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré. Ces derniers soulevèrent la foule pour qu’il leur relâche plutôt Barabbas. Et comme Pilate reprenait : A. « Que voulez-vous donc que je fasse de celui que vous appelez le roi des Juifs ? », L. de nouveau ils crièrent : F. « Crucifie-le ! » L. Pilate leur disait : A. « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » L. Mais ils crièrent encore plus fort : F. « Crucifie-le ! » L. Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié. Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du palais, c’est-à-dire dans le Prétoire. Alors ils rassemblent toute la garde, ils le revêtent de pourpre, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des salutations, en disant : F. « Salut, roi des Juifs ! » L. Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau de pourpre, et lui remirent ses vêtements. Puis, de là, ils l’emmènent pour le crucifier, et ils réquisitionnent, pour porter sa croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus au lieu dit Golgotha, ce qui se traduit : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire). Ils lui donnaient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n’en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. C’était la troisième heure (c’est-à-dire : neuf heures du matin) lorsqu’on le crucifia. L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ». Avec lui ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête ; ils disaient : F. « Hé ! toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! » L. De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : A. « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Qu’il descende maintenant de la croix, le Christ, le roi d’Israël ; alors nous verrons et nous croirons. » L. Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient. Quand arriva la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : X « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », L. ce qui se traduit : X « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » L. L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : F. « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » L. L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : A. « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » L. Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. (Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant) Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : A. « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » L. Il y avait aussi des femmes, qui observaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem. Déjà il se faisait tard ; or, comme c’était le jour de la Préparation, qui précède le sabbat, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le règne de Dieu. Il eut l’audace d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate s’étonna qu’il soit déjà mort ; il fit appeler le centurion, et l’interrogea pour savoir si Jésus était mort depuis longtemps. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Alors Joseph acheta un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un tombeau qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau. Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, observaient l’endroit où on l’avait mis.
Patrick BRAUD

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