L'homélie du dimanche (prochain)

28 juillet 2012

Multiplication des pains : une catéchèse d’ivoire

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Multiplication des pains :

une catéchèse d’ivoire

 

Dimanche 01/07/2012   Année B
17° Dimanche ordinaire

 

Une fois n’est pas coutume, laissons parler un artiste vieux de 1100 ans nous parler de ce passage sur la multiplication des pains. Suivons le beau commentaire (dans la revue Magnificat du mois de Juin 2012) que fait le sculpteur Fleur Nabert-Valjavec d’une plaque d’ivoire exposée au Louvre, consacrée à cette scène évangélique.

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Plaque de La multiplication des pains et des poissons (968),
ivoire, musée du Louvre, Paris, France.

 

La silhouette de pierres sombres de la cathédrale de Magdebourg émerge silencieusement des fri­mas de l’automne. À l’intérieur règne une grande agitation. L’empereur Otton ler a fait porter un présent pour célébrer l’instal­lation de l’archevêque le lende­main, 18 octobre 968. Otton est le fils d’Henri l’oiseleur, il est roi de Germanie, empereur des Romains et fondateur de ce que nous connais­sons sous le nom de Saint-Empire romain germanique. Homme de foi et de pouvoir, il a fait lui-même bâtir cette église, quelques trente et une années auparavant. Pour étendre le christianisme à l’Est, il vient d’ordonner l’érection de Magdebourg en archidiocèse. Et pour marquer l’importance spirituelle du moment, il a commandé à des maîtres ivoi­riers un ensemble de seize plaques ouvragées narrant des épisodes de l’Évangile.

Une de celles qui a traversé le temps depuis le Xe siècle est conservée au musée du Louvre. Elle représente le miracle de la multiplication des pains. On ne sait pas de quel objet elle était l’ornement. Ce qui est certain, c’est que sa petite taille (douze centimètres par douze) ordonne une contempla­tion personnelle plus qu’une mons­tration publique.

Dans le cadre d’ivoire aux perce­ments encore visibles, la scène est parfaitement circonscrite. Le Moyen Âge a le sens de la clôture, aussi bien picturale que monastique. L’artiste se sert de cette ligne de pourtour pour souligner à quel point la foule se presse jusqu’aux bords de l’image. Les têtes sont serrées les unes contre les autres. Les cheveux, ouvragés en lignes et en nattes carrées, forment une sorte de damier. Outre cette mise en scène très structurée, on discerne aussi des postures plus surprenantes comme celle des deux personnages de part et d’autre du bord inférieur, dont la tête apparaît presque au ras du sol, et qui semblent accroupis sous le poids de la foule. On note aussi la tête qui se glisse sous la manche du personnage qui tient les anses du panier ; ou encore les deux têtes comprimées sur le bois du fauteuil central. Tout cela est des­tiné à dire la multitude : la scène est comble.

 

Autre effet de masse, les personnages qui sont en bas sont de plus petite taille. S’agit-il des enfants que l’Évangile renonce à dénombrer (Mt 14,21) ? ou est-ce l’art de l’ivoirier qui donne l’impression que la foule compacte bascule vers nous ? Cet effet met, en tous les cas, le person­nage central puissamment en valeur. Le Christ est assis en majesté. Ses gigantesques mains sont étendues au-dessus du miracle qu’il est en train d’accomplir. La seule respira­tion spatiale et esthétique vient de la Croix qui rayonne derrière lui. C’est l’espace divin au-dessus de la masse des hommes. Sous son ombre, les paniers d’osier se multiplient.

 

Cette scène est décrite par les quatre évangélistes, et deux fois par Matthieu et Marc, soit six fois au total. L’ivoirier a visiblement pri­vilégié les versions de ces derniers : d’abord parce que des sept poissons ini­tiaux resteront sept cor­beilles (les autres Évangiles évoquent le chiffre douze). Les sept paniers se vident ainsi devant nos yeux sans jamais se tarir. Ensuite Matthieu et Marc précisent qu’après la bénédiction, le Christ donne aux disciples, qui eux-mêmes donnent le pain béni aux hommes (Mt 14,19 et 15,36, Mc 6,41 et 8,6). L’ivoirier place habile­ment, dans l’axe du Christ, un personnage qui regarde le spectateur de face. Les bras étendus comme ceux de la croix, l’Apôtre semble prolonger activement le geste de bénédiction du Christ, tandis que ce dernier est plongé dans l’oraison.

 

Un des talents du maître ivoirier, outre le fait d’avoir sculpté quarante-six personnages dans une plaque de la taille d’une main, est son admirable sens du temps.

D’abord parce qu’il a su rendre la syn­chronie de cette scène en une seule image : ainsi, le Christ bénit, les pains sont déjà donnés, les poissons le seront bientôt, les regards sont affolés, affamés mais déjà aussi rassurés et comblés. Ensuite, parce qu’il arrive à emmener l’imagination spirituelle plus loin que cette scène, vers la Cène, le banquet pascal, où le Christ instituera l’eucha­ristie par le même geste. Et, plus loin encore, il suggère le banquet céleste où le Christ trônera, apaisant définitivement toute faim. Enfin, par-delà le temps, son ouvrage n’a pas cessé de dire le mys­tère de la Foi, car aujourd’hui toujours, sous le regard du ressuscité, les prêtres continuent à distribuer le pain de la vie comme le disciple. Et ce ne sont plus quarante-cinq hommes, mais un milliard qui vivent de la bénédiction descendue des mains immenses du Christ.

 

Fleur Nabert-Valjavec

Sculpteur. Réalise également du mobilier liturgique. Écrit sur l’art dans plusieurs revues dont MAGNIFICAT.

 

1ère lecture : Multiplication des pains par Élisée (2R 4, 42-44)

Lecture du second livre des Rois

Il y avait alors une famine dans le pays. Sur la récolte nouvelle, quelqu’un offrit à Élisée, l’homme de Dieu, vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac. Élisée dit alors : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent. » Son serviteur répondit : « Comment donner cela à cent personnes ? » Élisée reprit : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : On mangera, et il en restera. » Alors, il les servit, ils mangèrent, et il en resta, selon la parole du Seigneur.

Psaume : 144, 10-11, 15-16, 17-18

R/ Tu ouvres la main : nous voici rassasiés

Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits. 

Les yeux sur toi, tous, ils espèrent :
tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;
tu ouvres ta main :
tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Il est proche de ceux qui l’invoquent,
de tous ceux qui l’invoquent en vérité.

2ème lecture : Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême (Ep 4, 1-6)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous encourage à suivre fidèlement l’appel que vous avez reçu de Dieu : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez à c?ur de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n’y a qu’un seul Corps et un seul Esprit. Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne au-dessus de tous, par tous, et en tous.

 


Evangile : La multiplication des pains (Jn 6, 1-15)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Un grand prophète s’est levé parmi nous : Dieu a visité son peuple. Alléluia. (Lc 7, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus été passé de l’autre côté du lac de Tibériade (appelé aussi mer de Galilée).
Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait en guérissant les malades.
Jésus gagna la montagne, et là, il s’assit avec ses disciples. C’était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs.
Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car lui-même savait bien ce qu’il allait faire.
Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain. »
Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
« Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »
Jésus dit : « Faites-les asseoir. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.
Alors Jésus prit les pains, et, après avoir rendu grâce, les leur distribua ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient.
Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu. »
Ils les ramassèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux qui restaient des cinq pains d’orge après le repas.

À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. »
Mais Jésus savait qu’ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne.
Patrick Braud

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