L'homélie du dimanche (prochain)

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28 septembre 2016

Les deux serviteurs inutiles

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Les deux serviteurs inutiles

Homélie du 27° Dimanche du temps ordinaire / Année C
02/10/2016

Cf. également :

L’ « effet papillon » de la foi
L’injustifiable silence de Dieu
Jesus as a servant leader
Servir les prodigues
Entre dans la joie de ton maître
Restez en tenue de service

 

L’art pour rien

La prochaine fois que vous sortirez de la gare SNCF Paris Nord, laissez-vous étonner par un drôle de bâtiment de travers. Il s’agit d’une maison, avec de vraies fenêtres, ports, murs, toit… mais une maison qui penche, toute inclinée, émergeant du sol avec un rien d’ivresse.

Maison GDN

Les voyageurs qui acceptent de se laisser surprendre s’arrêtent, penchent la tête, tordent le cou pour retrouver l’axe familier d’une maison bien droite. Ils sourient, sortent leur smartphone pour immortaliser l’objet, en parler aux collègues, à la famille : « regardez ce qu’ils ont mis Gare du Nord ! »

Détruisez cet abri Naf-Naf factice et tout continuera comme avant : les trains seront toujours en retard, les foules iront du métro aux quais et des quais au métro, les brasseries vous proposeront leurs croque-monsieur avec le demi-pression et le petit noir qui les accompagnent si bien. Bref, cette maisonnée est réellement non-nécessaire.

Elle ne sert à rien, et c’est bien cela qui fait sa magie. Elle peut susciter un étonnement quasi-philosophique, ou l’indifférence des gens importants et pressés d’avoir – eux au moins – une tâche à accomplir.

La maison-tour-de-Pise est inutile : quel bonheur de la voir là, sans raison, sans prétention d’efficacité ou de rentabilité !

L’art et l’inutile ont bien un air de famille.

Si vous êtes sensible à l’art dans votre quotidien, vous serez également touché par ces serviteurs inutiles de la parabole de Jésus (Lc 17, 5-10). À l’instar de cette maisonnette-pour-rien, ils nous disent quelque chose d’essentiel sur la vraie beauté de la vie, et cela tourne évidemment autour du service désintéressé.

 

Les deux serviteurs inutiles

« Nous ne sommes que des serviteurs inutiles ».
Célébrissime réplique d’une parabole souvent commentée (Lc 17, 5-10). Parfois, des traductions essaient d’atténuer la dureté du propos en traduisant : serviteurs « ordinaires », ou « simples » serviteur comme la traduction liturgique de ce dimanche. Au moins, être ordinaire ne supprimerait pas toute utilité ! La tentation d’être un « président ordinaire » en quelque sorte…
Le texte grec ne dit pas ordinaires ni simples mais ἀχρεῖοί (achreioi) = inutiles, sans profit.

Inutile implique que le maître pourrait fort bien se passer des services de ce domestique qui pourtant a trimé toute la journée, bien au-delà du cadre des 35 heures !

De fait, Dieu n’avait pas besoin de l’homme. Il l’a créé sans nécessité aucune, par pure gratuité de l’amour voulant se communiquer.

De fait, Dieu pourrait fort bien se passer de l’homme, et peut-être cela arrivera-t-il un jour si, comme les dinosaures en leur temps, nous ne voyons pas venir les ‘météorites’ capables de nous faire disparaître de la surface de la Terre.

Nous ne sommes donc pas utiles à Dieu, et croire que nous pourrions mériter quoi que ce soit envers lui relève d’un l’orgueil démesuré.

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De même, Dieu ne nous est pas utile : nous ne croyons pas en lui pour obtenir la santé, la richesse, la gloire, contrairement à ce que prêchent tant d’évangélistes et de fondamentalistes chrétiens. Nous ne le servons pas pour obtenir une récompense.

Labourer, mettre les tables, servir le repas n’est pas un calcul pour se faire bien voir, être félicité et distingué devant tous. Il y a là d’ailleurs de quoi transformer l’état d’esprit de tout salarié vis-à-vis de son entreprise ou de ses chefs…

Remplacez le labour par votre activité professionnelle, en entreprise ou ailleurs, remplacez le service des tables par vos actions solidaires, généreuses, humanistes, et vous aurez ainsi une remise en cause radicale de tous vos motif plus ou moins intéressés pour faire ceci ou cela.

Le Christ nous fait une recommandation décisive, dont les orgueils et les pouvoirs que l’Église a si souvent brigués au cours de ses 20 siècles d’histoire montrent qu’elle n’est pas inutile : la recommandation de ne jamais se prévaloir devant Dieu du service accompli dans la communauté.

Ajoutons que dans la parabole de Jésus, ce n’est pas le maître qui appelle ses serviteurs « inutiles ». Ce sont eux qui sont invités à le reconnaître par eux-mêmes. « Dites : nous ne sommes que des serviteurs inutiles ». C’est la prise de conscience des disciples qui est sollicitée d’eux.

Découvrez par vous-même qu’agir par intérêt n’est que vanité.
Expérimentez alors la joie qu’il y a à servir en abandonnant toute notion d’utilité ou de profit.
La diaconie chrétienne ne relève ni de l’utilitarisme ni de l’intéressement.
« La rose fleurit sans pourquoi » (Angélus Silesius).

 

Les deux usages de l’expression

Afficher l'image d'origineL’expression « serviteurs inutiles » ne se retrouve que deux fois dans toute la Bible, et uniquement dans le Nouveau Testament. La première occurrence est ici en Luc 10,7 avec notre parabole des serviteurs inutiles. La deuxième occurrence est en Matthieu 25,30, dans la parabole dite des talents. Cette fois-ci, c’est bien le maître qui dit au serviteur apeuré ayant enfoui son argent (ses talents) :

« Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. » (Mt 25, 29-30)

Le rapprochement entre ces deux seuls usages est terriblement exigeant. Tout serviteur est invité à se découvrir inutile, et pourtant s’il n’apporte pas une plus-value à Dieu, il est jeté dans les ténèbres ! S’il trime 20 heures par jour, il ne peut en attendre aucune reconnaissance ! Si à l’inverse il se tourne les pouces en laissant ses talents dormir, il se fera taper durement sur les doigts. S’il reçoit peu, ce n’est pas pour en faire peu. S’il reçoit beaucoup, c’est pour donner beaucoup. S’il a réussi une mission, ce n’est pas pour la médaille. S’il enchaîne les missions, ce n’est pas pour laisser une œuvre derrière lui, un nom, un héritage. Bigre !

La vraie raison d’être du service est en lui-même. Rabindranath Tagore l’exprimait avec poésie :

« Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie.
Je m’éveillais et je vis que la vie n’est que service.
Je servis et je compris que le service est joie ».

Les sculpteurs, maître-verriers et peintres du Moyen Âge ne signaient pas leurs chefs-d’œuvre : l’important pour eux n’était pas de passer à la postérité, mais de réjouir les passants, les visiteurs de toutes conditions. L’anonymat et le service vont bien ensemble. Ste Bernadette Soubirous à Nevers pratiquait cette humilité de retrait : « Quand on soigne un malade, il faut se retirer avant de recevoir un remerciement. On est suffisamment récompensé par l’honneur de lui donner des soins. »

Afficher l'image d'origineLe serviteur inutile de Luc ne peut ni ne veut s’enorgueillir de ce qu’il accomplit. À l’inverse, le serviteur inutile de Mathieu est jeté dehors à cause de sa stérilité.

Le paradoxe chrétien est donc de tenir ensemble ces deux figures contradictoires : travailler d’arrache-pied pour transformer ce monde et lui faire produire des fruits de justice et de paix tout en ne s’attachant pas à nos réussites, sans non plus stériliser aucun des talents reçus, et sans d’autre attente que la joie de servir pour elle-même.

 

Devant Dieu, quel mérite pourrions-nous avancer ? Il nous a façonnés gratuitement. Il nous aime gratuitement.
Jésus prescrivait aux Douze envoyés en mission : « vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8).
Réexaminons toutes nos raisons d’agir à la lumière de ce désintéressement caractéristique de l’Évangile du Christ.

 

 

1ère lecture : « Le juste vivra par sa fidélité » (Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4)

Lecture du livre du prophète Habacuc

Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu entendes ? crier vers toi : « Violence ! », sans que tu sauves ? Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent. Alors le Seigneur me répondit : Tu vas mettre par écrit une vision, clairement, sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment. Car c’est encore une vision pour le temps fixé ; elle tendra vers son accomplissement, et ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, sans retard.

Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité.

Psaume : Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9

R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur !

(cf. Ps 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

2ème lecture : « N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur » (2 Tm 1, 6-8.13-14)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le Christ Jésus. Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous.

Evangile : « Si vous aviez de la foi ! » (Lc 17, 5-10)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
La parole du Seigneur demeure pour toujours ; c’est la bonne nouvelle qui vous a été annoncée.
Alléluia. (cf. 1 P 1, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi.

Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : ‘Viens vite prendre place à table’ ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : ‘Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour’ ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’ »
Patrick BRAUD

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21 septembre 2016

Le pauvre Lazare à nos portes

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le pauvre Lazare à nos portes

Homélie du 26° Dimanche du temps ordinaire / Année C
25/09/2016

Cf. également :

La bande des vautrés n’existera plus
Où est la bénédiction ? Où est le scandale ? dans la richesse, ou la pauvreté ?

Une parabole géopolitique

Dans les années 60, la parabole du riche et du pauvre Lazare avait des résonances très politiques. Il suffit de relire le concile Vatican II dans son analyse des rapports Nord-Sud pour voir l’interprétation qui en était faite alors : le riche, c’était les pays du Nord (PIB, croissance, colonialisme…), et le pauvre Lazare c’était le Sud, particulièrement l’Afrique noire :

« Pour en venir à des conséquences pratiques et qui présentent un caractère d’urgence particulière, le Concile insiste sur le respect de l’homme: que chacun considère son prochain, sans aucune exception, comme « un autre lui-même », tienne compte avant tout de son existence et des moyens qui lui sont nécessaires pour vivre dignement, et se garde d’imiter ce riche qui ne prit nul souci du pauvre Lazare.

De nos jours surtout, nous avons l’impérieux devoir de nous faire le prochain de n’importe quel homme et, s’il se présente à nous, de le servir activement: qu’il s’agisse de ce vieillard abandonné de tous, ou de ce travailleur étranger, méprisé sans raison, ou de cet exilé, ou de cet enfant né d’une union illégitime qui supporte injustement le poids d’une faute qu’il n’a pas commise, ou de cet affamé qui interpelle notre conscience en nous rappelant la parole du Seigneur: « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40) ». Gaudium et Spes n° 27 (1965)

Paul VI pratiquait cette exégèse en appelant au développement intégral de tous les peuples ensemble, pas les uns sans les autres :

« Il ne s’agit pas seulement de vaincre la faim ni même de faire reculer la pauvreté. Le combat contre la misère, urgent et nécessaire, est insuffisant. Il s’agit de construire un monde où tout homme, sans exception de race, de religion, de nationalité, puisse vivre une vie pleinement humaine, affranchie des servitudes qui lui viennent des hommes et d’une nature insuffisamment maîtrisée; un monde où la liberté ne soit pas un vain mot et où le pauvre Lazare puisse s’asseoir à la même table que le riche. Cela demande à ce dernier beaucoup de générosité, de nombreux sacrifices, et un effort sans relâche. À chacun d’examiner sa conscience qui a une voix nouvelle pour notre époque. Est-il prêt à soutenir de ses deniers les œuvres et les missions organisées en faveur des plus pauvres ? À payer davantage d’impôts pour que les pouvoirs publics intensifient leur effort pour le développement ? À acheter plus cher les produits importés pour rémunérer plus justement le producteur ? À s’expatrier lui-même au besoin, s’il est jeune, pour aider cette croissance des jeunes nations ? » Popularum Progressio n° 47 (1967)

Aujourd’hui, fort heureusement, l’écart Nord-Sud s’est considérablement réduit, surtout grâce au décollage économique de la Chine, de l’Inde et du Brésil (cf. graphique).

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Où est Lazare ? 

Est-ce à dire qu’il n’y a plus de Lazare couché devant nos portes ?

Évidemment non. L’Afrique reste sans eau potable, sans électricité et sans agriculture vivrière dans la plupart de ses pays. La démographie y explose. Conjuguée aux questions ethniques, aux exactions islamiques et aux guerres imposées par l’Occident (Syrie, Libye…), les problèmes économiques en Afrique – qui sera trois fois plus peuplée que l’Europe en 2050 – vont engendrer crises, migrations, conflits.

Mais la nouveauté du contexte géopolitique est que désormais le pauvre Lazare est couché devant les portes de nos villes françaises (et européennes). C’est d’abord la misère des 150 000 SDF en France. Chaque hiver on s’émeut, on en parle, on ouvre les hébergements d’urgence (métro, gymnases, locaux associatifs etc.). Mais chaque hiver on s’aperçoit qu’ils n’ont pas même les miettes de la richesse française, pas de logements, pas d’hygiène, pas de revenus de survie pour beaucoup, et pis encore : pas de dignité reconnue. Ces Lazare-là aimeraient bien se rassasier des miettes qui tombent de nos tables. Pourtant l’assistanat ne fait pas diminuer leur nombre, et la machine à exclure fonctionne à plein régime (cf. par exemple le nombre de mères célibataires vivant au seuil de pauvreté).

Le pauvre Lazare à nos portes dans Communauté spirituelle 201327_etude_insee_SDF

Le Christ aurait secoué nos consciences sur ce drame, comme l’Abbé Pierre a su le faire en hiver 1957. Il y rajouterait également les sans-papiers, les migrants légaux ou illégaux de nos centres de rétention à peine humains, les parias de tous bords, invisibles aux yeux des nantis qui font bombance à côté sans leur adresser la parole.

Réactualiser notre lecture politique de cette parabole est indispensable. Sinon, nous risquons de verser à nouveau dans le piège de l’aide individuelle, de la mauvaise conscience impuissante, ou de la leçon morale complètement inefficace.

richesse+et+pauvret%25C3%25A9+selon+les+p%25C3%25A8res Gaudium dans Communauté spirituelleLe Christ dans l’Évangile ne s’intéresse guère à la création des richesses (dommage !). Il ne fait pas d’ « enquête sur la nature et les causes des richesses des nations » (Adam Smith en 1776). Il observe ce que la richesse produit chez ceux qui la courtisent. Il constate la transformation qui a lieu la plupart du temps dans les cœurs des riches s’endurcissant : leurs yeux ne voient plus Lazare, leurs oreilles n’entendent pas ses plaintes, leurs tables ne sont pas ouvertes. Alors que les juifs (comme les protestants) voient dans la richesse un signe de la bénédiction divine, Jésus sait d’expérience qu’il y a un piège à posséder beaucoup : devenir de moins en moins fraternel. Il ne condamne pas la richesse en tant que telle [1], mais avertit les riches que cela va être difficile pour eux d’entrer dans le royaume de Dieu !

Cet avertissement vaut pour les sociétés occidentales aujourd’hui. Et ce n’est pas l’émotion suscitée par une photo d’un enfant migrant mort sur une plage ou d’un enfant syrien hébété assis sur le siège rouge d’une ambulance après un bombardement qui va résoudre le problème. Être fraternel n’est pas une question d’émotion, mais de conscience. Conscience d’appartenir à une humanité commune où « la terre est à tous » comme aimaient le répéter les Pères de l’Église :

« La terre a été établie pour l’usage commun de tous, riches et pauvres ; pourquoi, vous les riches, vous attribuez-vous un droit personnel sur le sol ? La nature ne connaît pas les riches, elle qui nous met tous au monde pauvres. (…) La terre nous met au jour nus, démunis de nourriture, de vêtement, de boisson, et elle reprend nus ceux qu’elle avait fait naître, elle ne sait pas enfermer dans un tombeau l’étendue de nos propriétés. (…) (La nature) ne sait donc pas distinguer entre nous quand nous naissons, et elle ne le sait pas quand nous mourons. Elle nous crée tous semblables, elle nous enferme tous semblables dans le sein du sépulcre. »
Ambroise de Milan, sur Naboth

Alors, n’utilisons pas cette parabole pour des catéchèses sur l’au-delà ! Jésus n’est pas ici en train de décrire l’enfer ou le paradis : il utilise le croyable disponible de son époque (le feu, la soif, l’abîme…) pour avertir les riches d’être fraternels maintenant. Demain il sera trop tard.

 

L’antithèse du gérant astucieux

 gérantD’ailleurs, la parabole du riche et du pauvre Lazare vient après celle du gérant habile (Lc 16,1-13). Et ce n’est pas par hasard. La première parabole s’adressait aux disciples. La deuxième aux pharisiens. La première met en scène un riche qui sait investir dans l’amitié pour préparer le lendemain difficile. La deuxième montre un riche qui ne vit que dans le présent : fête, bombance, nouba, bling-bling, au jour le jour, sans se poser la question du lendemain ni celle de son prochain. Alors que le gérant astucieux se fait des alliés en renonçant à un profit immédiat, le riche insensé ne vit que dans l’instant, prêt à marcher sur les pauvres, au sens propre comme au sens figuré, pour rejoindre sa table du festin.

Les disciples sont ainsi invités à devenir astucieux et habiles comme le premier gérant. Les pharisiens sont avertis eux que leur richesse (richesse d’argent, mais aussi richesse de suffisance quant à leur respect de la Loi) les expose à devenir aveugles et stériles devant la détresse de leurs frères.

 

Rajoutons en finale que le riche de la parabole veut faire jouer la solidarité familiale – la mafia dirait-on aujourd’hui – pour épargner à ses cinq frères le feu de l’enfer. La préférence familiale en quelque sorte… Pourquoi ne pense-t-il pas à tous les autres ? N’a-t-il pas appris de Lazare que les liens du sang ne sont pas sacrés s’ils détournent du pauvre ? Si le riche avait intercédé pour tous, un peu comme Abraham intercédait pour Sodome, qui sait si sa prière n’aurait pas été entendue ?

« Il se parle en lui-même et semble complètement isolé dans ses rêves mégalomanes, notre riche ne parvient pas à adresser une seule parole à Lazare, et lorsqu’il l’aperçoit, c’est uniquement pour imaginer quel service il pourrait bien lui rendre. Tout tourne autour de lui, et il ne parvient pas à sortir de cet égocentrisme mortifère. » [2]

 

« Ils ont Moïse et les prophètes : qu’ils les écoutent ! »

Et nous chrétiens qui avons la chance d’avoir en plus le Verbe de Dieu en personne, écoutons-le nous ouvrir les yeux sur les Lazare couchés devant notre porte…

 


[1]. « S’il souffre de si cruels tourments, ce n’est point parce qu’il était riche, mais parce qu’il a été sans pitié » (saint Jean Chrysostome; homélie 2, sur l’épître aux Philippiens)

[2]. LEFRANC Agnès, « Luc 16.19-31 : un grand abîme », Lire et dire 89 (2011/3), p. 29-38.


 

1ère lecture : « La bande des vautrés n’existera plus » (Am 6, 1a.4-7)
Lecture du livre du prophète Amos

Ainsi parle le Seigneur de l’univers : Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Sion, et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres de l’étable ; ils improvisent au son de la harpe, ils inventent, comme David, des instruments de musique ; ils boivent le vin à même les amphores, ils se frottent avec des parfums de luxe, mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ! C’est pourquoi maintenant ils vont être déportés, ils seront les premiers des déportés ; et la bande des vautrés n’existera plus.

Psaume : Ps 145 (146), 6c.7, 8.9a, 9bc-10

R/ Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur !
ou : Alléluia ! (Ps 145, 1b)

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.

Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

2ème lecture : « Garde le commandement jusqu’à la Manifestation du Seigneur » (1 Tm 6, 11-16)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Toi, homme de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé, c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins.

Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation, voici ce que je t’ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c’est Dieu, Souverain unique et bienheureux, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, lui seul possède l’immortalité, habite une lumière inaccessible ; aucun homme ne l’a jamais vu, et nul ne peut le voir. À lui, honneur et puissance éternelle. Amen.

Evangile : « Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance » (Lc 16, 19-31)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Jésus Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté.
Alléluia. (cf. 2 Co 8, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens : « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : ‘Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.’ Le riche répliqua : ‘Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !’ Abraham lui dit : ‘Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.’ Abraham répondit : ‘S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.’ »
Patrick BRAUD

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14 septembre 2016

Prier pour la France ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Prier pour la France ?

Homélie du 25° Dimanche du temps ordinaire / Année C
18/09/2016

Cf. également :

Éthique de conviction, éthique de responsabilité

Trompez l’Argent trompeur !

 

Un appel des évêques de France

Suite au meurtre de du père Jacques Hamel, Mgr Pontier, président de la conférence des évêques de France, appelait les catholiques à prier pour la France le 15 août 2016 :

« Prier pour la France a souvent tenu une place particulière le 15 août pour les Catholiques.
En cette fête d’espérance nous invitons à ce que la prière universelle des messes de ce jour mentionne cette intention et qu’à midi sonnent à la volée les cloches de nos églises.
Que Dieu bénisse notre pays dans les épreuves qu’il traverse. »

Communiqué du 01/08/2013
Mgr. Pontier, Président de la Conférence des évêques de France

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Cela rejoint pour une part l’exhortation de l’apôtre Paul dans notre deuxième lecture :

« J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. » (1 Ti 2, 1-2)

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Mais l’expression « prier pour la France » peut susciter un certain malaise. En 2012, le cardinal Vingt-Trois avait lui aussi demandé une prière pour la France, avec une intention particulière pour la famille, sur fond de débat sur le mariage pour tous, suscitant des incompréhensions…

Un rapide survol des sites Internet et des vidéos Youtube liés à ce slogan laisse une impression mitigée : la plupart sont très liés à des piétés mariales remontant à la consécration de la France à Marie par Louis XIII, dont le 15 août est justement la date anniversaire. Il y flotte une certaine nostalgie d’une France supposée chrétienne (catholique) autrefois, puis ayant plus ou moins renié les promesses de son baptême (selon les mots de Jean Paul II en France). « Prier pour la France » nourrit alors toutes les visions restauratrices de l’emprise de la religion catholique sur la société française. On lit également nombre de textes et de commentaires sur ces sites qui entretiennent ce malaise : opinions d’extrême droite, antirépublicaines, dénonciations violentes des évolutions sociétales actuelles…

L’expression a donc une tonalité très conservatrice sur le plan politique, avec des relents plus ou moins monarchiques.

 

Dieu serait-il nationaliste ?

Afficher l'image d'origineDans l’histoire européenne, la foi chrétienne a souvent été instrumentalisée à des fins politiques. L’empereur Constantin le premier a bien vu au IIIe siècle que la Croix pouvait devenir le nouveau vecteur d’unification de l’empire romain.

« Par ce signe tu vaincras » : Clovis a relayé cette utilisation de la croix en vue d’asseoir le royaume des Francs sur l’autorité divine elle-même. Et bien sûr, la monarchie de droit divin a prolongé ce lien entre le pouvoir et l’autel, dont la consécration des rois de France dans la cathédrale de Reims par la fiole d’huile quasi-messianique était le symbole. Le vœu de Louis XIII de consacrer la France à Marie s’inscrit dans cette longue tradition monarchique.

On a vu de tout temps les armées prier Dieu de leur accorder la victoire (Gott mit uns !) comme si Dieu prenait parti pour une nation contre une autre… Israël l’a cru autrefois, mais nombre d’expériences militaires désastreuses lui ont mille fois prouvé le contraire peu à peu dans son histoire.

Dieu serait-il nationaliste ?

Difficile aujourd’hui de projeter sur le Christ, champion de la fraternité universelle, une préférence pour un peuple précis, ou une structure politique finalement contingente, éphémère, que ce soit la tribu, l’empire, la nation, le royaume où la république…

 

Prier pour quelqu’un

En réalité, Paul n’exhorte pas les Romains à prier pour la Palestine, ou pour Rome, ou pour une entité politique quelconque (la Nation existait pas alors, au sens où nous la pensons depuis le XVIIIe siècle). Il invite à prier pour des hommes et des femmes en situation de responsabilité politique : « pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité ».

Afficher l'image d'origine« La France » a quelque chose d’impersonnel, alors que la prière est éminemment personnelle. On ne prie pas pour une chose, un concept ou une grande idée. On prie pour quelqu’un ou des personnes humaines bien concrètes et uniques. Sinon l’idéologie n’est jamais loin. Les Allemands ont prié pour le troisième Reich et la grande Allemagne. Les Francs ont prié pour l’empire de Charlemagne. Les Anglais, qui n’ont pas coupé le cordon entre la reine et l’Église anglicane, prient cependant pour la reine (God save the queen) et non pour le Royaume-Uni.

Depuis l’ouverture en Christ de l’Alliance à tous les hommes, pourquoi Dieu préférerait une telle nation plutôt que telle autre ? Aurait-il un projet spécifique pour la France comme Israël en est convaincu pour lui-même ? La fraternité évangélique pratiquerait-elle la préférence nationale ?

Les chrétiens n’ont jamais voulu idolâtrer la nation. Les Français savent d’expérience que les liaisons dangereuses entre l’Église et la France sont finalement désastreuses.

Il suffit de relire la lettre à Diognète (IIe siècle) pour retrouver cette conviction tranquille qui habitait Paul :

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« Les Chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Ce n’est pas à l’imagination ou aux rêveries d’esprits agités que leur doctrine doit sa découverte ; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine humaine. Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. »

Nous sommes des citoyens honnêtes et loyaux du pays où nous habitons, quels que soient son régime et sa population, mais nous ne sommes le support d’aucun pouvoir en place.

L’idolâtrie de la Nation a été fortement dénoncée par Pie XI, qui a fait lire le texte allemand de son encyclique Mit Brennender Sorge dans toutes les églises du Reich le dimanche des rameaux 1937, en guise d’avertissement, contre l’avis d’Hitler évidemment furieux :

« Seuls des esprits superficiels peuvent tomber dans l’erreur qui consiste à parler d’un Dieu national, d’une religion nationale ; seuls ils peuvent entreprendre la vaine tentative d’emprisonner Dieu, le Créateur de l’univers, le Roi et le Législateur de tous les peuples, devant la grandeur duquel les nations sont « comme une goutte d’eau suspendue à un seau » (Es 40,15)  dans les frontières d’un seul peuple, dans l’étroitesse de la communauté de sang d’une seule race. » (n° 15)

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Prier pour la paix

Au titre de la citoyenneté honnête et loyale prônée par Paul et Diognète, les chrétiens ont toujours prié pour que la paix règne entre les hommes là où ils habitaient, au sein de leur société, de leur peuple. Cette prière n’est pas une pétition pour un concept, mais une supplique pour que Dieu suscite des acteurs de paix, et que la conversion des cœurs puisse permettre la fin du conflit, la réconciliation des personnes et des communautés en cause. Cette paix n’a d’ailleurs pas de nationalité. Prier pour la paix ne s’arrête pas aux frontières de la France : la paix au Mali, en Libye, en Syrie, en Iran, en Irak… nous tient à cœur autant que la paix en France, car les disciples du Christ ne sont étrangers à aucune détresse de leurs frères et sœurs en humanité.

 

Prier pour et non contre

Dernière précision : Paul exhorte les chrétiens à prier pour des responsables politiques qui sont ses ennemis, qui persécutent les chrétiens. Il écrit cela alors que lui-même vient juste de sortir de prison, en devinant bien qu’il y retournera. Sa prière n’est pas d’éliminer ses adversaires, mais de les doter de l’Esprit Saint pour savoir gouverner les peuples avec sagesse et dans la paix !

Dès que la prière se fait négative, se dresse contre, souhaite la disparition des autres, nourrit le ressentiment au lieu de l’amour des ennemis, elle n’est plus chrétienne.

 

Alors, prier pour la France ?

Oui, si c’est prier pour la paix entre chrétiens et musulmans en France, pour que se lèvent  des artisans de paix, des acteurs de dialogue et du vivre ensemble.

Non, si c’est raviver la nostalgie d’une France supposée catholique, ou stigmatiser des ‘dérives’ républicaines voire pire encore la communauté musulmane dans son ensemble.

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Mieux vaudrait comme toujours en revenir à l’Écriture, et suivre simplement les conseils de Paul :

« Bien-aimé,  j’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. (…) Je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute. »

 

1ère lecture : Contre ceux qui « achètent le faible pour un peu d’argent » (Am 8, 4-7)

Lecture du livre du prophète Amos

Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays, car vous dites : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits.

Psaume : Ps 112 (113), 1-2, 5-6, 7-8

R/ Louez le nom du Seigneur : de la poussière il relève le faible.
ou : Alléluia ! (Ps 112, 1b.7a)

Louez, serviteurs du Seigneur,
louez le nom du Seigneur !
Béni soit le nom du Seigneur,
maintenant et pour les siècles des siècles !

Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ?
Lui, il siège là-haut.
Mais il abaisse son regard
vers le ciel et vers la terre.

De la poussière il relève le faible,
il retire le pauvre de la cendre
pour qu’il siège parmi les princes,
parmi les princes de son peuple.

2ème lecture : « J’encourage à faire des prières pour tous les hommes à Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2, 1-8)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé,  j’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. Aux temps fixés, il a rendu ce témoignage, pour lequel j’ai reçu la charge de messager et d’apôtre – je dis vrai, je ne mens pas – moi qui enseigne aux nations la foi et la vérité. Je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute.

Evangile : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » (Lc 16, 1-13)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Jésus Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté.
Alléluia. (cf. 2 Co 8, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens. Il le convoqua et lui dit : ‘Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.’ Le gérant se dit en lui-même : ‘Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.’ Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : ‘Combien dois-tu à mon maître ?’ Il répondit : ‘Cent barils d’huile.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.’ Puis il demanda à un autre : ‘Et toi, combien dois-tu ?’ Il répondit : ‘Cent sacs de blé.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu, écris 80’.

Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.

Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »
Patrick BRAUD

 

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7 septembre 2016

Avez-vous la nuque raide ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Avez-vous la nuque raide ?

 

Homélie du 24° Dimanche du temps ordinaire / Année C
11/09/2016

Cf. également :

La brebis et la drachme
La parabole du petit-beurre perdu
Le berger et la porte
Des brebis, un berger, un loup
Servir les prodigues

Mal au cou ?

En entendant en cette expression : « peuple à la nuque raide », tirée de notre première lecture (Ex 32, 7-14), vous penserez peut-être à une douleur familière. Celle qu’on ressent dans le cou après une longue journée de travail où il a fallu garder la tête droite. Si vous avez en plus un peu d’arthrose, vous n’avez qu’une envie : qu’on vienne vous masser ces cervicales endolories et ces muscles durs comme du bois autour de la nuque et des épaules.

 

Une qualité ?

Afficher l'image d'origineCe n’est pas le premier sens de l’expression utilisée par le livre de l’Exode. Mais c’est quand même un deuxième sens, qui pourrait expliquer pourquoi Dieu s’est pris d’affection pour des tribus avides de fondre un veau d’or dès que Moïse s’absente. En effet, depuis Abraham, le peuple hébreu s’efforce de garder la tête droite, tendue vers le dieu unique. Alors qu’autour de lui toutes les nations sont idolâtres et courbent l’échine devant des statues, Israël invente le monothéisme, à contre-courant. Il va, seul contre tous, témoigner que la nature n’est pas Dieu, qu’il ne sert à rien d’adorer le tonnerre ou les bois sacrés, d’offrir des animaux en sacrifice à la lune au soleil, que l’histoire n’est pas qu’un éternel retour vers l’harmonie supposée des origines.

Ce témoignage monothéiste est si tendu que maintes fois le peuple en paiera le prix : humiliations, déportations, pillages… Depuis Abraham, Isaac et Jacob, l’Alliance que Dieu a voulu conclure coûte très cher à ce peuple.

Dieu sait qu’il a la nuque raide à force de ne pas se courber devant les idoles étrangères. C’est d’ailleurs parce qu’il lui reconnaît ce mérite que finalement Dieu va passer de la colère à la miséricorde en agréant la prière d’intersession de Moïse suite au veau d’or. D’ailleurs, Moïse lui rappelle habilement qu’Israël a été choisi unilatéralement par Dieu. Le peuple n’avait rien demandé ! C’est Dieu qui est venu le chercher, quasi de force. « À main  forte et à bras étendus ». C’est lui qui l’a séduit, emmené hors de Canaan, puis conduit en exil en Égypte pendant près de quatre siècles. Alors quand Dieu dit : « ton peuple », avec un air de reproche, Moïse a beau jeu de lui retourner le reproche : c’est bien « ton peuple », que tu es venu chercher de force, que tu as fait sortir au forceps alors que lui regrettait déjà des marmites de viande de l’esclavage. On croirait entendre un couple se disputer au sujet de leur enfant…
‘Je t’avais prévenu’, semble répliquer Moïse. ‘Ce peuple n’est pas prêt pour l’Alliance, pas près pour le monothéisme. C’est toi Dieu qui brûles les étapes, et tu voudrais qu’il soit parfait, qu’il soit déjà arrivé au terme ? ! Tu voudrais qu’il t’aime comme tu l’aimes ! ? Mais laisse-leur du temps ! Tu vas trop vite…’

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Devant cet argument de Moïse, Dieu semble touché : Moïse marque un point. Dieu n’oppose plus de reproches et regrette d’avoir été malhabile dans sa relation amoureuse. « Le Seigneur regretta le mal qu’il avait voulu faire à son peuple ».

 

Avoir la nuque raide est donc une qualité tout autant qu’un défaut, signe de son élection en même temps que de son infidélité. S’il n’avait pas eu la nuque raide, Israël se serait converti aux religions de ceux qui n’ont cessé de le dominer et de l’envahir. Ce peuple à la nuque raide n’a finalement jamais baissé le regard devant un tyran, ou une idole. Il a refusé de s’incliner, d’adorer ce que les puissants lui commandaient. Esther et Judith, les martyrs d’Israël, David contre Goliath, Moïse contre pharaon : l’histoire de ce peuple depuis 4000 ans est une histoire d’insoumission et de rébellion d’abord spirituelle, militaire ensuite.

Les chrétiens lui ont emboîté le pas, refusant eux aussi d’adorer l’empereur et les divinités romaines ou grecques, quitte à devenir la proie des fauves dans le cirque. Pendant trois siècles, les martyrs chrétiens ont eu la nuque raide en préférant mourir plutôt que de s’incliner devant César et de renier leur foi. Hélas, cela continue aujourd’hui dans tant de pays où on veut les faire plier devant une religion d’État ou une idéologie idolâtre.

 

Un défaut ?

Reste que ce peuple à la nuque raide est aussi celui qui résistait à Dieu.
Le Seigneur dit encore à Moïse : « J’ai vu que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Maintenant, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! Mais, de toi, je ferai une grande nation. » (Ex 32,9)
Les 10 usages bibliques de l’expression racontent la désolation de Dieu devant sa bien-aimée (le peuple est féminin en hébreu) qui le trompe avec des dieux étrangers, dont le veau d’or est l’archétype :
Baruch  2 : je sais qu’ils ne m’écouteront point; c’est un peuple à la nuque raide
Deutéronome  9 : Sache aujourd’hui que ce n’est pas ta juste conduite qui te vaut de recevoir de Yahvé ton Dieu cet heureux pays pour domaine: car tu es un peuple à la nuque raide
Exode  34 :   » Si vraiment, Seigneur, j’ai trouvé grâce à tes yeux, que mon Seigneur veuille bien aller au milieu de nous, bien que ce soit un peuple à la nuque raide, pardonne nos fautes et nos péchés et fais de nous ton héritage. » 

Dans le Nouveau Testament, le seul usage vient du diacre Etienne qui n’hésite pas à tonner devant ceux qui vont le mettre à mort :
Actes  7,51 :   » Nuques raides, oreilles et coeurs incirconcis, toujours vous résistez à l’Esprit Saint ! Tels furent vos pères, tels vous êtes !  »

Afficher l'image d'origineJonas avait la nuque raide lorsqu’il fuyait l’appel de Dieu à annoncer le salut à ces salauds de païens de Ninive.
Pierre avait la nuque raide lorsqu’il n’imaginait pas que le centurion Corneille, cet incirconcis, pouvait lui aussi être rempli d’Esprit Saint.
Catholiques et protestants ont eu la nuque raide lorsque au XVIe siècle ils se sont entre-tués au nom de leurs doctrines érigées en veaux d’or.
Israël a du mal à courber la tête devant cet allié divin encombrant qu’il n’avait pas demandé. Alors il lui résiste. Il se cabre. Il se laisse tenter par le veau d’or sorti des bijoux de famille.

 

Avez-vous la nuque raide ?

Il est facile de se reconnaître, chacun de nous, dans ce portrait biface du peuple à la nuque raide.
Côté pile, nous savons bien être inflexibles : devant la haine attisée par des attentats de Daech par exemple, ou devant telles injustices autour de nous, tels débats de société sur la dignité des plus petits etc. Ne pas plier lorsque l’essentiel est en jeu relève du courage de la foi.

Rappelez-vous : quand avez-vous refusé de baisser la tête alors qu’on voulait vous soumettre ou vous humilier ? Devant qui n’avez-vous pas plié le genou alors que tout le monde le faisait ? Devant quelle idole (argent, promotion, haine, vaine gloire, jalousie, vengeance, mépris…) avez-vous choisi de ne pas vous incliner ?

Pour tous ces moments où vous avez eu la nuque heureusement raide, Dieu vous sera mille fois plus miséricordieux en retour.

Mais soyez honnêtes et revisitez également le côté face de cette rigidité de la nuque. Quand avez-vous tourné le dos à Dieu (en lui présentant votre nuque et non votre visage) ? Comment avez-vous déjoué la tendresse divine en refusant de vous laisser conduire (à travers des événements, des rencontres, des lectures…) ? Dans quel domaine vous arrive-t-il d’être si raide, têtu, si obstiné que vous devenez sourd à tout appel à changer, à vous convertir ? Quels bijoux (talents, qualités, charismes…) avez-vous fait fondre pour fabriquer quel veau d’or devant lequel vous vous prosternez ?

« Vraiment ce peuple a la nuque raide », constate YHWH, admiration et colère mêlées.

Serons-nous l’écouter quand il le dit de nous ?

_______________________________ 

Suggestion : allez écouter ici le commentaire du veau d’or par Émeric Deutsch, sociologue juif et psychanalyste

 

1ère lecture : « Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire » (Ex 32, 7-11.13-14)
Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, le Seigneur parla à Moïse : « Va, descends, car ton peuple s’est corrompu, lui que tu as fait monter du pays d’Égypte. Ils n’auront pas mis longtemps à s’écarter du chemin que je leur avais ordonné de suivre ! Ils se sont fait un veau en métal fondu et se sont prosternés devant lui. Ils lui ont offert des sacrifices en proclamant : ‘Israël, voici tes dieux, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte.’ » Le Seigneur dit encore à Moïse : « Je vois que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Maintenant, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! Mais, de toi, je ferai une grande nation. » Moïse apaisa le visage du Seigneur son Dieu en disant : « Pourquoi, Seigneur, ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d’Égypte par ta grande force et ta main puissante ? Souviens-toi de tes serviteurs, Abraham, Isaac et Israël, à qui tu as juré par toi-même : ‘Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel ; je donnerai, comme je l’ai dit, tout ce pays à vos descendants, et il sera pour toujours leur héritage.’ » Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire à son peuple.

Psaume : Ps 50 (51), 3-4, 12-13, 17.19

R/ Oui, je me lèverai, et j’irai vers mon Père.  (Lc 15, 18)

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ;
tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.

2ème lecture : « Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs » (1 Tm 1, 12-17)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur, car il m’a estimé digne de confiance lorsqu’il m’a chargé du ministère, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur, violent. Mais il m’a été fait miséricorde, car j’avais agi par ignorance, n’ayant pas encore la foi ; la grâce de notre Seigneur a été encore plus abondante, avec la foi, et avec l’amour qui est dans le Christ Jésus. Voici une parole digne de foi, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui, en vue de la vie éternelle. Au roi des siècles, au Dieu immortel, invisible et unique, honneur et gloire pour les siècles des siècles. Amen.

Evangile : « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit » (Lc 15, 1-32)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui : il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation.
Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !’ Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.

Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !’ Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »

Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’ Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’ Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer.

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Patrick BRAUD

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