L’ « effet papillon » de la foi
L’ « effet papillon » de la foi
Homélie du 27 dimanche du temps ordinaire / Année C
06/10/2013
Vous souvenez-vous de ce spot publicitaire ? On y voyait un énorme tas d’oranges dans un supermarché ; un gamin s’approche, curieux. Il tourne autour, prend une orange au bas de la pyramide, et aussitôt tout s’écroule ! noyant le gamin et les caddies autour sous des tonnes d’oranges.
Comme quoi une petite cause peut produire de grands effets !
Écoutez encore cette autre parabole des temps modernes, qu’on appelle « l’effet papillon » : les mathématiciens ont démontré que les équations régissant les prévisions météorologiques sont si subtiles et si sensibles que la moindre perturbation peut complètement inverser la météo ! Par exemple, un papillon qui bat des ailes sur la côte Est des États-Unis peut engendrer, de proche en proche, un cyclone en Californie sur la côte ouest ! Un petit rien de battement d’ailes de papillon, et tout peut changer?
Vous voyez pourquoi ces deux images rejoignent notre Évangile : le tas d’oranges et l’effet papillon. C’est parce que la parabole de Jésus s’appuie sur cette même sagesse, en la transposant dans l’ordre de la foi : une petite foi de rien du tout peut provoquer de grandes choses. « Si vous aviez la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à cet arbre : ?déracine-toi’ et il irait se planter dans la mer », c’est à dire que le mal retournerait au mal, et n’obstruerait plus votre chemin.
Les physiciens grecs clamaient avec enthousiasme : ‘donnez-moi un levier, et je soulève le monde’. Jésus dit avec plus de gravité encore : ‘donnez-moi un tout petit peu de foi, et je déracinerai le mal qui bloque votre progression’.
Il a raison bien sûr : la foi est ce levier qui permet de déraciner de nos vies les obstacles qui nous semblent si lourds et si insurmontables. Chacun peut évoquer les attitudes, les habitudes qui ont fait souche dans son existence. Cela va de la cigarette au conflit familial, en passant par la sécheresse du coeur ou du corps. On s’habitue, et avec les années on se dit : ‘je ne peux plus changer maintenant’. Alors le mal prend racine, il creuse son emprise dans des comportements répétitifs ; il se fige dans des pensées ou des actes stériles.
Pourtant, il suffit d’un peu de confiance pour que ce qu’on croyait inchangeable change vraiment. Je me souviens, entre mille exemples, d’une femme qui était devenue alcoolique, et qui désespérait d’elle-même : ‘jamais je n’arriverai à arrêter’. Pourtant il a suffi d’une confession un Vendredi Saint – que nous n’oublierons ni elle ni moi – pour que sa dépendance vis-à-vis de l’alcool vole en éclats, comme un tas d’oranges qui s’écroule ! Certes, il a fallu du temps et des soins après, mais en un clin d’oeil, l’espace d’un battement d’ailes, sa confiance dans le pardon de Dieu l’avait guérie complètement, et avait traité le mal ‘à la racine’.
La parole de Jésus sur la puissance d’un petit rien de foi vaut pour nous, et pour tous ceux que nous rencontrons. Avouons-le, on est souvent tenté de désespérer de tel ou tel : ‘il est insupportable ! il ne changera jamais ! il est mal parti dans la vie avec tout ce qu’il se trimballe comme handicaps affectifs et sociaux !’ À tel point qu’on murmure, après une réunion ou une entrevue orageuse d’où on sort exténué : ‘je ne sais plus par quel bout le prendre ; si on pouvait lui dire d’arrêter, çà m’arrangerait bien?’ Et c’est vrai que le mal prend très vitre racine : la violence verbale ou même physique ; l’absence de repères pour la vie ensemble ; sans compter les blessures profondes que les adultes leur infligent par leurs séparations, leurs conflits, leurs absences? Pourtant, si nous croyons qu’il y a dans l’Église une puissance de guérison, nous verrons des personnes dont la foi soulève les montagnes et déracine les difficultés les plus grandes.
Je me souviens d’un petit bonhomme lors d’une messe en famille : on avait invité les enfants à rejoindre leurs parents pour prier le Notre Père en se donnant la main ; il est venu vers moi en disant : ?mes parents ne sont pas là, et puis mon papa ce n’est pas mon vrai papa. Est-ce que je peux rester près de toi ?’ Après la prière, au moment du geste de paix, il me glisse à l’oreille : ‘c’est pas grave, même si mon deuxième papa il ne m’aime pas, Dieu, lui, il m’aimera toujours’.
L’image du père est si brouillée pour beaucoup d’enfants et de jeunes aujourd’hui qu’on pourrait se dire : leur situation familiale est un arbre tellement enraciné que jamais la révélation d’un Dieu-Père ne pourra les toucher. Mais il suffit d’un petit bonhomme qui fait confiance pour que vous aussi vous vous remettiez à faire confiance dans la puissance de la foi? Heureux sommes-nous lorsque nous nous laissons ainsi évangéliser par la foi des autres : même toute petite, elle fait de grandes choses?
La jeune fille de Lourdes qui a entendu des paroles étranges venues d’une dame très belle était bien isolée, bien fragile, seule devant les institutions à convaincre. Aujourd’hui, des centaines de milliers de pèlerins viennent chaque année reprendre espoir et guérir, physiquement et moralement, à Lourdes.
Prenez Rocamadour : l’ermite qui a y vécu vers le 8° siècle a eu une vie solitaire et apparemment stérile. Un homme seul pour prier Dieu au coeur des falaises désolées, c’est dérisoire ! Mais des siècles après, ce sont des milliers de pèlerins qui viennent sur ces rochers.
La parabole de Jésus parle de chacune de nos vies. Que d’obstacles ne rencontrons-nous pas, surtout dans la période de mutation actuelle ! Et s’il suffisait d’un peu de confiance pour que même les pires obstacles rencontrés aillent eux aussi se déraciner et se planter dans la mer ? La difficulté peut devenir source de progrès : la souche plantée au milieu de la route est un appel à un sursaut dans la foi, avec courage et imagination.
Si cela nous faisait peur, il suffirait de nous tourner vers Marie : la première en chemin, elle nous ouvre le pèlerinage de la foi.
Si la faiblesse de nos moyens humains nous inquiète, contemplons Marie à l’Annonciation : il a suffi d’un petit oui pour que le grand arbre de l’éloignement entre Dieu et l’homme soit déraciné : et le Verbe s’est fait chair…
Si la difficulté de croire nous angoisse, contemplons Marie au pied de le Croix : dans la ‘nuit de la foi’, elle continue à faire confiance, même au milieu des larmes.
Bienheureuse celle qui a cru qu’un petit oui pourrait déraciner le mal !
Bienheureux serons-nous si chacun croit à l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur : « si vous aviez la foi gros comme une graine de moutarde… »
Nous sommes maintenant invités, après la profession de foi baptismale, à apporter ce petit rien du tout qu’est une hostie, quelques grammes de pain non levé. En donnant cette hostie, si petite, puissions-nous nous offrir nous-mêmes, et notre désir de grandir dans la foi.
1ère lecture : « Le juste vivra par sa fidélité » (Ha 1, 2-3; 2, 2-4)
Lecture du livre d’Habacuc
« Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas ! Pourquoi m’obliges-tu à voir l’abomination et restes-tu à regarder notre misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent. Je guetterai ce que dira le Seigneur. » Alors le Seigneur me répondit : « Tu vas mettre par écrit la vision, bien clairement sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment. Cette vision se réalisera, mais seulement au temps fixé ; elle tend vers son accomplissement, elle ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, à son heure. Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité. »
Psaume : Ps 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9
R/ Aujourd’hui, ne fermons pas notre c?ur, mais écoutons la voix du Seigneur !
Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !
Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.
Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre c?ur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »
2ème lecture : Le chef de communauté doit rester fidèle dans le service de l’Évangile (2Tm 1, 6-8.13-14)
Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre à Timothée
Fils bien-aimé,
je te rappelle que tu dois réveiller en toi le don de Dieu que tu as reçu quand je t’ai imposé les mains.
Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison.
N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis en prison à cause de lui ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile.
Règle ta doctrine sur l’enseignement solide que tu as reçu de moi, dans la foi et dans l’amour que nous avons en Jésus Christ.
Tu es le dépositaire de l’Évangile ; garde-le dans toute sa pureté, grâce à l’Esprit Saint qui habite en nous.
Evangile : La puissance de la foi ? L’humilité dans le service(Lc 17, 5-10)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu nous a fait renaître d’une semence impérisable : sa parole vivante qui demeure pour toujours.Alléluia. (cf. 1 P 1, 23)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous obéirait.
Lequel d’entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : ‘Viens vite à table’ ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : ‘Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour.’ Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : ‘Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir.’ »
Patrick Braud