L'homélie du dimanche (prochain)

16 novembre 2016

Les trois tentations du Christ en croix

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Les trois tentations du Christ en croix

Homélie pour la fête du Christ Roi /année C
20/11/2016

Cf. également :
La violence a besoin du mensonge
Divine surprise
Le Christ Roi fait de nous des huiles
Non-violence : la voie royale
Un roi pour les pires

On est habitué aux trois tentations de Jésus au désert au début de son ministère public [1] (Mt 4, 1-11). Mais voici qu’elles réapparaissent à la fin de sa vie, comme si elles n’avaient cessé d’être en filigrane dans chaque rencontre depuis ces trois années sur les routes de Palestine.  Sur le bois de la croix, le Messie humilié s’entend dire par trois fois : « sauve-toi toi-même ». Ce n’est plus la figure mythique du diable qui assume ici le rôle du tentateur, mais les figures plus concrètes, ordinaires, des chefs juifs, des soldats romains, du malfaiteur suspendu à côté de lui. La petite voix de la tentation nous viendra plus sûrement des gens habituels que du grand Satan !

Chacune de ces trois tentations sur la croix fait écho à celle correspondante au désert :

1) ordonne à ces pierres de devenir du pain => montre-nous, à nous les chefs du peuple, que tu es l’Élu, et que tu peux nourrir ce peuple par ta puissance.

2) jette-toi en bas du Temple => montre-nous, à nous les soldats, que tu es le roi des juifs, l’équivalent de César, l’autorité à laquelle nous devons obéir.

3) prosterne-toi devant moi pour avoir le pouvoir => montre-moi, à moi le malfaiteur crucifié avec toi, que tu as le pouvoir de nous arracher à cette mort infamante, et je te reconnaîtrai comme le Messie.

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La tentation centrale de l’auto-rédemption

Même si trois acteurs différents cherchent à induire Jésus en tentation (‘ne nos inducat in tentationem’ dit le Notre Père en latin), leur argument central est le même : « sauve-toi toi-même ». Ils veulent remplacer le passif par un actif. Ils préfèrent se sauver que d’être sauvés. Car le passif de l’hétéro-rédemption suppose d’accepter de recevoir d’un autre, gratuitement, humblement. Alors que l’actif de l’auto-rédemption reste narcissique : je peux me glorifier de ce que j’ai fait de bien, je suis arrivé tout seul à traverser l’épreuve, la mort.

Or Jésus est le Fils par excellence. C’est-à-dire qu’il refuse d’exister par lui-même. Il n’est lui-même qu’en se recevant d’un autre qu’il appelle analogiquement Abba, Père. L’amour consiste d’abord pour lui à recevoir, à se recevoir. Se sauver soi-même, en serrant les dents, à la force du poignet, est une illusion dangereuse et serait contraire à son identité filiale. C’est d’être aimé qui nous rend humain. Mais accepter d’être sauvé par un autre peut sembler humiliant pour ceux qui veulent être chefs, peu conforme à l’honneur militaire pour des soldats, peu efficace pour un malfaiteur habitué à ne compter sur personne.

 

Les visages actuels de l’auto-rédemption

Aujourd’hui, cette tentation de l’auto-rédemption prend de multiples visages :

- s’en remettre à la seule majorité démocratique pour décider ce qui est bien ou mal, sans accepter la vérité de lois transcendantes

- refuser de demander de l’aide parce que mon couple va mal ; croire que je vais pouvoir régler mes problèmes tout seul

- ne pas avoir d’autre éthique professionnelle que les règles habituelles de mes collègues et de mon milieu

- préférer éliminer les autistes, les trisomiques et autres grands handicapés moteurs et mentaux avant qu’ils naissent, en sélectionnant les naissances selon des critères utilitaristes…

- rester dans l’entre-soi d’un cocon douillet d’amis et de relations sociales qui nous ressemblent…

La petite voix nous susurrant à l’oreille de nous sauver nous-mêmes n’a pas fini de décliner cette tentation à l’infini !

 

La résistance du Christ à la tentation

La réponse du Christ à cette invocation répétée trois fois sera par trois fois le silence…

Afficher l'image d'origineEn fait sa vraie réponse est de rester Fils jusqu’au bout. Jusqu’à crier, dans une déréliction extrême, qu’il ne comprend pas par quel chemin Dieu le fait passer, mais que pourtant il veut se recevoir de lui, même dans le néant et l’absurde : « Eloï, Eloï, lama sabbactani ! » 

Cette réponse du Christ peut devenir la nôtre, par lui, avec lui et en lui : nous battre contre Dieu, nous révolter, le traîner en justice devant tant d’injustices, mais jusqu’au bout rester ses enfants. Désirer tout recevoir de lui, même si nous ne comprenons pas ce qui nous est donné. Peut-être sans le savoir demandons-nous un scorpion alors que lui veut nous donner un œuf ?

La solitude du Christ abandonné sur la croix se révélera après coup être sa mission reçue du Père : aller chercher et sauver, au fond de l’enfer, ceux qui étaient perdus, et pour cela devenir avec eux le Perdu par excellence. Jésus sera ressuscité (c’est un passif, non un actif) par son Père afin que tous les perdus de la terre avec qui il fait corps dans sa Passion soient sauvés avec lui dans la force de l’Esprit.

L’ultime tentation du Christ n’a donc rien à voir avec celle de l’amour humain, comme l’ont cru avec romantisme Nikos Kazantzakis ou Dan Brown ! Ce n’est pas la possibilité d’une aventure supposée avec Marie-Madeleine qui déchire le cœur du crucifié, mais bien le combat spirituel contre le mal désigné par trois fois comme la volonté de se sauver soi-même.

 

Et nous ?

Réfléchissez bien : quand êtes-vous exposé à cette petite voix de l’auto-rédemption : « sauve-toi toi-même » ?

Quand êtes-vous tenté de réussir tout seul, sans l’aide des autres, sans l’aide de Dieu ?

Que veut dire pour vous : compter sur Dieu, et non sur vos seules forces ?

 



[1]. Rappelons que, justement, Marc ne détaille pas ces tentations au désert (Mc 1,13), sans doute en cela au plus près de l’évènement. C’est sur la Croix que se manifeste selon lui le vrai pouvoir du tentateur, par ces trois suggestions d’auto-rédemption.

 

 

1ère lecture : « Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël » (2 S 5, 1-3)

Lecture du deuxième livre de Samuel

En ces jours-là, toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, c’est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais, et le Seigneur t’a dit : ‘Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël.’ » Ainsi, tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël.

Psaume : Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6

R/ Dans la joie, nous irons à la maison du Seigneur.

(cf. Ps 121, 1)

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs :
ville où tout ensemble ne fait qu’un !
C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur,
là qu’Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

C’est là le siège du droit,
le siège de la maison de David.
Appelez le bonheur sur Jérusalem :
« Paix à ceux qui t’aiment ! »

2ème lecture : « Dieu nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Col 1, 12-20)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés.

 Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui.

 Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église : c’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.

Evangile : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » (Lc 23, 35-43)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Béni soit le Règne qui vient, celui de David notre père.
Alléluia. (cf. Mc 11, 9b.10a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »  Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »  Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Patrick BRAUD

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