L'homélie du dimanche (prochain)

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16 octobre 2014

Refusez la pression fiscale !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 02 min

Refusez la pression fiscale !

Homélie du 29° dimanche du temps ordinaire
19/10/2014

Une histoire d’impôt

Nous croyons être les seuls ou les premiers à souffrir des prélèvements fiscaux imposés par un État endetté au-delà du raisonnable. L’évangile de ce dimanche (Mt 22,15-21) nous invite à relativiser : il y a 2000 ans – déjà ! – César faisait lourdement peser sur ses provinces conquises au loin le poids de sa domination militaire. Pour financer les combats de ses légions aux frontières de l’empire, pour payer les fonctionnaires de l’administration romaine, et tout simplement pour enrichir Rome qui finira par sombrer devant les Barbares à cause de tant de luxe et d’opulence récoltée sur le dos des vaincus.

Hier comme aujourd’hui, l’impôt payé à Rome n’était pas très populaire ! Doublement même à l’époque de Jésus, car il était le symbole de l’occupation militaire d’Israël.

« Est-il permis oui ou non de payer l’impôt à l’empereur ? » est donc une question piège. S’il répond non, Jésus se rallie les faveurs du peuple, mais passe pour un dangereux rebelle politique aux yeux des Romains. S’il dit oui, il échappe à la force romaine, mais passe pour un collaborateur aux yeux des juifs.

Sa réponse énigmatique nous met sur la voie d’une double sagesse toujours actuelle :

- refusez de vous laisser enfermer dans des pièges binaires.

- refusez de laisser l’argent vous détourner de votre chemin intérieur.

 

1. Refusez de vous laisser enfermer dans des pièges binaires

Le numérique nous a fait passer à l’ère du binaire, du moins en première approximation. En informatique, tout est 0 ou 1. Le reste n’est que combinaisons et enchaînements logiques.

Le risque est grand de plaquer cette logique binaire sur les émotions, les sentiments, les réalités sociales, économiques et politiques…

« Est-il permis, oui ou non, de… » :

- se séparer de son conjoint quand il n’y a plus rien en commun ?
- interrompre la vie dans le ventre d’une mère ?
- mettre fin à une vie végétative ou indigne ?
- taxer les plus riches pour entretenir les plus pauvres ?
- exploiter le gaz de schiste pour sortir du chômage massif ?
- bombarder les djihadistes après avoir déstabilisé tout le Moyen-Orient ?…
Et vous pouvez vous-même allonger la liste.

Beaucoup voudraient des réponses claires, rapides, univoques.
Oui/non. Blanc/noir. L’axe du bien/l’axe du mal.

Pourtant, même les vieux westerns savaient introduire des nuances : les bandits n’étaient pas toujours ceux qu’on aurait pu croire, les Indiens n’étaient pas tous si sauvages !

Jésus va plus loin. Il récuse la logique binaire de ses adversaires ; il ne se lance pas non plus dans de subtiles arguties à l’infini pour noyer le poisson. Il répond à cette question par une autre question, et par une énigme. Autrement dit, il retourne à  l’envoyeur le constat à faire, et l’oblige ensuite à réfléchir par lui-même. Car les pharisiens et les hérodiens attendaient une solution simple qui les déchargerait de leur responsabilité. « Puisque tu es un maître, parle et nous t’obéirons » semblent-ils dire avec hypocrisie.

Comme si le rôle d’un maître spirituel était de décider pour ses disciples !

Jésus les renvoie à leur responsabilité, à leur liberté, à la capacité à discerner par  eux-mêmes ce qui est juste. « Vous voyez l’effigie de César sur la pièce de monnaie. Vous avez en vous l’image de Dieu dont vous êtes l’effigie vivante. Alors réfléchissez et faites vous-mêmes la part des choses ».

Dans le même état d’esprit, ailleurs, Jésus dira : « qui m’a établi juge pour juger de vos affaires ? » (Lc 12,14)

L’énigme de sa réponse sur la pièce de monnaie lui permet de ne pas se laisser enfermer dans une fausse alternative oui/non. Les intégrismes – dont le djihad aujourd’hui nous montre hélas une résurgence – veulent répondre à la place de leurs fidèles, et par des réponses ultra-simplistes : oui/non. C’est paradoxalement ce qui fait leur force : dans un monde complexe où les questions sont complexes, dans une culture qui prône l’individualisme mais laisse l’individu seul pour décider, la tentation existe de s’en remettre à quelqu’un d’autre pour savoir quoi faire. Et les jeunes acquiescent facilement à cette forme de radicalisme : une cause simple pour laquelle se sacrifier, quelqu’un qui a des solutions simples sur les questions actuelles, une exigence forte et claire. Autrefois, ces générations étaient séduites par le marxisme, Che Guevara ou Mao. Puis ce fut le mouvement hippie qui cherchait à revenir à l’essentiel. Puis la génération de l’humanitaire et les remèdes simples aux problèmes compliqués du sous-développement…

Maintenant, ceux que l’Occident insupportent (et il y a de quoi parfois) découvrent le discours djihadiste qui leur propose une vision du monde en blanc et noir, en oui/non, et il est logique hélas qu’ils soient tentés.

Refuser les logiques binaires est donc un vrai enseignement de sagesse de Jésus, pertinent à toute époque.

 

2. Refusez de laisser l’argent vous détourner de votre chemin intérieur

C’est le deuxième piège de la question du jour. Car c’est bien d’argent qu’il s’agit. Doit-il faire de nous des alliés de César, ou des résistants (qui rétabliront le shekel en 1948 comme monnaie nationale lors du retour en Israël !) ?

La pression fiscale est telle qu’on ne peut y échapper (même ceux qui souffrent de ‘phobie administrative’ finissent par être rattrapés par le fisc !).

Refusez la pression fiscale ! dans Communauté spirituelle StatereJésus lui-même s’est astucieusement débrouillé pour que cette question de l’impôt ne le détourne pas de sa mission essentielle. On connaît peu ce passage étrange de l’évangile de Matthieu où l’on raconte que Jésus a littéralement sorti de l’eau son prélèvement fiscal :

Comme ils étaient venus à Capharnaüm, les collecteurs du didrachme s’approchèrent de Pierre et lui dirent: « Est-ce que votre maître ne paie pas le didrachme »  « Mais si », dit-il. Quand il fut arrivé à la maison, Jésus devança ses paroles en lui disant: « Qu’en penses-tu, Simon? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils taxes ou impôts? De leurs fils ou des étrangers? »  Et comme il répondait: « Des étrangers », Jésus lui dit: « Par conséquent, les fils sont exempts.  Cependant, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, saisis le premier poisson qui montera, et ouvre-lui la bouche: tu y trouveras un statère; prends-le et donne-le leur, pour moi et pour toi. » (Mt 17, 24-27)

Peut-être est-ce une allusion à la contribution que les chrétiens, symbolisés par le fameux symbole du poisson (ictus) ont apporté aux finances de Jésus et de ses disciples ? Quoi qu’il en soit, là encore Jésus s’en tire avec élégance : il honore l’obligation de l’impôt sans se laisser détourner de sa route pour autant.

Et c’est bien cela notre enjeu à nouveau aujourd’hui : refuser que l’impôt nous écrase injustement tout en honorant ce qu’il représente d’obligation solidaire. Assumer le rôle de l’argent à travers ce partage forcé, sans pour autant que l’argent devienne une obsession, un petit dieu qui nous détourne de notre chemin intérieur.

On croyait autrefois qu’une saignée était le meilleur remède aux maladies mystérieuses. Nous pouvons redécouvrir que les prélèvements sur nos richesses constituent effectivement un rappel salutaire pour ne pas absolutiser l’accumulation matérielle. Et en même temps, la liberté du Christ face à César nous invite à résister à ce qu’une politique fiscale peut avoir d’injuste et de dangereux.

 

« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Cette réponse énigmatique de Jésus nous libère des fausses logiques binaires, et de la déification de l’argent ou du politique.

À nous de discerner comment la laisser faire son chemin en nous…

 

1ère lecture : Les empires sont dans la main de Dieu (Is 45, 1.4-6a)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Seigneur au roi Cyrus, qu’il a consacré, qu’il a pris par la main, pour lui soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée : « À cause de mon serviteur Jacob et d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai décerné un titre, alors que tu ne me connaissais pas. Je suis le Seigneur, il n’y en a pas d’autre : en dehors de moi, il n’y a pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. »

Psaume : 95, 1a.3, 4.5b, 7-8a, 9a.10ac

R/ Au Seigneur notre Dieu, tout honneur et toute gloire

Chantez au Seigneur un chant nouveau, 
racontez à tous les peuples sa gloire, 
à toutes les nations ses merveilles !

Il est grand, le Seigneur, hautement loué,
redoutable au-dessus de tous les dieux :
lui, le Seigneur, a fait les cieux. 

Rendez au Seigneur, familles des peuples,
rendez au Seigneur la gloire et la puissance,
rendez au Seigneur la gloire de son nom.

Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté :
Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! »
Il gouverne les peuples avec droiture.

2ème lecture : La foi, l’espérance et la charité de la communauté (1Th 1, 1-5b)

Commencement de la lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Nous, Paul, Silvain et Timothée, nous nous adressons à vous, l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et en Jésus Christ le Seigneur. Que la grâce et la paix soient avec vous.
À tout instant, nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous, en faisant mention de vous dans nos prières. Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile chez vous n’a pas été simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, certitude absolue.

Evangile : À César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Mt 22, 15-21)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Rendez au Seigneur, vous les dieux, rendez au Seigneur gloire et puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. Alléluia. (cf. Ps 28, 1-2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens. Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? »
Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. »
Ils lui présentèrent une pièce d’argent. Il leur dit : « Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? – De l’empereur César », répondirent-ils.
Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Patrick BRAUD

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