Maintenant, je commence
Maintenant, je commence
Homélie du 2° Dimanche de l’Avent / Année B 07/12/2014
cf. également : Res et sacramentum
« Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint ».
Il y a bien un futur au cœur de la foi chrétienne. Un futur qui se retrouve dans nos 3 lectures.
- La voix d’Isaïe proclame une action de Dieu imminente dans le désert : « tout ravin sera comblé, toute montagne sera abaissée, les passages tortueux seront aplanis, la gloire du Seigneur se révélera, tous verront que le Seigneur a parlé ». (Is 40, 1-9).
- Cette voix dans le désert, Jean-Baptiste la fait à nouveau retentir : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint » (Mt 1,8).
- Et Pierre évoque l’avenir grandiose qui nous attend à partir de là : « le jour du Seigneur viendra comme un voleur. Les cieux disparaîtront, les éléments seront détruits, la terre sera brûlée, un ciel nouveau et une terre nouvelle viendront, où résidera la justice » (2P 3, 8-11).
Après l’impératif du 1er Dimanche de l’Avent : « veillez ! », voici ce que le 2ème Dimanche nous met devant un futur extraordinaire.
Veiller ouvre donc sur une promesse : il y a bien un futur à attendre ; il y a bien une plénitude de l’Esprit Saint qui nous « immergera » (baptizein en grec =baptiser) un jour.
La Bible devient Parole de Dieu pour nous lorsqu’elle nous ouvre à ce futur, à cette promesse à laquelle Dieu est et sera fidèle.
Cet avenir de Dieu sera sans commune mesure avec le temps présent : il s’agit bien d’une nouvelle création du monde, selon Isaïe, que la Résurrection du Christ le 8ème jour inaugure et anticipe.
Quand cela arrivera-t-il ? Nous n’en savons rien.
Jésus lui-même avoue ne pas savoir (Mc 13,32) : seul le Père peut en fixer le moment. Mais ce que nous savons, c’est que« le temps est court » (1Co 7,29) ; qu’il va vers sa plénitude (la « fin des temps »), et que cette plénitude promise est déjà à l’œuvre.
Avouons-le : nous avons du mal à laisser ce futur de Dieu nous rejoindre. Nous extrapolons toujours ce qui se passe actuellement pour imaginer ce qui se passera après. Or Dieu est capable de faire du neuf, du radicalement neuf, dès maintenant !
Prenons quelques exemples :
Dans l’évangile de Jean, la crise est ce moment « critique » où il devient manifeste que certains comportements / attitudes conduisent à la mort (‘no future’) alors que d’autres ouvrent à l’avenir. La croix est la crise suprême : pour les uns elle est la fin, pour les autres elle déchire le ciel et marque l’avenir ouvert.
Ainsi de nos crises humaines : elles marquent la fin d’un monde, mais pas encore la fin du monde ! C’est donc qu’un nouveau monde peut émerger de l’ancien qui s’efface : de nouvelles relations internationales, une régulation mondiale de l’économie, une vigilance accrue sur les dérives de la financiarisation, un souci commun du long terme etc…
L’Apocalypse n’est pas ce qu’on veut nous faire croire : pour saint Jean, ce n’est pas la catastrophe finale, c’est le dévoilement de la réalisation de la promesse de Dieu, la révélation et l’accomplissement du futur attendu !
Dans les soubresauts actuels de l’économie se révèle la vérité du système ancien. Le dévoilement de la cupidité, de la courte vue et des contradictions des marchés financiers peut contribuer à faire émerger un monde nouveau qui aura pris conscience de ses dérives et aura rebâti une économie profondément renouvelée.
Keynes, le grand économiste qui est la référence des actions publiques en ce moment, a construit sa théorie après la 1ère crise de la guerre de 14-18, n’a pas été écouté ni après cette guerre, ni après la crise de 1929. Il aura fallu attendre la 2ème guerre pour voir ses idées être appliquées après 1945, et inspirer les réactions des États à la crise de 2008.
Chaque épreuve peut devenir un seuil.
De la crise peut émerger un monde nouveau ; de tout mal peut émerger un bien plus grand encore.
D’autres exemples pourraient être pris dans l’histoire personnelle de chacun :
- La jambe cassée d’Ignace de Loyola lui a ouvert le chemin de la conversion.
- L’enfance dorée de Charles de Foucauld a déposé en lui la soif d’une vie plus intense, réalisée plus tard dans le dénuement du désert de l’Assekrem.
- L’enfance maltraitée de Tim Guénard aurait pu le conduire à la haine ; mais il parcourt la France pour témoigner que l’amour du Christ l’a guéri de son passé et que l’avenir est toujours possible.
- Nous connaissons bien des personnes qui ne se laissent pas enfermer dans leur passé, qu’il soit douillet ou douloureux, mais se hâtent avec bonheur vers l’avenir qui leur vient de leur confiance en Dieu. Ils sont comme ces pèlerins qui ne se découragent jamais de marcher vers Saint Jacques de Compostelle ou le Mont St Michel, même lorsque les Pyrénées semblent trop hautes, même lorsque la marée semble trop rapide.
Un moine, le bienheureux Guérric d’Igny (1070-1157), écrivait :
« le voyageur sage et empressé, lorsqu’il sera arrivé au terme, ne fera que commencer, de sorte que, oubliant ce qui est en arrière, il se dira chaque jour : ‘maintenant, je commence’ ».
Répétez-vous chaque matin, chaque jour – de plénitude ou de crise – : « maintenant, je commence ».
D’ailleurs, c’est le début de notre évangile de ce Dimanche: « Commencement de la Bonne Nouvelle… » Cette bonne nouvelle ne fait que commencer dans mon histoire.
Et elle ira « de commencements en commencements, par d’éternels commencements qui n’auront jamais de fin » (Grégoire de Nysse).
Oui, il y a un futur.
Oui il y a une plénitude à venir.
« Maintenant, je commence ».
1ère lecture : « Préparez le chemin du Seigneur » (Is 40, 1-5.9-11)
Lecture du livre d’Isaïe
« Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem et proclamez que son service est accompli, que son crime est pardonné, et qu’elle a reçu de la main du Seigneur double punition pour toutes ses fautes. »
Une voix proclame : « Préparez à travers le désert le chemin du Seigneur. Tracez dans les terres arides une route aplanie pour notre Dieu. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droits, et les escarpements seront changés en plaine. Alors la gloire du Seigneur se révélera et tous en même temps verront que la bouche du Seigneur a parlé. »
Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda :« Voici votre Dieu. » Voici le Seigneur Dieu : il vient avec puissance et son bras est victorieux. Le fruit de sa victoire l’accompagne et ses trophées le précèdent. Comme un berger, il conduit son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, et il prend soin des brebis qui allaitent leurs petits.
Psaume : 84, 9ab.10, 11-12, 13-14
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut.
J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.
Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.
Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.
2ème lecture : « Nous attendons les cieux nouveaux et la terre nouvelle » (2P 3, 8-14)
Lecture de la deuxième lettre de saint Pierre Apôtre
Frères bien-aimés, il y a une chose que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur n’est pas en retard pour tenir sa promesse, comme le pensent certaines personnes ; c’est pour vous qu’il patiente : car il n’accepte pas d’en laisser quelques-uns se perdre ; mais il veut que tous aient le temps de se convertir. Pourtant, le jour du Seigneur viendra comme un voleur. Alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments en feu seront détruits, la terre, avec tout ce qu’on y a fait, sera brûlée. Ainsi, puisque tout cela est en voie de destruction, vous voyez quels hommes vous devez être, quelle sainteté de vie, quel respect de Dieu vous devez avoir, vous qui attendez avec tant d’impatience la venue du jour de Dieu (ce jour où les cieux embrasés seront détruits, où les éléments en feu se désagrégeront). Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. Dans l’attente de ce jour, frères bien-aimés, , faites donc tout pour que le Christ vous trouve nets et irréprochables, dans la paix.
Evangile : Jean Baptiste annonce la venue du Seigneur (Mc 1, 1-8)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez la route : tout homme verra le salut de Dieu. Alléluia. (Cf. Lc 3, 4.6)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, le Fils de Dieu.
Il était écrit dans le livre du prophète Isaïe : Voici que j’envoie mon messager devant toi, pour préparer la route. À travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Et Jean le Baptiste parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tout Jérusalem, venait à lui. Tous se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en reconnaissant leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Patrick BRAUD