L'homélie du dimanche (prochain)

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31 mai 2013

Donnez-leur vous-mêmes à manger

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

DONNEZ-LEUR VOUS-MÊMES À MANGER

Homélie pour la fête du Corps et du Sang du Christ
02/06/2013

Les récits de la multiplication des pains sont si connus qu’on a du mal à en tirer du neuf ! Essayons pourtant, en suivant le fil du texte, et en l’appliquant à la responsabilité qui est la nôtre aujourd’hui de nourrir nos proches, notre famille, comme les affamés de chez nous et d’ailleurs.

 

1. L’Église n’est pas une ONG, elle ne fait pas dans l’humanitaire

Tout commence en effet par un long enseignement, et des guérisons. Jésus sait d’instinct que les foules ont d’abord besoin d’une parole pour vivre ; une parole efficace qui remet debout, qui soigne les plaies et rétablit chacun dans sa dignité. Il sait que « l’homme ne vit pas seulement de pain », et il prend le temps de les instruire longuement sur le règne de Dieu. La plupart des O.N.G. inverseraient  l’ordre : dans l’urgence, d’abord donner à manger, et ensuite seulement on s’occupera du reste.

Les actions humanitaires mettent l’aide matérielle en premier. Et du coup elles s’exposent à ne soigner que les symptômes des crises sans jamais traiter les causes. L’humanitaire n’a jamais résolu les problèmes de famine ou de santé de l’humanité : elle les rend moins insupportables, pour ceux qui y sont confrontés en urgence. Le Christ met son Église sur une autre voie : la faim humaine est fondamentalement orientée vers Dieu, toutes les autres fins y sont ordonnées (ce qui n’enlève rien à leur importance).

Le Pape François le disait tranquillement dans la première homélie de son pontificat :

« Nous pouvons marcher tant que nous le voulons, construire un tas de choses, mais si nous ne confessons pas Jésus Christ, rien ne va.
Nous deviendrions une ONG ‘philanthropique’ (pietosa * en italien) 
mais non l’Église, l’Épouse du Seigneur ».

 

2. Ne pas s’arrêter à la première solution trouvée

Nourrir cette foule affamée : le défi est si énorme que les Douze en tirent immédiatement une décision sans appel : « renvoie-les, qu’ils puissent aller s’acheter à manger « . Décision rationnelle, un peu courte sans doute, trop rapide en tout cas.

Cela nous arrive souvent de décider ainsi : devant une impossibilité apparente, on se rabat tout de suite sur la première solution à portée de main. Ici c’est l’évitement, le transfert de responsabilités. À d’autres moments ce sera la fuite, la soumission, ou le choix d’actions apparemment bonnes mais pas les meilleures en fait.

En topologie, on apprend qu’une surface peut avoir plusieurs optima très éloignés les uns des autres : l’art de la décision est alors de se donner assez de temps pour explorer le plus d’optima possibles, sans se rabattre trop vite sur le premier trouvé…

Le Christ fait faire ce chemin aux Douze. À partir du renvoi des foules, les Douze acceptent d’envisager d’autres hypothèses, même si elles leur semblent impossibles : acheter de quoi nourrir tout le monde, faire l’inventaire de la nourriture disponible sur place etc.

Finalement, ils feront confiance, sans savoir ni comprendre ce qui va se passer.

Leur chemin est toujours le nôtre : devant une décision difficile à prendre, devant une impossibilité apparente, faisons comme les apôtres, allons en parler simplement au Christ. Sans lui cacher nos débats, nos doutes, nos ébauches de solutions, mais en acceptant qu’il ait le dernier mot, en lui faisant confiance. Au lieu de nous débarrasser trop rapidement du problème, demandons-lui comment le régler, ce qu’il attend de nous pour cela. Et agissons en conséquence sans maîtriser le comment et le pourquoi…

 

3. Pas d’auto-limitation !

La plupart du temps, nous intériorisons tellement nos limites que nous n’osons plus rêver au-delà de ce qui est immédiatement possible.

Donnez-leur vous-mêmes à manger dans Communauté spirituelle barrieres-mobiles-de-securite-16552Nous devons certes évaluer nos ressources : cinq pains et deux poissons. Mais ne nous limitons pas trop vite à partir de là ! Si l’évaluation semble montrer que la solution est hors de portée, n’en concluons pas que c’est impossible.

Comptons sur  Dieu et pas sur nos seules forces.

« Ils ne savaient pas que c’était impossible. Alors ils l’ont fait » (Mark Twain).

La vie des entreprises, des associations est remplie de ces histoires extraordinaires où des gens ordinaires ont relevé des défis insurmontables. Ils y sont arrivés parce qu’ils ne se sont pas limités à l’inventaire des cinq pains et deux  poissons, mais parce qu’ils ont fait confiance à l’effet multiplicateur de leur action.

 

4. Une implication maximum

Le paradoxe de la multiplication des pains, c’est que le Christ fait tout, mais ne veut rien faire sans passer par ses disciples (et pas seulement les Douze). « Tout faire comme si cela ne dépendait que de moi, mais tout attendre de Dieu seul » disait saint Ignace de Loyola.

Impossible de prier le Christ de nourrir les foules aujourd’hui sans nous impliquer un maximum dans cette prière !

C’est la grandeur de l’activité économique que de participer ainsi à la multiplication des richesses pour qu’elle soit effectivement distribuée à tous ceux qui ont faim. C’est l’honneur de la philosophie et de la culture en général que de participer à l’enseignement sur le royaume de Dieu, sur la quête la plus fondamentale de l’être humain. C’est le devoir des parents, des voisins, des bénévoles et autres donateurs que de ne pas fuir leurs responsabilités dans l’apport de nourriture en tout genre à leurs enfants, leurs proches, leurs concitoyens en détresse.

Le Christ n’a pas méprisé les cinq pains et les deux poissons. De même il accueille nos humbles ressources que nous désirons mettre à sa disposition.

Il a voulu passer par les mains des disciples pour nourrir la foule. Il veut encore utiliser le peu que nous pouvons lui apporter pour accomplir de grandes choses avec ces presque rien.

Si l’implication de chacun et maximum, alors l’efficacité du geste du Christ sera démultipliée à l’infini : « donnez-leur vous-mêmes à manger ».

 

Lorsqu’arrivera le mur d’un défi impossible à relever, relisez les récits évangéliques de la multiplication des pains: ils nous apprennent à décider autrement, pour ne pas fuir nos responsabilités, pour que notre action soit habitée par un Autre, à sa manière à Lui.

 

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* Le terme italien « pietosa » se traduit en français aussi bien par « pitoyable » que par « compatissante ». Et personne ne savait dans l’immédiat ce que le pape argentin, qui a appris l’italien avec sa grand-mère piémontaise, entendait exactement par le terme employé.

 

 

1ère lecture : Melkisédek offre à Dieu le pain et le vin (Gn 14, 18-20)

Lecture du livre de la Genèse

Comme Abraham revenait d’une expédition victorieuse contre quatre rois, Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu très-haut.
Il prononça cette bénédiction :« Béni soit Abram par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. »
Et Abram lui fit hommage du dixième de tout ce qu’il avait pris.

Psaume : Ps 109, 1, 2, 3, 4

R/ Tu es prêtre à jamais, Christ et Seigneur !

Oracle du Seigneur à mon seigneur :
« Siège à ma droite,
et je ferai de tes ennemis le marchepied de ton trône. » 

De Sion, le Seigneur te présente
le sceptre de ta force :
« Domine jusqu’au c?ur de l’ennemi. »

Le jour où paraît ta puissance,
tu es prince, éblouissant de sainteté :
« Comme la rosée qui naît de l’aurore, je t’ai engendré. »

Le Seigneur l’a juré dans un serment irrévocable :
« Tu es prêtre à jamais
selon l’ordre du roi Melkisédek. »

2ème lecture : Institution de l’Eucharistie (1Co 11, 23-26)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, moi, Paul, je vous ai transmis ce que j’ai reçu de la tradition qui vient du Seigneur : la nuit même où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. »
Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. »

Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Evangile : Le Christ nourrit son peuple (Lc 9, 11b-17)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es le pain vivant venu du ciel, Seigneur Jésus. Qui mange de ce pain vivra pour toujours. Alléluia. (cf. Jn 6, 51-52)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus parlait du règne de Dieu à la foule, et il guérissait ceux qui en avaient besoin.
Le jour commençait à baisser. Les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule, ils pourront aller dans les villages et les fermes des environs pour y loger et trouver de quoi manger : ici nous sommes dans un endroit désert. » Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons… à moins d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce monde. » Il y avait bien cinq mille hommes.
Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante. » Ils obéirent et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il les bénit, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils distribuent à tout le monde. Tous mangèrent à leur faim, et l’on ramassa les morceaux qui restaient : cela remplit douze paniers.  Patrick Braud