L'homélie du dimanche (prochain)

11 février 2015

Quelle lèpre vous ronge ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 01 min

Quelle lèpre vous ronge ?

 

Homélie du 6ème Dimanche – Année B
Dimanche 15 Février 2015

cf. également : Pour en finir avec les lèpres


Si vous avez vu Ben-Hur, le film aux onze oscars, il vous suffit de fermer les yeux pour retrouver la scène : la mère et la sœur de Ben-Hur, défigurées parmi la caverne aux lépreux.

Dans cette anfractuosité où grouille la vermine, soudain, Jésus descend. Sans rien dire, lentement, il touche chacune des deux femmes, et disparaît. On saura plus tard que ce toucher aura suffit à rendre leur peau saine et guérie…

Quelle lèpre vous ronge ? dans Communauté spirituelle


Ou bien, même si vous ne connaissez pas la vie de St François d’Assise, vous pouvez imaginer facilement cette autre scène, le « baiser au lépreux » :

« François rapportait dans son testament : ‘Quand je vivais dans le péché, la vue des lépreux me paraissait insupportable ; mais Dieu m’a conduit parmi eux.’
Il racontait que l’aspect de ces malheureux lui était jadis tellement à charge, qu’au temps de sa vanité, il se bouchait le nez quand il apercevait leur refuge à deux milles de distance.
Il vivait encore dans le monde lorsqu’un jour (…) il lui arriva de rencontrer un lépreux. Surmontant son dégoût, il s’approcha de lui et lui donna un baiser. Il se prit dès lors à se mépriser de plus en plus (c’est-à-dire : à ne plus faire cas de son apparence), jusqu’à ce qu’il fût arrivé, par la miséricorde du Rédempteur, à une parfaite maîtrise de soi.

Ensuite, il descendit parmi les lépreux. Il demeurait avec eux, les servant en tout avec le plus grand zèle pour l’amour de Dieu, lavant leurs plaies, épongeant le pus de leurs ulcères » (Thomas de Celano, vie de Saint François d’Assise, ch. VII).

lepreux François dans Communauté spirituellePour ma part, en Afrique, j’ai fait une expérience de ce type. Pendant un an – comment dire ? -  par hasard, par chance, par un insigne honneur, par un clin d’œil de Dieu, je ne sais, nous avions comme voisin Ibrahim. Ibrahim était un vieil homme, ou du moins il paraissait si vieux à cause de la maladie. La lèpre lui avait dévoré les yeux et il était aveugle. La lèpre lui avait rongé les mains et les pieds. On ne savait au début si le plus horrible était ses plaies, ses moignons, sa peau qui partait en lambeaux, ou ses gestes pitoyables pour parvenir à manger un bol de riz, ou se laver avec le fond d’un seau. Il allait mendier à la mosquée chaque jour, conduit par un gamin qui le guidait au bout d’un bâton. Le soir, nous allions porter du riz à notre voisin, et là tout changeait : en recevant notre don, son visage s’illuminait - comment cela pouvait-il se faire sans yeux ? je ne sais pas – mais son visage était transfiguré alors qu’il faisait descendre sur nous les multiples bénédictions dont il abreuvait chacune de nos visites. Chaque fois, nous nous retirions confus d’avoir sous-estimé la dignité de ce vieillard, émus d’avoir été accueillis ainsi, et tout heureux d’avoir été jugés dignes de vivre un peu à ses côtés…

Nous avons oublié ce qu’est la lèpre en Occident. Et c’est tant mieux. Car c’est véritablement une maladie laide, honteuse, dégradante. Corporellement, tout s’en va : la peau se détache, les plaies s’infectent, les extrémités meurent. La vue et l’odeur des lépreux sont devenues dans l’Antiquité un symbole de terreur, et bientôt de punition divine. C’est pourtant de cette lèpre-là que Jésus n’a pas eu peur d’approcher. Il la prend sur lui, par simple contact. À tel point que l’exclusion sociale qui pesait sur les lépreux, obligés de se tenir à l’écart, en-dehors de la ville, va retomber sur Jésus : « il ne lui était plus possible d’entrer ouvertement dans une ville » dit l’évangile (Mc 1, 44). « Il était obligé d’éviter les lieux habités, comme les lépreux ». Et il sera crucifié en-dehors de la ville, au Golgotha. Nous voilà avertis : à force de fréquenter les lépreux d’aujourd’hui, ne soyons pas étonnés de partager également l’opprobre publique qui pèse sur eux…

 JésusSi vous voulez retrouver la frayeur qu’inspirait la lèpre – et encore aujourd’hui, hélas – souvenez-vous de la peur qui accompagnait les premiers signes de la maladie du Sida. Même encore maintenant, la phase terminale du sida est souvent terrible : le corps est vulnérable à toute infection, les complications se développent à l’extrême, et la déchéance physique peut être insupportable, spectaculaire, éprouvante au plus haut point pour l’entourage aussi. Et dire qu’il y a encore des fondamentalistes pour croire que c’est un châtiment de Dieu ! Ils devraient relire notre évangile où Jésus purifie l’homme de ce qui le défigure ; ou relire le baiser au lépreux de François d’Assise, et aller embrasser eux aussi les sidéens de nos hôpitaux et de nos familles !

Outre le combat contre la maladie, contre l’exclusion sociale et religieuse liée à la maladie, Jésus  mène en même temps le combat contre ce qui rend l’homme impur.

L’image de la lèpre ou du sida s’applique alors à tout ce qui en moi me défigure : quels sont les aspects de ma personnalité qui partent en lambeaux comme la peau d’un lépreux ? Quelles sont les mutilations spirituelles, affectives ou intellectuelles qui m’handicapent comme la cécité ou les moignons d’Ibrahim ? À quelle déchéance intérieure me suis-je trop habitué au point d’être plus vulnérable à de noires tentations qu’un sidéen aux infections virales ?

Faisons nôtre en cette eucharistie la supplication du lépreux : « si tu le veux, tu peux me purifier ». Visualisons la lèpre qui nous ronge intérieurement (indifférence, jalousie, amertume, soif de puissance, d’argent, idolâtrie du plaisir, alcool…) et redisons au Christ ressuscité :« Si tu le veux, tu peux me purifier ». 

 

1ère lecture : Le lépreux habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp » (Lv 13, 1-2.45-46)
Lecture du livre des Lévites
Le Seigneur parla à Moïse et à son frère Aaron, et leur dit : « Quand un homme aura sur la peau une tumeur, une inflammation ou une pustule, qui soit une tache de lèpre, on l’amènera au prêtre Aaron ou à l’un des prêtres ses fils. Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !” Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp. »

Psaume : 31 (32), 1-2, 5ab, 5c.11
R/ Tu es un refuge pour moi ; de chants de délivrance, tu m’as entouré. (31, 7acd)

 Heureux l’homme dont la faute est enlevée,
et le péché remis !
Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense,
dont l’esprit est sans fraude !

Je t’ai fait connaître ma faute,
je n’ai pas caché mes torts.
J’ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur
en confessant mes péchés. »

Toi, tu as enlevé l’offense de ma faute.
Que le Seigneur soit votre joie !
Exultez, hommes justes !
Hommes droits, chantez votre allégresse !

2ème lecture : « Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ » (1 Co 10, 31 – 11, 1)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu. Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu. Ainsi, moi-même, en toute circonstance, je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ.

Evangile : « La lèpre le quitta et il fut purifié » (Mc 1, 40-45)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. Alléluia. (Lc 7, 16)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. » Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.
Patrick BRAUD

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