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23 octobre 2014

Le cognac de la foi

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le cognac de la foi

Homélie du 30° dimanche du temps ordinaire
26/10/14

La légende du chevalier de la Croix Maron

On raconte qu’un jour, au XVII° siècle, près de Segonzac en Charente, le chevalier de la Croix Maron fit un rêve étrange. Il se voyait Le cognac de la foi dans Communauté spirituelle alambic_eclatemourir, puis emporté en enfer pour y expier ses fautes en brûlant dans un grand feu. Mais comme cela ne suffisait pas – vue l’énormité de ses fautes ! – le diable le tirait hors du chaudron et le faisait entrer une deuxième fois dans la fournaise. Se réveillant en sueur, il se dit : mais voilà ce qu’il faut que je fasse avec mon vin ! Le distiller deux fois et non une seule… !

La double distillation était née, qui allait permettre aux vignes de la région de Cognac de produire le nectar mondialement connu. Car il faut d’abord distiller une première fois le moût de raisin pour obtenir une première eau-de-vie titrant 70° à 80°, imbuvable. De cette distillation on élimine la tête et la queue (le début et la fin), pour ne garder que le cœur. Et c’est ce cœur que l’on distille une deuxième fois pour obtenir la véritable eau-de-vie, qui deviendra du cognac en se mariant avec les tanins du bois de chêne des fûts de la forêt du Tronçay.

La double distillation, c’est donc l’art de garder l’essentiel, le cœur du cœur du fruit de la vigne, d’en extraire la quintessence en quelque sorte.

 

L’essentiel de la foi

C’est exactement ce que fait Jésus avec les commandements de la loi juive !

Il y en a 613, que normalement tout juif pratiquant doit respecter à la lettre, de la nuit à la nuit. Il couvre tous les domaines de la vie quotidienne, depuis la  bénédiction en allant aux toilettes jusqu’à la manière de faire la cuisine, en passant par les pratiques financières ou la vie intime du couple. À tel point que l’on peut légitimement se sentir un peu perdu devant un tel foisonnement d’exigences.

Pourquoi 613 d’ailleurs ? C’est la somme de 248 et de 365. Or 248 était le nombre de membres du corps humain connus à l’époque, et 365 le nombre de jours de l’année évidemment. Ce sont donc des commandements qui concernent la totalité de l’être humain, tous les jours de sa vie.

Dans ces 613, quels sont les plus importants ? Lesquels faut-il absolument respecter en priorité ?
La question adressée à Jésus est légitime. Sa réponse vaut tout autant pour son contenu que par sa méthode.
       Le contenu : l’amour au centre de tout.
       La méthode : simplifier, simplifier et simplifier encore.

 

Le choc de la simplification

Arrêtons-nous sur la méthode de la réponse du Christ, parce que c’est peut-être ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui. Au lieu de perdre ses auditeurs dans le maquis des prescriptions et des interdits juridiques, Jésus va à l’essentiel. Tel le viticulteur charentais devant son alambic, il distille par deux fois la foi juive, et de ce travail de simplification coule le vrai nectar de la foi chrétienne : l’amour de Dieu, de l’autre, de soi, liés à la manière d’un nœud borroméen en trois exigences équivalentes.

Dans son discours, la seule chose alambiquée est son art d’aller à l’essentiel !

Or l’essentiel n’est pas de savoir bien mettre son tallit ou ses tephillim, ce n’est pas de savoir distinguer le cacher du non casher, ce n’est pas de connaître les règles du shabbat ou de Pessah, non le cognac de la foi c’est ce triple amour qui n’en fait qu’un.

 

La simplification dans l’histoire

Cette capacité à simplifier la foi chrétienne pour la rendre accessible à tous fait partie de l’ADN de l’Église.

- Les apôtres annonçaient essentiellement la résurrection de Jésus crucifié (c’est le kérygme). Le reste (baptême, éthique, vie ecclésiale…) ne venait qu’après, dans la foulée, comme des conséquences logiques.

- Pendant les trois premiers siècles, les martyrs chrétiens concentraient leur témoignage sur l’espérance d’une résurrection avec le Christ, et sur l’amour des ennemis, ceux-là mêmes qui les suppliciaient avec les bêtes, les glaives et le feu dans les arènes romaines.

- Après l’édit de Constantin (313), l’Église s’est focalisée sur la gestion de la cité et de l’empire. Les Pères de l’Église insistaient sur la défense des plus faibles (ce qu’on a appelé plus tard l’option préférentielle pour les pauvres) parce que c’était l’urgence du moment.

Ensuite, les réformateurs sont à chaque fois revenus au cœur de la foi, tel que leur époque le réclamait.

- François d’Assise a remis la pauvreté, l’égalité et la simplicité évangélique au cœur de la vie fraternelle.

- Saint Dominique a rétabli la prédication comme activité première de l’Église.

- Martin Luther a retrouvé la première place de l’Écriture…

- Plus tard, Vincent de Paul a simplifié l’exubérance du catéchisme pour le recentrer sur la charité en actes.

- Plus près de nous, Jean-Paul II a distillé le plus attendu de la foi pour la fin du XX° siècle, à travers son fameux : « n’ayez pas peur ! »

- Et notre pape François a été élu homme de l’année 2013 par Times Magazine à cause de son style de management, très franciscain, qu’on souhaiterait voir chez nos responsables économiques et politiques…

 

Bref, à chaque période de l’histoire ont surgi de grandes figures qui ont su extraire de la foi chrétienne le cœur du cœur, l’essentiel attendu par leurs contemporains. Et cela s’est toujours fait à travers une simplification désarmante.

À quoi sert d’emberlificoter les non-chrétiens avec des arguties sur le chapelet, les méthodes naturelles, ‘l’obligation’ de la messe ou même le mariage, si le cœur de la foi n’est pas d’abord annoncé, en des termes clairs, vitaux, simples ?

Tout le reste est second (sinon secondaire).

Mais quel est donc le premier qui est annoncé aujourd’hui dans notre culture française ? Quelle est la substantifique moelle du christianisme qu’il nous faut proposer de toute urgence autour de nous ?

Suffirait-il de reprendre à la lettre ce que nos grands réformateurs ont formulé en leur temps ? Ne faudrait-il pas plutôt refaire le travail de simplification qu’eux-mêmes ont accompli dans leur culture pour résumer l’Évangile en quelques mots simples et bouleversants ?

Quels pourraient être ces mots aujourd’hui ?

J’aurais personnellement tendance à penser qu’ils tourneraient autour du respect de toute personne humaine, du début à la fin de sa vie. Et autour d’une invincible espérance en l’amour plus fort que la mort.

Mais chacun doit faire ce travail de simplification – qui est en même temps un travail d’unification – pour lui-même d’abord, pour ses proches ensuite.

 cognac dans Communauté spirituelle

Les gouvernements successifs nous promettent tous un choc de simplification administrative, économique… Mais les lois ne cessent de s’ajouter aux lois, les articles du code du travail s’empilent jusqu’à se contredire, les réglementations prolifèrent comme un cancer incontrôlable.

Retrouvons l’art de distiller le cœur de la foi chrétienne en quelques paroles simples.

Distillons – deux fois si nécessaire – cet essentiel de la foi pour qu’il soit facile et clair d’y entrer.

Après tout, croire n’est pas compliqué ! Au contraire c’est ce qui simplifie la vie, au sens premier du terme.

 distillation 

Et vous donc, quel sera donc votre cognac de la foi ?

 

1ère lecture : Dieu exige qu’on aime les pauvres (Ex 22, 20-26)

Lecture du livre de l’Exode
Quand Moïse transmettait au peuple les lois du Seigneur, il disait : « Tu ne maltraiteras point l’immigré qui réside chez toi, tu ne l’opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des immigrés en Égypte. Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin. Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. Ma colère s’enflammera et je vous ferai périr par l’épée : vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins.
Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d’intérêts. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C’est tout ce qu’il a pour se couvrir ; c’est le manteau dont il s’enveloppe, la seule couverture qu’il ait pour dormir. S’il crie vers moi, je l’écouterai, car moi, je suis compatissant ! »

Psaume : 17, 2-3, 4.20, 47.51ab

R/ Je t’aime, Seigneur, Dieu qui me rends fort !

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire ! 

Louange à Dieu ! Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
Et lui m’a dégagé, mis au large,
il m’a libéré, car il m’aime.

Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !
Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire,
Il donne à son roi de grandes victoires,
il se montre fidèle à son messie pour toujours.

2ème lecture : L’annonce de l’Évangile et la conversion (1Th 1, 5-10)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 

Frères,
vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous pour votre bien. Et vous, vous avez commencé à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves avec la joie de l’Esprit Saint. Ainsi vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de toute la Grèce. Et ce n’est pas seulement en Macédoine et dans toute la Grèce qu’à partir de chez vous la parole du Seigneur a retenti, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s’est si bien répandue partout que nous n’avons plus rien à en dire. En effet, quand les gens parlent de nous, ils racontent l’accueil que vous nous avez fait ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient.

Evangile : Amour de Dieu et amour du prochain (Mt 22, 34-40)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu est amour. Celui qui aime est né de Dieu : il connait Dieu. Alléluia. (1 Jn, 8.7)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 

Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’il y a dans l’Écriture — dans la Loi et les Prophètes — dépend de ces deux commandements. »
Patrick BRAUD

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