L'homélie du dimanche (prochain)

5 mai 2016

Lapidation : le retour !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Lapidation : le retour !

 

Homélie du 7° dimanche de Pâques / Année C
08/05/2016

Cf. également :

Poupées russes et ruban de Möbius…

Sois un être de désir !

Lapider : oui, mais qui ?

 

Nous avons déjà croisé ce supplice particulièrement inhumain sur notre route avec le sauvetage de la femme adultère par Jésus (Jn 8). Le voilà qui revient, en force si l’on peut dire, car dès les débuts de l’Église le diacre Étienne y perd la vie. Et de quelle manière !

Suivons pas à pas la passion d’Étienne, pour y discerner comment nous sommes nous-mêmes appelés à donner notre vie, jusqu’au sang s’il le fallait un jour.

 

Témoigner des cieux ouverts

Des milliers de chrétiens sont encore aujourd’hui traînés devant des tribunaux à cause de leur foi. Leurs accusateurs leur reprochent de violer la loi islamique, ou de diffuser la Bible, ou de revendiquer une liberté de conscience intolérable pour le pouvoir en place. Devant la machine judiciaire qui broie et écrase ceux qu’on lui présente, il y a de quoi être terrorisé. Nombre d’adultes de par le monde entier savent qu’ils risquent gros à demander le baptême : perdre son métier, voir sa famille inquiétée, être intimidés, tabassés, et souvent emprisonnés, voire exécutés. Les chrétiens d’Orient en savent quelque chose, mais aussi ceux des pays communistes, islamistes…

Afficher l'image d'origineÉtienne visiblement est rempli d’une force intérieure, l’Esprit Saint en personne, qui vient lui donner le courage de faire face à ses accusateurs. « Je vois les cieux ouverts… » En disant cela, Étienne sait qu’il va déchaîner la violence contre lui, pour cause de blasphème. Au moment où on l’enferme dans cette accusation, lui témoigne que les cieux sont ouverts, qu’il n’y a plus de fossé entre Dieu et l’homme, depuis que Jésus est ressuscité, « debout à la droite de Dieu ».

Témoigner que tout reste ouvert alors que la haine et la violence semblent victorieuses !

Annoncer que Dieu est proche au moment où la fraternité s’éloigne.

Transmettre la possibilité du pardon alors que la blessure va devenir irrémédiable.

Laisser ouvert le chemin de la réconciliation juste quand le conflit est à son maximum…

Cette vision d’Étienne n’est pas héroïque ni surhumaine. Elle est le fruit de l’Esprit animant notre esprit. À la suite d’Étienne, les martyrs des trois premiers siècles continueront à témoigner des cieux ouverts sous la dent des fauves et les épées des gladiateurs romains. Les victimes du génocide du Rwanda s’accrocheront à cette vision des cieux ouverts pour reconstruire leur pays, comme Nelson Mandela s’y était ancré pour réconcilier les anciens ennemis à mort de l’apartheid.

Nous pouvons, nous devons témoigner que les cieux demeurent ouverts : dans nos tragédies professionnelles (faillites, licenciements…), familiales (divorce, brouille, éloignement…) ou même politiques (lutte idéologique, militante active…). Depuis que le rideau du Temple s’est déchiré à la mort du crucifié, rien ni personne ne pourra clôturer l’espace ainsi dégagé entre Dieu et l’homme, avec toutes les possibilités de miséricorde, de réconciliation, de retrouvailles improbables que cette ouverture implique.

 

Compter sur Dieu (plus que sur les hommes)

Afficher l'image d'originePendant que les pierres pleuvent sur lui, Étienne se recueille, et s’appuie sur la prière pour tenir bon jusqu’au bout : « Seigneur Jésus, reçoit mon esprit ». Le Christ le premier s’était recueilli autour de cette attitude intérieure : « Père, en tes mains je remets mon esprit ». Impossible de résister sans haine ni désespoir si on ne s’appuie pas sur ce dialogue intérieur. « Compter sur Dieu vaut mieux que compter sur les puissants », chantaient des psaumes depuis déjà bien longtemps.

Vient toujours le moment où la solitude envahit tout, où l’appui des hommes est inexistant ou impuissant, où seule demeure la confiance en Dieu, apparemment injustifiable. Tant que demeurent les calculs pour s’en sortir, les compromis pour dévier le coup, les appuis influents pour nous protéger, nous comptons davantage sur nous-mêmes ou sur nos alliés que sur Dieu. Vient toujours dans une vie le moment où cela n’est plus possible.

Abandonné des hommes, seul devant la mort qui approche, Étienne s’en remet au Christ, sans réserve, les mains vides.

 

Prier pour ses bourreaux

Afficher l'image d'origine« Seigneur, ne leur compte pas ce péché » : Étienne trouve la force de prier pour ses tortionnaires alors qu’il rend son dernier souffle. On lui a raconté que Jésus avait eu cette délicatesse du coeur et de l’âme quand ses bourreaux s’acharnaient sur lui : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Toujours cette distinction capitale entre le péché et le pécheur, entre l’acte et l’acteur. La vérité commande de dénoncer l’un et la miséricorde de sauver l’autre.

Prier pour ses bourreaux, ses ennemis, lors d’un divorce, d’un conflit professionnel, d’une lutte politique n’a rien à voir avec la faiblesse dénoncée par Nietzsche. Il ne s’agit pas de renoncer au combat, d’être complice du mal, de se laisser vaincre ou de s’évader dans du pseudo spirituel. Il s’agit bien d’aller jusqu’au bout dans la dénonciation du mal, tout en priant pour que chacun en soit libéré : et celui qui le commet et celui qui y est exposé. « Délivre-nous du mal » suppose de prier pour ses bourreaux tout en leur montrant le mal commis : « si j’ai mal parlé, montre-moi ce que j’ai dit de mal. Mais sinon, pourquoi me frappes-tu ? »

Dans son testament spirituel du 01/01/1994, le frère Christian de Chergé, moine de Tibhirine, adoptait par avance cette même attitude intérieure :

Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J’aimerais, le moment venu avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C’est trop cher payer ce qu’on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit, surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’Islam.

 

Prier pour ceux qui nous font souffrir n’est pas naturel. Si l’Esprit du Christ ne vient pas en personne murmurer cette prière en nous, comment pourrions-nous désirer ardemment le salut de ceux qui nous condamnent ? Le premier à le faire après Jésus fut le diacre Étienne, et non l’un des apôtres, comme pour ancrer la force du témoignage dans celle du service des pauvres (car c’était la mission des diacres).

 

Croire en la fécondité et d’une vie offerte

Pour Étienne, tout semble finir avec la lapidation. Il ne verra pas les fruits que cette offrande de lui-même va produire. Pourtant ces fruits sont déjà là en germe, puisque Luc prend bien soin de préciser dans le texte que le jeune homme Saül faisait office de vestiaire pour que ces Messieurs se défoulent en lapidant Étienne.

« Le sang des martyrs est semence de chrétiens » constatera plus tard Tertullien.

L’intention de Luc est claire : témoigner que les cieux sont ouverts - ici dans le sang, pour nous dans nos tribulations familiales, professionnelles, politiques etc. - est pour l’Église ce que les semailles sont pour la moisson. La fécondité d’un combat qui va jusqu’au bout est une promesse dont nous ne voyons que rarement la réalisation, mais qui cependant se réalise toujours au-delà de nos espérances. Le jeune Saül deviendra l’apôtre Paul, et avec lui l’Europe et l’Occident découvriront la formidable espérance apportée par un juif obscur d’une trentaine d’années dont le rêve s’était disloqué sur le bois d’une croix…

Saül gardant les vêtements de ceux qui lapident Étienne est la figure de la fécondité promise à nos épreuves, si nous pouvons-les vivre en communion avec le Christ.

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La lapidation d’Étienne nous parle de nos combats pour tenir bon sous l’avalanche des revers de fortune.

Prions l’Esprit qui l’a soutenu d’être maintenant notre force pour ne rien lâcher, sans haine.

 

 

1ère lecture : « Voici que je contemple le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Ac 7, 55-60)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

 En ces jours-là, Étienne était en face de ses accusateurs. Rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles. Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort.

Psaume : Ps 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9
R/ Le Seigneur est roi, le Très-Haut sur toute la terre !
ou : Alléluia ! (Ps 96, 1a.9a)

Le Seigneur est roi ! Exulte la terre !
Joie pour les îles sans nombre !
justice et droit sont l’appui de son trône.

Les cieux ont proclamé sa justice,
et tous les peuples ont vu sa gloire.
À genoux devant lui, tous les dieux !

Tu es, Seigneur, le Très-Haut
sur toute la terre :
tu domines de haut tous les dieux.

2ème lecture : « Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 12-14.16-17.20)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai entendu une voix qui me disait : « Voici que je viens sans tarder, et j’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs vêtements : ils auront droit d’accès à l’arbre de la vie et, par les portes, ils entreront dans la ville. Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! » Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.
 Et celui qui donne ce témoignage déclare : « Oui, je viens sans tarder. » – Amen ! Viens, Seigneur Jésus !

Evangile : « Qu’ils deviennent parfaitement un » (Jn 17, 20-26)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur,
je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira.
Alléluia. (cf. Jn 14, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »
Patrick BRAUD

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