Impossibilités et raretés eucharistiques
Impossibilités et raretés eucharistiques
Homélie pour la fête du Corps et du Sang du Christ
10/06/2012
Quelle est l’importance de l’eucharistie pour chacun de nous ?
Cette fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ – la Fête-Dieu - est le bon moment pour se poser ce genre de questions : si je communie, qu’est-ce que cela irrigue dans le reste de ma vie ? Si je ne communie pas, ou puis-je trouver ma nourriture intérieure pour assumer la semaine à venir ?
La question de la communion eucharistique est devenue très douloureuse en Occident. Pour au moins deux raisons : la présence massive de divorcés remariés dans nos assemblées, la raréfaction du nombre de prêtres.
Les questions venant de divorcés remariés
Dans nos assemblées, beaucoup ne peuvent pas (et ne doivent pas au regard de la loi actuelle de l’Église catholique) communier physiquement même s’ils sont régulièrement à la messe. Or il y a tant de personnes mariées religieusement et divorcées civilement en France (presque un mariage sur deux) que dans nos assemblées, soit elles se sentent rejetées, soit elles font « comme si », quitte à tomber dans un « pas vu pas pris » qui est infantilisant pour tout le monde. C’est une telle souffrance que cela en devient un fossé, une source d’amertume et d’incompréhension.
Il faut cependant rappeler que la première souffrance est celle du divorce lui-même. Et non seulement les mariés qui se séparent souffrent (avant, ou pendant, ou après ou les trois…) mais l’Église également souffre, car comment peut-elle parler d’un Dieu d’amour si ses membres en pratique disent que l’amour n’est qu’un CDD, révocable quand le coeur ne bat plus pour l’autre ?
On n’évoque pas souvent cette souffrance ecclésiale liée au divorce de ses membres. Pourtant, comme dans une famille où on est déchiré par le déchirement de ses proches, nos assemblées sont marquées et meurtries par ces séparations. Et répétons-le, leur témoignage s’en trouve extraordinairement affaibli.
Reste que le divorce arrive si fréquemment qu’on ne peut pas se draper dans une attitude pharisienne en se contentant de répéter : « la loi c’est la loi : pas de communion pour les divorcés remariés », sans rien faire d’autre.
Plus de 300 prêtres autrichiens en 2011 avaient osé mettre en débat public cette question (avec d’autres sujets de réforme). Mais le titre de leur « appel à la désobéissance » était d’emblée une mauvaise réponse : la désobéissance n’est féconde que si elle s’accompagne d’un intense travail d’argumentation, et donc de dialogues contradictoires qui demandent du temps, de l’humilité, et beaucoup de respect fraternel. Faire évoluer la loi est plus difficile que de la contourner parce qu’elle gêne. Par contre, lorsque la loi ne peut manifestement plus être observée par la grande majorité du peuple, alors il faut se poser de bonnes questions…
Paradoxalement, les divorcés remariés nous redisent l’importance de l’eucharistie : s’ils souffrent de ne pouvoir communier physiquement au corps et au sang du Christ, c’est parce que cela a une grande importance pour eux. Sinon ils s’en passeraient volontiers, sans faire de problèmes. Tout ceux qui restent à leur place dans l’assemblée alors que les autres se lèvent pour la procession de communion sont de vivants rappels : ne vous habituez jamais à ce geste si impressionnant !
La rareté eucharistique
La deuxième raison pour laquelle la question de la communion est devenue douloureuse en Occident est la raréfaction du nombre de prêtres. Dans le monde rural, il faut maintenant consulter un planning digne d’un horaire SNCF pour trouver une messe quelque part. Et en plus il faut faire des kilomètres en voiture pour aller rejoindre une assemblée où le prêtre comme les participants sont plutôt du troisième âge.
Dans les centres urbains, c’est plus facile. Et on a le choix du style de liturgie et d’assemblée qu’on désire rejoindre (avec le piège de se choisir son Église au lieu d’accepter de faire Église avec ceux qu’on n’a pas choisi). La raréfaction des célébrations eucharistiques régulières en France rejoint la faim eucharistique de bien des paroisses en Afrique ou en Amérique latine, qui ne peuvent avoir la messe qu’une fois par mois (ou par an !) à cause du manque de prêtres.
Est-il juste de priver les fidèles de pain eucharistique avec comme seul argument le manque des ministres ordonnés ? Ne faudrait-il pas renverser la logique, et ordonner des ministres en fonction des besoins des communautés chrétiennes ? Le livre des Actes des Apôtres donne maints exemples de situations ou des apôtres, Pierre et Paul en tête, imposent les mains à des membres d’une Église locale pour que celle-ci puisse vivre et se nourrir du corps et du sang du Christ après le départ des apôtres. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mt 14,16) avait dit Jésus?
Les divorcés remariés et la raréfaction des célébrations eucharistiques reposent de graves questions à notre Église : sommes-nous vraiment persuadés que l’eucharistie est « la source et le sommet de la vie chrétienne » (LG 11) et « la source et le sommet de toute évangélisation » (PO 5) selon les mots du concile Vatican II (cf. également SC 10) ?
En tirons-nous vraiment toutes les conséquences, pour nous-mêmes personnellement comme pour notre Église ?
1ère lecture : Conclusion solennelle de la première Alliance (Ex 24, 3-8)
Lecture du livre de l’Exode
En descendant du Sinaï, Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et tous ses commandements. Le peuple répondit d’une seule voix : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique. »
Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur ; le lendemain matin, il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d’Israël. Puis il chargea quelques jeunes Israélites d’offrir des holocaustes, et d’immoler au Seigneur de jeunes taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des bassins ; puis il aspergea l’autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. »
Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : « Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »
Psaume : 115, 12-13, 15-16ac, 17-18
R/ Nous partageons la coupe du salut en invoquant le nom du Seigneur.
Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.
2ème lecture : Le Christ nous purifie par son propre sang (He 9, 11-15)
Lecture de la lettre aux Hébreux
Le Christ est le grand prêtre du bonheur qui vient. La tente de son corps est plus grande et plus parfaite que celle de l’ancienne Alliance ; elle n’a pas été construite par l’homme, et n’appartient donc pas à ce monde.
C’est par elle qu’il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du ciel en répandant, non pas le sang des animaux, mais son propre sang : il a obtenu ainsi une libération définitive.
S’il est vrai qu’une simple aspersion avec du sang d’animal, ou avec de l’eau sacrée, rendait à ceux qui s’étaient souillés une pureté extérieure pour qu’ils puissent célébrer le culte, le sang du Christ, lui, fait bien davantage : poussé par l’Esprit éternel, Jésus s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache ; et son sang purifiera notre conscience des actes qui mènent à la mort pour que nous puissions célébrer le culte du Dieu vivant.
Voilà pourquoi il est le médiateur d’une Alliance nouvelle, d’un Testament nouveau : puisqu’il est mort pour le rachat des fautes commises sous le premier Testament, ceux qui sont appelés peuvent recevoir l’héritage éternel déjà promis.
Evangile : L’institution de l’Eucharistie, sacrement de la nouvelle Alliance (Mc 14, 12-16.22-26)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es le pain vivant venu du ciel, Seigneur Jésus. Qui mange de ce pain vivra pour toujours. Alléluia. (cf. Jn 6, 51-52)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? »
Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque.
Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous.
Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude.
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Patrick Braud