Ascension : l’ascenseur christique
Ascension : l’ascenseur christique
Homélie de l’Ascension / Année C
09/05/13
L’immixtion symbolique
« Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité » .
Ce geste discret et ces paroles prononcées à mi-voix m’ont toujours impressionné : j’y vois le sens de la fête de l’Ascension qui nous réunit aujourd’hui. Le lien entre l’Ascension et l’eucharistie y apparaît de manière éclatante : il s’agit bien de « profiter de l’ascenseur » comme on dit dans les immeubles de 60 étages, où ce serait trop bête de ne pas monter dans l’ascenseur qui s’arrête à votre palier. Plus efficace que « l’ascenseur social » que devrait être l’Éducation Nationale, allant encore plus haut que toutes les ascensions des alpinistes les plus chevronnés, l’Ascension du Christ nous emporte avec Lui jusqu’à partager sa divinité en plénitude.
St Cyprien (200-258) commente ainsi le geste de l’immixtion (c’est le terme technique) de l’eau dans celle du calice :
« Comme le Christ qui nous portait tous, portait aussi nos péchés, comprenons que l’eau figure le peuple, et le vin le sang du Christ. Quand donc dans le calice, l’eau se mêle au vin, c’est le peuple qui est uni Christ, c’est la foule des croyants qui adhère et se lie à celui en qui elle croit. L’eau et le vin se mêlent dans le calice du Seigneur, de telle sorte que dans ce mélange, ils ne peuvent plus être séparés l’un de l’autre. De même l’Église, c’est-à-dire la foule, fidèlement rassemblée dans l’église et fermement persévérante dans sa foi, ne pourra d’aucune manière être séparée du Christ, d’autant moins qu’elle maintient son adhésion et demeure dans l’union indestructible de son amour. Ainsi donc, dans la consécration du calice du Seigneur, on ne peut offrir de l’eau seule, pas plus que du vin seul. Si l’on offre le vin seul, le sang du Christ est présent sans nous. Si l’eau est seule, c’est le peuple sans le Christ. Au contraire quand l’un est mêlé à l’autre et que, se confondant, ils ne font plus qu’un, alors le mystère spirituel céleste est accompli. Le calice du Seigneur n’est donc pas plus l’eau ou le vin seul, sans mélange des deux, que le corps du Seigneur ne peut être la farine seule, ou l’eau seule sans le mélange des deux, et sans leur union d’où vient le pain. C’est pourquoi dans ce mystère même est figurée l’unité de notre peuple: de même que des grains multiples réunis, moulus et mêlés ensemble ne font qu’un seul pain, ainsi dans le Christ, qui est le pain du ciel, il n y a, nous le savons, qu’un seul corps auquel est unie notre multitude et dans lequel elle est unifiée. » (Lettre 63 à Cécilius)
A Noël, le Verbe de Dieu « quitte » l’univers de Dieu (St Paul parle de la « kénose » du Christ, c’est-à-dire de son dépouillement pour passer du monde de Dieu au monde de l’homme). Il plonge en notre humanité. Il descend au plus bas, se fait le frère des prostituées, des collecteurs d’impôts, des criminels condamnés à mort.
Sur la Croix il descend encore plus bas, partageant la condition des sans-Dieu, des maudits, des exclus de la Promesse. Dans la mort, il est descendu jusqu’aux enfers, jusqu’à la demeure des ombres où l’attendaient les patriarches, David, Salomon et les prophètes.
Aujourd’hui, dans son Ascension glorieuse, il remonte, tirant avec lui ceux qui gisaient dans le royaume de la mort. Comme sur les icônes orientales de la Résurrection où l’on voit le Ressuscité tirer par les poignets Adam et David, pour les emmener avec lui auprès de Dieu. Ce qu’il y a de fou et d’unique dans cette Ascension du Christ, c’est qu’il introduit en Dieu même notre nature humaine. Dans la descente de son Incarnation, sa divinité s’était mélangée à notre humanité (// eau et vin).
Dans la remontée de son Ascension, notre humanité est mélangée à la divinité trinitaire. Parce que personne ne peut séparer l’eau du vin une fois le mélange effectué, c’est notre nature humaine que le Ressuscité fait asseoir à la droite de Dieu. Depuis l’Ascension, nous sommes de la race de Dieu, nous sommes vraiment des dieux!
L’ascenseur christique
Dans cet échange extraordinaire, le Verbe de Dieu nous donne par grâce de participer à ce qu’il est par nature. Il a saisi notre chair, il l’a prise du sein de Marie. A l’Ascension, il l’a introduite dans la Maison du Père, c’est-à-dire dans la vie trinitaire. Désormais une part de nous, une part de notre chair est déjà plongée dans les abîmes de la communion d’amour trinitaire, puisque c’est avec cette chair formée en Marie que le Christ est élevé auprès du Père, dans l’unité de l’Esprit Saint. Quelle autre religion va jusque-là ? Jusqu’à proclamer la divinisation de toute chair en Dieu même ? Quelle espérance plus grande que de voir l’ancienne tentation de la Genèse : « vous serez comme des dieux » finalement réalisée par le Christ, avec le Christ, et en Christ, et non pas à la force des poignets de l’homme seul, de l’homme sans Dieu ?
Si nous mesurons quel est notre avenir, alors nous donnerons encore plus d’importance à notre présent, où se joue notre éternité.
Écoutons la liturgie nous guider dans l’eucharistie :
« que cet échange mystérieux nous fasse vivre avec le Christ ressuscité » (prière sur les offrandes) »il ne s’évade pas de notre condition humaine : mais en entrant le premier dans ce Royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour. » (Préface de l’Ascension)
Ainsi donc :
« mets en nos coeurs un grand désir de vivre avec le Christ, en qui notre nature humaine est déjà près de toi » (prière après la communion).
Profitons donc de l’ascenseur christique : il s’arrête à notre palier.
Montons avec lui dans les étages supérieurs !
1ère lecture : L’Ascension du Seigneur (Ac 1, 1-11)
Commencement du livre des Actes des Apôtres
Mon cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le commencement, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel après avoir, dans l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis. C’est à eux qu’il s’était montré vivant après sa Passion : il leur en avait donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur était apparu, et leur avait parlé du royaume de Dieu.
Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis. Il leur disait : « C’est la promesse que vous avez entendue de ma bouche. Jean a baptisé avec de l’eau ; mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours. »
Réunis autour de lui, les Apôtres lui demandaient : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? »
Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Après ces paroles, ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »
Psaume : Ps 46, 2-3, 6-7, 8-9
R/ Dieu monte parmi l’acclamation, le Seigneur aux éclats du cor.
Tous les peuples, battez des mains,
acclamez Dieu par vos cris de joie !
Car le Seigneur est le Très-Haut, le redoutable,
le grand roi sur toute la terre.
Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
Sonnez pour notre Dieu, sonnez,
sonnez pour notre roi, sonnez !
Car Dieu est le roi de la terre :
que vos musiques l’annoncent !
Il règne, Dieu, sur les païens,
Dieu est assis sur son trône sacré.
2ème lecture : Le Christ est entré dans le sanctuaire du ciel(He 9, 24-28; 10, 19-23)
Lecture de la lettre aux Hébreux
Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis le commencement du monde. Mais c’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois, puis de comparaître pour le jugement, ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.
C’est avec pleine assurance que nous pouvons entrer au sanctuaire du ciel grâce au sang de Jésus : nous avons là une voie nouvelle et vivante qu’il a inaugurée en pénétrant au-delà du rideau du Sanctuaire, c’est-à-dire de sa condition humaine. Et nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui est établi sur la maison de Dieu. Avançons-nous donc vers Dieu avec un c?ur sincère, et dans la certitude que donne la foi, le c?ur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure. Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis.
Evangile : Les dernières paroles et l’Ascension de Jésus (Lc 24, 46-53)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur s’élève parmi les ovations, il s’élève au plus haut des cieux. Alléluia. (cf. Ps 46, 6.10)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Jésus ressuscité, apparaissant à ses disciples, leur disait : « Il fallait que s’accomplisse ce qui était annoncé par l’Écriture ; les souffrances du Messie, sa résurrection d »entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une force venue d’en haut. »
Puis il les emmena jusque vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. Tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, remplis de joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.
Patrick BRAUD