L’anti terreur nocturne
L'anti terreur nocturne
Homélie du 32° dimanche ordinaire / Année A / 6/11/2011
Terreur nocturne
Pour les parents, tout commence par un cri au milieu de la nuit.
Un cri de panique venant de la chambre d'enfant. Les yeux dans le vide, le gamin est terrifié, en larmes et fait des mouvements de terreur. Même si ses parents tentent de le rassurer, cela n'a aucun effet sur lui puisqu'il ne les reconnaît pas et continue à proférer des phrases incompréhensibles et incohérentes. L’enfant est souvent assis sur son lit, les yeux écarquillés et fixes, en mydriase. Il a l’air terrifié, hurle, et est insensible aux tentatives de ses parents pour le rassurer : il se débat, lorsqu’on tente de le toucher pour le calmer. De plus, sa respiration s'accélère, son visage devient rouge ou pâle et il est très agité. La crise dure environ 20 minutes puis l'enfant se rendort. Au matin, il ne gardera aucun souvenir des évènements de la nuit. Qui a vu un enfant tétanisé dans cette posture hypnotique en restera effrayé pour toujours.
Le cri évangélique
Dans la parabole des vierges sages et folles, il y a également un cri au milieu de la nuit. Mais justement, c’est quasiment le symétrique inverse de celui de la terreur nocturne qui réveille les parents affolés. Et la terreur nocturne peut nous permettre de comprendre, a contrario, le cri évangélique.
- Ce cri au milieu de la nuit ne provient pas de l’endormissement, mais au contraire de la veille de ceux qui persévèrent à guetter la venue de l’époux. Malgré son retard énorme – et en quelque sorte impardonnable ! – certains ne désespèrent pas de voir l'époux arriver. Ils préviennent aussitôt celles qui ont sombré dans le sommeil à cause de la longueur de l’attente (quel mufle ce mari de faire ainsi poireauter ses invités !).
- Ce cri au milieu de la nuit ne provoque pas la terreur, mais la joie.
Les yeux ne sont pas dans le vide, mais à la recherche de l’époux.
La posture n’est pas hypnotique, mais consciente et désirante.
- Ce cri au milieu de la nuit ne se résout pas par le retour au sommeil, mais par l’entrée dans la salle de noces, bien éveillées.
- Ce cri au milieu de la nuit ne se fait pas oublier. Le gamin terrorisé ne se souvient de rien au matin. Les vierges et l'époux se souviennent de tout, et personne ne pourra faire comme s’il ne s’était rien passé.
- La terreur nocturne rend l’enfant affreux, quasi possédé. Le cri au milieu de la nuit rend les lampes belles et décorées (le verbe employé en grec, cosmeo, évoque la cosmétique dont les vierges usent pour orner leurs lampes, selon le texte original). Paul Claudel notait d'ailleurs avec perplexité en marge de sa Bible précieusement conservée : « Curieuse expression ! Orner sa lampe. Que faut-il entendre par là ? »
Le cri de la parabole n’a donc rien à voir avec celui de la terreur nocturne, ni avec le célèbre tableau plein d’angoisse du cri de Munch.
C’est une joyeuse annonce qui réveille les consciences.
C’est un signal qui met en mouvement vers l’être aimé.
C’est la fin de l’attente alors qu’elle paraissait interminable.
C’est le moment de vérité qui révèle si l’huile de chacune va suffire ou non pour éclairer le trajet qui reste à parcourir.
Les cris contemporains
« Debout! Pousse un cri dans la nuit au commencement des veilles; répands ton coeur comme de l’eau devant la face de Yahvé, élève vers lui tes mains pour la vie de tes petits enfants ! » (Lm 2,19)
Quels sont les cris au milieu de la nuit qui déchirent nos assoupissements ?
Des événements terribles peuvent nous crier qu’il est temps de nous réveiller : une catastrophe naturelle (cf. l’interprétation de la chute de la tour de Siloé par Jésus en Lc 13,4-5), une épreuve imprévue (deuil, maladie, séparation)…
Les événements heureux peuvent également nous faire lever. C’est d’ailleurs le verbe de la résurrection : egeirein = se lever d’entre les morts, qui est employé dans la parabole pour évoquer l’effet du cri sur les 10 vierges. Il peut s’agir d’une naissance, d’un mariage, d’une lecture, d’une musique, d’un paysage, d’une émotion indicible…
Le cri de Marie uni à celui du nouveau-né dans la nuit de Bethléem fait partie de ces signaux. Un peu comme le schofar qui sonne l'appel au rassemblement du peuple pour une fête. Un peu comme un point d'inflexion qui marque un tournant dans l'évolution d'une trajectoire.
Le cri vient souvent de témoins à peine connus. Le cri de l’Abbé Pierre en hiver 1954 ; celui du Père Joseph Wresinski pour réclamer la dignité due aux peuples du quart-monde ; celui de Stéphane Hessel qui provoque la révolte des « indignés » etc….
L’important est de se laisser réveiller par ce cri.
Alors que la tentation est de ronronner sur sa propre quiétude, en faisant comme si notre histoire n’avait pas de fin, le cri au milieu de la nuit nous remet en état de désirer, de rencontrer, de marcher vers l’autre.
Après, bien sûr, il y a la question de la provision d’huile, et c’est un autre enjeu : celui de notre responsabilité personnelle.
Mais, si nous sommes sourds aux cris qui nous relèvent, comment aller vers l’être aimant (l'époux) ?
Figure du Christ, l’époux vient à notre rencontre dans la nuit, et nous devons faire confiance à d’autres pour l’entendre venir et le reconnaître. À travers les visages des défigurés, sous les haillons des mal- vêtus et des mal-logés, dans l’obscurité qui enveloppe toujours les exclus de nos villes ou de nos familles, l’époux vient, méconnaissable, inattendu, imprévisible.
Seul un cri au milieu de notre nuit pourra nous lancer à sa rencontre : joie intense qu’aucune terreur nocturne ne pourra nous enlever…
Patrick Braud
1ère lecture : La Sagesse vient à la rencontre de ceux qui la cherchent (Sg 6, 12-16)
Lecture du livre de la Sagesse
La Sagesse est resplendissante, elle est inaltérable .Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent.
Elle devance leurs désirs en se montrant à eux la première.
Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte.
Ne plus penser qu’à elle prouve un parfait jugement, et celui qui veille en son honneur sera bientôt délivré du souci.
Elle va et vient pour rechercher ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; chaque fois qu’ils pensent à elle, elle vient à leur rencontre.
Psaume : Ps 62, 2, 3-4, 5-6, 7-8
R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu.
Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.
Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !
Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.
Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
2ème lecture : L’espérance devant la mort (brève : 13-14) (1Th 4, 13-18)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens
Frères,
nous ne voulons pas vous laisser dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort ; il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance.
Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils.
Car, sur la parole du Seigneur, nous vous déclarons ceci : nous les vivants, nous qui sommes encore là pour attendre le retour du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis.
Au signal donné par la voix de l’archange, à l’appel de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et les morts unis au Christ ressusciteront d’abord.
Ensuite, nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur.
Retenez ce que je viens de dire, et réconfortez-vous les uns les autres.
Evangile : La venue du Fils de l’homme. « Voici l’époux, sortez à sa rencontre » (Mt 25, 1-13)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Soyez vigilants et demeurez prêts : vous ne connaissez pas l’heure où le Fils de l’homme viendra. Alléluia. (Mt 24, 42.44)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Jésus parlait à ses disciples de sa venue ; il disait cette parabole :
« Le Royaume des cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe et s’en allèrent à la rencontre de l’époux.
Cinq d’entre elles étaient insensées, et cinq étaient prévoyantes : les insensées avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leur lampe, de l’huile en réserve.
Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’
Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et préparèrent leur lampe.
Les insensées demandèrent aux prévoyantes : ‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.’
Les prévoyantes leur répondirent : ‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands.’
Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces et l’on ferma la porte.
Plus tard, les autres jeunes filles arrivent à leur tour et disent : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’
Il leur répondit : ‘Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.’
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »