Medium is message
Medium is message
Homélie du 16° dimanche du temps ordinaire /année B
19/07/15
Cf. également :
Du bon usage des leaders et du leadership
Briefer et débriefer à la manière du Christ
Voilà un passage d’évangile fort bien construit, comme d’habitude.
On y voit les Douze débriefer leur mission, c’est-à-dire raconter à Jésus « tout ce qu’ils avaient fait et enseigné ». Mais on ne nous dit pas ni ce qu’ils ont fait, ni ce qu’ils ont enseigné ! Ici, ce qui compte, c’est de relire auprès de Jésus les événements marquants des dernières semaines occupées à annoncer le règne de Dieu.
Comme si parfois le fait de raconter était plus important que ce que l’on raconte.
Comme si être rassemblés à nouveau autour du Christ était plus important que le contenu de ce qu’il leur dirait.
Et cela se prolonge pour Jésus lui-même : « il se mit à enseigner longuement » les foules, sans que Marc prenne soin de nous en livrer quelques sentences bien choisies.
Comme si le fait d’enseigner prenait le pas sur l’enseignement.
Comme si le message réside davantage dans Jésus lui-même parlant aux foules que dans le contenu de sa parole. Comme s’il était la Parole personnifiée.
Autrement dit, Marc semble suggérer que le message c’est Jésus en personne, bien plus encore que son discours !
Medium is message
C’est ce qu’un célèbre théoricien des médias, Marshall Mac Luhan, a synthétisé en une formule célèbre : medium is message.
« [...] en réalité et en pratique, le vrai message, c’est le médium lui-même, c’est-à-dire, tout simplement, que les effets d’un médium sur l’individu ou sur la société dépendent du changement d’échelle que produit chaque nouvelle technologie, chaque prolongement de nous-mêmes, dans notre vie *»
Le message réside dans le médium (les médias) employé. La télévision a révolutionné les rapports familiaux et l’ouverture au monde de par sa présence même et sa manière de fonctionner, plus que par ses programmes. De même, Internet bouleverse notre culture actuelle (d’UberPop au crowfounding, en passant par Instagram ou Tweeter etc.) plus par la vision du monde qu’il engendre que par le contenu qu’il véhicule.
Bref : la manière de dire des choses compte autant (sinon plus) que les choses dites.
D’ailleurs, pour le thème du bon berger qui est le fil rouge des lectures de ce dimanche, c’est bien le cas. On ne sait pas ce que dit Jésus, mais on le voit incarner en lui-même une posture de bon berger : il rassemble les siens, il prend soin d’eux (« venez vous reposer un peu ») avec une délicatesse que les féministes du care ne renieraient pas ; il est saisi de compassion devant les foules en attente ; il les enseigne, et bientôt va les nourrir… ‘Qui il est’ est au coeur de son message. Message is Jesus himself, pourrait-on dire en parodiant Mac Luhan. Il incarne ce qu’il annonce : un Dieu qui fait attention aux besoins des hommes, qui les accompagne, est à leur service, désire leur croissance matérielle et spirituelle.
Des bons bergers qui ont marqué nos histoires personnelles, nous retenons souvent leur sourire, leur affection, leur capacité d’écoute, leur présence aux moments importants plus que des sermons ou des listes de recommandations…
En termes de leadership, la capacité que Marc met en avant pour Jésus pourrait s’appeler l’exemplarité. Aujourd’hui, bon nombre de dirigeants sont conscients que rien ne changera dans leur entreprise s’ils ne changent pas d’abord eux-mêmes. Plus de proximité, plus d’écoute, un vrai sens du service des collaborateurs, un management vraiment collaboratif et pas seulement participatif… : rien ne sert de faire des grand-messes avec de grandes ambitions devant tout le personnel si le patron et l’encadrement n’incarnent pas eux-mêmes ce qu’ils annoncent ! Dire à des employés : ‘prenez des initiatives, libérez votre capacité d’innovation, devenez plus responsables et autonomes’, cela demande au minimum de la part de celui qui le dit : confiance jusqu’au bout, moins de contrôles, plus d’accompagnement, donner le droit à l’erreur etc. sinon, la posture managériale de l’encadrement contredira en pratique le message de liberté qu’il essaie de faire passer.
Medium is message
S’il fallait un (triste) exemple de la pertinence de cette formule de Mac Luhan, prenez cette très belle phrase : le travail rend libre. Prononcée par Gandhi ou Mandela, elle ouvre des perspectives de libération par la noblesse de l’activité-travail, par la lutte contre le chômage et l’exclusion sociale. Mais inscrite en allemand à l’entrée d’un centre de détention près d’un village nommé Auschwitz, cette même phrase devient inhumaine et diabolique.
Tout dépend donc de la personne qui la prononce et de la manière dont elle la proclame.
Seule une certaine exemplarité rend crédible le message : en Jésus, sa cohérence personnelle est si forte qu’elle le désigne comme le bon berger en personne. La vérité en christianisme n’est pas une doctrine, pas une liste d’interdits ou de commandements, pas un système d’idées : c’est une personne vivante, Jésus le Christ. Devenir chrétien, c’est entrer toujours davantage en communion avec lui, et non adhérer à une idéologie.
Les bons bergers dont nous avons besoin, en entreprise comme en politique par exemple, sont ceux qui incarnent personnellement leurs idées et leurs convictions.
Les parents, les responsables d’associations etc. sont également concernés !
À nous de susciter de tels leaders, en choisissant d’appeler aux responsabilités ceux qui ont la passion de servir les autres, en acceptant nous-mêmes d’endosser un certain leadership lorsque les foules ou les Douze d’aujourd’hui nous le demandent.
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* Marshall Mc Luhan, Pour comprendre les médias, Seuil, coll. Points essais, 1977.
1ère lecture : « Je ramènerai le reste de mes brebis, je susciterai pour elles des pasteurs » (Jr 23, 1-6)
Lecture du livre du prophète Jérémie
Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage – oracle du Seigneur ! C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple : Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Je vais m’occuper de vous, à cause de la malice de vos actes – oracle du Seigneur. Puis, je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées. Je les ramènerai dans leur enclos, elles seront fécondes et se multiplieront. Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue – oracle du Seigneur. Voici venir des jours – oracle du Seigneur, où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, et Israël habitera en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »
Psaume : Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6
R/ Le Seigneur est mon berger :
rien ne saurait me manquer. (cf. Ps 22, 1)
Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.
Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.
Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.
Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.
2ème lecture : « Le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité » (Ep 2, 13-18)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père.
Evangile : « Ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6, 30-34)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ;
moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia. (Jn 10, 27)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, après leur première mission, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.
Patrick BRAUD