L'homélie du dimanche (prochain)

24 juin 2015

La générosité de Dieu est la nôtre

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La générosité de Dieu est la nôtre


Homélie du 13° Dimanche du temps ordinaire / Année B

28/06/15

Je vous propose aujourd’hui de méditer sur le rôle de la générosité dans notre vie.

Le mot générosité revient en effet deux fois sous la plume de Paul dans notre 2ème lecture.

L’attitude généreuse de Jésus dans l’évangile marque le passage de ce dimanche, puisqu’une force de guérison déborde de lui pour une femme et une jeune fille.

Et enfin le livre de la Sagesse dans la 1ère lecture contemple la Création, et y voit la trace de la générosité de Dieu.

Car c’est bien de là qu’il faut partir : la générosité est avant tout divine ! Ce n’est pas d’abord une valeur humaine : c’est une manière d’être de Dieu lui-même. « Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent » s’émerveille le Sage (Sg 1-2).

Vous êtes-vous déjà étonnés devant le spectacle de la nature, devant la beauté de la création ?

Comment se fait-il que quelque chose existe plutôt que rien ?

Dieu n’avait nul besoin de faire surgir d’autres existences que la sienne. Rien ne lui aurait manqué si le Big Bang n’avait pas explosé ; il serait toujours Dieu si l’homme n’existait pas ! En Dieu, l’acte créateur est un acte de pure générosité, qui correspond à la nature même de l’amour qu’est Dieu. « Bonum diffusum sui » disaient les Anciens : l’essence du bien est de se diffuser, de se communiquer généreusement à d’autres ». Le Verbe de Dieu, incarné en Jésus Christ, va jusqu’au bout de cette générosité divine :« lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9). Voilà « la générosité de notre Seigneur Jésus-Christ » comme l’écrit Saint Paul : débordante, gratuite, sans calcul. Il a généreusement renoncé à ses droits et privilèges divins pour faire corps avec l’humanité rejetée et méprisée, afin de la réintroduire en Dieu-Trinité.

La générosité de Dieu est la nôtre dans Communauté spirituelleRegardez d’ailleurs dans notre passage d’évangile : Jésus est tellement habité de cette générosité débordante qu’une force sort de lui, sans qu’il la contrôle, pour guérir une femme qui souffrait de ne plus être une femme (à cause de ses pertes de sang). Et quand il s’en aperçoit, il ne demande rien à cette femme en retour :« va en paix ». De même pour la fillette qui n’arrive pas à devenir une jeune fille : il la ressuscite à sa condition de jeune fille (12 ans ! chiffre symbolique) : « Talitha koum »,  mais ne demande rien en retour. Au contraire, il leur recommande avec insistance que personne ne le sache.

Avez-vous déjà vu plus grande générosité que ces deux générosités-là : la création par Dieu de la nature et de l’homme ? La re-création par le Christ d’une humanité ressuscitée avec lui ?

 

La générosité humaine va naître de cette double contemplation.

Ce n’est donc pas une valeur humaine, ni même humaniste : être généreux, c’est répondre à l’amour de Dieu par le même amour, c’est participer à la manière d’être de Dieu, c’est correspondre à l’image de Dieu en nous. Comme l’écrivait le livre de la Sagesse : « Dieu a fait de l’homme une image de ce qu’il est en lui-même ». La générosité en ce sens n’est pas d’abord une valeur morale : c’est une vocation divine. C’est une manière d’être divinisés… ! D’ailleurs l’étymologie nous met sur cette piste : généreux vient du latin genorosus qui veut dire « bonne race », de race divine donc !

On comprend alors l’appel pressant de Paul aux Corinthiens : imitez la générosité de Dieu / du Christ, en participant à la collecte organisée pour l’Église de Jérusalem ! La générosité devient ici le symbole de la communion entre églises locales. Paul dit même que c’est un « ministère » (2 Co 8, 4 ; 9,1 ; 12,55), une « liturgie » (9, 12). Et il appelle cette quête une « communion » (Koïnonia : Rm 12, 13 ; 15-26… 2 Co 8, 4 ; 9-13 / cf. 1 Tm 6, 18 Tite 13, 16…), du nom même qui désigne l’Église désormais depuis le Concile Vatican II ! Vous voyez pourquoi aujourd’hui encore on a raison de faire la quête en même temps qu’on présente le pain et le vin pour notre communion à Dieu : c’est de la même générosité dont il s’agit (dont il devrait s’agir !), la générosité humaine répondant à la générosité première du Christ pour nous.

Devenir chrétien est donc une question de générosité : répondre largement à l’appel infini de Dieu transmis par l’Église, offrir sa vie sans compter, ouvrir le cœur des hommes pour qu’ils puissent accueillir le don généreux qui leur est fait en Jésus-Christ…

Les scouts et guides de tous âges savent par cœur cette prière héritée de St Ignace de Loyola, dans laquelle nous demandons au Christ de participer à la générosité divine :

« Seigneur Jésus,
Apprenez-nous à être généreux,
A Vous servir comme Vous le méritez
A donner sans compter,
A combattre sans souci des blessures,
A travailler sans chercher le repos,
A nous dépenser, sans attendre d’autre récompense,
que celle de savoir que nous faisons Votre Sainte Volonté »

Alors cette semaine prenez le temps de réfléchir.

Où en êtes-vous de la contemplation de la générosité de Dieu envers nous ? à travers la création, à travers l’homme… ?
Où en êtes-vous de votre propre générosité en réponse ? comme attitude spirituelle et pas seulement morale.

Générosité dans l’usage de votre temps, de vos compétences, de votre argent, de votre patience, de votre pardon… : croyez-vous vraiment que Dieu vous appelle à être généreux comme il l’est envers tous ? Commencez-vous à découvrir que c’est là une manière de devenir Dieu lui-même, à son image et sa ressemblance ?

Que l’Esprit du Christ nous établisse dans cette contemplation de la générosité divine, et nous donne de la traduire en actes…

  

1ère lecture : « C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24)
Lecture du livre de la Sagesse

Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle.  Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.

Psaume : 29 (30), 2.4, 5-6ab, 6cd.12, 13

R/ Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. (29, 2a)

Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,
tu m’épargnes les rires de l’ennemi.
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie.
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie.

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi,
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

2ème lecture : « Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres » (2Co 8, 7.9.13-15)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop, celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien.

Evangile : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » (Mc 5, 21-43)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par l’Évangile.
Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.

 Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… – elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré – … cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

 Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. » Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant. Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur. Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

17 juin 2015

Qui a piqué mon fromage ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Qui a piqué mon fromage ?

Homélie du 12° dimanche du temps ordinaire / Année B
21/06/2015

« Qui a piqué mon fromage ? »

C’est le cri étonné et amer de Polochon, petit personnage d’une fable célèbre. Dans ce best-seller de développement personnel, Spencer Johnson raconte une parabole moderne sur ce que provoque le changement en nous.

Quatre personnages vont chaque jour se régaler d’un tas de fromage délicieux : les deux souris Flair et Flèche, les deux ‘minigus’ (= petits humains de la taille des souris) Polochon et Baluchon, tous bien nommés. Un jour, plus rien à se mettre sous la dent ! D’où les cris de rage de Polochon : qui a piqué mon fromage ?

À partir de là, les différents stratégies de conduite du changement vont s’incarner dans nos quatre amis : Flair ne se perd pas en conjectures, il lève le nez, renifle d’autres odeurs, et indique à son compagnon Flèche la direction vers laquelle celui-ci fonce explorer de nouvelles possibilités de fromage.

Polochon lui se lamente. Il cherche à comprendre pourquoi il n’y a plus de fromage. Il vérifie partout que c’est bien le cas. Il revient sans cesse sur le lieu désormais vide de leur ancienne abondance. Il se recroqueville sur un passé évanoui.

Baluchon voudrait bien ne pas en rester là. Il sent un appel à prendre la route pour chercher ailleurs. Mais il est ami avec Polochon et ne veut pas le laisser seul. Pourtant, au bout d’une longue période de disette, il se rend à l’évidence : il faut partir ailleurs. Il va alors de découverte en découverte, et à chaque étape écrit sur les murs explorés la maxime qui l’a aidé à avancer (en espérant que Polochon les lira plus tard) :

« Plus tu t’attaches au fromage et plus tu cherches à le retenir ».
« Le fromage change sans cesse de place ».
Etc.

Cette fable a déjà aidé des dizaines de milliers de gens à s’adapter au changement : au travail, en famille, en amour… Nous avons tous en nous des éléments de nos quatre héros. Lorsque quelque chose disparaît de nos vies (le fromage peut être le succès, l’argent, l’amour, la santé…), nous réagissons trop souvent comme Polochon se recroquevillant sur lui-même, quelquefois comme Baluchon qui se remet en route et ose s’autoriser de nouveaux possibles, rarement comme Flair et Flèche qui écoutent leur instinct et leur expérience pour croire en leur avenir, devant.

« Qui a piqué mon fromage ? » est presque une version sécularisée de notre évangile ! Regardez Jésus qui oblige ses disciple à changer de ‘fromage’ : « passons sur l’autre rive ». Alors que le succès auprès des foules de Galilée était bien là, ils n’avaient qu’une envie : profiter de cette notoriété, savourer la reconnaissance des gens, s’installer dans le confort que leur procure le statut de confidents du prophète bien-aimé. Eh bien non ! « Passons sur l’autre rive » résonne comme l’annonce d’un changement, désagréable puisqu’il s’agit de quitter la douce béatitude du succès, et même inquiétant puisqu’il s’agit de traverser le lac de Tibériade, un épouvantail pour les piètres marins pêcheurs qu’étaient les Douze.

Qui a piqué mon fromage ? dans Communauté spirituelle

Toujours partir ailleurs : c’est fatigant à la longue de te suivre Jésus ! Ne pourrait-on pas jeter l’ancre quelque part une bonne fois pour toutes ! ?
Bergson répondait : « le seul élément stable du christianisme est l’ordre de ne s’arrêter jamais »…
Comme dirait Spencer Johnson : le fromage change toujours de place ! Et d’ailleurs, le vieux fromage sent de plus en plus mauvais, avant de disparaître totalement. Dans notre 2° lecture, saint Paul écrivait aux corinthiens, pour les aider à quitter leurs anciennes habitudes : « le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né ».

 

La peur de changer

Dans sa quête de sa nouvelle nourriture, Baluchon va devoir comme chacun de nous s’affronter à ses peurs. Peur du changement, peur de ce qu’il y a derrière, peur de perdre le peu qui lui reste aujourd’hui.
Pour se libérer de l’inhibition liée à la crainte, il écrit sur les murs :

« Que ferais-tu si tu n’avais pas peur ? »
Et un peu plus loin :
« Quand tu parviens à surmonter la peur, tu te sens libre ».

Là encore, on entend comme un écho de l’évangile : « pourquoi êtes-vous si craintifs ? » Le Christ sait bien que la peur nous fige sur place, et nous empêche de passer sur l’autre rive. Le fameux « n’ayez pas peur ! » de Jean Paul II était cet appel du Christ à laisser le changement nous conduire là où nous n’aurions pas pensé aller. Et un peuple uni qui n’a pas peur (des chars, de la police secrète, de l’emprisonnement…) est quasiment invincible.

Apprivoiser ses peurs et les dépasser est évidemment une condition indispensable pour bien vivre le changement de notre existence. Peur de quitter une entreprise pour une autre, peur de se retrouver seul alors que le couple a explosé, peur d’affronter les vagues contraires alors qu’il faut faire des choix courageux, peur du grand âge et de la dégradation physique… L’autorité du Christ sur la mer déchaînée et la tempête violente nous aide à nommer nos peurs, à les identifier, et à nous concentrer grâce au Christ sur l’autre rive vers laquelle naviguer et naviguer encore.

Comme dirait Spencer Johnson : bougez avec le Fromage !

 

1ère lecture : « Ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! » (Jb 38, 1.8-11)
Lecture du livre de Job

Le Seigneur s’adressa à Job du milieu de la tempête et dit : « Qui donc a retenu la mer avec des portes, quand elle jaillit du sein primordial ; quand je lui mis pour vêtement la nuée, en guise de langes le nuage sombre ; quand je lui imposai ma limite, et que je disposai verrou et portes ? Et je dis : “Tu viendras jusqu’ici ! tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots !” »

Psaume : 106 (107), 21a.22a.24, 25-26a.27b, 28-29, 30-31

R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour !
ou : Alléluia !
(106, 1)

Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour,
qu’ils offrent des sacrifices d’action de grâce,
ceux qui ont vu les œuvres du Seigneur
et ses merveilles parmi les océans.

Il parle, et provoque la tempête,
un vent qui soulève les vagues :
portés jusqu’au ciel, retombant aux abîmes,
leur sagesse était engloutie.

Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur,
et lui les a tirés de la détresse,
réduisant la tempête au silence,
faisant taire les vagues.

Ils se réjouissent de les voir s’apaiser,
d’être conduits au port qu’ils désiraient.
Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour,
de ses merveilles pour les hommes.

2ème lecture : « Un monde nouveau est déjà né » (2 Co 5, 14-17)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine : si nous avons connu le Christ de cette manière, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né.

Evangile : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Mc 4, 35-41)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple.
Alléluia. (Lc 7, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule. Le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d’autres barques l’accompagnaient. Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

10 juin 2015

Le management du non-agir

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 02 min

Le management du non-agir

 

Homélie du 11° dimanche du temps ordinaire / Année C
Dimanche 14/06/2015

 

Laisser la semence grandir d’elle-même

Un patron décrivait ainsi le principe philosophique qui l’a aidé à révolutionner le management dans son entreprise :

Le management du non-agir dans Communauté spirituelle« Une conclusion provisoire que je peux aujourd’hui tirer de 40 ans d’expérimentation sociale dans les organisations, c’est que plus on libère les hommes, plus il faut organiser entre eux la coopération. Moins on est directif en matière de management, plus il faut l’être sur le respect des principes de non-directivité.

Comme l’écrit un auteur que j’apprécie, le philosophe et sinologue François Jullien, « l’agir-sans-agir est un laisser faire, mais qui n’est pas rien faire du tout ». Il ne s’agit pas de laisser s’installer la loi de la jungle, de donner une prime aux « forts en gueule » qui, à force d’intimidations et d’artifices rhétoriques, finissent par faire passer leur option individuelle pour une décision collective. Pour libérer réellement la parole au sein d’une équipe, débrider les capacités créatives des uns et des autres, il faut un garant des formes dans lesquelles va pouvoir s’opérer la discussion. Un chef d’orchestre, donc, responsable de faire circuler équitablement la parole, de réfréner l’un, d’encourager l’autre, en s’interdisant lui-même d’intervenir sur le fond du débat. Ce connecteur chargé de mettre du liant entre des coéquipiers nécessairement divers dans leurs aspirations et capacités à s’exprimer, c’est le manager. »

Source : http://www.proconseil.fr/blog/pour-cooperer-mieux-manager-autrement/, posté par Michel Hervé, président fondateur du groupe Hervé Thermique, le 11/12/2012.

 

Cette capacité à agir, non pas directement de manière volontariste, mais en suscitant le désir d’action et de réussite de ses collaborateurs, rejoint la sagesse de Jésus exprimée dans notre parabole de ce dimanche :

« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »  Mc 4,26-28

 

De manière étonnante, ce « non-agir » du jardinier rejoint l’expérience de la sagesse chinoise telle que la formule par exemple Lao Tseu. Le non-agir (wu-wei) est le principe clé du taoïsme : « Le sage pratique le non-agir, il s’occupe de la non-occupation [...] » Il ne s’agit pas de passivité ou d’inaction mais bien de l’absence d’action, à l’instar de l’eau qui coule et qui se moque des obstacles : « L’homme d’une vertu supérieure est comme l’eau. L’eau excelle à faire du bien aux êtres et ne lutte point. »

« Par wu-wei, il ne faut pas entendre ne rien faire, il faut entendre qu’on laisse chaque chose se faire spontanément, de sorte à être en accord avec les lois naturelles » (Kuo Ksiang).

 « C’est l’art de maîtriser les circonstances sans leur opposer de résistance ; le principe d’esquiver une force qui vient sur vous en sorte qu’elle ne puisse vous atteindre. Ainsi, celui qui connaît les lois de la vie, jamais ne s’oppose aux événements ; il en change le cours par son acceptation, son intégration, jamais par le refus. Il accepte toutes choses jusqu’à ce que, les ayant assimilées toutes, il parvienne à leur maîtrise parfaite »  (Lin Yu-tang).

Cf. « Laisse faire » : éloge du non-agir

 

Pour Lao Tseu comme pour Jésus (et sans doute également pour un ‘éveillé’   bouddhiste), la pointe de l’action ne se situe pas dans la transformation immédiate, mais dans la confiance en l’énergie transformatrice de l’autre (et du Tout-Autre dans le cas du royaume de Dieu).

 

 entreprise dans Communauté spirituelleÀ juste titre, le patron d’Hervé Thermique (comme ceux des entreprises dites libérées selon l’expression consacrée par Isaac Getz [1]) y a vu la source d’un nouveau management plus humain. Plus humain parce que basé sur la confiance, plus efficace parce que laissant advenir les choses au lieu de vouloir les maîtriser et en garder le contrôle. Le manager-jardinier (selon l’esprit de notre parabole) aura à cœur de libérer l’enthousiasme, la créativité et l’autonomie de ses équipes au lieu de leur imposer en permanence ses solutions à lui et sa vision des choses.

Comme tout bon jardinier, ce manager aura pour responsabilité – et elle est grande – de créer les conditions d’une telle croissance en autonomie chez ses collaborateurs. Il devra désherber (avant le courage d’exclure ceux qui compromettent la réussite de tous en étant hors-jeu par rapport aux valeurs de l’équipe), mettre de l’engrais  (nourrir la réflexion de chacun et de tous, par des lectures, vidéos, visites d’entreprises, conférences, témoignages etc.), inviter à s’appuyer sur un tuteur si besoin (compagnonnage entre pairs, études de cas, relectures de pratiques etc.), et au final valoriser auprès de ses clients comme de l’entreprise les succès ainsi obtenus.

 

Le non-agir, ce n’est donc pas ne rien faire !

Agir sans agir, c’est laisser faire, sans forcer, en accompagnant, en créant les conditions de maturité d’une équipe, en veillant sur son développement. C’est au passage accepter les tâtonnements, les inévitables jeux d’essais et d’erreurs qui font partie de la créativité. Le droit à l’erreur doit être garanti, et formellement reconnu, pour libérer le goût du risque. Bien plus, le manager devra s’appuyer sur ces erreurs – inévitables, rappelons-le – pour débriefer, accompagner et progresser grâce à la relecture qui en sera faite avec tous.

 

Non-agir et servant leadership

Ce manager du non-agir est très proche du servant leader (cher à l’école de Robert Greenleaf). Pour laisser la semence jetée en terre pousser toute seule, il devra d’abord faire confiance au terreau ainsi ensemencé. Sans cette confiance, totale et entière, faite à ses collaborateurs, il ne pourra jamais s’empêcher d’intervenir en direct pour penser à la place des personnes concernées (hélas)… Confiance est d’ailleurs le maître mot de la deuxième lecture, alors que pourtant Paul était confronté à bien des difficultés avec les corinthiens :

« Frères, nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur (…).
Oui, nous avons confiance (…) » 2 Co 5,6-7.

Sur la base de cette confiance sans cesse renouvelée, il jouera d’autant mieux son rôle de jardinier qu’il pratiquera les 10 attitudes du servant leader : écouter, s’ouvrir à l’autre, faire grandir, se doter d’une vision, prévoir, fédérer, soutenir, transformer, persuader, avoir conscience…

La sagesse de Jésus, ayant longuement observé les champs de Nazareth et le savoir-faire des agriculteurs jusqu’à l’âge de 30 ans, se révèle être un trésor pour le management contemporain ! Évidemment la croissance du Royaume de Dieu en chacun de nous est une réalité spirituelle incomparable, appelant l’Église à une vraie humilité envers cette exubérance de vie qui la dépasse de toute part. Mais la croissance personnelle et collective des équipes en milieu professionnel participe de cette réalité-là. Mystérieusement, quelque chose grandit de plus grand que nous, qui nous vient d’ailleurs, lorsque nous dormons, c’est-à-dire lorsque nous faisons confiance à la puissance de vie à l’oeuvre chez les autres. Un psaume ne dit-il pas : « Dieu comble son bien aimé quand il dort » ? (Ps 127,2)

Le pape François donne un très beau commentaire de cette croissance mystérieuse, dont les chrétiens comme les managers peuvent devenir des témoins émerveillés :

« Comme nous ne voyons pas toujours ces bourgeons, nous avons besoin de certitude intérieure, c’est-à-dire de la conviction que Dieu peut agir en toute circonstance, même au milieu des échecs apparents, car nous tenons ce trésor dans des vases d’argile (2 Co 4,7). Cette certitude s’appelle ‘sens du mystère’. C’est savoir avec certitude que celui qui se donne et s’en remet à Dieu par amour sera certainement fécond (cf. Jn 15,5). L’Esprit Saint  agit comme il veut, quand il veut et où il veut ; nous nous dépensons sans prétendre cependant voir des résultats visibles. Nous savons seulement que notre don de soi est nécessaire. Apprenons à nous reposer dans la tendresse des bras du Père, au cœur de notre dévouement créatif et généreux. Avançons, engageons-nous à fond, mais laissons le rendre féconds nos efforts comme bon lui semble. » (Evangelii Gaudium, n° 279, 2013)

 

 GetzCela demande également un véritable lâcher prise : ne plus planifier ni contrôler ce qui doit être produit, mais accueillir ce qui advient en l’harmonisant dans un ensemble. Les chefs d’ateliers et de production étaient autrefois - du temps du taylorisme - ceux qui savaient, et qui faisaient appliquer leurs décisions par des exécutants fidèles et obéissants. Les leaders des entreprises ‘libérées’ s’appuient sur l’envie de leurs équipes, sur leur savoir-faire, pour construire ensemble les défis de leurs métiers et les chemins pour les relever. L’exécution est remplacée par la co-construction, le directif descendant cède la place au collaboratif. Toutes ces métamorphoses demandent au manager de lâcher le contrôle absolu et direct qu’il effectuait auparavant sur les tâches, les rôles, voire les hommes eux-mêmes.

 Alexandre Gerard, Président du Groupe Inov-On, tentait d’avertir ses confrères :

« Mon inquiétude est grande… Oui mon inquiétude est grande en ce moment car je croise beaucoup de dirigeants qui m’annoncent des étoiles plein les yeux : « Je vais libérer mon entreprise, et pour commencer je vais faire ceci ou cela… »
Et si la question n’était pas « Qu’est ce que je vais faire… », mais plutôt « Qu’est ce que je vais laisser faire…. » ?
Et là on ne parle plus de la même chose ! Car pour être capable de ‘laisser faire’ les choses, il est indispensable de se préparer personnellement.
Eh oui, nous ‘les chefs d’entreprise’ sommes des hommes d’action, et là il s’agit d’agir par… le non agir, comme l’explique si bien Jean-François Zobrist l’ancien patron emblématique de la fonderie FAVI​ qui est la 1ère société libérée en France.
Et donc se préparer à libérer son entreprise c’est surtout se préparer à accueillir tout ce qui va arriver, et surtout ce que l’on a pas prévu ! »
Source : http://liberation-entreprise.org/e%E2%80%8Bntreprises-liberees-alerte-generale/

La métaphore du jardinier, de l’agriculteur de la parabole du grain qui pousse tout seul, nous invite à pratiquer ce type de management du non-agir.

Cela vaut en famille, en entreprise, en Église…

 


[1]Isaac Getz / Brian M. Carney : Liberté & Cie, Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises, Fayard, 2012 (édité chez Flammarion, Champs Essais, poche, en 2013).

 

 

 

1ère lecture : « Je relève l’arbre renversé » (Ez 17, 22-24)
Lecture du livre du prophète Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : « À la cime du grand cèdre, je prendrai une tige ; au sommet de sa ramure, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront. Alors tous les arbres des champs sauront que Je suis le Seigneur : je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Je suis le Seigneur, j’ai parlé, et je le ferai. »

Psaume : 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16

R/ Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce ! (cf. 91, 2a)

Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits.

Le juste grandira comme un palmier,
il poussera comme un cèdre du Liban ;
planté dans les parvis du Seigneur,
il grandira dans la maison de notre Dieu.

Vieillissant, il fructifie encore,
il garde sa sève et sa verdeur
pour annoncer : « Le Seigneur est droit !
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »

2ème lecture : « Que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur » (2 Co 5, 6-10)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur, tant que nous demeurons dans ce corps ; en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. Oui, nous avons confiance, et nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur. Mais de toute manière, que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps.

Evangile : « C’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle grandit, elle dépasse toutes les plantes potagères » (Mc 4, 26-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
La semence est la parole de Dieu ; le semeur est le Christ ;
celui qui le trouve demeure pour toujours.
Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, parlant à la foule, Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »  Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »  Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , , , ,

3 juin 2015

Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 01 min

Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite

Fête du Corps et du Sang du Christ
Dimanche 04/06/2015 / Année B

cf. également :
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédek


C’est la première 
fois que je le remarque !

Pourtant j’ai bien du lire ce texte d’évangile de Marc des dizaines de fois, mais cette semaine, en méditant ce récit, cela m’a sauté aux yeux : Jésus donne le pain en livrant immédiatement sa signification (« prenez, ceci est mon corps »), alors qu’il donne la coupe, attend qu’ils en boivent tous et après seulement leur livre la clé : « ceci est mon sang, le sang de l’Alliance… ». 

Petit détail, me direz-vous ! C’est vrai. Et pourtant, comme tous les détails, il fait sens.

À y réfléchir en effet, le Christ nous fait souvent faire des choses que nous ne pouvons pas comprendre sur le moment, mais qui s’éclairent après…

Pensez à telle décision professionnelle, à tel événement familial, à telle sollicitation d’un ami ou d’une association etc.

Là c’est flagrant : il est inconcevable pour un Juif de boire du sang, car le sang c’est la vie, et la vie appartient à Dieu. D’où les interdits alimentaires qui régissent encore aujourd’hui la cuisine juive casher (et la cuisine musulmane hallal également) : pas de boudin ! pas de sauce mélangeant du sang et du vin… (cf. Dt 12, 23-35). Boire du sang est « péché » comme diraient les musulmans aujourd’hui !


La 1
ère lecture du rite de l’Alliance par Moïse nous a bien décrit comment le sang devait être retiré de la victime pour en asperger l’autel et le peuple, réunis ainsi en une alliance de sang. Être aspergé avec du sang, oui, mais le boire pour un Juif, c’est inconcevable ! C’est même un blasphème : car le sang appartient à Dieu, c’est la vie qui vient de Dieu. Le boire, c’est donc affirmer que la vie de Dieu coule dans nos veines : blasphème… L’eucharistie chrétienne accomplit ce blasphème jusqu’à l’extrême : en buvant au calice, c’est la vie même de Dieu-Trinité qui coule dans nos veines, nous devenons frères de sang avec lui, nous devenons Dieu…

Le sang de l’agneau pascal, qui était étalé sur les linteaux des portes des maisons des hébreux pour l’Exode, n’est désormais plus apposé à l’extérieur, mais bien à l’intérieur, au plus intime de nous-mêmes, par l’acte de boire à la coupe : c’est cette consanguinité entre Dieu et l’homme qui est en jeu dans l’eucharistie.

Souvenons-nous que pour les romains, les chrétiens des premiers siècles étaient des païens, puisqu’ils refusaient d’adorer l’empereur et les dieux ; alors que pour les juifs ils étaient des blasphémateurs, puisqu’ils osaient affirmer la communion entre Dieu et l’homme. Les caricaturistes de Charlie Hebdo savent bien que les accusations de blasphème sont dangereuses…

Jésus est donc obligé de prendre ses disciples par surprise, pour contourner leur opposition à ce geste. « Buvez, vous comprendrez après ». Comme pour le lavement des pieds, auquel Pierre voudra s’opposer; et Jésus lui dit : « tu comprendras plus tard… »
Pour la coupe, Jésus leur donne cette explication énigmatique qui ne s’éclairera que dans sa Passion et sur la Croix :
« Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude ». D’ailleurs, pour qu’ils ne restent pas là à discuter indéfiniment de la signification de la coupe de vin de l’eucharistie, il les entraîne aussitôt vers l’eucharistie en actes qui va suivre : « après le chant d’action de grâce, ils partirent pour le mont des oliviers », c’est-à-dire vers la Passion et la mort sanglante.

 

Deux pistes pour continuer cette semaine à méditer sur ce « détail » de la coupe bue d’abord puis parlée ensuite :

- Je n’ai pas besoin de tout comprendre de l’eucharistie pour me laisser porter par elle.

Il s’agit d’abord d’une expérience : manger pour faire corps avec le Christ, boire ses paroles et sa vie. Les interprétations viendront après : l’initiation à l’eucharistie se fait plus souvent par osmose que par explication, par capillarité (les chants, l’orgue, la fraternité, le silence, la joie…) plus que par démonstration théorique. Il s’agit de se laisser saisir par la liturgie de la messe, et de laisser l’Esprit du Christ nous enivrer à travers elle. Les mots viendront après. Se laisser ainsi porter par l’eucharistie (au lieu de la supporter…) permet ensuite de se laisser porter par le Christ pour aller là où je n’aurai jamais pensé aller. À l’image des disciples étonnés découvrant qu’ils viennent de boire le sang de l’alliance, nous pouvons peut-être découvrir que telle grande joie, telle grande épreuve sont en fait les signes d’une alliance extraordinaire entre Dieu et nous.

 

- Mais il faut du temps pour cela… C’est la 2° piste: il faut que la coupe de l’Alliance nous fasse partir nous aussi vers le Mont des oliviers, sitôt la messe finie.
Autrement dit : communier au Corps et au Sang du Christ le Dimanche ne s’éclaire que dans la passion vécue avec le Christ
« pour la multitude » d’aujourd’hui.
 

Osons-nous croire assez à cette vérité permanente du mystère pascal qui est le cœur de la liturgie eucharistique et de tous les sacrements ? Dans le Christ vivant, le cœur de l’Eucharistie, c’est la victoire de l’Amour de Dieu sur le mal et la violence du monde. En sorte que « seul célèbre vraiment l’Eucharistie celui qui l’achève dans le service divin de tous les jours qu’est l’amour fraternel » (Joseph Ratzinger, le nouveau peuple de Dieu, Paris, 1971, p. 17).

Rappelez-vous saint Paul, pour qui le véritable culte eucharistique est justement l’offrande de soi : « Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu: c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre. (Rm 12,1) ».  

 

Nous étions partis du sang de la coupe et nous voici arrivés au service divin de tous les jours qu’est l’amour fraternel, au travail comme en famille…

Quel est le donc votre Mont des oliviers auquel votre communion eucharistique vous envoie ?

Quelle coupe accepterez-vous de boire, même sans comprendre sur l’instant, pour que l’Alliance soit vraiment offerte à la multitude ?

Ne communiez pas machinalement, surtout aujourd’hui en cette fête du Corps et du Sang du Christ. Approchez-vous du pain rompu, approchez-vous de la coupe en désirant de tout votre être ne plus vous appartenir, jusqu’à devenir ensemble une vraie nourriture et une vraie boisson pour la multitude…

 

1ère lecture : « Voici le sang de l’Alliance que le Seigneur a conclue avec vous » (Ex 24, 3-8)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et toutes ses ordonnances. Tout le peuple répondit d’une seule voix : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique. » Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur. Il se leva de bon matin et il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d’Israël. Puis il chargea quelques jeunes garçons parmi les fils d’Israël d’offrir des holocaustes, et d’immoler au Seigneur des taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des coupes ; puis il aspergea l’autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. » Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : « Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »

Psaume : 115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18

R/ J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur.
ou : Alléluia !  
(115, 13)

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

2ème lecture : « Le sang du Christ purifiera notre conscience » (He 9, 11-15)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères,
le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir. Par la tente plus grande et plus parfaite, celle qui n’est pas œuvre de mains humaines et n’appartient pas à cette création, il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. S’il est vrai qu’une simple aspersion avec le sang de boucs et de taureaux, et de la cendre de génisse, sanctifie ceux qui sont souillés, leur rendant la pureté de la chair, le sang du Christ fait bien davantage, car le Christ, poussé par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant. Voilà pourquoi il est le médiateur d’une alliance nouvelle, d’un testament nouveau : puisque sa mort a permis le rachat des transgressions commises sous le premier Testament, ceux qui sont appelés peuvent recevoir l’héritage éternel jadis promis.

Séquence : « Lauda Sion » (ad libitum) ()

Sion, célèbre ton Sauveur,
chante ton chef et ton pasteur
par des hymnes et des chants.

Tant que tu peux, tu dois oser,
car il dépasse tes louanges,
tu ne peux trop le louer.

Le Pain vivant, le Pain de vie,
il est aujourd’hui proposé
comme objet de tes louanges.

Au repas sacré de la Cène,
il est bien vrai qu’il fut donné
au groupe des douze frères.

Louons-le
à voix pleine et forte,
que soit joyeuse et rayonnante
l’allégresse de nos cœurs !

C’est en effet la journée solennelle
où nous fêtons de ce banquet divin
la première institution.

À ce banquet du nouveau Roi,
la Pâque de la Loi nouvelle
met fin à la Pâque ancienne.

L’ordre ancien le cède au nouveau,
la réalité chasse l’ombre,
et la lumière, la nuit.

Ce que fit le Christ à la Cène,
il ordonna qu’en sa mémoire
nous le fassions après lui.

Instruits par son précepte saint,
nous consacrons le pain, le vin,
en victime de salut.

C’est un dogme pour les chrétiens
que le pain se change en son corps,
que le vin devient son sang.

Ce qu’on ne peut comprendre et voir,
notre foi ose l’affirmer,
hors des lois de la nature.

L’une et l’autre de ces espèces,
qui ne sont que de purs signes,
voilent un réel divin.

Sa chair nourrit, son sang abreuve,
mais le Christ tout entier demeure
sous chacune des espèces.

On le reçoit sans le briser,
le rompre ni le diviser ;
il est reçu tout entier.

Qu’un seul ou mille communient,
il se donne à l’un comme aux autres,
il nourrit sans disparaître.

Bons et mauvais le consomment,
mais pour un sort bien différent,
pour la vie ou pour la mort.

Mort des pécheurs, vie pour les justes ;
vois : ils prennent pareillement ;
quel résultat différent !

Si l’on divise les espèces,
n’hésite pas, mais souviens-toi
qu’il est présent dans un fragment
aussi bien que dans le tout.

Le signe seul est partagé,
le Christ n’est en rien divisé,
ni sa taille ni son état
n’ont en rien diminué.

* Le voici, le pain des anges,
il est le pain de l’homme en route,
le vrai pain des enfants de Dieu,
qu’on ne peut jeter aux chiens.

D’avance il fut annoncé
par Isaac en sacrifice,
par l’agneau pascal immolé,
par la manne de nos pères.

Ô bon Pasteur, notre vrai pain,
ô Jésus, aie pitié de nous,
nourris-nous et protège-nous,
fais-nous voir les biens éternels
dans la terre des vivants.

Toi qui sais tout et qui peux tout,
toi qui sur terre nous nourris,
conduis-nous au banquet du ciel
et donne-nous ton héritage,
en compagnie de tes saints.

Evangile : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang » (Mc 14, 12-16.22-26)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ;
si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement.
Alléluia. (Jn 6, 51)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.

 Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »

 Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , ,