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22 décembre 2012

Noël : croyance dure ou croyance molle ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Noël : croyance dure ou croyance molle ?

Homélie pour la nuit de Noël 2012

L’éditorial du mensuel Philosophie Magazine de décembre 2012 résonne comme un avertissement au milieu de ce mois consacré à la préparation de Noël.

Alexandre Lacroix, rédacteur en chef, s’y étonne à juste titre de ce que certains chrétiens aujourd’hui osent croire à des perspectives aussi radicales que la vie au-delà de la mort, le jugement dernier ou la résurrection:

 » C’est peu dire que nous vivons une époque de croyances molles. Par stratégie, par lassitude, par manque de ferveur parfois, les croyants tendent à revoir au rabais les dogmes, à polir les angles de leurs articles de foi. Ils s’en remettent ainsi à des positions vagues et consensuelles avec lesquelles l’athée, à moins d’avoir grandi dans la marmite chaude bouillante de l’anticléricalisme d’il y a un siècle, ne peut que tomber d’accord : « notre existence sur cette planète cache un mystère »; « la science n’explique pas tout »; « l’amour est impossible si l’on ne croit pas en quelque chose qui nous dépasse » Telles sont aujourd’hui les positions soft, les phrases passe-partout de ce bréviaire mou. On en oublie presque qu’il y a, dans la foi authentique, un scandale pour la raison, et dans l’idée de Dieu elle-même, un principe d’excès faisant éclater toutes les catégories de la logique ordinaire.

Personnellement, je suis toujours très sensible à ces rares moments où l’on entend le témoignage des croyances dures. Je ne pense pas, ici, aux manifestations inquiétantes du fanatisme, mais à des échappées sincères, qui signalent une adhésion libre autant qu’intime à une idée surnaturelle. Par exemple, il y a un an, j’étais en train de dîner avec un philosophe tout ce qu’il y a de plus sain d’esprit, lorsqu’il s’est écrié, au milieu d’un plat: « Tout de même, il faut essayer de s’imaginer la résurrection des corps. Quel spectacle ce sera !
Comment ça, tu y crois vraiment??

Mais bien sûr. Sans cela, je ne vois pas l’intérêt d’être chrétien. »

Dans le même genre, mais sur un ton plus macabre, je parlais il y a quelques années avec un religieux qui glissa dans la conversation, dans une sorte de soupir : « Quand même, j’ai hâte que tout cela soit fini, dépassé » Et il balaya d’un grand revers de la manche le jardin, les bâtiments, les promeneurs qui nous entouraient.? Comment ça va ??? Bah, a-t-il ajouté, parfois je suis impatient qu’on soit dans l’autre monde. Ceci n’est qu’un brouillon pénible, non ?? »

Dernier souvenir, un ami d’une cinquantaine d’années m’a dit, un soir : « Dieu, je ne sais pas ce que c’est. Mais je crois au Jugement dernier. » Aussi invraisemblable que cela pût paraître, il avait la conviction, pas du tout feinte – même s’il m’en a fait la confidence après quelques verres de vin – que, juste après le trépas, chacun de nous comparaîtrait devant un tribunal où il devrait répondre de ses moindres actions et pensées. Lui-même tentait de régler sa conduite selon cette perspective.

En fait, en tant qu’athée, je crois que j’aime mieux rencontrer la croyance dure que molle. Parce que la croyance molle est un coussin qu’on se met sous la tête pour mieux dormir. La croyance dure, elle, ose un saut hors du monde. Elle a quelque chose de stupéfiant, d’injustifiable et, par là même, de courageux. Comment ? nous vivons à la même époque, nous avons à peu près les mêmes connaissances générales en cosmologie, en médecine, en théorie de l’évolution, que sais-je ?? et pourtant, certains croient encore à la résurrection, à la félicité éternelle ou au Jugement dernier ?? Voilà qui est encore plus mystérieux, en un sens, que l’idée de Dieu elle-même.  »

En tant qu’athée, il exprime clairement sa préférence pour les croyants qui font ainsi « un saut hors du monde », au lieu de se cantonner à des consensus mous.

Appliquez cela à Noël, et vous aurez sans doute moins envie de sacrifier aux rites habituels qui entourent cette fête.

 

Noël façon croyance molle

Selon cette ligne de force, majoritaire et socialement bien installée, Noël est par exemple la fête des enfants. Les familles prennent prétexte du bébé de la crèche pour tout organiser autour des enfants, depuis les cadeaux jusqu’au Père Noël, quitte à le faire deux fois lorsque les parents sont séparés. Nulle célébration d’une espérance à venir dans ce déferlement d’argent pour les petits ! C’est bien plutôt une immense nostalgie de l’enfance qui saisit tout d’un coup la société, conférant au passage aux célibataires et aux autres adultes sans enfants le statut d’handicapés un peu marginaux.

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Une autre croyance molle au sujet de Noël est de le noyer dans ce qu’il est convenu d’appeler les fêtes de fin d’année. Sans doute une vieille reviviscence du solstice d’hiver, et de cette vague intuition cosmique que la lumière finira par gagner sur les ténèbres. Les deux réveillons du 24 et du 31 décembre permettent de rassembler autour du concept flou de fin d’année : le premier traditionnellement consacré à la famille, le second aux amis (ou à des mondanités du style rallye versaillais, night-club alcoolisé ou repas très chic).

Noël couplé aux 31 décembre devient alors la fête des excès culinaires, nourriture et boisson mêlées, comme pour trouver le courage de reprendre une vie sans excès après…

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Il existe bien d’autres façons d’énerver Noël de sa veine radicale : la fête des lumières, la fête de l’espérance, la fête de la générosité (façon Restos du coeur ou Téléthon) etc.

À chaque fois, c’est comme si on dépeçait l’événement de la Nativité du Christ pour n’en garder que ce qui est « commercialisable » dans les mentalités actuelles. Toute référence au transcendant sera soigneusement évitée pour ne choquer personne. La messe de minuit par exemple sera célébrée à 18 heures pour ne pas perturber le reste de la famille qui n’y va pas. Et on s’abstiendra soigneusement de faire référence à autre chose qu’à la joie d’être ensemble (ce qui n’est déjà pas si mal).

 

Noël façon croyance dure

Alexandre Lacroix devrait pouvoir rencontrer des chrétiens lui disant : « à Noël, l’éternité est entrée dans le temps. Dieu a pleinement habité un être de chair. Je crois que Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu (cf. saint Irénée de Lyon) et que depuis Noël la justice de Dieu est à l’oeuvre (« il renverse les  puissants de leur trône, il élève des humbles »). »

C’est le genre de conviction qui tranche, et qui ne s’aligne pas sur la majorité mais sur une certaine conception de la vérité ; pas sur le consensus mais sur des paroles ou des actes prophétiques.

Cette ligne plaît visiblement à saint Jean qui fait dire au Christ dans son Apocalypse :

« Je connais ta conduite: tu n’es ni froid ni chaud. Que n’es-tu l’un ou l’autre ! Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. » (Ap 3,15-16)

Selon cette ligne « dure », fêter Noël ne passe pas par les réveillons, ni par l’exaltation de l’enfance, ni par la ruée commerciale, ni même par l’invitation à une vague générosité.

Un Noël façon croyance dure serait plutôt :

- participer à une messe de la nuit, et rejoindre ensuite un foyer de SDF, de personnes âgées ou de malades mentaux qui seraient seuls autrement.

- rester volontairement sobre dans le choix des cadeaux et de la nourriture

- rechercher la solitude des abbayes

- proclamer la folle nouvelle de l’Incarnation divine à qui veut l’entendre.

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Déjà, notre France multiculturelle, beaucoup de nos concitoyens fêtent Noël autrement :

- des musulmans et des athées refusent de se plier aux coutumes d’origine chrétienne, et encore davantage aux coutumes païennes (le Père Noël, les réveillons).

- des esseulés, des séparés, des oubliés se mettent en apnée sociale, pour ne  réapparaître qu’après ces festivités obligatoires en mode famille impératif.

 

Autre conséquence de l’amollissement des croyances des uns et du durcissement des autres : pourquoi continuer à imposer à toute la population des jours fériés qui sont spécifiquement chrétiens ?

Ainsi l’ANDRH (Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines) a évoqué l’idée en Juin dernier que trois jours fériés annuels (la Pentecôte, l’Ascension, et l’Assomption) pourraient devenir des jours banalisés, pour que les salariés désirant célébrer des fêtes non chrétiennes puissent les prendre à d’autres moments de l’année. Cette idée, avancée en présence du ministre du travail Michel Sapin, vise avant tous les travailleurs musulmans, qui en entreprise demandent de plus en plus à pouvoir s’absenter pour fêter l’Aïd El Kébir, l’Aïd El Fitr ou autres fêtes musulmanes.

Viendra le temps où Noël, même vidé de sa substance chrétienne, ne fera plus l’unanimité dans une société multiconfessionnelle où les chrétiens ne représentent déjà plus que 6 % de la population (nombre de pratiquants réguliers, sondage du journal La Croix du 11/10/2012 ; 6 % seulement des enfants se font confirmer alors que 35 % des enfants d’une classe d’âge sont baptisés).

Il faudra alors avoir la foi chevillée au corps, comme dans l’empire soviétique autrefois, en Chine ou dans les pays musulmans aujourd’hui, pour oser célébrer Noël en vérité.

Et pourquoi pas ?

Alors, pourquoi ne pas inventer de nouvelles et radicales Nativités, remplies de convictions fortes et de comportements différents ?

Allez-vous fêter Noël façon croyance molle ou croyance dure ?

 

 

Messe de la nuit

1ère lecture : Le prince de la paix (Is 9, 1-6)

Lecture du livre d’Isaïe

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus.
Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane.
Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous leurs manteaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés.
Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : « Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ».
Ainsi le pouvoir s’étendra, la paix sera sans fin pour David et pour son royaume. Il sera solidement établi sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers.

Psaume : 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a.c

R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né :
c’est le Christ, le Seigneur.

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
pour gouverner le monde avec justice.

2ème lecture : La grâce de Dieu s’est manifestée (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre à Tite

La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes.
C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnable, justes et religieux,
et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur.
Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien

Evangile : Naissance de Jésus (Lc 2, 1-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Je vous annonce une grande joie. Aujourd’hui nous est né un Sauveur : c’est le Messie, le Seigneur !Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre ? ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. ?
Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David.
Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter.
Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux.
L’ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte,
mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple :
Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur.
Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »
Patrick Braud

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