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27 juillet 2013

La force de l’intercession

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

LA FORCE DE L’INTERCESSION


Homélie du 17° dimanche du temps ordinaire
Année C     28/07/2013

 

La négociation (le marchandage !) d’Abraham en faveur de Sodome rejoint la prise de tête que l’ami de la parabole de Jésus inflige à son ami pour nourrir un autre ami. Avec en toile de fond une conviction qui parcourt toute la Bible : l’intercession d’un seul a plus de puissance que le mal commis par beaucoup. Ou encore, comme l’écrit saint Jacques : « la supplication fervente du juste a beaucoup de puissance » (Jc 5,6).

Ce qui entraîne des conséquences très concrètes :

- chacun de nous peut intercéder en faveur de beaucoup, car chacun est le juste d’un autre.

- nous pouvons également nous confier à l’intercession des autres, car chacun peut devenir l’ami d’un juste.

 

Intercéder pour beaucoup

Sur le plan strictement matériel, c’est un travail de lobbying que les députés, maires et autres élus locaux connaissent bien ! Intercéder pour une famille en difficulté qui cherche un logement social de toute urgence ; intervenir pour qu’une subvention, un dossier, voire un emploi soient décrochés rapidement en cas de réelle nécessité etc.

Ne passons pas trop vite sur ce premier type d’intercession qui est vitale. C’est bien du pain que l’ami de la parabole demande et pas une pieuse pensée. C’est bien la vie sauve que négocie Abraham pour Sodome et pas une vague prière.

Comme l’écrit encore saint Jacques : « Si un frère ou une soeur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise: « Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous », sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? » (Jc 2,15-16).

Et que personne ne se soustraie à ce devoir d’intercession en s’excusant : « je n’ai aucun pouvoir, et donc je ne peux intervenir en ta faveur ». Parcourez vos dizaines d’adresses de vos contacts Gmail, ou vos « amis » Facebook, vos followers Twitter etc. Si vous ne mobilisez jamais vos réseaux en faveur de gens en difficulté, alors vous gardez pour vous seul un trésor égoïstement. Les enquêtes sur les demandeurs d’emploi montrent que les réseaux sont plus efficaces que Pôle Emploi ! Et souvent ce n’est pas le premier cercle des amis qui permet le contact décisif, mais le deuxième ou troisième cercle, c’est-à-dire les amis de mes amis : c’est donc il faut bénéficier de ricochets d’influences pour décrocher un emploi. Une intercession à la puissance N en quelque sorte.

Avant d’intercéder auprès de Dieu en faveur de quelqu’un - ou plutôt en même temps - il est impératif de faire jouer ses réseaux, sinon l’intercession ne serait qu’une pieuse hypocrisie.

Bien sûr, l’intercession revêt également un caractère spirituel. Tout en cherchant à aider concrètement quelqu’un, on le confie dans la prière à Celui qui peut tout transformer en source de progrès, selon le mot de saint Paul : « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8,28).

Abraham n’approuve rien de la conduite de Sodome, mais il se bat bec et ongles pour sauver cette ville, en s’appuyant sur les justes qui y vivent. Nous aussi, nous pouvons – nous devons ? « casser la tête » à Dieu, « sans-gêne », pour obtenir de lui de quoi nourrir nos amis dans le besoin.

Et lorsque nous ne pouvons plus rien, ni argent ni influence, il nous reste toujours la prière. « Seigneur, je te confie untel… Tu sais mieux que moi de quoi il a besoin et comment il peut l’obtenir. Guide-le, accompagne-le, mets sur sa route les personnes qu’il faut… » Nous intercédons tout en sachant qu’au bout du compte, la prière pour autrui nous invite à un radical lâcher-prise par rapport à nos demandes immédiates : « que ta volonté soit faite ».

Chacun de nous est donc un intercesseur en puissance. Sans tomber dans la fraternité sélective façon maçonnique, il existe un devoir d’intercession qui nous oblige.

Auprès de Dieu comme auprès de nos relations, intercéder pour ceux qui croisent notre route est une obligation morale et spirituelle.

De là les chaînes de prière qui portent des combats douloureux ; de là des initiatives de solidarité avec les chômeurs, les gens du voyage ou autres populations en souffrance etc.

Intercéder pour beaucoup appartient au basiques de l’identité chrétienne. Les moines et les moniales on en fait une de leurs spécialités dans la prière, mais c’est justement pour rappeler à tous que cela fait partie de la vocation baptismale commune.

 

Devenir l’ami d’un juste

Le verbe intercéder devrait pouvoir se conjuguer au passif.

Être intercédé signifierait : avoir trouvé un juste qui va plaider ma cause auprès des Patrick Braudautres, auprès de Dieu. Le gérant malhonnête d’une autre parabole de Jésus nous met sur la voie : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête » (Lc 16,9), car ce sont eux qui vous recevront lorsque vous serez en détresse. Le véritable investissement est bien celui-là : élargir son cercle de relations pour y inclure des justes qui sauront intercéder le temps venu. Mieux vaut ce calcul ouvert sur l’avenir que la seule recherche de semblables pour profiter du présent. Malheur à vous si vous n’avez pas dans vos amis de tels intercesseurs en puissance ! Lorsque viendront les temps difficiles, vos semblables se détourneront de vous. Lorsqu’il faudra « en pleine nuit » débarquer sans prévenir pour demander de l’aide, vers qui pouvez-vous vous tourner ?

Tous ceux qui savent pouvoir compter sur la prière d’une communauté monastique chiffreraient ce soutien au plus haut des investissements productifs. À condition d’avoir l’humilité de demander de l’aide à l’approche du mauvais temps. À condition d’avoir auparavant pris le temps et les moyens d’une véritable proximité, désintéressée celle-là. Paradoxalement, la gratuité dans l’amitié et le devoir d’intercession vont bien ensemble. Ce n’est pas pour t’utiliser lorsque j’aurai besoin de toi que je deviens ton ami ; mais si nous sommes réellement amis, il est évident que j’oserai te demander ton soutien si besoin. Sinon, c’est que je veux rester indépendant, c’est-à-dire ne dépendre de personne, et donc finalement rester seul. Car ceux qui refusent de dépendre de l’intercession des autres sont encore dans une volonté de toute-puissance très illusoire.

Or cela peut être très humiliant dans un premier temps d’être obligé de compter sur les autres pour obtenir un travail, un logement, un coup de main, ou pire encore pour survivre tout simplement. Celui-ci n’est jamais passé par ce chemin de dépendance ne sait pas ce qu’est l’humilité. Celui qui n’a jamais été faible ne connaît pas la compassion. Celui qui s’est toujours débrouillé tout seul ne peut pas dire avoir de vrais amis. Oser demander l’intercession d’un autre est un chemin d’humanité. « Frappez, la porte sera ouverte » : cette expérience est bouleversante, que la porte s’ouvre pour soi ou pour un autre.

Intercéder en actes et en prière est un devoir aussi sacré que l’hospitalité biblique (Abraham en est témoin).
Accepter de demander l’intercession d’un autre fait partie de l’humilité chrétienne.

 

Car chacun est le juste d’un autre.
Et chacun peut devenir l’ami d’un juste.

 

 

1ère lecture : Abraham intercède pour la ville condamnée (Gn 18, 20-32)

Lecture du livre de la Genèse

Les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome. Le Seigneur lui dit : « Comme elle est grande, la clameur qui monte de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Si c’est faux, je le reconnaîtrai. »
Les deux hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu’Abraham demeurait devant le Seigneur.
Il s’avança et dit : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le pécheur ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Est-ce que tu ne pardonneras pas à cause des cinquante justes qui sont dans la ville ? Quelle horreur, si tu faisais une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le pécheur, traiter le juste de la même manière que le pécheur, quelle horreur ! Celui qui juge toute la terre va-t-il rendre une sentence contraire à la justice ?»
Le Seigneur répondit: « Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. »
Abraham reprit : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre ? Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq : pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? » Il répondit : « Non, je ne la détruirai pas, si j’en trouve quarante-cinq. »
Abraham insista : « Peut-être en trouvera-t-on seulement quarante ? » Le Seigneur répondit : « Pour quarante, je ne le ferai pas. »
Abraham dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j’ose parler encore : peut-être y en aura-t-il seulement trente ? » Il répondit : « Si j’en trouve trente, je ne le ferai pas. »
Abraham dit alors : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur ? Peut-être en trouvera-t-on seulement vingt ? » Il répondit : « Pour vingt, je ne détruirai pas. »
Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère : je ne parlerai plus qu’une fois. Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? » Et le Seigneur répondit : « Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome. »

Psaume : Ps 137, 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8

R/ Tu écoutes, Seigneur, quand je crie vers toi.

De tout mon c?ur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne. 

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, 
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel, 
tu fis grandir en mon âme la force. 

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble ; 
de loin, il reconnaît l’orgueilleux. 
Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre, 
ta main s’abat sur mes ennemis en colère. 

Ta droite me rend vainqueur. 
Le Seigneur fait tout pour moi ! 
Seigneur, éternel est ton amour : 
n’arrête pas l’?uvre de tes mains.

2ème lecture : La croix du Christ, source de notre vie (Col 2, 12-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frère,
par le baptême, vous avez été mis au tombeau avec lui, avec lui vous avez été ressuscités, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui a ressuscité le Christ d’entre les morts.
Vous étiez des morts, parce que vous aviez péché et que vous n’aviez pas reçu de circoncision. Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné tous nos péchés.
Il a supprimé le billet de la dette qui nous accablait depuis que les commandements pesaient sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix du Christ.

Evangile : Enseignements de Jésus sur la prière (Lc 11, 1-13)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Animés par l’Esprit qui fait de nous des fils, nous appelons Dieu : Notre Père. Alléluia. (cf. Rm 8, 15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples. »
Il leur répondit : « Quand vous priez, dites :
‘Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous.
Et ne nous soumets pas à la tentation.’ »

Jésus leur dit encore : « Supposons que l’un de vous ait un ami et aille le trouver en pleine nuit pour lui demander : ‘Mon ami, prête-moi trois pains : un de mes amis arrive de voyage, et je n’ai rien à lui offrir.’
Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : ‘Ne viens pas me tourmenter ! Maintenant, la porte est fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner du pain’,
moi, je vous l’affirme : même s’il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.
Eh bien, moi, je vous dis : Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte.
Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre.
Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ?
ou un scorpion, quand il demande un ?uf ?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Patrick Braud 

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