Ascension : « Quid hoc ad aeternitatem ? »
« Quid hoc ad aeternitatem ? »
cf. également :
Ascension : la joyeuse absence
Ascension : l’ascenseur christique
Une Ascension un peu taquine : le temps de l’autonomie
Les vases communicants de l’Ascension
Homélie de l’Ascension 2015 / Année B
Jeudi 14 Mai 2015
« Quid hoc ad aeternitatem ? »
On raconte qu’une ancienne mère abbesse d’une communauté bénédictine répondait par cette phrase laconique aux moniales qui venaient lui exposer leurs petits problèmes de vie communautaire (car elles en ont elles aussi !).
« Quid hoc ad aeternitatem ? »
En latin : « Qu’est-ce que cela par rapport à l’éternité ? »
Autrement dit : « Remettez vos problèmes en perspective. Ne perdez pas de vue le but, le terme de votre présence ici. Alors vous relativiserez les petits soucis, et surtout vous trouverez le souffle nécessaire pour traverser les difficultés en gardant les yeux fixés sur le but de votre aventure humaine. »
« Quid hoc ad aeternitatem ? »
C’est sans doute l’une des significations de la fête de l’Ascension du Christ : Dieu non seulement a ressuscité Jésus d’entre les morts, mais en plus « il l’a placé plus haut que tout », « il l’a placé au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent ». (2° lecture Ep 1,17-23). Depuis l’Ascension, nous savons que le but de notre vie n’est pas ici-bas, mais en Dieu-même, unis au Christ, dans la communion de l’Esprit Saint.
Dès lors, levons les yeux ! Fixons notre regard sur le terme qui nous attend ! Comme le marin se règle sur la lueur du phare par-dessus les vagues (ou sur l’aiguille de son compas, la flèche de son GPS…), ne laissons pas les soucis de l’instant présent nous détourner du but ultime. Et ce but ultime, ce n’est rien de moins que d’être élevé avec le Christ dans la gloire du Père, c’est-à-dire en fait d’être divinisé, de devenir Dieu lui-même ! « Il est monté au ciel pour nous rendre participants de sa divinité » (2° Préface de l’Ascension).
Si nous gardons en mémoire cette perspective grandiose que l’Ascension nous ouvre, alors nous ne serons pas submergés par les inévitables aléas du présent ; alors la véritable importance des choses et des êtres pourra se révéler à nous ; alors une autre hiérarchie des priorités pourra guider notre vie…
Votre voisin vous semble insupportable ? C’est peut-être vrai, mais :« quid hoc ad aeternitatem ? »
Votre voiture est en panne, et la série noire de ce genre de problèmes vous décourage ? « Quid hoc ad aeternitatem ?… »
Cela ne veut pas dire être indifférent à tout. Mais tout replacer dans l’axe de l’Ascension : quel est le poids de ce qui m’arrive si je le place dans la perspective du Christ qui me fait monter auprès de son Père ? Même la mort d’un être aimé, même une maladie cruelle peut être baignée d’une autre lumière si je lève les yeux vers le Christ en Ascension, à l’instar de toutes les figures de pierre sculptées sur la façade de nos cathédrales.
« Mets en nos coeurs un grand désir de vivre avec le Christ en qui notre nature humaine est déjà près de toi » (oraison de l’Ascension) …
Même la crise économique actuelle peut être vécue autrement à la lueur de cette espérance.
Un chef d’entreprise écrivait : « J’opposerai la logique du profit financier à court terme à celle, légitime à mon sens, du profit économique à long terme, nécessaire pour l’investissement, et outil de mesure de la performance. »
Le danger pour bien des acteurs économiques, c’est de rester fascinés, hypnotisés par le court-terme. L’Ascension nous invite à voir les choses de haut, à prendre de la hauteur, avec le recul de l’histoire, pour refuser la dictature du court-terme ; pour refuser l’angoisse de ceux qui n’ont pas de mémoire longue, ni d’espérance plus longue encore.
Les « âges sombres », dark ages selon la formule des historiens anglais de l’Antiquité tardive comme de l’époque contemporaine, font apparaître l’enchevêtrement de deux cités : la terrestre et celle de Dieu. Et cet enchevêtrement radical oblige à parler d’une ambivalence du temps de l’Histoire, où les processus de décadence s’accompagnent le plus souvent de processus de renouveau. Tel est le diagnostic que nous pouvons poser sur notre époque.
Les statistiques ne doivent pas nous inquiéter davantage. Elles sont respectables, utiles, précieuses, mais de là à accorder aux sondages une espèce d’autorité transcendante, non ! C’est pourquoi les obsessions quantitatives actuelles : combien de baptisés ? combien d’ordinations ? combien de conversions ? sont très ‘courte vue’.
« La qualité est la quantité à l’état naissant » (Bergson).
Or c’est l’état naissant qui nous intéresse, l’aube du jour présent.
Vous le voyez, fêter l’Ascension du Christ peut changer notre lecture de la crise économique ou ecclésiale actuelle. Puisque le Ressuscité est élevé auprès de Dieu avec notre nature humaine, le but de notre existence est « en-haut ».
Alors ne laissons pas les vagues et les vents contraires nous détourner de ce but ultime. Et si une contrariété légère ou une épreuve sérieuse vient à vous troubler, répondez-lui avec l’humour de l’ancienne abbesse : « quid hoc ad aeternitatem ? »
1ère lecture : « Tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva » (Ac 1, 1-11)
Lecture du livre des Actes des Apôtres
Cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir, par l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis. C’est à eux qu’il s’est présenté vivant après sa Passion ; il leur en a donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu et leur a parlé du royaume de Dieu. Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. Il déclara : « Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche : alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. » Ainsi réunis, les Apôtres l’interrogeaient : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »
Psaume : 46 (47), 2-3, 6-7,8-9
R/ Dieu s’élève parmi les ovations, le Seigneur, aux éclats du cor. ou : Alléluia ! (46, 6)
Tous les peuples, battez des mains,
acclamez Dieu par vos cris de joie !
Car le Seigneur est le Très-Haut, le redoutable,
le grand roi sur toute la terre.
Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
Sonnez pour notre Dieu, sonnez,
sonnez pour notre roi, sonnez !
Car Dieu est le roi de la terre,
que vos musiques l’annoncent !
Il règne, Dieu, sur les païens,
Dieu est assis sur son trône sacré.
2ème lecture : « Parvenir à la stature du Christ dans sa plénitude » (Ep 4, 1-13)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte donc à vous conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous. À chacun d’entre nous, la grâce a été donnée selon la mesure du don fait par le Christ. C’est pourquoi l’Écriture dit : Il est monté sur la hauteur, il a capturé des captifs,il a fait des dons aux hommes. Que veut dire : Il est monté ? – Cela veut dire qu’il était d’abord descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers. Et les dons qu’il a faits, ce sont les Apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude.
Evangile : « Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu » (Mc 16, 15-20)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples, dit le Seigneur. Moi, je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde. Alléluia. (Mt 28, 19a.20b)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus ressuscité se manifesta aux onze Apôtres et leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »
Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.
Patrick BRAUD