L'homélie du dimanche (prochain)

26 août 2015

Quel type de pratiquant êtes-vous ?

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Quel type de pratiquant êtes-vous ?

Homélie du 22° Dimanche du temps ordinaire / Année B
30/08/2015

Cf. également :  Signes extérieurs de religion

Que veut dire être pratiquant aujourd’hui en France ?


L’approche liturgique

Pratique religieuse

Les sociologues et statisticiens suivent cette question de près depuis longtemps. Dans les années 60, les célèbres enquêtes du chanoine Boulard ont fait prendre conscience de la ‘déchristianisation’ de la France, en relevant méthodiquement le nombre de ‘messalisants’ (ceux qui vont à la messe chaque dimanche), de ‘pascalisants’ (ceux qui ‘font leurs Pâques’ en se confessant et communiant) etc.

On obtient alors des courbes impressionnantes par leur déclin : la pratique religieuse se juge selon cette approche au nombre d’actes liturgiques et sacramentels posés par un pourcentage de citoyens de plus en plus restreint chez nous.

Cette définition de la pratique par la liturgie marque toujours notre inconscient. Dire : je ne suis pas très pratiquant signifie pour beaucoup : je ne vais pas souvent à la messe. À Normale Sup, on a même fini par appeler les étudiants catholiques les talas, parce qu’ils sont les rares qui vont-à-la messe…

Actuellement, selon cette approche liturgique, il n’y aurait ainsi que 5 % à 10% environ de pratiquants plus ou moins réguliers en France (cf. encadré).

 

L’approche éthique

Les lectures du jour semblent pourtant critiquer fortement cette approche finalement très réductrice où la liturgie est le seul marqueur de la pratique religieuse. Saint Jacques est le plus explicite dans notre deuxième lecture : « Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde… » (Jc 1, 17-27)

Pour lui, la véritable pratique religieuse est donc éthique. Rien ne sert d’aller à la messe si nos comportements quotidiens ne sont pas profondément transformés, et différents de ceux des païens.

Jésus dans l’évangile de ce dimanche (Mc 7, 1-23) souligne l’importance de la priorité de l’éthique sur les rites : lavage de coupes, de carafes et de plats sont des pratiques inventées par les hommes, des traditions purement humaines qui servent d’alibi à l’hypocrisie des scribes et des pharisiens. La vraie pureté ne vient pas de la façon de cuisiner (casher ou halal) ou de manger, mais de l’intérieur du cœur de l’homme. La longue liste des comportements contraires à la pratique religieuse selon Jésus (« inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure »…) démontre que le prophète de Nazareth appelle à une éthique fraternelle comme premier marqueur de l’identité croyante. En cela, il est le digne héritier de tous les prophètes juifs, qui n’ont cessé de spiritualiser les obligations légales pour mettre l’amour de l’autre au cœur de la pratique de la foi.

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Liturgie / Éthique / Foi

Liturgie, éthique : un troisième terme vient également jouer dans la composition de la pratique religieuse. C’est tout simplement la foi. Saint Pierre l’affirme de manière très claire à propos du baptême : « être baptisé, ce n’est pas être purifié de souillures extérieures, mais s’engager envers Dieu avec une conscience droite » (1P 3, 18-21).

Jésus d’ailleurs avait déconcerté ses disciples en affirmant que « faire l’œuvre de Dieu, c’est croire en celui qu’il a envoyé ». Voilà donc que pratiquer a également à voir avec affirmer sa foi. Les Églises protestantes qu’on appelle confessantes ont redécouvert cette dimension de l’identité chrétienne au XVI° siècle en affirmant l’éthique comme une résultante de la foi et non l’inverse.

 

Nous voici alors devant un triangle : liturgie / éthique / foi, qui est celui du baptême lui-même. Souvenez-vous : l’onction d’huile (chrismation) qui fait du baptisé un autre Christ est accompagnée de la parole : « Dieu te marque de l’huile sainte afin que tu demeures éternellement membre de Jésus-Christ, prêtre prophète et roi ».

Prêtre renvoie à la dimension liturgique de la pratique (célébrer).

Prophète renvoie à la dimension de la foi (annoncer la Parole de Dieu).

Roi à la dimension éthique (gouverner le monde).

Être pratiquant, c’est articuler ces trois dimensions : il y a donc plusieurs manières de pratiquer, qui découlent de la hiérarchisation faite par chacun entre la Foi (F), la Liturgie (L), l’Éthique (E).

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En ne retenant que les positions les plus claires (idéal-typiques, diraient les wébériens), on obtient 6 configurations de la pratique religieuse, selon l’ordre d’importance accordée à chaque composante :

 

· FLE : la foi est première, la liturgie et l’éthique sont secondes, dans cet ordre. Cela correspond assez bien historiquement à la position des Églises évangéliques, très confessantes. L’insistance est mise sur l’annonce (le kérygme) et la relation personnelle à Jésus reconnu comme Seigneur et Sauveur. Le culte et l’assemblée sont plus importants que dans le reste du protestantisme. L’éthique vient ensuite.

· FEL : Restant sauve la priorité de la foi, l’éthique vient juste après. La liturgie est bien là, mais moins importante.

C’est grosso modo la situation de la plupart des Églises réformées : la relation personnelle au Christ est première, et l’engagement social vient largement avant la dimension ecclésiale ou cultuelle.

· EFL : la transformation de la société est plus importante que les questions de dogmes, et la liturgie est minimisée. On peut y reconnaître la position du catholicisme social façon Action Catholique du début du XXe siècle : par notre action militante, ‘nous referons chrétiens nos frères’.

· ELF : l’éthique reste première, mais la liturgie vient la nourrir et soutenir le militantisme. C’est le catholicisme social façon Semaines sociales de la deuxième moitié du XXe siècle : nourris par les sacrements, les catholiques pourront exercer leurs responsabilités sociale pour le bien commun. Ce courant est plus marqué par l’appartenance ecclésiale que le précédent (qui était plus contestataire, au moins au début).

· LFE : c’est l’ordre choisi par la Lettre aux catholiques de France (1996) : leitourgia / kerygma / martyria. La « proposition de la foi » est cette construction assez originale de la pratique religieuse où, minoritaire, le petit reste catholique français sent qu’il ne tiendra pas s’il ne se nourrit pas d’abord des sacrements vécus dans l’assemblée liturgique.

· LEF : assez proche de la proposition de la foi, cette triade en est cependant distincte par l’importance accordée à l’éthique. On peut y reconnaître l’appartenance vécue dans la plupart des communautés dites nouvelles. L’expérience charismatique est essentiellement liturgique (au cours de la prière, en assemblée), et débouche sur un changement radical de vie (il y a un avant et un après la conversion). La foi fait est un peu le parent pauvre (proclamer Jésus Seigneur suffit).

 

Idéal-typiques, ces 6 configurations de la pratique religieuse ne se rencontrent jamais à l’état pur dans les personnes et les groupes réels. Elles permettent cependant de se repérer dans la constellation des sentiments d’appartenance.

On peut les projeter dans un espace identité religieuse / engagement social, car ces deux axes sont ceux qui produisent des effets visibles dans la société.

On obtient la visualisation suivante :

Pratique religieuse

Les voisinages deux à deux de ces différentes formes de pratiques religieuses peuvent étonner, mais sont finalement très logiques. La proposition de la foi rejoint l’intuition évangélique d’une minorité active qui doit être la lumière du monde. Les communautés nouvelles reprennent en fin de compte les principes de l’Action Catholique la plus fidèle à l’enseignement ecclésial, en conciliant liturgie et éthique. Les sensibilités réformées (protestantes traditionnelles) sont assez proches de celles des militants d’Action Catholique dans leur aspect contestataire et prophétique des injustice sociales etc.

 

Entre ces 6 façons de pratiquer, il y a bien sûr une infinité de nuances et de gradations. Demandez par exemple à un groupe de personnes de noter de 0 à 3 l’importance que chacune donne à la foi, la liturgie et l’éthique dans la pratique religieuse, et vous verrez qu’il y a environ… 64 combinaisons et possibilités de se définir plus ou moins religieux !

L’important n’est pas de complexifier cette classification au risque de s’y perdre, mais de repérer ‘à la louche’ dans quel endroit et proche de quelle configuration vous vous situez.

Tenir ensemble foi / liturgie / éthique demande d’être à la fois lucide et critique sur l’articulation pratiquée entre les trois (personnellement d’abord, mais également collectivement, dans la paroisse, le groupe, l’Église qui est la mienne).

Seule une circulation incessante entre ces trois dimensions nous permettra de marcher à la suite du Christ, de pratiquer en vérité.

 

 

1ère lecture : « Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne… vous garderez les commandements du Seigneur » (Dt 4, 1-2.6-8)
Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s’écrieront : ‘Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !’ Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? Et quelle est la grande nation dont les décrets et les ordonnances soient aussi justes que toute cette Loi que je vous donne aujourd’hui ? »

Psaume : Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5
R/ Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? (Ps 14, 1a)

Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.
Il met un frein à sa langue.

Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.
À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il ne reprend pas sa parole.
Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
Qui fait ainsi demeure inébranlable.

2ème lecture : « Mettez la Parole en pratique » (Jc 1, 17-18.21b-22.27)
Lecture de la lettre de saint Jacques
Mes frères bien-aimés, les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières, lui qui n’est pas, comme les astres, sujet au mouvement périodique ni aux éclipses. Il a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde.

Evangile : « Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes » (Mc 7, 1-8.14-15.21-23)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Le Père a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures.
Alléluia. (Jc 1, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres,mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Appelant de nouveau la foule, il lui disait : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »
Il disait encore à ses disciples, à l’écart de la foule : « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »
Patrick BRAUD

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19 août 2015

Voulez-vous partir vous aussi ?

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Voulez-vous partir vous aussi ?

 

Homélie du 21° Dimanche du temps ordinaire / Année B
23/08/2015

Cf. également : La liberté de partir ou de rester

 

« Voulez-vous partir vous aussi ? » (cf. Jn 6, 60-69)

Cette question, beaucoup d’entre nous l’ont posée ou ont du y répondre à un moment crucial de leur vie.

« Veux-tu partir ? » : c’est l’interrogation angoissée dans un couple où l’un des deux ne supporte plus la vie commune.

 « Voulez-vous partir ? » : c’est le constat amer des parents qui s’aperçoivent que leurs enfants veulent quitter la maison dès que possible.

 « Voulez-vous partir vous aussi ? » : c’est l’appel au secours de celui devant qui on se détourne, à cause d’un événement infamant, d’une déroute financière ou d’une maladie trop longue…

Le Christ a lui-même été exposé à ce mouvement contagieux qui fait le vide autour de soi, plus ou moins massivement, plus ou moins rapidement, mais sûrement.

Voulez-vous partir vous aussi ? dans Communauté spirituelle Lapinbleu358C-Jn6_67 

Oser libérer la liberté des proches

Lorsqu’il ose poser cette question à ses intimes – les 12 – Jésus prend un risque réel. Le risque de la solitude. Car l’incompréhension de la grande majorité (« cette parole est trop dure, partons ») commencer à gagner le cercle des disciples. Eux aussi ne comprennent rien à ce discours sur le pain de vie de Jean 6. Eux aussi sont troublés par la radicalité des propos de Jésus : manger son corps, boire son sang, c’est scandaleux ! Inadmissible pour un juif !

Alors, plutôt que de les laisser filer en douce, sans rien dire, Jésus crève l’abcès et prend le risque de provoquer la débandade de la petite troupe qu’il a pourtant laborieusement constituée depuis des mois.

Voilà donc un virage auquel nous sommes confrontés tôt ou tard : me faut-il attendre pour savoir si tel collègue, tel  ami, tel proche est en train de se détourner de moi ? Ou dois-je au contraire poser franchement la question : es-tu toujours avec moi ? Au risque de brusquer et de froisser. Au risque également de susciter une liberté qui peut se retourner contre celui qui la provoque.

Le Christ a cet art du discernement qui lui donne de savoir quand il faut patienter (ex : le bon grain et l’ivraie) et quand il faut trancher (« que votre oui soit oui, que votre non soit non »).
Ici, après un succès populaire (la multiplication des pains) il entend le murmure réprobateur enfler autour de lui après ses paroles sur le pain vivant descendu du ciel. Il voit bien que les rangs s’éclaircissent et que l’enthousiasme n’est plus là. Avant que cette vague de désaffection ne désagrège le collège des 12, Jésus les met devant leur liberté, les appelle à faire un choix personnel, au lieu de suivre le flux majoritaire.

amour_nonpartag%C3%A9 détachement dans Communauté spirituelleCe faisant il s’expose réellement à un abandon de la part des siens. Il ne sait pas ce qu’ils vont répondre. Il n’anticipe pas la réponse de Pierre. Il prend le risque réel de se retrouver seul, ce qui de toute façon arrivera avec le procès devant les tribunaux juif puis romain, et avec la croix : tous s’en iront, tous le fuiront, à l’exception notable de quelques femmes et de Jean. Quand nous remettons ainsi entre les mains  de l’autre sa capacité de décision pour ou contre nous, nous ressentons le même vertige de celui qui est sur la ligne de crête entre soutien et isolement. Dieu ne veut pas la soumission de serviteurs contraints de lui obéir.

Parce que Jésus vit le détachement intérieur (cher à la mystique rhénane), il refuse de posséder ses disciples, de les instrumentaliser. Il est prêt à les laisser partir. Il s’expose à les perdre, avec douleur. Car leur liberté importe plus que leur attachement.

Parce que sa nature est d’aimer, il préfère s’exposer au refus plutôt que de contraindre à le suivre.

En cela, le Christ révèle un Dieu humble, infiniment humble. Le père François Varillon décrivait l’humilité de Dieu comme le secret de son amour pour nous : « Il faut appeler divin l’amour qui est assez fort pour ne pas exiger la réciprocité comme condition de sa constance ».

Ainsi celui qui continue d’aimer celui qui a voulu partir, que ce soit un conjoint, un enfant, un ami ou un collègue, participe à l’être même de Dieu. Il en est divinisé, pourrait-on dire, alors qu’aux yeux du monde c’est une attitude folle. Mieux vaudrait refaire sa vie, oublier l’absent, que de continuer à laisser la porte ouverte, nous disent nos mœurs habituelles.

Oser poser à l’autre la question de son départ, sans le manipuler, sans faire de chantage, demande donc un courage, un amour venant de plus loin que nous-mêmes.

Libérer la liberté de l’autre permet pourtant d’éclaircir la situation, de purifier le trouble : le départ de tel collaborateur vaut peut-être mieux que son maintien forcé dans une ambiance de travail détestable.
La séparation d’avec un conjoint vaut peut-être mieux qu’un enfer quotidien où le non-dit s’accumule.
Et si le collaborateur veut rester, il réaffirmera le projet commun.
Et si le conjoint veut rester, il devra trouver les mots pour dire sur quoi reconstruire.

 

Répondre à la question du Christ

Nous pouvons également nous identifier à Pierre dans ce passage d’évangile. Avouons que sa réponse est mitigée, pas très glorieuse en fait.

« À qui irions-nous ? » sonne comme une résignation peu enthousiaste. Sous-entendu : nous n’avons pas de plan B. Si on te quitte, on ne sait pas quoi faire…

33632686_p disciplesNe méprisons donc pas nos propres réponses lorsqu’elles sont aussi mitigées que celle de Pierre. Pas besoin d’avoir de grands élans intérieurs pour répondre au Christ / à l’autre. Cela commence par un examen lucide explorant des alternatives. Cela peut aussi susciter quelques belles découvertes : « tu as les paroles de la vie éternelle » se surprend à crier Pierre, comme s’il se jetait à l’eau sans savoir nager !

Répondre à la question libère en nous des énergies insoupçonnées. Prendre résolument position pour ou contre nous aide à nous trouver nous-mêmes, à savoir qui nous sommes (« fils de Jonas » pour Pierre), à creuser en nous la source intérieure de notre liberté (« ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux »).
Filer à l’anglaise est une tentation récurrente : ne pas avoir de problèmes, ne pas faire scandale, rester discret…

Oser dire oui ou non est pourtant libérateur.

 

Nous sommes tantôt dans la position de celui qui doit poser la question décisive à l’autre, tantôt à la place de celui qui doit répondre sans détour.

Que l’Esprit du Christ nous apprenne à discerner quand cela arrive, et à quelle liberté, à quel détachement nous sommes ainsi appelés.

 

 

1ère lecture : « Nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu » (Jos 24, 1-2a.15-17.18b)
Lecture du livre de Josué

En ces jours-là, Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem ; puis il appela les anciens d’Israël, avec les chefs, les juges et les scribes ; ils se présentèrent devant Dieu. Josué dit alors à tout le peuple : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate, ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays. Moi et les miens, nous voulons servir le Seigneur. » Le peuple répondit : « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! C’est le Seigneur notre Dieu qui nous a fait monter, nous et nos pères, du pays d’Égypte, cette maison d’esclavage ; c’est lui qui, sous nos yeux, a accompli tous ces signes et nous a protégés tout le long du chemin que nous avons parcouru, chez tous les peuples au milieu desquels nous sommes passés. Nous aussi, nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu. »

Psaume : Ps 33 (34), 2-3, 16-17, 20-21, 22-23

R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! (cf. Ps 33, 9)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Le Seigneur regarde les justes,
il écoute, attentif à leurs cris.
Le Seigneur affronte les méchants
pour effacer de la terre leur mémoire.

Malheur sur malheur pour le juste,
mais le Seigneur chaque fois le délivre.
Il veille sur chacun de ses os :
pas un ne sera brisé.

Le mal tuera les méchants ;
ils seront châtiés d’avoir haï le juste.
Le Seigneur rachètera ses serviteurs :
pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.

2ème lecture : « Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Église » (Ep 5, 21-32)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères,
par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ; les femmes, à leur mari, comme au Seigneur Jésus ; car, pour la femme, le mari est la tête, tout comme, pour l’Église, le Christ est la tête, lui qui est le Sauveur de son corps. Eh bien ! puisque l’Église se soumet au Christ, qu’il en soit toujours de même pour les femmes à l’égard de leur mari.

 Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel ; il la voulait sainte et immaculée. C’est de la même façon que les maris doivent aimer leur femme : comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime soi-même. Jamais personne n’a méprisé son propre corps : au contraire, on le nourrit, on en prend soin.
C’est ce que fait le Christ pour l’Église, parce que nous sommes les membres de son corps. Comme dit l’Écriture :
À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Église. 

Evangile : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 60-69)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie ; tu as les paroles de la vie éternelle.
Alléluia. (cf. Jn 6, 63c.68c)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !… C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. » 

 À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »
Patrick BRAUD

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12 août 2015

Éternellement

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Éternellement

Cf. également :

Manquez, venez, quittez, servez

 

Homélie du 20° dimanche du temps ordinaire / Année B
16/08/2015

 

Le mot éternel/éternellement revient cinq fois dans ce chapitre 6 de l’évangile de Jean (appelés discours sur le pain de vie). Cinq est le chiffre de la Torah : Jean  suggère que l’eucharistie (le pain de vie) accomplit la loi en donnant l’éternité à ceux qui s’en nourrissent. « Celui qui mange ce pain vivra éternellement ».

 

La durée impensable

Mais qui oserait dire éternellement aujourd’hui ?

L’horizon de nos actions est de quelques mois pour une entreprise, quelques années pour une politique, quelques décennies pour un groupe ou une famille. Nous sommes incapables de nous représenter mentalement une très longue durée : au-delà de 5 ou 10 000 ans, nous perdons nos repères. Nous avons beau savoir que les dinosaures ont régné 170 millions d’années jusqu’à il y a environ 65 millions d’années, ils sont aussi proches de nous dans nos têtes que l’homme de Néandertal ! Notre terre a 4,5 milliards d’années, l’univers 14 milliards d’années… Et pourtant qu’est-ce que tout cela par rapport à l’éternité du temps, sinon un instant d’évolution, plus bref qu’un silence dans la partition de la neuvième symphonie de Beethoven…

Éternellement dans Communauté spirituelle vie-sur-Terre

Il y a quelque chose proprement inconcevable, inimaginable dans la promesse du Christ : « celui qui mange de ce pain vivra éternellement ». C’est peut-être pour cela que l’homme moderne, les Européens notamment, se désintéressent de plus en plus de cette perspective. Seul l’instant présent - et un peu après - semble fasciner. Tout s’engloutit dans la jouissance du moment, et la sécurité à quelques jours. La vie éternelle motive peu, alors que pourtant l’enjeu est de taille ! Parce qu’il ne peut plus penser la durée sans fin, faute de symboles et de vision globale du monde, l’auditeur de notre évangile pensera que cette question de l’éternité est bien improbable et bien gênante. Après tout, on a le temps ; on verra plus tard…

 

L’éternité comme intensité

« L’éternité, c’est long, surtout vers la fin » (Woody Allen).

couv%2B%2Bbis%2BRien%2Bne%2Bmanque%2Ba%CC%80%2Bcet%2Binstant%2B amour dans Communauté spirituelleSi la durée liée à la promesse de vie éternelle paraît impensable à beaucoup, ils ne cessent pour autant de la rechercher autrement : non plus dans la durée, mais dans l’intensité. La soif d’authenticité et de vérité nous fait faire des merveilles ! Pour une émotion artistique ou amoureuse, pour un vrai moment de solidarité ou de compassion, pour une confidence amicale ou une jubilation sportive, nous sommes prêts à investir énormément de temps et d’énergie. Tout se passe comme si la durée infinie qui est hors de portée refluait sur l’instant présent : plus il est intense, plus nous frôlons l’absolu, le divin en nous. Préparer une vie sans fin après la mort ne passionne plus grand monde. Par contre, multiplier les expériences les plus intenses pour se sentir pleinement en vie, ça ça vaut la peine !

 

L’éternité biblique

La Bible ne renie aucune de ces deux approches de l’éternité. Quand le Christ  promet la vie éternelle, il parle bien d’un autre temps, infini, après la mort. Il promet également d’expérimenter dès maintenant cette puissance invincible lorsque, ne faisant qu’un avec lui, nous goûtons dès ici-bas la joie qui sera nôtre pour toujours.

C’est ce que les théologiens appellent l’anticipation eschatologique : la vie éternelle est déjà commencée, et nous pouvons en goûter la saveur dès maintenant, en attendant de l’habiter en plénitude, éternellement.

L’Écriture contient de longues séquences qui évoquent cette dimension proprement divine de l’éternité.

La première est dans les psaumes, où un refrain obsédant accompagne la relecture de l’histoire d’Israël : « car éternel est son amour » (5 fois dans le psaume 118, 25 fois dans le psaume 136). La manière dont Dieu aime  n’est pas différente de celle dont il est, car pour lui être c’est aimer. Puisqu’il est, de toujours à toujours, il aime de même. L’amour trinitaire se prolonge pour nous en salut offert dans notre histoire, en puissance de création, en promesse de résurrection, « car éternel est son amour ».

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La deuxième séquence du mot éternel est le cantique de Daniel. Les trois enfants, dans la fournaise, exposés à la mort imminente, proclament que l’univers ne cessera jamais de remercier Dieu pour ce qu’il fait pour nous : « à lui haute gloire, louange  éternelle » (43 fois dans le cantique des trois enfants en Dn 3, 51-90).

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Alors : éternité ou durée ?

L’essentiel est de réveiller en chacun l’inquiétude de l’éternité.

Ne pas inscrire ses actions dans une perspective infinie leur enlève cohérence et fécondité.

Ne pas désirer donner de la profondeur et de la densité à nos émotions, à nos liens les plus intimes, serait passer à côté de nous-mêmes.

La vie éternelle promise par le Christ est une certaine façon de goûter le présent, intensément, et d’expérimenter dès maintenant ce qui n’aura pas de fin, au-delà de notre mort.

 

Sachons habiter l’un sans négliger de préparer l’autre.

Apprenons à espérer pour toujours, tout en le mettant en oeuvre avec intensité.

Car éternel est son amour…

 

 

 

1ère lecture : Le banquet de la Sagesse (Pr 9, 1-6)
Lecture du livre des Proverbes

La Sagessea bâti sa maison, elle a sculpté sept colonnes.
Elle a tué ses bêtes, apprêté son vin, dressé sa table, et envoyé ses servantes. Elle proclame sur les hauteurs de la cité : « Si vous manquez de sagesse, venez à moi ! »
À l’homme sans intelligence elle dit : « Venez manger mon pain, et boire le vin que j’ai apprêté ! Quittez votre folie et vous vivrez, suivez le chemin de l’intelligence. »

Psaume : 33, 2-3, 10-11, 12-13, 14-15
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Saints du Seigneur, adorez-le : 
rien ne manque à ceux qui le craignent.
Des riches ont tout perdu, ils ont faim ; 
qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien.

Venez, mes fils, écoutez-moi, 
que je vous enseigne la crainte du Seigneur.
Qui donc aime la vie 
et désire les jours où il verra le bonheur ?

Garde ta langue du mal 
et tes lèvres des paroles perfides.
Évite le mal, fais ce qui est bien, 
poursuis la paix, recherche-la.

2ème lecture : Vivre en chrétiens dans l’action de grâce (Ep 5, 15-20)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages.
Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais.
Ne soyez donc pas irréfléchis, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur.
Ne vous enivrez pas, car le vin porte à la débauche. Laissez-vous plutôt remplir par l’Esprit Saint.
Dites entre vous des psaumes, des hymnes et de libres louanges, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre c?ur.
À tout moment et pour toutes choses, rendez grâce à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ.

Evangile : Jésus est la vraie nourriture (Jn 6, 51-58)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Les yeux sur toi, Seigneur, tous espèrent, et tu leur donnes la nourriture au temps voulu : la chair et le sang de l’Agneau immolé. Alléluia. (cf. Ps 144, 15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
Les Juifs discutaient entre eux : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.
Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

Patrick Braud

 

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10 août 2015

Assomption : Ne vous faites pas voler votre espérance

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Assomption : Ne vous faites pas voler votre espérance

Cf. également :

Assomption : les sentinelles de l’invisible

L’Assomption de Marie, étoile de la mer

L’Assomption de Marie : une femme entre en Résistance

Marie, parfaite image de l’Église à venir

Marie en son Assomption : une femme qui assume !


En 2013, le Pape François avait centré son homélie de l’Assomption sur trois mots-clés caractérisant la foi et l’attitude de Marie : lutte, résurrection, espérance.

Relisons cette méditation, qui n’a pas vieilli, au contraire !

  

Homélie du pape François pour la fête de l’Assomption 2013

Chers frères et sœurs,

À la fin de la Constitution sur l’Église, le concile Vatican II nous a laissé une très belle méditation sur la Très Sainte Vierge Marie. Je relève simplement les expressions qui se réfèrent au mystère que nous célébrons aujourd’hui.

La première est celle-ci :

« Enfin la Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute souillure de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers » (n. 59).

Et ensuite, vers la fin, il y a aussi celle-ci :

« Cependant, tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur, elle brille déjà devant le Peuple de Dieu en pèlerinage comme un signe d’espérance assurée et de consolation » (n. 68).

À la lumière de cette très belle icône de notre Mère, nous pouvons considérer le message contenu dans les lectures bibliques que nous venons d’entendre. Nous pouvons nous concentrer sur trois mots-clés : lutte, résurrection, espérance.

 

Lutte, résurrection, espérance

Lutte

Le passage de l’Apocalypse présente la vision de la lutte entre la femme et le dragon. La figure de la femme, qui représente l’Église, est d’un côté glorieuse, triomphante, et de l’autre encore dans les douleurs. C’est en effet comme cela qu’est l’Église : si, au Ciel, elle est déjà associée à la gloire de son Seigneur, dans l’histoire, elle vit continuellement les épreuves et les défis que comporte le conflit entre Dieu et le malin, l’ennemi de toujours. Et dans cette lutte que les disciples de Jésus doivent affronter – nous tous, nous, tous les disciples de Jésus, nous devons affronter cette lutte – Marie ne nous laisse pas seuls ; la Mère du Christ et de l’Église est toujours avec nous. Toujours, elle marche avec nous, elle est avec nous. Elle marche toujours avec nous.

Marie aussi, dans un certain sens, partage cette double condition. Naturellement, elle est désormais entrée dans la gloire du ciel une fois pour toutes. Mais cela ne signifie pas qu’elle est loin, qu’elle est détachée de nous ; au contraire, Marie nous accompagne, elle lutte avec nous, elle soutient les chrétiens dans le combat contre les forces du mal. La prière avec Marie, en particulier le chapelet, a aussi cette dimension « agonistique », c’est-à-dire de lutte, une prière qui soutient dans la bataille contre le malin et contre ses complices. Le chapelet aussi nous soutient dans la bataille.

 

Résurrection

La seconde Lecture nous parle de la résurrection. L’apôtre Paul, écrivant aux Corinthiens, insiste sur le fait qu’être chrétien signifie croire que le Christ est vraiment ressuscité des morts. Toute notre foi se base sur cette vérité fondamentale qui n’est pas une idée mais un événement. Et le mystère de l’assomption de Marie dans son corps et dans son âme est aussi tout entier inscrit dans la résurrection du Christ. L’humanité de la Mère a été « attirée » par son Fils dans son passage à travers la mort. Jésus est entré une fois pour toutes dans la vie éternelle avec toute son humanité, celle qu’il avait prise de Marie ; et ainsi, elle, la Mère qui l’a fidèlement suivi pendant toute sa vie, qui l’a suivi par le cœur, est entrée avec lui dans la vie éternelle, que nous appelons aussi le ciel, le paradis, la maison du Père.

Marie aussi a connu le martyre de la croix : le martyre de son cœur, le martyre de l’âme. Elle a beaucoup souffert, dans son cœur, tandis que Jésus souffrait sur la croix. La Passion de son fils, elle l’a vécue au plus profond de son âme. Elle a été pleinement unie à lui dans la mort, et c’est pour cela que lui a été fait le don de la résurrection. Le Christ est prémices  des ressuscités et Marie est prémices des rachetés, la première de « ceux qui sont au Christ ». Elle est notre Mère, mais nous pouvons aussi dire qu’elle est notre représentante, elle est notre sœur, notre sœur aînée, elle est la première des rachetés qui soit arrivée au ciel.

Assomption : Ne vous faites pas voler votre espérance dans Communauté spirituelle dormition1 

Espérance 

L’évangile nous suggère le troisième mot : espérance. L’espérance est la vertu de celui qui, faisant l’expérience du conflit, de la lutte quotidienne entre la vie et la mort, entre le bien et le mal, croit dans la résurrection du Christ, dans la victoire de l’amour. Nous avons entendu le chant de Marie, le « Magnificat » : c’est le cantique de l’espérance, c’est le cantique du peuple de Dieu en marche dans l’histoire. C’est le cantique de tant de saints et de saintes, certains connus, d’autres, très nombreux, inconnus, mais bien connus de Dieu : des mamans, des papas, des catéchistes, des missionnaires, des prêtres, des sœurs, des jeunes, et même des enfants, des grands-pères, des grands-mères : ils ont affronté la lutte de la vie, portant dans leur cœur l’espérance des petits et des humbles. Marie dit : « Mon âme exalte le Seigneur » – aujourd’hui aussi, l’Église chante cela et elle le chante partout dans le monde.

1195_apercu Assomption dans Communauté spirituelle 

Ce cantique est particulièrement intense là où le Corps du Christ souffre aujourd’hui la Passion. 

Là où il y a la Croix, pour nous chrétiens, il y a l’espérance, toujours. S’il n’y a pas l’espérance, nous ne sommes pas chrétiens. C’est pour cette raison que j’aime dire : ne vous faites pas voler l’espérance. Que personne ne nous vole l’espérance, parce que cette force est une grâce, un don de Dieu qui nous fait avancer en regardant le Ciel. Et Marie est toujours là, proche de ces communautés, qui sont nos frères, elle marche avec eux, elle souffre avec eux, et elle chante avec eux le « Magnificat » de l’espérance.

Chers frères et sœurs, nous aussi, unissons-nous de tout notre cœur à ce cantique de patience et de victoire, de lutte et de joie, qui unit l’Église triomphante à l’Église pérégrinante que nous sommes ; qui unit la terre et le ciel, qui unit notre histoire à l’éternité vers laquelle nous marchons. Ainsi soit-il.

Messe du jour

1ère lecture : La Femmede l’Apocalypse, image de l’Église comme Marie (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Le Temple qui est dans le ciel s’ouvrit, et l’arche de l’Alliance du Seigneur apparut dans son Temple.
Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.
Elle était enceinte et elle criait, torturée par les douleurs de l’enfantement.
Un autre signe apparut dans le ciel : un énorme dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes,et sur chaque tête un diadème.
Sa queue balayait le tiers des étoiles du ciel, et les précipita sur la terre. Le Dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.Or, la Femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place.
Alors j’entendis dans le ciel une voix puissante, qui proclamait : « Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ ! »

Psaume : 44, 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16

R/ Heureuse es-tu, Vierge Marie, dans la gloire de ton Fils.

Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté. 

Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
Alors, les plus riches du peuple,
chargés de présents, quêteront ton sourire. 

Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffes d’or ;
on la conduit, toute parée, vers le roi. 

Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ;
on les conduit parmi les chants de fête :
elles entrent au palais du roi.

2ème lecture : Le Christ nous entraîne tous dans la vie éternelle ( 1 Co 15, 20-27a)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection. En effet, c’est en Adam que meurent tous les hommes ; c’est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier, le Christ ; et ensuite, ceux qui seront au Christ lorsqu’il reviendra. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal. C’est lui en effet qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds.

Evangile : « Heureuse celle qui a cru ! » (Lc 1, 39-56)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie dit alors :
« Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais. »

Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Patrick BRAUD

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