L'homélie du dimanche (prochain)

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27 juillet 2013

La force de l’intercession

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

LA FORCE DE L’INTERCESSION


Homélie du 17° dimanche du temps ordinaire
Année C     28/07/2013

 

La négociation (le marchandage !) d’Abraham en faveur de Sodome rejoint la prise de tête que l’ami de la parabole de Jésus inflige à son ami pour nourrir un autre ami. Avec en toile de fond une conviction qui parcourt toute la Bible : l’intercession d’un seul a plus de puissance que le mal commis par beaucoup. Ou encore, comme l’écrit saint Jacques : « la supplication fervente du juste a beaucoup de puissance » (Jc 5,6).

Ce qui entraîne des conséquences très concrètes :

- chacun de nous peut intercéder en faveur de beaucoup, car chacun est le juste d’un autre.

- nous pouvons également nous confier à l’intercession des autres, car chacun peut devenir l’ami d’un juste.

 

Intercéder pour beaucoup

Sur le plan strictement matériel, c’est un travail de lobbying que les députés, maires et autres élus locaux connaissent bien ! Intercéder pour une famille en difficulté qui cherche un logement social de toute urgence ; intervenir pour qu’une subvention, un dossier, voire un emploi soient décrochés rapidement en cas de réelle nécessité etc.

Ne passons pas trop vite sur ce premier type d’intercession qui est vitale. C’est bien du pain que l’ami de la parabole demande et pas une pieuse pensée. C’est bien la vie sauve que négocie Abraham pour Sodome et pas une vague prière.

Comme l’écrit encore saint Jacques : « Si un frère ou une soeur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise: « Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous », sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? » (Jc 2,15-16).

Et que personne ne se soustraie à ce devoir d’intercession en s’excusant : « je n’ai aucun pouvoir, et donc je ne peux intervenir en ta faveur ». Parcourez vos dizaines d’adresses de vos contacts Gmail, ou vos « amis » Facebook, vos followers Twitter etc. Si vous ne mobilisez jamais vos réseaux en faveur de gens en difficulté, alors vous gardez pour vous seul un trésor égoïstement. Les enquêtes sur les demandeurs d’emploi montrent que les réseaux sont plus efficaces que Pôle Emploi ! Et souvent ce n’est pas le premier cercle des amis qui permet le contact décisif, mais le deuxième ou troisième cercle, c’est-à-dire les amis de mes amis : c’est donc il faut bénéficier de ricochets d’influences pour décrocher un emploi. Une intercession à la puissance N en quelque sorte.

Avant d’intercéder auprès de Dieu en faveur de quelqu’un - ou plutôt en même temps - il est impératif de faire jouer ses réseaux, sinon l’intercession ne serait qu’une pieuse hypocrisie.

Bien sûr, l’intercession revêt également un caractère spirituel. Tout en cherchant à aider concrètement quelqu’un, on le confie dans la prière à Celui qui peut tout transformer en source de progrès, selon le mot de saint Paul : « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8,28).

Abraham n’approuve rien de la conduite de Sodome, mais il se bat bec et ongles pour sauver cette ville, en s’appuyant sur les justes qui y vivent. Nous aussi, nous pouvons – nous devons ? « casser la tête » à Dieu, « sans-gêne », pour obtenir de lui de quoi nourrir nos amis dans le besoin.

Et lorsque nous ne pouvons plus rien, ni argent ni influence, il nous reste toujours la prière. « Seigneur, je te confie untel… Tu sais mieux que moi de quoi il a besoin et comment il peut l’obtenir. Guide-le, accompagne-le, mets sur sa route les personnes qu’il faut… » Nous intercédons tout en sachant qu’au bout du compte, la prière pour autrui nous invite à un radical lâcher-prise par rapport à nos demandes immédiates : « que ta volonté soit faite ».

Chacun de nous est donc un intercesseur en puissance. Sans tomber dans la fraternité sélective façon maçonnique, il existe un devoir d’intercession qui nous oblige.

Auprès de Dieu comme auprès de nos relations, intercéder pour ceux qui croisent notre route est une obligation morale et spirituelle.

De là les chaînes de prière qui portent des combats douloureux ; de là des initiatives de solidarité avec les chômeurs, les gens du voyage ou autres populations en souffrance etc.

Intercéder pour beaucoup appartient au basiques de l’identité chrétienne. Les moines et les moniales on en fait une de leurs spécialités dans la prière, mais c’est justement pour rappeler à tous que cela fait partie de la vocation baptismale commune.

 

Devenir l’ami d’un juste

Le verbe intercéder devrait pouvoir se conjuguer au passif.

Être intercédé signifierait : avoir trouvé un juste qui va plaider ma cause auprès des Patrick Braudautres, auprès de Dieu. Le gérant malhonnête d’une autre parabole de Jésus nous met sur la voie : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête » (Lc 16,9), car ce sont eux qui vous recevront lorsque vous serez en détresse. Le véritable investissement est bien celui-là : élargir son cercle de relations pour y inclure des justes qui sauront intercéder le temps venu. Mieux vaut ce calcul ouvert sur l’avenir que la seule recherche de semblables pour profiter du présent. Malheur à vous si vous n’avez pas dans vos amis de tels intercesseurs en puissance ! Lorsque viendront les temps difficiles, vos semblables se détourneront de vous. Lorsqu’il faudra « en pleine nuit » débarquer sans prévenir pour demander de l’aide, vers qui pouvez-vous vous tourner ?

Tous ceux qui savent pouvoir compter sur la prière d’une communauté monastique chiffreraient ce soutien au plus haut des investissements productifs. À condition d’avoir l’humilité de demander de l’aide à l’approche du mauvais temps. À condition d’avoir auparavant pris le temps et les moyens d’une véritable proximité, désintéressée celle-là. Paradoxalement, la gratuité dans l’amitié et le devoir d’intercession vont bien ensemble. Ce n’est pas pour t’utiliser lorsque j’aurai besoin de toi que je deviens ton ami ; mais si nous sommes réellement amis, il est évident que j’oserai te demander ton soutien si besoin. Sinon, c’est que je veux rester indépendant, c’est-à-dire ne dépendre de personne, et donc finalement rester seul. Car ceux qui refusent de dépendre de l’intercession des autres sont encore dans une volonté de toute-puissance très illusoire.

Or cela peut être très humiliant dans un premier temps d’être obligé de compter sur les autres pour obtenir un travail, un logement, un coup de main, ou pire encore pour survivre tout simplement. Celui-ci n’est jamais passé par ce chemin de dépendance ne sait pas ce qu’est l’humilité. Celui qui n’a jamais été faible ne connaît pas la compassion. Celui qui s’est toujours débrouillé tout seul ne peut pas dire avoir de vrais amis. Oser demander l’intercession d’un autre est un chemin d’humanité. « Frappez, la porte sera ouverte » : cette expérience est bouleversante, que la porte s’ouvre pour soi ou pour un autre.

Intercéder en actes et en prière est un devoir aussi sacré que l’hospitalité biblique (Abraham en est témoin).
Accepter de demander l’intercession d’un autre fait partie de l’humilité chrétienne.

 

Car chacun est le juste d’un autre.
Et chacun peut devenir l’ami d’un juste.

 

 

1ère lecture : Abraham intercède pour la ville condamnée (Gn 18, 20-32)

Lecture du livre de la Genèse

Les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome. Le Seigneur lui dit : « Comme elle est grande, la clameur qui monte de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Si c’est faux, je le reconnaîtrai. »
Les deux hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu’Abraham demeurait devant le Seigneur.
Il s’avança et dit : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le pécheur ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Est-ce que tu ne pardonneras pas à cause des cinquante justes qui sont dans la ville ? Quelle horreur, si tu faisais une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le pécheur, traiter le juste de la même manière que le pécheur, quelle horreur ! Celui qui juge toute la terre va-t-il rendre une sentence contraire à la justice ?»
Le Seigneur répondit: « Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. »
Abraham reprit : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre ? Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq : pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? » Il répondit : « Non, je ne la détruirai pas, si j’en trouve quarante-cinq. »
Abraham insista : « Peut-être en trouvera-t-on seulement quarante ? » Le Seigneur répondit : « Pour quarante, je ne le ferai pas. »
Abraham dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j’ose parler encore : peut-être y en aura-t-il seulement trente ? » Il répondit : « Si j’en trouve trente, je ne le ferai pas. »
Abraham dit alors : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur ? Peut-être en trouvera-t-on seulement vingt ? » Il répondit : « Pour vingt, je ne détruirai pas. »
Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère : je ne parlerai plus qu’une fois. Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? » Et le Seigneur répondit : « Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome. »

Psaume : Ps 137, 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8

R/ Tu écoutes, Seigneur, quand je crie vers toi.

De tout mon c?ur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne. 

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, 
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel, 
tu fis grandir en mon âme la force. 

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble ; 
de loin, il reconnaît l’orgueilleux. 
Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre, 
ta main s’abat sur mes ennemis en colère. 

Ta droite me rend vainqueur. 
Le Seigneur fait tout pour moi ! 
Seigneur, éternel est ton amour : 
n’arrête pas l’?uvre de tes mains.

2ème lecture : La croix du Christ, source de notre vie (Col 2, 12-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frère,
par le baptême, vous avez été mis au tombeau avec lui, avec lui vous avez été ressuscités, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui a ressuscité le Christ d’entre les morts.
Vous étiez des morts, parce que vous aviez péché et que vous n’aviez pas reçu de circoncision. Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné tous nos péchés.
Il a supprimé le billet de la dette qui nous accablait depuis que les commandements pesaient sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix du Christ.

Evangile : Enseignements de Jésus sur la prière (Lc 11, 1-13)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Animés par l’Esprit qui fait de nous des fils, nous appelons Dieu : Notre Père. Alléluia. (cf. Rm 8, 15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples. »
Il leur répondit : « Quand vous priez, dites :
‘Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous.
Et ne nous soumets pas à la tentation.’ »

Jésus leur dit encore : « Supposons que l’un de vous ait un ami et aille le trouver en pleine nuit pour lui demander : ‘Mon ami, prête-moi trois pains : un de mes amis arrive de voyage, et je n’ai rien à lui offrir.’
Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : ‘Ne viens pas me tourmenter ! Maintenant, la porte est fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner du pain’,
moi, je vous l’affirme : même s’il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.
Eh bien, moi, je vous dis : Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte.
Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre.
Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ?
ou un scorpion, quand il demande un ?uf ?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Patrick Braud 

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20 juillet 2013

Le je de l’ouie

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Le je de l’ouie

 

Homélie du 16° Dimanche du temps ordinaire
Année C   21/07/13 

Connaissez-vous le sketch de Raymond de Devos sur le verbe « ouïr » ?

Il y a des verbes qui se conjuguent très irrégulièrement.
Par exemple, le verbe OUÏR.
Le verbe ouïr, au présent, ça fait J’ois… j’ois…
Si au lieu de dire « j’entends », je dis « j’ois », les gens vont penser que ce que j’entends est joyeux alors que ce que j’entends peut être particulièrement triste. Il faudrait préciser : ?Dieu, que ce que j’ois est triste !’
Si au lieu de dire « l’oreille », on dit « l’ouïe », et qu’on pense à une oie, alors on peut dire que l’ouïe de l’oie a ouï.
Pour peu que l’oie appartienne à Louis, cela donne :
- L’ouïe de l’oie de Louis a ouï.
- Ah oui ? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ?
- Elle a ouï ce que toute oie oit…
Au passé, ça fait : J’ouïs… J’ouïs !
Il n’y a vraiment pas de quoi !

 


Au-delà de ces superbes jeux de mots, c’est presque un sketch « à la Devos » que Jésus nous interprète ici devant Marthe et Marie 
:

 

« Toute ouïe »

- Marie écoute; elle est « toute ouïe », l’oreille et le coeur tendus vers la parole de Jésus.
À sa soeur qui fait un tas de choses, Marie dit: « J’ouïs », c’est-à-dire : j’écoute, pour jouir de cette relation, pour savourer cette communion de parole.

- C’est comme un reproche implicite, où Jésus interpelle Marthe : arrête de te noyer dans les choses à faire, viens, et jouis de la Parole.

Or Marthe ne veut pas ouïr ;
elle ne veut pas jouir de la Parole du Christ, et voudrait même interdire ce plaisir à sa soeur?

Qui a dit que le christianisme était fâché avec la jouissance ?

Joue, oui

- Jésus insiste alors : « Joue, oui ! » c’est-à-dire : mets du jeu dans ta vie, réintroduis des degrés et des moments de liberté, au lieu de te laisser absorber complètement (par le travail, la famille, les soucis de tous ordres). Par cette ouverture à l’autre qu’est l’écoute, retrouve le goût du jeu avec ce qui n’est pas prévu, ni rentable.

La dimension ludique et artistique est essentielle à la foi chrétienne.

 

« Toute oui »

- « Joue ta vie sur le oui », en réponse à cette Parole d’un Autre.

Marie est « toute ouïe », toute écoute, et du coup, elle devient « toute oui », un oui intense à la Parole du Christ. Joue ta vie sur cette Parole, au lieu de préférer les choses à la relation, la cuisine à l’invité, le devoir au plaisir?


- Si bien que le jeu de l’écoute permet à Marie de dire « je », de découvrir son désir le plus vrai.

Le « je » de Marie lui est donné dans l »ouïe » de la Parole qu’est Jésus lui-même.
C’est la « part unique » qu’elle a choisie :
préférer la relation vivante à l’enfermement dans les choses; recevoir son identité la plus profonde de l’écoute de la parole d’un autre, du Tout-Autre.

Comme Jésus d’ailleurs, qui est le premier à écouter Celui dont il se reçoit, et qu’il appelle à cause de cela son Père. Il ne parle pas de lui-même, mais il parle de ce qu’il a d’abord écouté auprès de son Père (Jn 8,28 ; 12,49)

Le je de l'ouie dans Communauté spirituelle jesus-chez-marthe-et-marie 

Jouis

Vous voyez: l’écoute est première.
Ouïr est un vrai plaisir, un vrai « oui » à la vie.
Les Juifs nous le rappellent en priant 3 fois par jour (comme Jésus l’a fait toute sa vie) :
« Écoute Israël : le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un ».

C’est donc qu’il y a un lien entre l’écoute et l’unicité de l’être.

Écouter permet de progresser dans l’unité.

L’appel que le Christ nous lance dans cet évangile est donc à l’inverse du puritanisme, et de tous ceux qui voudraient faire de la religion un rabat-joie !

Le Christ semble nous dire :

« remet du plaisir dans ta relation aux autres, dans ta relation à Dieu.
Goûte particulièrement le plaisir d’écouter la parole, la parole de l’autre, la Parole de Dieu.
Pour cela, ne te laisse pas absorber par les choses ni par le seul devoir.
Remet du jeu dans ta vie. »

Accorde-toi quelque degré de liberté et de gratuité, pour jouir de la beauté de l’écoute, à l’image de Marie de Béthanie assise aux pieds de Jésus.


L’été est une période favorable pour cela.
Écouter la Parole que Dieu nous adresse à travers la nature splendide : mer, montagne, campagne…
Jouir de sa parole à travers une halte dans un monastère, une lecture tranquille des textes du Dimanche, ou un silencieux rendez-vous avec sa présence en nous…

Si nous réduisons la foi chrétienne à une accumulation de choses à faire, nous serons les plus malheureux de tous les croyants. Car on n’en fait jamais assez, ni assez bien ! Et puis, cela risque de nous priver de la rencontre avec Celui pour qui nous voulons faire ces choses.

l+ouie+louis amour dans Communauté spirituelle

Les mères de famille – ou les célibataires – connaissent bien cette agitation où il faut tout préparer pour qu’un dîner avec des invités se passe bien. Elles connaissent également la frustration de Marthe qui est dans la cuisine, et qui enrage de ne pouvoir prendre part à la conversation qui a lieu à côté.

Alors, plutôt que de se réjouir du bonheur de sa soeur qui écoute, plutôt que de se réjouir de lui permettre ce bonheur, elle veut l’en priver.

Comme si le bonheur de l’autre, tout proche, était insupportable, parce que justement ce n’est pas le mien.

C’est une vieille tentation de vouloir piétiner le bonheur que je ne peux ou ne veux pas atteindre. Marthe nie la différence entre elle et sa soeur, ne supporte pas qu’elle soit heureuse, et d’une autre manière qu’elle.

Être jaloux de la joie de ses proches au point de vouloir les en priver : cela arrive souvent dans nos familles, dans les communautés religieuses même !

C’est la réaction de l’enfant qui, voyant un beau jouet dans les bras de son frère, lui arrache, le casse et le piétine pour qu’aucun des deux ne soit heureux. Comme si l’égalité dans le malheur était un soulagement !

Cette violence, nous l’éprouvons tous lorsque, jaloux et nous comparant sans cesse, nous voulons ramener l’autre à notre état d’insatisfaction, au lieu de renoncer au comparatif et de nous réjouir de son bonheur.

C’est préférer casser un CD plutôt que voir un autre l’écouter.

C’est la folie de tous les crimes passionnels, où l’amour ne peut plus supporter le bonheur de l’autre, et préfère le détruire plutôt que de le voir s’éloigner…

 

Ouïr la Parole de Dieu…

Jouir de cette Parole.

Et ainsi devenir soi-même dans ce « Jeu / Je de l’ouïe »…

Que Marthe et Marie de Béthanie nous inspirent cet été de vrais moments où savourer la goûteuse présence de Dieu en nous…

1ère lecture : Abraham donne l’hospitalité à Dieu, qui lui promet un fils (Gn 18, 1-10a)
Lecture du livre de la Genèse

Aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour.
Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Aussitôt, il courut à leur rencontre, se prosterna jusqu’à terre et dit: « Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. On va vous apporter un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher du pain, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! »
Ils répondirent : « C’est bien. Fais ce que tu as dit. »
Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il lui dit : « Prends vite trois grandes mesures de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau qu’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient.
Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. »
Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi dans un an, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

Psaume : Ps 14, 1a.2, 3bc-4ab, 5

R/ Tu es proche, Seigneur : fais-nous vivre avec toi.

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?
Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son coeur.

Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.
À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
L’homme qui fait ainsi
demeure inébranlable.

2ème lecture : Le mystère du Christ s’accomplit dans la vie de l’Apôtre (Col 1, 24-28)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frère,
je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l’Église.
De cette Église, je suis devenu ministre, et la charge que Dieu m’a confiée, c’est d’accomplir pour vous sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté aux membres de son peuple saint.
Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste, au milieu des nations païennes, la gloire sans prix de ce mystère : le Christ est au milieu de vous, lui, l’espérance de la gloire !
Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons tout homme avec sagesse, afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ.

Evangile : Marthe et Marie accueillent Jésus chez elles (Lc 10, 38-42)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux qui entend la voix du Seigneur et lui ouvre sa porte : il a trouvé son bonheur et sa joie. Alléluia. (cf. Ap 3, 20)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Alors qu’il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison.
Elle avait une soeur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma s?ur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider. »
Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. »
Patrick Braud

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13 juillet 2013

Aime ton Samaritain !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Aime ton Samaritain !

Homélie du Dimanche 14 Juillet 2013 /
15° Dimanche Année C

Tout le monde connaît la figure du  » bon Samaritain « . La pointe du christianisme serait de lui ressembler, dit-on couramment.
Est-ce si sûr ? Et si l’amour du prochain était l’amour pour les Samaritains de nos vies, avant d’aimer les blessés sur notre route ?…

La lecture que je vous propose de cette page d’évangile est inspirée par Françoise Dolto *. Elle tourne autour d’une question centrale en psychologie, qui est la question de la dette et de la reconnaissance.

En regardant le texte de près, on est tout d’abord obligé de rejeter l’interprétation courante qui en est fait très moralisante, du genre : « Faites du bien aux autres quand ils sont dans le besoin. » Car d’une part c’est d’une banalité à pleurer (pas besoin d’être chrétien pour cela), et ensuite le texte ne dit pas du tout cela, au contraire !

La perspective est inverse !

Quelle est en effet la question ? C’est : « Qui est mon prochain ? »
Et à la fin de la parabole, la réponse tombe : lequel a été le prochain ? C’est le Samaritain.
« Aime ton prochain » => « aime le Samaritain ».
Aimer mon prochain, c’est donc aimer ceux qui pour moi ont joué ce rôle de tendresse et de salut qu’a joué le Samaritain.
Autrement dit Jésus nous invite à nous identifier au blessé et non au Samaritain.

Le Christ nous demande d’aimer les personnes qui nous ont sauvé à un moment donné dans notre vie où nous étions blessés à mort.
Il s’agit finalement de reconnaître notre dette vis à vis des autres, vis-à-vis des Samaritains de notre vie, ceux qui nous ont épaulés à un moment où ? seuls - nous n’aurions pas pu continuer notre chemin. Que nous le connaissions ou pas, nous sommes en dette vis-à-vis de celui ou celle qui nous secourt dans la détresse.

Mais ce qui est très fort dans l’Évangile, c’est que cette dette n’est pas remboursable auprès de l’intéressé ! Car le Samaritain de l’évangile se retire, disparaît. Il laisse l’autre libre. Il s’évanouit de notre chemin et continue le sien sans attendre ni permettre un retour, une reconnaissance.

Aime ton Samaritain ! dans Communauté spirituelle Samaritain

Ce qui veut dire que cette dette d’amour, nous ne pouvons la régler qu’en devenant à notre tour sauveur d’un autre. C’est un courant d’amour qui ne boucle jamais.

Dans certaines ethnies d’Afrique, on ne doit jamais remercier quand on reçoit un cadeau ; sinon c’est que je ne veux rien devoir et que je réduis la relation humaine à une relation marchande.

Aimer notre prochain ici, c’est découvrir ce que je dois à ceux qui m’ont secouru, sans pouvoir les remercier, sans même parfois qu’ils en aient conscience, et ne pas oublier ces sauveurs. Mais plus encore, c’est ne pas m’attacher à ces sauveurs, pour qu’ils puissent continuer leur chemin et moi le mien, en donnant à mon tour gratuitement ce que j’ai reçu gratuitement, sans m’attacher moi-même au bien que je pourrai faire, consciemment ou non.

La pointe de la parabole, dans cette ligne d’interprétation, c’est d’aimer celui ou celle qui a été proche de nous quand nous étions à terre.

Si quelqu’un, un jour, nous a sorti d’un chagrin, d’une dépression, d’une blessure, d’une souffrance, d’une détresse matérielle ou morale, souvenons-nous en toute notre vie.
Mais avec les commandements de la parabole :

- Ne te laisse pas retenir par l’affection de celui qui t’a sauvé.
L’amour rend libre : et pour cela, des routes qui se sont croisées doivent savoir s’éloigner.

Ne sois pas toi-même lié intérieurement par la reconnaissance à manifester à celui qui t’a secouru.
Mais fais comme il a fait : c’est la vraie manière de reconnaître ta dette et de faire circuler l’amour sans jamais recevoir de retour.

- Inversement, si tu as été le Samaritain de quelqu’un, ne te laisse pas arrêter par le souvenir de celui que tu as pu secourir. Souviens-toi que ton propre salut, tu le dois à un autre. Aime cet autre, parti et absent, en ton c?ur, et quand l’occasion s’en présentera, accepte toi aussi de devenir le blessé dépendant d’un autre.

Reconnaître ma dette envers ceux qui se sont fait proches de moi sans m’attacher à eux me permet à mon tour de me faire proche de ceux que je croise en chemin, sans que cela m’empêche de poursuivre ma route, libre de toute possession affective, avec comme seul moteur le souvenir, la trace des tendresses qui m’ont relevé avant de disparaître, plus loin? dans cette absence que seul le retour du Christ en gloire pourra révéler?

« Aime ton prochain », commande la Loi juive. Et Jésus précise : ?aime les Samaritains qui se sont faits proches de toi. Accepte d’être aimé avant que d’aimer’.
Reconnais de quelle tendresse tu es entouré, par Dieu le premier qui s’est approché de toi en Jésus-Christ.
Si tu prends ainsi conscience de l’amour qui te précède, alors, alors seulement, tu pourras devenir le Samaritain d’un autre…

 

* Françoise Dolto, Les évangiles et la foi au risque de la psychanalyse, éd. Gallimard.

 

 

1ère lecture : La loi de Dieu dans le coeur de l’homme (Dt 30, 10-14)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple d »Israël : « Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses ordres et ses commandements inscrits dans ce livre de la Loi ; reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur et de toute ton âme.
Car cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte.
Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : ’Qui montera aux cieux nous la chercher et nous la faire entendre, afin que nous la mettions en pratique ?’
Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : ’Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher et nous la faire entendre, afin que nous la mettions en pratique ?’
Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton c?ur afin que tu la mettes en pratique. »

Psaume : Ps 18, 8, 9, 10, 11

R/ Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance !

La loi du Seigneur est parfaite, 
qui redonne vie ; 
la charte du Seigneur est sûre, 
qui rend sages les simples. 

Les préceptes du Seigneur sont droits, 
ils réjouissent le coeur ; 
le commandement du Seigneur est limpide, 
il clarifie le regard. 

La crainte qu’il inspire est pure, 
elle est là pour toujours ; 
les décisions du Seigneur sont justes 
et vraiment équitables : 

plus désirables que l’or, 
qu’une masse d’or fin, 
plus savoureuses que le miel 
qui coule des rayons.

2ème lecture : Primauté du Christ dans la création et dans l’Église (Col 1, 15-20)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Le Christ est l’image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature, 
car c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui. Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui. 
Il est aussi la tête du corps, c’est-à-dire de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, puisqu’il devait avoir en tout la primauté. Car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total. Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui,sur la terre et dans les cieux,en faisant la paix par le sang de sa croix.

Evangile : La loi d’amour : le bon Samaritain (Lc 10, 25-37)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Voici le commandement nouveau : Celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. Alléluia. (cf. Jn 5, 21)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Pour mettre Jésus à l’épreuve, un docteur de la Loi lui posa cette question : « Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? »
Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Que lis-tu ? »
L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. »
Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais ainsi et tu auras la vie. »
Mais lui, voulant montrer qu’il était un homme juste, dit à Jésus : « Et qui donc est mon prochain ? »
Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé, roué de coups, s’en allèrent en le laissant à moitié mort.
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté.
De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté.
Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de pitié.
Il s’approcha, pansa ses plaies en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui.
Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : ‘Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.’
Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme qui était tombé entre les mains des bandits ? »
Le docteur de la Loi répond : « Celui qui a fait preuve de bonté envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi fais de même. »
Patrick Braud

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6 juillet 2013

Briefer et débriefer à la manière du Christ

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Briefer et débriefer à la manière du Christ

 

Homélie du 14° dimanche du temps ordinaire /Année C
07/07/2013

 

Beaucoup d’entreprises ont mis en place dans leur management ce qu’elles appellent à juste titre le brief et le débrief. Avant de lancer des collaborateurs dans une action quelconque, on les briefe, c’est-à-dire qu’on leur explique ce qu’il y a à faire et pourquoi. Après l’action, il est alors logique de les débriefer, c’est-à-dire d’entendre ce qu’ils ont à partager sur leur succès, leurs difficultés, leurs échecs ou leurs découvertes pendant cette mission professionnelle.

Afficher l'image d'origineLe débrief est ainsi devenu un rituel incontournable : impossible de progresser en savoir-faire et en savoir-être si on ne prend pas le temps, individuellement et/ou collectivement, de raconter ce qui s’est passé à quelqu’un qui va aider à y repérer les points à améliorer pour la suite.

L’envoi en mission des 72 par Jésus témoigne que cette pratique managériale vient du fond des siècles ! En effet, avant de les projeter 2 par 2 sur les routes de Palestine, Jésus prend bien soin de leur expliquer le sens de leur mission. Et après leur triomphe apparent, il les rassemble à nouveau pour les écouter, et les aider à aller au-delà des apparences et ainsi comprendre ce qui est en jeu dans l’annonce de l’Évangile.

 

Il y a donc beaucoup de points communs entre la mission des évangélisateurs et la pratique managériale du brief et du débrief. Cela devrait convaincre l’Église de se former à la sagesse entrepreneuriale actuelle, pour y puiser de quoi accompagner ceux et celles qu’elle envoie aujourd’hui en mission ! Quelques diocèses commencent à le faire, en prenant conseil auprès de DRH, en écrivant avec leurs salariés une charte précisant le statut, les droits et devoirs, et l’accompagnement des laïcs embauchés comme « ouvriers pour la moisson ». Cela pourrait prendre plus d’ampleur, car des notions aussi élémentaires que le brief et le débrief sont peu ritualisés au sein de l’univers professionnel ecclésial….

 

En retour, les entreprises pourraient apprendre beaucoup de la manière si originale dont le Christ assume la nécessité d’être un bon manager pour ceux qu’il embauche à son service.

 

 Comment choisir ses collaborateurs ?

Regardez par exemple la manière dont il constitue cette ?dream team’ des 72. Il n’attend pas que des volontaires se désignent d’eux-mêmes. Le risque serait grand de voir les opportunistes ou les mercenaires de tout poil se faufiler dans les rangs pour tirer leur épingle du jeu, détourner la mission à leur profit et selon leur vision. Non : il appelle les 72, c’est lui qui les choisit.

Depuis Max Weber, on se souvient que le mot métier en français se dit Beruf en allemand, c’est-à-dire : appel, vocation, et qu’il vient lui-même d’une contraction (une crase) du mot latin ministerium = service, office, ministère.

Personne dans l’Église ne s’attribue à lui-même une mission. Il la reçoit d’un autre. Symétriquement, toute responsabilité professionnelle est fondamentalement confiée par un autre. Que ce soient les actionnaires, le N+1 ou une équipe, le métier est la réponse à un appel, ce qui empêche d’en être absolument propriétaire. Même si c’est de sa propre initiative que quelqu’un s’engage dans tel chantier, c’est au nom d’une reconnaissance, d’une validation par d’autres (fussent-ils en dernier ressort les clients pour une profession libérale) que quelqu’un exerce une mission précise. La notion d’appel est essentielle à une authentique spiritualité chrétienne du travail, en réponse à une vocation qui vient finalement de Dieu lui-même.

 

Regardez ensuite comment le Christ choisit les 72 : parmi ses disciples. Donc parmi ceux qui le connaissent de près, qui l’ont vu parler et agir, qui ont compris sa vision de la bonne nouvelle à annoncer (« le règne de Dieu est tout proche de vous »). Ce compagnonnage est nécessaire en amont de l’appel aux responsabilités. Mieux que des chasseurs de têtes ou des parcours de formation à l’excellence, Jésus sait bien que seule une certaine intimité partagée permet de bien choisir ses collaborateurs. Pour l’avoir oublié, certaines entreprises se retrouvent avec des équipes hétérogènes et incohérentes, en contradiction avec leur culture et leurs valeurs essentielles.
Jésus pratique la promotion interne en quelque sorte…

 

De l’art de briefer son équipe 

Le brief de Jésus à ses 72 serait assez déroutant dans la bouche d’un leader d’équipe aujourd’hui ! :

- « n’employez pas les mêmes les armes que la concurrence (je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups) ;

- ne vous laissez pas fasciner par le comment, par les moyens à mettre en oeuvre (n’emportez ni argent, ni sac, sandales) ;

- prenez le temps d’habiter votre projet, de vous ancrer en lui au lieu de  surfer de modes en recettes en étant prisonnier du court terme (ne passez pas de maison en maison) ;

- acceptez de recevoir et d’être nourris en cours de route au lieu de ne poursuivre que des résultats extérieurs à vous-mêmes (mangez ce qu’on vous offrira)…

Plus encore, avec courage – et même un certain panache – Jésus éduque ses associés à affronter l’échec qui fera partie de leur mission. C’est le fameux geste de secouer la poussière de ses sandales : « ne vous laissez pas détruire par les refus que vous essuierez, n’emportez pas avec vous les traces la violence subie, ne laissez pas les salissures de l’exclusion infligée coller à vos basques, n’endossez par le rôle de la victime, mais proclamez de manière non violente la proximité du règne de Dieu avec ceux qui vous maltraitent ».

Cette formidable bienveillance vis-à-vis des adversaires rend l’envoyé serein et paisible. Subir un échec professionnel est une invitation à le traverser, pas à le laisser nous détruire ni nous transformer à l’image de nos ennemis.

 

Sans oublier le débrief après

 Le débrief après la mission est tout aussi détonant lorsque c’est le Christ qui le préside !

Comme de bons VRP, les 72 reviennent en racontant leurs succès commerciaux et en se vantant de leurs victoires éclatantes : « même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom ». Remarquons au passage qu’ils ne s’attribuent pas tout le mérite du succès. Il redisent être des ambassadeurs (« en ton nom ») plus que des petits chefs autonomes. Dans un premier temps, le Christ semble accueillir et même amplifier leurs succès : « je voyais Satan tomber comme l’éclair ». C’est ce qui s’appelle « fêter la victoire » en termes managériaux : on prend le temps en équipe, avec les N+1 pour valoriser l’équipe, de fêter le succès obtenu (autour d’un bon repas ou d’une bonne bouteille le plus souvent?), et c’est capital.

Mais Jésus va plus loin. Il va les initier à une relecture plus fine de ce qui est arrivé. Il les éduque à ne pas s’arrêter aux apparences : ne vous réjouissez pas contre les autres, mais pour ce que cela vous révèle de vous-mêmes (« vos noms sont inscrits dans les cieux »). Autrement dit : allez plus loin que les effets immédiats, allez plus profond que les chiffres, et découvrez ce que ces événements vous révèlent de vous-mêmes.

Briefer et débriefer à la manière du Christ dans Communauté spirituelle How-to-facilitate-a-game-debrief 

C’est ce que la tradition jésuite a appelé, à la suite de St Ignace de Loyola, la relecture spirituelle.

La forme la plus populaire de la relecture ignatienne est le traditionnel examen de conscience le soir avant de se coucher : qu’ai-je reçu en cette journée qui s’achève ? Qui ai-je refusé ou ignoré ? Pour qui, pourquoi rendre grâce ou demander pardon ?

Dans les exercices spirituels de St Ignace, cette relecture tient une grande place. Il s’agit, en prenant du recul, et éclairé par la présence fraternelle d’un accompagnateur, de discerner ce que les événements me disent de la part de Dieu.

Pour Ignace, ce n’est pas la succession des heures monastiques qui est la référence, mais la suite des événements qui surviennent dans le travail, la vie familiale etc. Pour lui, il est possible de « chercher et trouver Dieu en toutes choses », les plus quotidiennes, grâce à cette pratique spirituelle qu’est la relecture.

En décollant le regard de l’immédiateté, la relecture permet – après-coup – de discerner ce que Dieu nous donne et ce à quoi il nous appelle.

À l’image de Moïse qui voit Dieu de dos, après son passage (Ex 36,23) ; comme Jacob qui enfin se réveille : « Dieu était là je ne le savais pas » (Gn 28,16) ; comme Élie qui lui aussi ne peut voir Dieu que de dos et ne l’entendre qu’à travers « le murmure d’un fin silence » (1R 19,11-13) ; comme Marie qui ne comprend pas tout tout de suite, mais « méditait toutes ces choses en son coeur » (Lc 2,19)…

 

La relecture des évènements, qu’ils soient professionnels ou personnels, nourrit la vraie joie dont parle Jésus, et prépare les vrais succès de demain.

 

Briefer et débriefer à la manière du Christ : l’Église comme les entreprises feraient bien de s’en inspirer lorsqu’elles envoient en mission leurs collaborateurs !

 

 

1ère lecture : La joie de l’ère messianique (Is 66, 10-14)

Lecture du livre d’Isaïe

Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d’elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle soyez pleins d’allégresse, vous tous qui portiez son deuil !
Ainsi vous serez nourris et rassasiés du lait de ses consolations, et vous puiserez avec délices à l’abondance de sa gloire.
Voici ce que dit le Seigneur : Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent qui déborde. Vous serez comme des nourrissons que l’on porte sur son bras, que l’on caresse sur ses genoux.
De même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai, dans Jérusalem vous serez consolés.
Vous le verrez, et votre c?ur se réjouira ; vos membres, comme l’herbe nouvelle, seront rajeunis. Et le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs.

Psaume : Ps 65, 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20

R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur !

Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.
Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom.
Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu’il nous donne.
Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme.
Béni soit Dieu, qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

2ème lecture : La croix du Christ, orgueil du chrétien (Ga 6, 14-18)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates

Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil. Par elle, le monde est à jamais crucifié pour moi, et moi pour le monde.
Ce qui compte, ce n’est pas d’avoir ou de ne pas avoir la circoncision, c’est la création nouvelle.
Pour tous ceux qui suivent cette règle de vie et pour le véritable Israël de Dieu, paix et miséricorde.
Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter. Car moi, je porte dans mon corps la marque des souffrances de Jésus.
Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit. Amen.

Evangile : Les soixante-douze en mission annoncent la joie du règne de Dieu (brève : 1-9) (Lc 10, 1-12.17-20)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur toute la terre est proclamé la Parole, et la Bonne Nouvelle aux limites du monde. Alléluia. (cf. Ps 18, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Parmi ses disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller.
Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route.
Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous servira ; car le travailleur mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qu’on vous offrira. Là, guérissez les malades, et dites aux habitants : ‘Le règne de Dieu est tout proche de vous.’
Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, sortez sur les places et dites : ‘Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous la secouons pour vous la laisser. Pourtant sachez-le : le règne de Dieu est tout proche.’
Je vous le déclare : au jour du Jugement, Sodome sera traitée moins sévèrement que cette ville. »
Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux. Ils racontaient : « Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. »

Jésus leur dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Vous, je vous ai donné pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et pouvoir sur toute la puissance de l’Ennemi ; et rien ne pourra vous faire du mal. Cependant, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux. »
Patrick Braud

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