Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Homélie du Dimanche des Rameaux 01/04/2012
Comme souvent, c’est le psaume qui contient la clé d’interprétation des trois autres lectures. Le psaume 21(22) de notre liturgie des rameaux commence par cet immense cri :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
Ce cri de déréliction, Jésus l’a appris enfant pendant ses années tranquilles à Nazareth, sans en deviner toute la portée pour lui-même. Il l’a appris par coeur, par le coeur, en sachant bien qu’un jour cela servirait, Dieu seul sait comment et quand. Et ce cri est trop immense pour ne pas l’avoir impressionné. Aussi, quand il termine lamentablement pendu sur le bois de la croix, les mots appris enfant sous le toit de la synagogue de Nazareth reviennent sur ses lèvres d’adulte : « mon Dieu mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Marc et Matthieu, absents de la scène, l’auront ensuite recueilli – non sans effroi – de la bouche de Marie ou de Jean, qui – lui – en a été tellement effrayé qu’il n’ose pas le citer dans son récit de la Passion.
Il faut laisser à ce cri son immensité de solitude, de désespoir, d’abandon. Lui, le fils à nul autre pareil, fait l’expérience de la séparation d’avec son Père avec qui pourtant il ne fait qu’un.
Les commentateurs essaient d’adoucir ce cri et de le rendre plus léger en rappelant que le psaume 21 se termine par une hymne de victoire et de confiance en Dieu. Nul doute que Jésus connaissait bien la fin du psaume. Mais au moment où il crie son abandon, il ne triche pas. Il n’en est pas déjà à la fin. Il sait que cet horizon existe, et il y puise peut-être la force de crier. Sa détresse n’en est pas moins plus grande que la plus grande de nos détresses. Sur la croix, il est identifié aux derniers des derniers. Il subit le supplice des humiliores, des esclaves, qu’on méprise trop pour leur accorder la décapitation (comme pour Paul par exemple) ou la lapidation (comme pour Étienne).
« Maudit soit qui pend au gibet de la croix » ( Dt 21,23 ; Ga 3,13) : à cause de cette malédiction rituelle du Deutéronome qui s’attache à ce supplice, Jésus élevé de terre est rabaissé en dessous de toute dignité, il est jeté hors de sa condition juive. Là, il fait l’expérience la plus déchirante qui soit : devenir un sans-Dieu, lui qui en est l’intime ; devenir un maudit de Dieu, lui qui en est la sainteté même ; être tourné en dérision par l’occupant, insulté par les autres criminels, être tenté par ses frères de sang d’abandonner son Père (« sauve-toi toi-même », c’est-à-dire ne soit plus le fils, sois à toi-même ta propre source).
Cette expérience d’abandon, de déréliction ultime, est inimaginable pour nous, même à travers nos pires cauchemars.
Chacun des mots du psaume 21 parle de cet abandon extrême : « je suis un ver non pas un homme », « raillé, méprisé, on se détourne de moi »… « Mon coeur se liquéfie comme la cire »
Pourquoi Jésus est-il conduit à cet abandon extrême ? Pourquoi son Père l’a-t-il laissé être séparé de lui à ce point ?
Il faut revenir au but essentiel de la mission du Christ : « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10). Le but commun du Père et du Fils est allé « repêcher » ceux qui s’éloignaient, et même d’aller donner vie à ceux qui gisaient dans l’ombre de la mort. Pour cela, pas d’autre chemin que d’aller les rejoindre physiquement, humainement, spirituellement. Faire corps avec eux pour ensuite pouvoir les faire remonter à la surface, agrippés au Christ, lui élevé par son Père à sa droite, au plus haut.
Mais faire corps avec les damnés de la terre pour les relever implique de devenir soi-même l’un des leurs.
Pour que plus jamais un être humain ne se croit maudit à jamais, Jésus a été traité ainsi.
Pour que plus jamais les humiliés et méprisés ne soient rayés de la carte, Jésus a été insulté, moqué, on lui a craché dessus et on l’a traité comme un sous-homme.
Pour que plus jamais la solitude n’ait le dernier mot, Jésus a été affreusement seul.
Sur la croix, Dieu est loin de Dieu, cette déchirure le disloque jusqu’au plus intime de son être. S’il fait l’expérience de l’abandon extrême, c’est pour aller jusqu’au bout de sa volonté commune avec son Père : aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus.
Il ne fait donc pas semblant lorsqu’il crie son angoisse et son incompréhension.
Les psaumes lui fournissent ces mots qu’on ne trouve plus lorsqu’on souffre trop.
La Passion du Christ devient ainsi l’antidote le plus violent contre les abandons qui nous désunissent.
Puisqu’il a connu la déréliction à nulle autre pareille, puisqu’il a été réellement abandonné de Dieu, tous ceux qui sont exclus par les hommes où se croient rejetés par Dieu peuvent se tourner vers Jésus comme l’un des leurs. Il a été broyé comme eux, et par là même il a vaincu cette malédiction pour eux.
Qui sont ces abandonnés pour lesquels Jésus a été humilié ?
Il suffit hélas d’ouvrir les yeux sur ceux que l’on ne voit plus ; ou sur nos propres abandons que nous voulons plus regarder en face. Les formes allongées sur nos trottoirs, les conjoints que l’on quitte, les enfants que personne ne déclare, les gens dont la vie bascule sur un licenciement, une maladie, une catastrophe : impossible de faire une liste exhaustive, car c’est d’abord pour chacun de nous que le Christ est mort, chacun de nous connaissant d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, plus ou moins intensément, ces abandons qui ont fait crier de douleur le crucifié.
Ne souhaitons à personne de faire l’expérience de cette déréliction.
Mais si elle arrive, tournons-nous vers celui qui s’y est exposé, jusqu’à l’extrême, pour qu’elle n’ait plus sur nous aucune victoire.
Entrée messianique du Seigneur à Jérusalem : (Mc 11, 1-10)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples approchent de Jérusalem, de Bethphagé et de Béthanie, près du mont des Oliviers. Jésus envoie deux de ses disciples :
« Allez au village qui est en face de vous. Dès l’entrée, vous y trouverez un petit âne attaché, que personne n’a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous demande : ‘Que faites-vous là ?’ répondez : ‘Le Seigneur en a besoin : il vous le renverra aussitôt.’ »
Ils partent, trouvent un petit âne attaché près d’une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachent. Des gens qui se trouvaient là leur demandaient : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? » Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire.
Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux, et Jésus s’assoit dessus.
Alors, beaucoup de gens étendirent sur le chemin leurs manteaux, d’autres, des feuillages coupés dans la campagne.
Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni le Règne qui vient, celui de notre père David. Hosanna au plus haut des cieux ! »
1ère lecture : Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances (Is 50, 4-7)
Lecture du livre d’Isaïe
Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
Psaume : 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a
R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »
Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.
Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !
Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.
2ème lecture : Abaissement et glorification de Jésus (Ph 2, 6-11)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens
Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.
Evangile : La Passion (brève : 15,1-39) (Mc 14, 1-72; 15, 1-47)
Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.
Pour nous, le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort, et la mort sur une croix.
Voilà pourquoi Dieu l’a élevé souverainement et lui a donné le Nom qui est dessus de tout nom.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (Ph 2, 8-9)
La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Marc
La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu dans deux jours. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient le moyen d’arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient : « Pas en pleine fête, pour éviter une émeute dans le peuple. »
Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête. Or, quelques-uns s’indignaient : « À quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent et en faire don aux pauvres. » Et ils la critiquaient.
Mais Jésus leur dit : « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? C’est une action charitable qu’elle a faite envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous voudrez, vous pourrez les secourir ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait faire. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : Partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. »
Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les chefs des prêtres pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Dès lors Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. » Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l’un après l’autre : « Serait-ce moi ? » Il leur répondit : « C’est l’un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né. »
Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit : « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Pierre lui dit alors : « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. »
Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Mais lui reprenait de plus belle : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous disaient de même.
Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : « Restez ici ; moi, je vais prier. »
Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : « Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez. »
S’écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : « Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »
Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
Il retourna prier, en répétant les mêmes paroles. Quand il revint près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis. Et ils ne savaient que lui dire.
Une troisième fois, il revient et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. »
Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva avec une bande armée d’épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres, les scribes et les anciens. Or, le traître leur avait donné un signe convenu : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. » À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : « Rabbi ! » Et il l’embrassa. Les autres lui mirent la main dessus et l’arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille.
Alors Jésus leur déclara : « Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus m’arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais parmi vous dans le Temple, où j’enseignais ; et vous ne m’avez pas arrêté. Mais il faut que les Écritures s’accomplissent. »
Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous.
Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour vêtement qu’un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu.
Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les chefs des prêtres, les anciens et les scribes se rassemblent. Pierre avait suivi Jésus de loin, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis parmi les gardes, il se chauffait près du feu. Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort, et ils n’en trouvaient pas.
De fait, plusieurs portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient même pas. Quelques-uns se levaient pour porter contre lui ce faux témoignage : « Nous l’avons entendu dire : ‘Je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.’ »
Et même sur ce point, ils n’étaient pas d’accord.
Alors le grand prêtre se leva devant l’assemblée et interrogea Jésus : « Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? » Mais lui gardait le silence, et il ne répondait rien. Le grand prêtre l’interroge de nouveau : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? »
Jésus lui dit : « Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. »
Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Quel est votre avis ? » Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le rouèrent de coups, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des gifles.
Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une servante du grand prêtre. Elle le voit qui se chauffe, le dévisage et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » Pierre le nia : « Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. » Puis il sortit dans le vestibule. La servante, l’ayant vu, recommença à dire à ceux qui se trouvaient là : « En voilà un qui est des leurs ! » De nouveau, Pierre le niait. Un moment après, ceux qui étaient là lui disaient : « Sûrement tu en es ! D’ailleurs, tu es Galiléen. » Alors il se mit à jurer en appelant sur lui la malédiction : « Je ne connais pas l’homme dont vous parlez. » Et aussitôt, un coq chanta pour la seconde fois.
Alors Pierre se souvint de la parole de Jésus : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il se mit à pleurer.
Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l’emmenèrent pour le livrer à Pilate.
Celui-ci l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus répond : « C’est toi qui le dis. »
Les chefs des prêtres multipliaient contre lui les accusations.Pilate lui demandait à nouveau : « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. » Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s’en étonnait.
À chaque fête de Pâque, il relâchait un prisonnier, celui que la foule demandait. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour avoir tué un homme lors de l’émeute. La foule monta donc, et se mit à demander à Pilate la grâce qu’il accordait d’habitude. Pilate leur répondit : « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
(Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les chefs des prêtres l’avaient livré.)
Ces derniers excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas. Et comme Pilate reprenait : « Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ? », ils crièrent de nouveau : « Crucifie-le ! » Pilate leur disait : « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » Mais ils crièrent encore plus fort : « Crucifie-le ! » Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.
Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du Prétoire, c’est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appellent toute la garde, ils lui mettent un manteau rouge, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des révérences : « Salut, roi des Juifs ! »
Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements.
Puis, ils l’emmenèrent pour le crucifier, et ils réquisitionnent, pour porter la croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus à l’endroit appelé Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire. Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n’en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun.
Il était neuf heures lorsqu’on le crucifia.
L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ».
Avec lui on crucifie deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête : « Hé ! toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! »
De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Messie, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix ; alors nous verrons et nous croirons. »
Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient.
Quand arriva l’heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira.
Le rideau du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s’écria : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! »
Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem.
Déjà le soir était venu ; or, comme c’était la veille du sabbat, le jour où il faut tout préparer, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus.
Pilate, s’étonnant qu’il soit déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps.
Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau.
Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l’endroit où on l’avait mis.
Patrick BRAUD