L'homélie du dimanche (prochain)

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12 octobre 2016

À temps à contretemps

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

À temps et à contretemps

Homélie du 29° Dimanche du temps ordinaire / Année C
16/10/2016

Cf. également :

Ne baissez pas les bras !

La grenouille qui ne se décourageait jamais

L’effet saumon

Quand faut-il parler, et quand faut-il se taire ?
Vaut-il mieux compatir ou réagir ?

Devant un ami qui vient de perdre un proche, devant un collègue en souffrance ou un jeune à la dérive, vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions.

Discerner quel est le moment favorable pour une parole forte est un art difficile. Qui n’a jamais regretté d’avoir risqué un encouragement ou un reproche alors qu’il aurait mieux valu attendre ? À l’inverse, ne rien dire ou ne rien faire risque de passer pour de la complicité ou de la lâcheté…

Paul tranche la question avec autorité : « annonce la Parole à temps et à contretemps ». Essayons de voir ce que ce que cela peut vouloir dire pour nous aujourd’hui.

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À temps

Il est des événements, des cultures, des peuples où la Parole de Dieu est attendue, plus ou moins consciemment. La Bible apparaît alors comme un achèvement, une plénitude, un accomplissement. Dans beaucoup d’ethnies africaines par exemple, il y a depuis des siècles une sagesse qui trouve dans les Psaumes, les Proverbes, Qohélet et tous les écrits sapientiaux de l’Ancien Testament une résonance quasi naturelle. Leur conception du monde contient déjà l’intuition d’un dieu créateur. Pour ces cultures, la mort permet de rejoindre les ancêtres. Annoncer la résurrection du Christ et la nôtre dans cet univers est ‘simple’, au sens où la Parole de Dieu s’inscrit dans la continuité et le parachèvement des valeurs traditionnelles.

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Pierres d’attente

Dans notre culture occidentale, et particulièrement française, il y a également des « pierres d’attente » sur lesquels greffer l’annonce de l’espérance chrétienne. Les questions sociales notamment : défendre la dignité des exclus, lier le combat pour la justice et la fraternité à l’Évangile, révéler la beauté de la Création et l’écologie chrétienne qui en découle…

La Doctrine sociale de l’Église est toujours une idée neuve en Europe, qui vient rencontrer et magnifier les attentes de tant d’acteurs économiques et sociaux !

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Semences du Verbe

Annoncer la Parole à temps demande donc de s’appuyer sur ce que les Pères de l’Église appelaient les « semences du Verbe » :

St Justin par exemple dès le II° siècle voyait dans les philosophes une pré-annonce évangélique : « les Stoïciens ont établi en morale des principes justes : les poètes en ont exposé aussi, car la semence du Verbe est innée dans tout le genre humain ». « De fait, tous les écrivains pouvaient, grâce à la semence du Logos implantée en eux, voir la réalité, d’une manière indistincte (…) ». « Tout ce que philosophes et poètes ont dit de l’immortalité de l’âme, des châtiments après la mort, de la contemplation des choses célestes et des doctrines semblables, c’est pour en avoir repris les principes chez les prophètes qu’ils ont pu le concevoir et l’exposer. De là vient que chez tous, apparemment, il y a des semences de vérité… » (Apologie II).

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Le Verbe de Dieu, avant même d’avoir pris chair en Jésus, était mystérieusement à l’œuvre dans les siècles antérieurs, et jusque dans le monde des nations.

Paul VI, puis Jean-Paul II, insisteront sur les conséquences missionnaires de cette action de Dieu dans le monde :

« Les religions non chrétiennes possèdent un patrimoine impressionnant de textes profondément religieux. Elles ont appris à des générations de personnes à prier. Elles sont toutes parsemées d’innombrables « semences du Verbe«  (S. Justin I Apologia 46,1-4 ; II Apologia  7,1-4 ; 10,1-3 ; 13,3-4 ; Clément d’Alexandrie Stromata I, 19,91-94) AGD 11; LG 17 et peuvent constituer une authentique « préparation évangélique«  LG 16  pour reprendre un mot heureux du Concile Vatican II emprunté à Eusèbe de Césarée (Préparation Evangelica, I,1) (Evangelii Nuntiandi n° 53, 1975). »

« À juste titre, les Pères de l’Église voyaient dans les diverses religions comme autant de reflets d’une unique vérité, comme des « semences du Verbe » témoignant que l’aspiration la plus profonde de l’esprit humain est tournée, malgré la diversité des chemins, vers une direction unique, en s’exprimant dans la recherche de Dieu et, en même temps, par l’intermédiaire de la tension vers Dieu, dans la recherche de la dimension totale de l’humanité, c’est-à-dire du sens plénier de la vie humaine (Redemptor Hominis n° 11, 1979). »

 

Préparation évangélique

Afficher l'image d'origineLe concile Vatican II a repris cette idée patristique pour inviter les missionnaires à s’appuyer sur ce qu’il y a de beau, de vrai, de bon et de grand chez les peuples vers qui ils sont envoyés. C’est ce qu’on appelle la préparation évangélique. Les mentalités, les coutumes déjà présentes dans une culture ou un peuple avant que l’Évangile soit annoncé, et qui pourtant sont en parfaite résonance avec lui : « le goût des sciences et la fidélité sans défaillance à la vérité dans les recherches scientifiques, la nécessité de travailler en équipe dans des groupes spécialisés, le sens de la solidarité internationale, la conscience de plus en plus nette de la responsabilité que les savants ont d’aider et même de protéger les hommes, la volonté de procurer à tous les conditions de vie plus favorables, à ceux-là surtout qui sont privés de responsabilité ou qui souffrent d’indigence culturelle. Dans toutes ces valeurs, l’accueil du message évangélique pourra trouver une sorte de préparation, et la charité divine de  celui qui est venu pour sauver le monde la fera aboutir » (GS 57).

« En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l’Église le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie » (LG 16).

Dieu « prépare ainsi au cours des siècles la voie à l’évangile » (DV 3).

 

Pour annoncer la parole à temps, commençons donc par nous passionner pour tout ce que la société autour de nous produit d’aspirations légitimes, de justes combats, d’intuitions sur l’homme et sa vocation.
Valorisons ce que le monde professionnel sait produire en termes d’humanisme et d’intelligence.
Relayons les aspirations à plus de gratuité, de beauté et de simplicité qui se font jour actuellement etc. etc.

 

À contretemps

Afficher l'image d'originePaul sait d’expérience que l’annonce de l’Évangile peut susciter autant de résistance que d’enthousiasme, autant de rejet que d’adhésion. Il a pris des risques pour annoncer l’Évangile en osant contredire les dogmes de l’époque, en sachant que cela lui coûterait cher (fouet, prison, décapitation) parce que ses auditeurs n’accepteront pas facilement la révélation évangélique. Il y a en effet en Christ une force de contestation de toute  culture, de toute société : contestation de nos aveuglements, de nos habitudes, de nos modes de vie.

Annoncer la parole à contretemps est alors à un témoignage courageux, qui peut aller jusqu’au martyre.

À contretemps, les chrétiens romains des premiers siècles refuseront d’adorer l’empereur, de pratiquer l’avortement.

À contretemps, les martyrs africains ont dénoncé la corruption de certains royaumes.

À contretemps, alors que l’intelligentsia se laissait fasciner, les papes des XVIII° et XIX°  siècles ont dénoncé le nazisme et le communisme comme des idéologies inhumaines, « intrinsèquement perverses ».

C’est « l’effet saumon » de l’annonce de l’Évangile : oser aller à contre-courant, ne pas se modeler sur le monde présent, contester ce qu’une culture génère d’inhumanité, résister au conformisme ambiant.

 

Demandons à l’Esprit Saint dans la prière la grâce de ce discernement : quand devrai-je parler ? à temps ? à contretemps ?

 

 

 

1ère lecture : « Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort » (Ex 17, 8-13)
Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, le peuple d’Israël marchait à travers le désert. Les Amalécites survinrent et attaquèrent Israël à Rephidim. Moïse dit alors à Josué : « Choisis des hommes, et va combattre les Amalécites. Moi, demain, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main. » Josué fit ce que Moïse avait dit : il mena le combat contre les Amalécites. Moïse, Aaron et Hour étaient montés au sommet de la colline. Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort. Quand il la laissait retomber, Amalec était le plus fort. Mais les mains de Moïse s’alourdissaient ; on prit une pierre, on la plaça derrière lui, et il s’assit dessus. Aaron et Hour lui soutenaient les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ainsi les mains de Moïse restèrent fermes jusqu’au coucher du soleil. Et Josué triompha des Amalécites au fil de l’épée.

Psaume : Ps 120 (121), 1-2, 3-4, 5-6, 7-8

R/ Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. (Ps 120, 2)

Je lève les yeux vers les montagnes :
d’où le secours me viendra-t-il ?
Le secours me viendra du Seigneur
qui a fait le ciel et la terre.

Qu’il empêche ton pied de glisser,
qu’il ne dorme pas, ton gardien.
Non, il ne dort pas, ne sommeille pas,
le gardien d’Israël.

Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage,
se tient près de toi.
Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper,
ni la lune, durant la nuit.

Le Seigneur te gardera de tout mal,
il gardera ta vie.
Le Seigneur te gardera, au départ et au retour,
maintenant, à jamais.

2ème lecture : « Grâce à l’Écriture, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien » (2 Tm 3, 14 – 4, 2)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, demeure ferme dans ce que tu as appris : de cela tu as acquis la certitude, sachant bien de qui tu l’as appris. Depuis ton plus jeune âge, tu connais les Saintes Écritures : elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ. Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien.

Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire.

Evangile : « Dieu fera justice à ses élus qui crient vers lui » (Lc 18, 1-8)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Elle est vivante, énergique, la parole de Dieu ; elle juge des intentions et des pensées du cœur.
Alléluia. (cf. He 4, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : ‘Rends-moi justice contre mon adversaire.’ Longtemps il refusa ; puis il se dit : ‘Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.’ » Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Patrick BRAUD

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5 octobre 2016

De la santé au salut en passant par la foi

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

De la santé au salut en passant par la foi

Homélie du 28° Dimanche du temps ordinaire /
Année C
09/10/2016

Cf. également :

Faire miniane

Quel sera votre sachet de terre juive ?

Et encore :

Quelle lèpre vous ronge ?

Pour en finir avec les lèpres

Le communautarisme fait sa cuisine

 

Qui fixe les frontières de l’impur ?

Afficher l'image d'origineLes débats de cet été en France autour du burkini sont passés à côté d’un enjeu fondamental : la question du pur et de l’impur. Les interdits juifs et musulmans concernant la cuisine, l’alimentation, les vêtements et tant d’autres comportements quotidiens ont une obsession quasi pathologique : la pureté rituelle.

Des ablutions au voile en passant par la manière de tuer les animaux ou de faire ses besoins, l’islam et le judaïsme orthodoxe enserrent le croyant dans une multitude d’obligations pratiques très contraignantes. Aux 613 commandements juifs répondent les innombrables prescriptions du Coran et de la charia sur ce qu’il conviendrait de faire ou de ne pas faire pour rester pur aux yeux de Dieu.

Notre évangile se situe dans ce contexte où la maladie contractée – ici la lèpre – devient source d’impureté qui exclue de la vie de la communauté. Dans un premier temps, Jésus semble respecter cette mentalité : il reste à distance des lépreux pour ne pas devenir impur à leur contact, il les renvoie aux prêtres pour faire constater la guérison et ainsi être réintégrés. Heureusement, le 10° lépreux, constatant lui-même sa guérison en chemin, fait demi-tour au lieu d’aller voir les prêtres de Jérusalem. C’est donc que pour lui, Jésus est le grand prêtre qui peut le déclarer pur. Ce n’est plus la loi (juive ou musulmane) qui fixe les frontières de l’impur, c’est le Christ en personne.

Ce 10° lépreux souffrait d’une deuxième impureté, sociale celle-là, que les prêtres de Jérusalem ne pouvaient absoudre : il était samaritain, l’équivalent d’un huguenot hérétique pour les catholiques du XVI° siècle ! Double peine en quelque sorte : lépreux et hérétique. Cette double impureté ne tient pas devant le Christ, lui qui a déclaré purs tous les aliments et est devenu le champion d’une fraternité universelle. Après son départ, l’Esprit poussera Pierre à baptiser le centurion Romain Corneille - doublement impur lui aussi - et Paul imposera des mains aux samaritains pour qu’ils reçoivent l’effusion de l’Esprit comme les juifs.

Voilà donc une innovation extraordinaire : le pur et l’impur ne viennent plus de l’extérieur (animaux, maladie, origine sociale ou géographique etc.) mais du cœur de l’homme (violence, haine, amour de l’argent, convoitise etc.). Pour être guéri, plus besoin de rites compliqués ou mystérieux : la confiance en chemin est le vrai remède à nos lèpres, de toutes sortes.

 

La guérison n’est pas la foi

Afficher l'image d'origineUn seul des 10 lépreux revient se prosterner au pied de Jésus. Les neuf autres ont bien été guéris physiquement, mais seul le samaritain a épousé la foi chrétienne. La guérison n’est donc pas identique à la foi !

De même qu’à Lourdes il y a des centaines de guérisons physiques qui ne sont jamais déclarées miraculeuses, on a avec ces neuf lépreux un constat un peu amer : beaucoup de choses nous sont données sans que nous les rapportions à leur source ; beaucoup de bonnes choses nous arrivent sans qu’elles changent réellement notre vie d’avant. Nous aimons, nous craquons devant un enfant dans son berceau, nous goûtons la joie de vivre devant un somptueux paysage ou une musique bouleversante, et puis tout reprend comme si cela ne changeait rien…

Imaginez un patineur sur un lac gelé. Il savoure la vitesse et la glisse jusqu’à ce qu’un point plus fragile de la couche de glace cède sous son poids. Les neuf lépreux agissent comme s’il suffisait de laisser la glace se refermer et obturer le trou pour se remettre à patiner, comme si rien ne s’était passé. Le 10° lépreux lui se souviendra de sa chute, de l’eau glacée, de celui qui l’a tiré d’une mort certaine.

Qu’est-ce qui fait passer de la guérison à la foi ? La gratitude ! Le sentiment de reconnaissance, l’action de grâces à celui qui nous a sauvés. Faire de sa vie une eucharistie a exactement ce sens-là : reconnaître avec gratitude les dons reçus gratuitement, prendre le temps de le célébrer devant Dieu, ne pas s’arrêter à la seule jouissance des guérisons obtenues, remonter à leur origine pour ne jamais se couper de la source qui nous abreuve…

 

Le salut n’est pas la guérison

Afficher l'image d'origine« Ta foi t’a sauvé » : les neuf lépreux n’ont pas entendus cette déclaration du Christ. Physiquement et socialement ils vont mieux. Mais ce n’est pas encore le salut. Être sauvé ne veut pas dire aller mieux, mais communier au Christ Sauveur. Bonne santé (richesse, réussite…) et salut sont deux réalités différentes ! À tel point que beaucoup aujourd’hui on l’une sans l’autre, et vice-versa…

À Lourdes, vous pouvez rencontrer des personnes malades, handicapées, qui ne seront jamais guéries, qui iront même de plus en plus mal, et qui pourtant rayonnent du salut accueilli au plus profond de leur être. En sens inverse, nous connaissons tous des personnalités et des célébrités (médiatiques, financières, politiques…) apparemment en pleine réussite et pourtant si peu ‘habitées’.

L’objet de la prière n’est alors pas tant de chercher la santé, la richesse, la réussite etc. que de s’enraciner dans la gratitude, la reconnaissance, la louange.

Relisez le journal intime d’Etty Hillesum, jeune femme juive hollandaise du ghetto d’Amsterdam. Elle parcourt un chemin intérieur éblouissant alors que la barbarie nazie défigure l’Europe. C’est parce qu’elle veut apprendre à goûter la vraie beauté des êtres en Dieu qu’elle a su traverser la violence nazie, jusqu’à être déportée au camp de Westbrook, sans perdre la joie du salut qui jaillissait en elle et hors d’elle…

 

Le salut est une résurrection en marche

Afficher l'image d'origine« Lève-toi et va » : les deux verbes adressés au 10° lépreux sont éminemment symboliques. Le premier est celui de la résurrection : se lever d’entre les morts. Le second est celui de l’itinéraire spirituel : « va vers toi », ordonne YHWH à Abraham, et Jésus reprend souvent cet impératif pour obliger quelqu’un à renaître, comme on dit de sortir à l’enfant lors d’un accouchement.

Il s’agit bien d’aller (et non pas d’aller bien !) : la marche est essentielle au salut, car celui qui se croit arrivé n’a plus besoin de faire confiance à un autre. Le drame des pharisiens à l’époque de Jésus est de s’être installés dans la Loi et ses innombrables coutumes. Le drame des islamistes aujourd’hui est de ne pas vouloir interpréter le Coran, en refusant de le resituer dans son contexte historique et social. De tout temps, de tous bords, l’intégrisme est une vérité immobile, qui meurt de ne pas se mettre en mouvement.

En ordonnant « Va ! » au lépreux-samaritain guéri-croyant, Jésus lui dit simplement de continuer son chemin intérieur, d’aller jusqu’au bout de sa quête.

« Va ! » : va vers toi, va vers tes vrais désirs, va ton propre chemin, va vers les compagnons  de route qui te seront donnés, va vers l’inconnu où tu te découvriras davantage, va vers ton Dieu sans savoir où le chercher…

Cet ordre est libérateur. Il est le salut en marche, en cours de route.

Bob Marley chantait autrefois : « get up, stand up, don’t give up your fight » (lève-toi, debout !, n’abandonne pas ton combat). Le philosophe Henri Bergson écrivait presque la même chose : « le seul élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne s’arrêter jamais ».

Comment entendre cet impératif pour moi aujourd’hui ?

 

 

1ère lecture : « Naaman retourna chez l’homme de Dieu et déclara : Il n’y a pas d’autre Dieu que celui d’Israël » (2 R 5, 14-17) Lecture du deuxième livre des Rois

En ces jours-là, le général syrien Naaman, qui était lépreux, descendit jusqu’au Jourdain et s’y plongea sept fois, pour obéir à la parole d’Élisée, l’homme de Dieu ; alors sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié ! Il retourna chez l’homme de Dieu avec toute son escorte ; il entra, se présenta devant lui et déclara : « Désormais, je le sais : il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël ! Je t’en prie, accepte un présent de ton serviteur. » Mais Élisée répondit : « Par la vie du Seigneur que je sers, je n’accepterai rien. » Naaman le pressa d’accepter, mais il refusa. Naaman dit alors : « Puisque c’est ainsi, permets que ton serviteur emporte de la terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter, car je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël. »

Psaume : Ps 97 (98), 1, 2-3ab,3cd-4

R/ Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations. (Ps 97, 2)

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
car il a fait des merveilles ;
par son bras très saint, par sa main puissante,
il s’est assuré la victoire.

Le Seigneur a fait connaître sa victoire
et révélé sa justice aux nations ;
il s’est rappelé sa fidélité,
son amour, en faveur de la maison d’Israël.

La terre tout entière a vu
la victoire de notre Dieu.
Acclamez le Seigneur, terre entière,
sonnez, chantez, jouez !

2ème lecture : « Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons » (2 Tm 2, 8-13)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile. C’est pour lui que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! C’est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle. Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même.

Evangile : « Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » (Lc 17, 11-19)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.  Rendez grâce à Dieu en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. Alléluia. (1 Th 5, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez-vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.  L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Patrick BRAUD

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