L'homélie du dimanche (prochain)

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15 août 2017

Recevoir sa mission d’une inconnue étrangère

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 14 h 01 min

Recevoir sa mission d’une inconnue étrangère
Homélie pour le 20° Dimanche du temps ordinaire / Année A
20/08/2017

Cf. également :
Maison de prière pour tous les peuples
Lumière des nations
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
Le Temple, la veuve, et la colère
Les sans-dents, pierre angulaire

Un consultant raconte un séminaire d’entreprise.
Le public était mélangé, des employés à la Direction Générale, et l’objectif était de refonder la raison d’être de l’entreprise (très tournée vers les articles de sport). 
Le consultant pose la question à tous : ‘à votre avis, quelle est la raison d’être de votre société ?’ Plus à l’aise en public, les dirigeants répondent en premier : ‘faire du profit’, ‘assurer notre pérennité’. Des managers complètent : ‘réaliser nos objectifs’, ‘garantir la satisfaction du client’… Le consultant fait la moue : ‘la raison d’être d’une entreprise, c’est ce qui fait que vous vous levez le matin avec énergie et envie pour aller au boulot’.
Une vendeuse lève timidement le doigt : ‘moi je suis passionnée de tir à l’arc, et mon objectif dans mon métier c’est de faire partager cette passion à mes clients’.
Petit silence. Avec humilité, les dirigeants prolongent : ‘finalement, c’est vrai. Le cash, les objectifs, les performances techniques ne sont que des moyens au service du but que nous venons d’entendre : partager notre passion du sport, tous les sports, avec le plus grand nombre’.
Depuis, centré sur sa raison d’être qui est le critère ultime des choix stratégiques techniques et économiques, ce groupe d’équipement sportif réputé (Décathlon) ne cesse de faire une belle croissance à deux chiffres chaque année. Car leurs choix sont simplifiés : tout ce qui va dans le sens de la raison d’être est permis, encouragé, valorisé. Tout ce qui y est contraire est éliminé. Et chacun peut/doit faire ce discernement à son niveau, individuellement et en équipe.

C’est un peu une révélation de ce type que Jésus vit dans l’évangile de la libanaise revendiquant les miettes pour les petits chiens (Mt 15, 21-28)… En effet, jusque-là, Jésus en bon juif qu’il était, croyait n’être envoyé qu’à son peuple, pour réformer sa foi, son Temple, ses pratiques. La conscience historique de Jésus de Nazareth était dans son humanité soumise aux mêmes lois psychologiques que la nôtre : il lui a fallu du temps pour réaliser qui il était, et quelle était sa mission. La rencontre avec cette libanaise constitue un tournant dans la conscience de Jésus : grâce à elle, à cause d’elle, il découvre stupéfait qu’en effet les étrangers ont droit eux aussi à la nourriture qu’il dispense aux juifs. Parce que cette femme a insisté, argumenté, parce qu’elle n’a pas lâché prise par amour pour sa fille, elle a provoqué en Jésus une prise de conscience de l’universalité de sa mission. Avant, il croyait n’être envoyé qu’aux « brebis perdues de la maison d’Israël ». Après, il reconnaît la foi de cette cananéenne et saura désormais que tous les peuples attendent de participer au repas messianique à sa table.

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Notons deux ou trois traits au passage :

- C’est alors que Jésus se retire dans la région de Tyr et Sidon qu’il découvre l’ampleur de sa mission grâce à cette femme. On dirait aujourd’hui il a posé une semaine de congés payés avec son staff (les Douze), qu’il ressent le besoin de se mettre au vert avec eux, pour réfléchir à la suite des événements, se reposer.
C’est donc que nous avons besoin nous aussi de congés pour l’esprit, de retraits ponctuels, de prises de recul ailleurs pour faire le point et réfléchir sur notre mission.

illustration- C’est en terre étrangère, avec une femme étrangère (cananéenne = libanaise) que cette scène se passe. L’ailleurs du lieu aidera Jésus à découvrir l’ailleurs de sa mission. L’altérité du pays (le Liban actuel) lui est favorable pour prendre conscience d’une autre dimension de son identité et de sa mission. L’autre (la femme étrangère) lui révélera l’autre face cachée de sa feuille de route. L’inconnue (cananéenne) lui fera connaître la volonté de son Père pour tous, qu’il ne connaissait pas jusqu’alors ainsi.

- C’est une femme – et une non juive –  qui l’aide à progresser ! Si nous savons écouter les sans-grades, les moins considérés de nos entreprises, de nos communautés, ce sont eux qui nous apprendront finalement quelles sont les vraies priorités auxquelles nous atteler. C’est de la bouche de ceux qui ne comptent pas (les « sans dents » de Hollande où « les gens qui ne sont rien » de Macron) que nous pouvons apprendre le meilleur sur nous-mêmes.

- Le staff de Jésus (les Douze) joue malheureusement un rôle d’écran entre lui et cette femme. Elle les insupporte de ses cris et ils voudraient la chasser loin de Jésus.
C’est souvent le cas pour nous aussi : notre premier cercle de proches veut souvent nous éloigner de ceux qui ont pourtant un message à nous délivrer. Il est donc essentiel d’éduquer le regard de ce premier cercle sur les importuns et les gêneurs, sur les petits grains de sable qui heureusement viennent dévier la route trop vite tracée. Voilà pourquoi il nous faut éduquer nos proches pour qu’ils ne dressent pas d’écran involontaire entre nos équipes et nous.

Un peu comme les dirigeants de notre entreprise de sport du début ont eu l’humilité de recevoir leur raison d’être d’une simple vendeuse anonyme, Jésus a su recevoir la révélation de l’universalité de sa mission d’une femme, inconnue, étrangère (non-juive). Simple rencontre d’un jour (ils ne se reverront jamais), la cananéenne a pourtant transformé à jamais la vie du prophète de Nazareth, dilatant sa conscience d’être envoyé à tous.

Et nous ?

Couverture de Le roi sans fou - Le Roi sans fouChacun de nous a sa mission, ses missions : professionnelle, familiales, associative, amicale… Saurons-nous être à l’écoute de ce que des inconnus d’un jour, des étrangers loin de nos cercles habituels peuvent nous dire de nous-mêmes ? Prenons les moyens de recevoir notre mission des mains-mêmes de ceux vers qui nous sommes envoyés ?
Pour des dirigeants, cela implique d’avoir des remontées du terrain en direct, non filtrées par la cour des N-1 ou N-2. À l’instar du fou du roi qui avait le droit autrefois de critiquer vertement le monarque en public, véritable lanceur d’alerte indispensable à la bonne information du roi.
Pour des acteurs associatifs, c’est refonder sans cesse le but de l’association à partir des vrais besoins exprimés par les gens.
Pour tous, c’est savoir saisir à la volée ce qu’une remarque, un échange, une écoute d’une rencontre ponctuelle peut nous révéler de nous-mêmes.
Particulièrement en ces temps de congés, dans les Tyr et Sidon contemporains (plages, gîtes, randonnées…), soyons attentifs à ce que des contacts apparemment bien loin de nos préoccupations habituelles pourraient nous révéler de notre mission. Même dans le métro, au marché, dans une file d’attente…

Il suffit parfois d’être présent, juste présent, pour entendre une inconnue étrangère remettra en cause nos représentations d’avant.

Quels sont donc les petits chiens qui n’attendent que de manger les miettes tombant de notre table ?

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Les étrangers, je les conduirai à ma montagne sainte » (Is 56, 1.6-7)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur : Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler.
 Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière, leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples. »

Psaume
(Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8)
R/ Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce tous ensemble ! (Ps 66, 4)

Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
que ton visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
tu gouvernes les peuples avec droiture
sur la terre, tu conduis les nations.

La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !

Deuxième lecture
« À l’égard d’Israël, les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance » (Rm 11, 13-15.29-32)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, je vous le dis à vous, qui venez des nations païennes : dans la mesure où je suis moi-même apôtre des nations, j’honore mon ministère, mais dans l’espoir de rendre jaloux mes frères selon la chair, et d’en sauver quelques-uns. Si en effet le monde a été réconcilié avec Dieu quand ils ont été mis à l’écart, qu’arrivera-t-il quand ils seront réintégrés ? Ce sera la vie pour ceux qui étaient morts !
 Les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance. Jadis, en effet, vous avez refusé de croire en Dieu, et maintenant, par suite de leur refus de croire, vous avez obtenu miséricorde ; de même, maintenant, ce sont eux qui ont refusé de croire, par suite de la miséricorde que vous avez obtenue, mais c’est pour qu’ils obtiennent miséricorde, eux aussi. Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde.

Évangile
« Femme, grande est ta foi ! » (Mt 15, 21-28) Alléluia. Alléluia.
Jésus proclamait l’Évangile du Royaume, et guérissait toute maladie dans le peuple. Alléluia. (cf. Mt 4, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, partant de Génésareth, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon. Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.
Patrick BRAUD

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