L'homélie du dimanche (prochain)

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4 décembre 2017

Consolez, consolez mon peuple !

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Consolez, consolez mon peuple !


Homélie du 2° Dimanche de l’Avent / Année B
10/12/2017

Lot de consolation
Tauler, le métro et « Non sum »
Devenir des précurseurs
Maintenant, je commence
Crier dans le désert
Le Verbe et la voix
Res et sacramentum
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
Une foi historique

 

Sur quelle épaule allez-vous pleurer ?

Qui vous console quand cela va mal pour vous ? Comment fait-il (elle) ?

Dans quelles activités avez-vous cherché soutien et réconfort dans les périodes difficiles ?

La question de la consolation fait partie de toute expérience vraiment humaine. La Bible constate d’une voix unanime qu’elle fait également partie de l’expérience authentiquement spirituelle. Impossible de chercher Dieu sans passer par des phases de désolation. De ces traversées amères, atones ou désertiques surgissent souvent de vraies consolations, le plus souvent là où on ne les attendait pas.

Faites la liste mentalement des ressources et des personnes qui ont été pour vous des consolations sur le plan humain (affectif, psychologique, social…) et/ou spirituel. Mettez-la par écrit, pour ne pas oublier lors des rechutes possibles les points d’appui qui vous ont déjà permis de sortir de l’impasse. Pour certains c’est la musique, la lecture, un feu de cheminée. Pour d’autres, c’est le téléphone, les messages échangés, un bon restaurant avec des amis…

La Bible a construit son propre inventaire à la Prévert de ressources consolatrices. Par tâtonnements successifs, par hasard, par grâce, les auteurs bibliques égrènent tout au long des Écritures ce qui leur apporte de l’énergie pour rester solides malgré la météo mauvaise.

Consolez, consolez mon peuple ! dans Communauté spirituelle 41DEQQJBZ5L._SX301_BO1,204,203,200_Pour notre première lecture, cette consolation est la mission première du prophète. Isaïe est envoyé annoncer la consolation au peuple de Dieu :

« Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu – parlez au cœur de Jérusalem.
Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes. » (Is 40, 1-5.9-11).

Cette consolation-là est liée au pardon. À ceux qui se désolent (et ils ont raison de le faire !) de leurs fautes, Dieu apporte la fin des larmes de repentir. Cette consolation sur une communion d’amour retrouvé entre Dieu lui-même et ceux que le péché avait éloigné : « Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent.  »

On retrouve ainsi très tôt la béatitude si étrange de Jésus : « heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ». S’attrister de son péché est donc une promesse de consolation plus grande encore (ce que la théologie catholique appellera l’attrition/contrition dans la démarche du sacrement de réconciliation). Le courage de se reconnaître pécheur est source de bénédiction !

À relire rapidement les autres témoignages de notre bibliothèque juive et chrétienne, on peut dresser une première liste fort utile de sources possibles de consolation.

 

1. La présence fraternelle d’amis, de membres de l’Église

Actes 28,14 : « … y trouvant des frères, nous eûmes la consolation de rester sept jours avec eux ».

Colossiens 4,11 : « Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabé, au sujet duquel vous avez reçu des instructions: s’il vient chez vous, faites-lui bon accueil. Jésus surnommé Justus vous salue également. De ceux qui nous sont venus de la Circoncision, ce sont les seuls qui travaillent avec moi pour le Royaume de Dieu ; ils m’ont été une consolation ».

Un de nos réflexes suite au chagrin, à la douleur ou la déprime est de nous de nous isoler. Nous croyons qu’en nous recroquevillant sur notre tristesse, en nous coupant des autres, nous pourrons plus facilement nous reconstruire. Tel un ours blessé léchant ses plaies dans une caverne cachée, nous sommes exposés à la tentation de vouloir disparaître. Or la fraternité est un baume précieux sur les plaies de chacun. Bien sûr, ce n’est pas la présence de n’importe qui qui pourra nous soulager. Certains sont trop bavards, d’autres trop superficiels, ou trop dramatiques. À nous de discerner rapidement ceux qui peuvent nous faire du bien. Mais le pire est de se mettre aux abonnés absents, en croyant que le temps nous guérira tout seul. L’Église n’est vraiment fraternelle que quand elle offre ainsi à celui qui est dans la peine l’écoute, la proximité, la chaleur humaine qui le consoleront doucement.

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C’est d’ailleurs une dimension essentielle de la mission apostolique selon Paul. Dans sa deuxième lettre aux corinthiens, il emploie le terme pas moins de 14 fois (ch.2 et ch.7) pour en faire le cœur de son ministère.

Diacres, prêtres et évêques ont donc au centre de leur identité la charge d’être des consolateurs : en ont-ils conscience ? Et avec eux, l’Église tout entière, parce qu’elle est apostolique, a pour mission de consoler ceux qui souffrent, matériellement et spirituellement.

 

Femme triste étreindre son mari Banque d'images - 126487402. Parmi le soutien des proches, la Bible place l’amour conjugal comme une source majeure de consolation. Le Cantique des cantiques en est le plus beau chant.

Un mari peut être consolé par sa femme de la mort de sa mère : « Isaac introduisit Rébecca dans sa tente: il la prit et elle devint sa femme et il l’aima. Et Isaac se consola de la perte de sa mère » (Gn 24). Plus largement, l’amour familial permet d’inscrire la chaîne des deuils à traverser dans une histoire commune, riche de sens et d’affection.

 

3. Le travail peut être une consolation !

On l’oublie trop souvent : ce n’est pas le travail en lui-même qui est une malédiction, c’est la pénibilité du travail qui est une conséquence du désordre apporté par la chute originelle selon Gn 3. Du coup, chacun peut trouver dans son activité professionnelle de quoi le tirer des mauvais jours !

« Quand Lamek eut 182 ans, il engendra un fils. Il lui donna le nom de Noé, car, dit-il, « celui-ci nous apportera, dans notre travail et le labeur de nos mains, une consolation tirée du sol que Yahvé a maudit » » (Gn 5,29).

Le travail comme thérapie consolatrice ? ! Certains s’y donnent à l’excès, et veulent noyer leur tristesse dans la suractivité, comme d’autres noient leur chagrin dans l’alcool. Mais, avec modération, l’investissement dans son travail est réellement source d’équilibre, tellement humanisante que la tradition monastique n’hésitera pas à classer le travail comme le meilleur remède à l’acédie, cette dépression spirituelle peuplée de désolations et de déserts intérieurs. S’accrocher à son travail quand tout va mal est une réaction de santé bien connue de la sagesse populaire. À condition que ce travail n’engendre pas lui-même désolation, ce qui est un autre enjeu…

Ora et labora

4. Les Écritures

Eh oui ! Lire la Bible en cas de coup de blues vaut mieux qu’un Prozac ou un Stilnox ! Car les psaumes ont trouvé les mots pour crier nos angoisses, nos détresses, nos peines les plus profondes. Car les prophètes ont transmis les promesses qui réveillent notre espérance alors que notre cœur est en charpie. Car l’histoire de ce peuple à la nuque raide qui gémit sous le joug de son élection a bien des points communs avec notre propre histoire, personnelle et collective.

Lire la Bible quand ça va mal, c’est redécouvrir que nous ne sommes pas les premiers à soupirer ainsi, que d’autres y sont passés, qu’ils ont trouvé les mots et l’espérance pour chanceler sans trembler, vaciller sans se laisser détruire.

Ainsi les Macchabées, révoltés payant le prix fort de leur insurrection contre une domination ennemie sacrilège, en ont fait l’expérience : « Pour nous, quoique nous n’en ayons pas besoin, ayant pour consolation les saints livres qui sont en nos mains… » (1 Maccabées  12,9).  Et Paul, au milieu de ses tribulations, le dit avec force : « En effet, tout ce qui a été écrit dans le passé le fut pour notre instruction, afin que la constance et la consolation que donnent les Écritures nous procurent l’espérance » (Rm  15,4).

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5. Refuser les consolateurs ‘pénibles’

Job et ses amisLe livre de Job est tout entier concentré sur la douleur innocente de Job. Il cherche une explication, il gémit sur son tas d’ordures, couvert d’ulcères. Pourtant il récuse un à un  ceux qui voudraient lui apporter une consolation trop facile. Trop facile, trop superficielle, et finalement trop injuste, car basée sur l’idée fausse du principe de rétribution : ‘tu n’a finalement que ce que tu mérites, à cause de ce que tu as fait de mal, même sans le savoir. Alors accepte, résigne-toi, et la paix viendra’. Ce faux raisonnement resurgit aujourd’hui dans bien des techniques psychologiques, ou du karma, ou de méditation… Cela n’apaise pas Job, qui trouve les plaidoyers de ses visiteurs très inconsistants, pas du tout à la hauteur de l’évènement de malheur qui le frappe. « Que de fois ai-je entendu de tels propos, et quels pénibles consolateurs vous faites ! » (Job 16).

Les psaumes font écho à Job : « Au jour d’angoisse j’ai cherché le Seigneur ; la nuit, j’ai tendu la main sans relâche, mon âme a refusé d’être consolée… » (Ps 77)

Et Jérémie renchérit : « à Rama, une voix se fait entendre, une plainte amère ; c’est Rachel qui pleure ses fils. Elle ne veut pas être consolée pour ses fils, car ils ne sont plus » (Jr 31,14).

Être consolé demande donc paradoxalement de refuser les consolations trop faciles qui s’offrent à nous, que ce soit le divertissement pascalien (étourdissement dans les plaisirs, spectacles) ou les bondieuseries (‘allume une bougie, fais une neuvaine et tout s’arrangera…’), l’exigence de Job doit être la nôtre : pas d’ersatz de consolation ! Ce qui nous oblige à chercher davantage, à attendre plus longtemps peut-être, à être plus à vif. Mais la vraie consolation est à ce prix.

 

6. Consoler ceux qui nous font du mal

Consolés, nous deviendrons consolateurs. Blessés, nous apprendrons à guérir. Désolés, nous pourrons ensuite réconforter.

C’est par exemple l’expérience de Jacob, trahi par ses frères, abandonné au fond d’une citerne puis vendu par eux comme esclave. De sa déchéance en Égypte, il fera une source bénédiction pour tout le peuple hébreu. Au lieu de se venger, il consolera ses frères effarés de constater l’ampleur de leur crime envers lui : « Ses frères eux-mêmes vinrent et, se jetant à ses pieds, dirent: « Nous voici pour toi comme des esclaves ! » Mais Joseph leur répondit: « Ne craignez point ! Vais-je me substituer à Dieu ? Le mal que vous aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu l’a tourné en bien, afin d’accomplir ce qui se réalise aujourd’hui : sauver la vie à un peuple nombreux.  Maintenant, ne craignez point: c’est moi qui vous entretiendrai, ainsi que les personnes à votre charge. » Il les consola et leur parla affectueusement » (Gn 50,19ss).

Would-be Papal Assassin Agca Released from Turkish Jail: Would-be Papal Assassin Agca Released from Turkish Jail

La puissance de la consolation n’est pas que pour nous : elle est destinée à diffuser par nous à tous nos proches. Elle fait même partie de l’amour des ennemis que Jésus signale comme spécifique de l’identité chrétienne. Celui qui console son ennemi en pleurs est vraiment fils de Dieu. De Nelson Mandela et son comité de réconciliation nationale aux églises du Rwanda et du Burundi poursuivant ce même travail de réconciliation après le génocide, de Maïti Girtanner consolant son ancien bourreau nazi de la peur de la mort à Jean-Paul II embrassant son assassin Ali Agça dans sa prison, consoler son ennemi est la marque d’un amour proprement divin.

Paul avait ouvert la voie : « On nous insulte et nous bénissons ; on nous persécute et nous l’endurons ; on nous calomnie et nous consolons » (1Co 4,13).

 

7. L’Esprit-Saint consolateur

Finalement, c’est de l’Esprit-Saint lui-même que vient la consolation.

Syméon l’attendait au seuil du Temple de Jérusalem : « Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux; il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit Saint reposait sur lui » (Lc 2).
Les Églises l’ont très tôt découvert : « Cependant les Églises jouissaient de la paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elles s’édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur, et elles étaient comblées de la consolation du Saint Esprit » (Ac 9,31). Et le cantique de Pentecôte en est témoin : « Viens Esprit consolateur… »
L’Esprit est la douceur de Dieu en action venant nous chérir, nous porter sur ses genoux, nous bénir et nous serrer contre lui. Un immense hug spirituel en fait ! C’est donc en priant l’Esprit-Saint que nous pourrons accueillir la douceur de la consolation divine.

 

Cette liste à la Prévert, chacun la complétera avec ses sources de consolation à lui : la musique, la beauté-là de la nature, un sport régénérateur etc…
L’essentiel est de croire que la mission d’Isaïe continue aujourd’hui : « Consolez, consolez mon peuple… »

 

Lectures de la messe
Première lecture
« Préparez le chemin du Seigneur » (Is 40, 1-5.9-11)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu –  parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié,  qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes.  Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ;  tracez droit, dans les terres arides,  une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur,  et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »  Monte sur une haute montagne,  toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force,  toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! » Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent.

Psaume (84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14)
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. 84, 8

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

Deuxième lecture
« Ce que nous attendons, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle » (2 P 3, 8-14)
Lecture de la deuxième lettre de saint Pierre apôtre

Bien-aimés,  il est une chose qui ne doit pas vous échapper :  pour le Seigneur,  un seul jour est comme mille ans,  et mille ans sont comme un seul jour.  Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse,  alors que certains prétendent qu’il a du retard.  Au contraire, il prend patience envers vous,  car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre,  mais il veut que tous parviennent à la conversion.  Cependant le jour du Seigneur viendra, comme un voleur.  Alors les cieux disparaîtront avec fracas,  les éléments embrasés seront dissous,  la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper.  Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution,  vous voyez quels hommes vous devez être,  en vivant dans la sainteté et la piété,  vous qui attendez,  vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu,  ce jour où les cieux enflammés seront dissous,  où les éléments embrasés seront en fusion.  Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur,  c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle  où résidera la justice. C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela,  faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut,  dans la paix.

Évangile

« Rendez droits les sentiers du Seigneur » (Mc 1, 1-8)
Alléluia. Alléluia. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être vivant verra le salut de Dieu.
Alléluia. (cf. Lc 3, 4.6)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi,pour ouvrir ton chemin.Voix de celui qui crie dans le désert :Préparez le chemin du Seigneur,rendez droits ses sentiers. Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.  Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Patrick BRAUD

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3 décembre 2017

Ne nous laisse pas entrer en tentation

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 01 min

Ne nous laisse pas entrer en tentation

« Ne nous laisse pas entrer en tentation » : c’est la nouvelle traduction francophone de la fin du Notre Père, Elle est entrée en vigueur aujourd’hui même, et changera bien des habitudes !


Pour la comprendre, reportons-nous aux tentations présentées à Jésus lui-même au désert.

 

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Quel est l’enjeu de cette modification ?

L’ancien traduction : « ne nous soumets pas à la tentation » pouvait porter à confusion. Dieu serait-il l’auteur de la tentation ? Prendrait-il un malin plaisir à nous y soumettre ? La réponse toute la Bible est très nette : non !

The%2BFall%2Bof%2BAdam%2Band%2BEve%252C%2BHugo%2Bvan%2Bder%2BGoes%2B1470 Notre Père dans Communauté spirituelleNotre première lecture de la Genèse précise bien que c’est le serpent qui induit Ève en tentation, pas Dieu. Notre évangile met bien Satan en scène comme celui qui cherche à faire chuter Jésus, au sens propre comme au sens figuré.

Et St Jacques sera encore plus clair : « Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise : c’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne. » (Jc 1,13)

Prier Dieu de ne pas nous soumettre à la tentation laisserait planer un doute sur l’innocence divine face à la victoire du mal sur nous : impensable ! La nouvelle traduction recherche à éviter cet écueil, en collant au plus près du latin : ne nos inducas in tentationem = fais en sorte que nous ne soyons pas conduits sur le chemin de la tentation.

Elle colle davantage encore au grec : le verbe utilisé eispherô signifie porter dans, faire entrer. La tentation est vue (en grec) comme un lieu dans lequel Dieu nous introduirait. C’est un peu ce que fait l’Esprit dans l’évangile de ce dimanche : il conduit Jésus au désert pour y être tenté (par Satan, pas par Dieu) Mt 4,11.

C’est le sens que Jésus donne à sa prière à Gethsémani : il entre en tentation (« que cette coupe s’éloigne de moi ») mais la surmonte en s’appuyant sur son identité filiale (« Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux »). Connaissant la faiblesse de ses disciples, il leur conseille alors, fort de cette expérience à Gethsémani : « priez pour ne pas entrer en tentation » (Mt 26,41). Dieu peut nous conduire vers (le désert, la tentation), mais il ne veut ni ne peut nous introduire dans.

Le désert est ici le lieu type de la tentation, en référence à l’épisode de l’Exode où les hébreux ont mis Dieu à l’épreuve (Ex 17,7), à Massa, près de Réfidim.

Mais c’est Dieu qui est mis à l’épreuve à Massa, comme Jésus est mis à l’épreuve au désert. Le peuple hébreu à Massa, le Satan au désert enfreignent chacun le commandement : « tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu » (Mt 4,7 ; Lc 4,12 ; Dt 6,16).

Sachant d’expérience que ce combat pour rester fidèle dans l’épreuve est vraiment dangereux, Jésus demande ses disciples de prier pour que nous ne soyons pas exposés à nous engager dans cette rude bataille. Suivre le Christ, c’est s’exposer à être tenté. « Ne nous laisse pas entrer en tentation » signifie : aide-nous à ne pas mettre le pied dans les sables mouvants de la tentation, que nous risquons de ne pas pouvoir traverser.

Car, si l’Esprit nous conduit au désert, c’est bien de nous-mêmes que nous entrons dans l’influence du mal. À l’image d’Ève qui aurait pu se boucher les oreilles au sifflement du serpent : mais elle s’est exposée (imprudemment) et s’est finalement laissée vaincre par le tentateur.

 

L’enjeu de cette nouvelle traduction est donc vital pour nous :

1. Ne pas croire ou laisser croire que Dieu serait l’auteur de la tentation.

2. Ne pas croire ou laisser croire non plus que nous sommes l’auteur absolu du mal. C’est un autre (le « serpent », le « Satan ») qui nous tente, et nous tombons dans le panneau en entrant en tentation.

3. Prendre conscience de notre propension naturelle à succomber aux tentations, aux fausses promesses que nous rencontrons sur notre route.

« Dieu ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces » 1Co 10,13 : cette conviction de Paul nous aide à déchiffrer nos épreuves comme des victoires à remporter et non des destructions cumulatives. La prière du Notre Père nous rend forts pour ne pas mettre les pieds en terrain miné : appuyés  sur l’amour paternel de Dieu pour nous, c’est ne pas s’engager sur des chemins où le combat serait trop difficile, ne pas s’exposer imprudemment en préjugeant de sa force. Et si la fournaise de l’épreuve arrive, comme à Massa ou Gethsémani, que notre communion au Christ nous rende forts en lui pour devenir fidèles à travers la tentation.

 

Un enjeu oecuménique

C’est l’autre aspect du Notre Père : la seule prière que Jésus a enseignée à ses disciples doit pouvoir être récitée ensemble, quelles que soient les confessions chrétiennes. C’était le cas jusqu’à présent depuis Vatican II. Qu’en sera-t-il en 2015 ? Les autres Églises chrétiennes vont-elles adopter ce « ne nous laisse pas  entrer en tentation » ? On peut regretter que l’Église catholique ait décidé ce changement de manière unilatérale, sans y associer les autres Églises. Elles pourront cependant y trouver une bien plus grande fidélité au texte biblique, et une plus grande cohérence théologique. Espérons que le Notre Père ne se terminera pas en un bredouillage généralisé et gêné, jetant un voile pudique sur nos différences en la matière…

Aucune traduction n’est parfaite. Traduttore, traditore disent les italiens !

« Ne nous laisse pas entrer en tentation » laisse encore planer quelques  interrogations. On sent bien qu’il y a conflit entre la liberté humaine qui peut choisir de se laisser dominer par la tentation, et l’amour de Dieu qui désire nous en sauver, mais ne peut le faire malgré nous… En remplaçant la soumission à par l’entrée en, la nouvelle version du Notre Père a le mérite de réveiller notre liberté en s’appuyant sur l’amour de Dieu pour nous.

Si vous avez déjà hésité au seuil d’une vraie tentation, vous savez ce que cela veut dire.

 

Dieu ne soumet personne. Il vole au secours de celui qui l’appelle.

Et comment devenir fidèles sans prier, c’est-à-dire sans nous appuyer sur Dieu qui alors ne nous laisse pas entrer en tentation ?

 

 

1ère lecture : La création de l’homme. Le péché (Gn 2, 7-9; 3, 1-7a)

Lecture du livre de la Genèse

Au temps où le Seigneur Dieu fit le ciel et la terre, il modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant.
Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé.
Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toute sorte d’arbres à l’aspect attirant et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait fait. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a dit : ‘Vous ne mangerez le fruit d »aucun arbre du jardin’»
La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour celui qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : ‘Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.’ »
Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !
Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » 
La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il avait un aspect agréable et qu’il était désirable, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de ce fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea.
Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus.

Psaume : Ps 50, 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17

R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché.

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché, 
ma faute est toujours devant moi. 
Contre toi, et toi seul, j’ai péché, 
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. 

Crée en moi un c?ur pur, ô mon Dieu, 
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. 
Ne me chasse pas loin de ta face, 
ne me reprends pas ton esprit saint. 

Rends-moi la joie d’être sauvé ; 
que l’esprit généreux me soutienne. 
Seigneur, ouvre mes lèvres, 
et ma bouche annoncera ta louange.

2ème lecture : Là où le péché s’était multiplié, la grâce a surabondé (brève : 5, 12.17-19) (Rm 5, 12-19)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché.
Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde. Certes, on dit que le péché ne peut être sanctionné quand il n’y a pas de loi ; mais pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a régné, même sur ceux qui n’avaient pas péché par désobéissance à la manière d’Adam. Or, Adam préfigurait celui qui devait venir.
Mais le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure. En effet, si la mort a frappé la multitude des hommes par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu a-t-elle comblé la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.
Le don de Dieu et les conséquences du péché d’un seul n’ont pas la même mesure non plus : d’une part, en effet, pour la faute d’un seul, le jugement a conduit à la condamnation ; d’autre part, pour une multitude de fautes, le don gratuit de Dieu conduit à la justification.
En effet, si, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul homme, la mort a régné, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en plénitude le don de la grâce qui les rend justes.
Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie.
En effet, de même que tous sont devenus pécheurs parce qu’un seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu’un seul homme a obéi.

Evangile : La tentation de Jésus (Mt 4, 1-11)

Acclamation : Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.
L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu.
Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.(cf. Mt 4, 4)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le démon.
Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.
Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Mais Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » 

Alors le démon l’emmène à la ville sainte, à Jérusalem, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » 

Le démon l’emmène encore sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde avec leur gloire.
Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer. »
Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c’est lui seul que tu adoreras. »
Alors le démon le quitte. Voici que des anges s‘approchèrent de lui, et ils le servaient.
Patrick BRAUD

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